L'art visuel
À contre-courant - Chaïm Soutine
Chaïm Soutine compte parmi les grands peintres de la
modernité. Ses œuvres montrent des paysages vacillants,
des cadavres d’animaux et des portraits d’individus
issus des couches sociales les plus démunies : ses
modèles étaient tour à tour groom, femme de chambre,
cuisinier et enfant de chœur.
L’exposition a vu le jour en collaboration avec la
Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen de Düsseldorf et le
Louisiana Museum of Modern Art d’Humlebæk au Danemark.
C’est donc la dernière possibilité de voir cette superbe
exposition réunissant des œuvres dispersées dans le
monde entier.
À contre-courant
Chaïm Soutine grandit dans une famille juive orthodoxe
dans une petite ville située non loin de Minsk, dans
l’actuelle Biélorussie. En 1913, alors âgé de 20 ans, il
se rend à Paris pour en faire sa deuxième patrie. Il
vivra quelque temps dans une sorte de phalanstère, La
Ruche, à Montparnasse, en compagnie de Chagall,
Brancusi, Lipchitz, entre autres. L’artiste italien
Amedeo Modigliani comptait parmi ses quelques amis
proches.
Néanmoins, il demeurera tout au long de sa vie un
marginal qui, au début, maîtrisera mal la langue
française et dont les mœurs sociales lui resteront
étrangères. L’expérience de la fuite et de la migration
qui a profondément marqué l’existence de Soutine résonne
dans ses œuvres.
En plus de visites de musées, surtout pour les œuvres de
Goya et de Courbet, il fréquente, dès qu’il le peut, des
concerts avec une prédilection pour les œuvres de Bach.
Déclarations d’amour à l’existence
Les tableaux de Soutine sont à la fois de fougueuses
explosions de couleurs et la représentation d’une
extrême vulnérabilité. Ils sont autant de déclarations
d’amour à la vie qu’aux petites gens : expérience
partagée par Soutine à travers sa propre histoire. Ses
portraits empathiques et sans complaisance de gens
simples, ses paysages puissants et débordant de
couleurs, ainsi que ses natures mortes énigmatiques
représentant des carcasses d’animaux reflètent toute une
époque et une génération marquée par la guerre, les
inégalités sociales et l’inexorable conflit entre des
visions religieuses et politiques du monde radicalement
opposées.
Tandis que nombre de ses contemporains se sont
intéressés à l’abstraction, Soutine pratiquait une
peinture figurative, extrêmement vivante et expressive.
Celle-ci se caractérise par une ligne agitée et vibrante
qui confère à ses tableaux une force expressive sans
égale. L’artiste qu’aiment les artistes
L’artiste qu’aiment les artistes
L’exposition au Kunstmuseum Bern a tout d’une découverte
: bien que Chaïm Soutine soit considéré comme l’un des
artistes majeurs de l’art moderne et représenté dans de
nombreuses collections muséales d’importance, sa
notoriété est moindre que celle de son ami et compagnon
de route Amedeo Modigliani ou de Marc Chagall par
exemple. Son influence sur la peinture d’après 1945 se
manifeste notamment chez les représentant·e·s de
l’expressionnisme abstrait, au sein du groupe d’artistes
CoBrA ainsi que de la School of London qui choisirent
Soutine comme source d’inspiration.
L’exposition à Berne
Ses peintures puissamment colorées mettent en évidence
la dimension vitale et vulnérable de l’existence et
constituent de remarquables témoignages d’une vie
mouvementée en marge de la société. L’exposition
présente des œuvres de Soutine appartenant aux genres de
prédilection de l’artiste – le portrait, le paysage et
la nature morte – et met l’accent sur ses premières
décennies de création.
L’exposition au Kunstmuseum Bern réunit quelque 60
œuvres de toutes ses périodes de création. Parmi
celles-ci, six œuvres proviennent de la collection du
musée (toutes issues du legs Georges F. Keller). Elles
sont accompagnées de prêts internationaux consentis
entre autres par le Musée d’Orsay et de l’Orangerie
ainsi que le Centre Pompidou de Paris, la Tate de
Londres, le Museum of Modern Art de New York et la
National Gallery of Art de Washington.
À travers la grande rétrospective Chaïm Soutine, À
contre-courant, le Kunstmuseum Bern souhaite
présenter ce peintre singulier à un plus large public.
L’importance de la quantité des œuvres présentées
demande de réserver suffisamment de temps pour bien
analyser les différentes périodes de l’artiste et de ses
intérêts changeants concernant les sujets représentés.
Kunstmuseum
Bern (Musée des Beaux-Arts, Berne) – du 16 août au
1er décembre 2024
Séverine et Raymond Benoit (20/9/2024)
When We See Us - Un siècle de peinture
figurative panafricaine
Quand on pénètre dans le musée Gegenwart, annexe du Kunstmuseum Basel (Musée d’art de Bâle), on entre dans un monde en plein contraste avec les tours ultramodernes de la maison Rochje au-delà du Rhin traversé par le petit ferry « Wilde Ma » (L’homme sauvage) juste à côté.
Avec l’exposition When We See Us, le Kunstmuseum Basel présente un kaléidoscope qui raconte un siècle de peinture figurative noire. Il s'agit d’une reprise de l’exposition organisée au Zeitz Museum of Contemporary Art of Africa au Cap. Installée dans les espaces du Gegenwart, elle réunit plus de 150 peintures d’environ 120 artistes, jamais exposées en Suisse pour la plupart, et apporte un éclairage sur la puissance et la dimension politique de la « Black Joy ».
Le titre de l’exposition s’inspire de la mini-série de Netflix When They See Us (Dans leur regard, 2019). La réalisatrice afro-américaine Ava DuVernay y aborde la manière dont des Blancs perçoivent indifféremment de jeunes Noirs innocents comme de potentiels criminels constituant une menace. En remplaçant « They » par « We », l’exposition opère un changement de perspective et offre ainsi un espace aux artistes pour montrer la manière dont ils voient leur condition. Elle accorde une place centrale à leur perception propre et révèle comment la vie des Noirs ne cessa d’être représentée par d’autres de manière biaisée et fausse.
When We See Us est le résultat de recherches approfondies menées par Koyo Kouoh, directrice et cheffe curatrice du Zeitz MOCAA au Cap, et son équipe. De novembre 2022 à septembre 2023, ce musée dédié à l’art contemporain africain, le plus grand au monde, a présenté cette vaste exposition. Celle-ci est représentative d’une nouvelle perception de soi et de l’autodétermination d’artistes noir(e)s qui, après des siècles de domination par le canon artistique blanc, écrivent leur propre histoire de l’art.
Au Kunstmuseum Basel, elle succède à une série d’expositions monographiques consacrées à des artistes afro-américain(e)s : Theaster Gates, Sam Gilliam, Kara Walker et dernièrement Carrie Mae Weems. Ces expositions et bien d’autres explorent la « Blackness » dans le monde, notamment au regard des traumatismes
et des aspects du colonialisme. D’après les commissaires Koyo Kouoh et Tandazani Dhlakama,
When We See Us se concentre quant à elle sur le quotidien ainsi que sur la « puissance de la joie », éliminant ainsi les stéréotypes liés au racisme, à la violence ou aux crises.
L’exposition s’attache à proposer aux individus un nouvel angle de vue tour à tour solennel, puissant et digne : « Il faut que nous parlions beaucoup plus de nous-mêmes, d’une manière qui stimule notre esprit » disent-elles. Six sections du quotidien Plus de cent cinquante œuvres d’art sont réparties en six chapitres d’exposition, répartis dans les étages du bâtiment : Triomphe et émancipation, Sensualité, Spiritualité, Le quotidien, Joie et allégresse et Repos.
Les salles ne sont pas aménagées de manière chronologique, ni selon le pays d’origine ou le lieu de travail des artistes. Cette disposition permet de rester éveillé pour faire le lien entre les diEérentes époques, genres et pays d’origine. La déclinaison en des thèmes universels indique également pour la première fois que les artistes ont travaillé aux mêmes thématiques à différents endroits en Afrique et au sein de la diaspora africaine.
Ainsi, des parallèles iconographiques s’esquissent entre les œuvres de Romare Bearden (1911–1988), artiste afro-américain, et de George Pemba (Afrique du Sud, 1912–2001), ou entre le Congolais Chéri Samba (*1956) et l’AfroAméricain Barkley L. Hendricks (1945–2017).
When We See Us occupe l’ensemble des espaces du Kunstmuseum Basel | Gegenwart. Comme au Zeitz MOCAA, Ilze WolE, associée de l’agence WolE Architects au Cap, a été chargée de la scénographie, tandis que le musicien Neo Muyanga a conçu les stations sonores.
Une frise chronologique précise le contexte de création des œuvres exposées et un audioguide adapté pour le Kunstmuseum Basel fournit des informations sur les œuvres.
Le programme qui accompagne l’exposition met en avant diEérentes voix noires à travers la musique, la littérature, des ateliers, des visites guidées, des groupes de discussion et des événements universitaires. Au rez-de-chaussée, une salle spécialement conçue pour accueillir ce programme sert de lounge public ainsi que de lieu
de rassemblement et d’événements pour les ateliers, séminaires, concerts et autres.
25/5 – 27/10/2024 -
Kunstmuseum Basel | Gegenwart
Séverine et Raymond Benoit - 19/6/2024
Dan
Flavin
La grande exposition temporaire « Dan Flavin. Dédicaces
en lumière » présente un pionnier de l’art minimal : Dan
Flavin (1933-1996), artiste états-unien devenu célèbre au
début des années 1960 pour son travail avec des tubes
fluorescents fabriqués de manière industrielle.
58 de ses travaux, certains visibles pour la première fois
en Suisse, mettent en lumière son œuvre à nulle autre
pareille à travers un parcours thématique et chronologique.
L’exposition - la première d’envergure consacrée à Dan
Flavin en Suisse depuis douze ans - met l’accent sur des
œuvres que l’artiste a dédiées à des personnes ou à des
événements. En élaborant une nouvelle forme d’art, Dan
Flavin écrit un nouveau chapitre de l’histoire de l’art.
Au moyen d’œuvres conçues à partir de lumière, il libère la
couleur du champ de la peinture et la transpose dans
l’espace tridimensionnel. En utilisant des tubes lumineux du
commerce, il s’oppose aux représentations habituelles du
statut d’auteur.e et des processus de production dans l’art
: sa décision de faire de l’art à partir d’un objet usuel du
quotidien retint l’attention de ses contemporains et
demeure, encore aujourd’hui, radicale.
Après les premières expositions de ses œuvres lumineuses à
New York, Dan Flavin suscite l’enthousiasme des artistes et
des critiques d’art pour son purisme, ses « images gazeuses
» (un terme que l’artiste se plaisait à utiliser) et
l’immédiateté de leur brillance. Les tubes fluorescents de
Dan Flavin évoquent des usines, des établissements de
restauration rapide ou encore des parkings. L’artiste
utilise délibérément cet effet de même qu’une palette
réduite imposée par le mode de fabrication des lampes
fluorescentes : bleu, vert, rouge, rose, jaune, ultraviolet
et quatre tons différents de blanc. Certains sont
particulièrement violents et pourraient nécessiter de porter
des lunettes de soleil pour les personnes particulièrement
sensibles de la vue.
Au cours de sa carrière, il transforme des lampes et de
simples arrangements géométriques en de complexes travaux
architectoniques et des séries élaborées composées de
plusieurs parties. Flavin s’oppose vigoureusement au fait
que ses œuvres soient considérées comme des sculptures ou
des peintures et les qualifie plutôt de « situations ».
Certaines formes demandent un certain exercice intellectuel
de compréhension de ce que l’artiste désire montrer ou
démontrer. La visite de l’exposition n’est pas totalement
passive. C’est surtout la disposition des salles qui permet
de bien souligner les contrastes d’une « situation » à
l’autre.
Dans ses écrits et autres déclarations, il souligne en outre
l’objectivité de son œuvre. Dans le catalogue consacré à
l’exposition de l’un de ses premiers grands travaux
institutionnels au Stedelijk Van Abbemuseum en 1966 il écrit
: « Electric light is just another instrument. I have no
desire to contrive fantasies mediumistically or
sociologically over it or beyond it. (…) I do whatever I can
whenever I can with whatever I have wherever I am. »
L’œuvre de Dan Flavin s’inscrit dans la catégorie de l’art
minimal du fait de sa volonté de se limiter strictement au
travail avec un objet de facture industrielle ainsi que de
la sérialité de ses œuvres. Carl André, Donald Judd, Sol
LeWitt et Robert Morris sont considérés à ses côtés comme
les principales figures de ce courant artistique - chacun
d’entre eux réfutant toutefois plus ou moins clairement
cette appartenance.
Grâce à l’étroite coopération avec la succession et le
studio de l’artiste, la série untitled (for John Heartfield)
sera visible dans son intégralité pour la première fois en
Europe. Plusieurs des œuvres n’ont plus été exposées en
public depuis des décennies.
L’exposition est particulièrement à recommander un jour ou
l’autre où le mauvais temps est de la partie. La promenade
dans les salles illuminées du Musée permet de se refaire une
santé psychologique et retrouver un bon optimisme. Après ce
parcours assez long, on ne ressort pas avec l’impression
d’un art minimal, mais au contraire une construction
particulièrement complexe, dont il est quelquefois, bien
sûr, difficile de comprendre le message.
Jusqu'au 18 août 2024
Kunstmuseum Basel | Neubau
Séverine & Raymond Benoit (22/5/2024)
Simenon
D'abord journaliste, puis romancier, voyageur et photographe, Georges Simenon (Liège, 1903 - Lausanne, 1989) a laissé dans les mémoires l’image d'une d'une silhouette vêtue d'un imperméable, d'un chapeau en feutre mou, fumant la pipe, se confondant avec celle du personnage qui l'a donné à connaître du public, le commissaire Maigret. De ses propres aveux, ces romans policiers lui ont appris son métier d’écrivain et, chemin faisant, apporté le succès, la fortune et une renommée internationale.
Sa carrière en littérature démarre en 1921 avec son roman Au pont des Arches (imprimerie Bérard), qu'il signe Georges Sim. S'ensuivra une longue liste de romans populaires, galants ou d'aventure - cent-nonante entre 1924 et 1930 sous dix-sept pseudonymes - publiés pour la plupart aux éditions Ferenczi et. fils, jusqu'à la parution, en 1931, de Monsieur Gallet, décédé et Le pendu de Saint-Pholien (Arthème Fayard et Cie) qui lancent la série des Maigret. Si, en 19”4, son « roman dur », Le locataire, inaugure sa collaboration avec Gallimard, c'est le texte autobiographique Je me souviens (1945) qui scella la relation avec Les Presses de la Cité.
Romancier de l'intuition, concevant l'écriture comme un artisanat, Simenon travaille selon un rythme régulier et systématique, impose à l'éditeur la fréquence des parutions, lui interdit toute correction sur son tapuscrit et participe au choix de la couverture. Tandis qu'il semble maîtriser les étapes qui conduisent ses livres dans les mains du public, l'œuvre, elle, est ouverte, vivante et active, renouvelle ses formes, laissant ainsi une large place aux lectrices et aux lecteurs.
À travers ces confidences à la presse, des photographies de sa vie de famille et de ses lieux d'écriture, un choix de manuscrits, tapuscrits et premières éditions, ainsi qu'un cycle d'adaptations cinématographiques, cette exposition Simenon invite à rencontrer l'auteur autant qu'à lire, entendre et voir l'œuvre. Aux journalistes qui lui posaient régulièrement la question, il on donnait, amusé, le décompte : 103 Maigret, 117 romans durs et 25 textes autobiographiques.
Fondation Jan Michalski
16 mars – 29 septembre 2024
Raymond Benoit (17/5/2024)
Jean Hélion : être du côté de la vie
Jean Hélion (1904-1987) est un peintre français, souvent
incompris, qui a été à contre-temps des courants picturaux
de son époque, passant de l’abstraction au figuratif au
moment où la mode était à l’abstraction imposée au monde par
les Américains.
La rétrospective, « La prose du monde », décidée
par le directeur du musée d’Art Moderne de la ville de
Paris, Fabrice Hergott, expose 150 œuvres, tableaux et
dessins des deux époques du peintre. Soit soixante ans de
peinture.
Jean Hélion, qui a choisi l’architecture, commence sa vie
professionnelle à 21 ans, comme dessinateur chez un
architecte, avant de trouver sa voie, il ne sera pas
architecte mais peintre. Il fréquente le Louvre et participe
aux avant-gardes, il fera partie des membres de
d’Abstraction-Création avec Piet Mondrian, Robert Delaunay,
Albert Gleizes et Jean Art, les meilleurs représentants de
l’art abstrait entre les deux guerres. Joachim
Torres-Garcia, qu’il héberge dans son atelier, va l’initier
au cubisme.
C’est l’époque de la fascination des intellectuels et
créateurs français pour l’URSS. « L’abstraction de Jean
Hélion, écrit Fabrice Hergott, correspond à un désir
d’utopie ». Le peintre est invité à Moscou, de retour
de son voyage, ayant constaté l’échec du projet communiste :
la pauvreté, dont il a été le témoin, et la répression, il
est ébranlé. L’abstraction ne sera pas le langage universel
de la société nouvelle, parce que celle-ci est une utopie.
Entre 1929 et 1939, son oeuvre va évoluer, devenir moins
géométrique, il intègre des silhouettes. Et commence à
écrire ses réflexions sur la peinture ; des carnets qu’il
continuera à écrire jusqu’en 1984.
L’explosion des abstraits américains
A partir de 1934 il s’installe aux Etats-Unis, en
Virginie, avec sa femme américaine Jean Blair. Il va se lier
d’amitié avec Marcel Duchamp. C’est la guerre, il est
mobilisé et rentre en France en 1939. Il réalise sa dernière
œuvre abstraite : « Figure tombée » ;
« Une des plus belles réalisations de l’art
moderne » souligne F.Hergott.
Il revient aux Etats-Unis et après le décès de son épouse se
remarie avec la fille de Peggy Gouggenheim, Pegreen. Ils
s’installent à New- York. C’est l’époque de l’explosion des
abstraits américains qui s’organisent, dès 1936, en
Association AAA (American Abstract Artists) Jean Hélion,
ainsi que les autres artistes français n’y ont pas leur
place. En 1946 il revient s’installer à Paris.
Il a profondément changé, il lui faut peindre ce qui le
relie aux êtres, aux objets, c’est la période figurative. Un
des deux commissaires de l’exposition : Claude-Henry
Cousseau, parle « d’équilibre » pour
relier les deux périodes de sa peinture.
La figuration n’est pas une réaction contre l’abstraction,
ces deux époques parlent de la même chose : un refus de
l’image industrielle portée par la photographie de masse ; «
Il s’agit pour lui, de voir, à partir du plus humble :
parapluie, journal, pot de fleurs sur une fenêtre… »
Chez Hélion, la figuration du vécu ne passe pas par le
réalisme photographique. Le critique du journal Le Monde,
Philippe Dagen, y voit même un principe de toute l’oeuvre :
les aveugles représentés dans ses derniers tableaux, ce
n’est pas seulement l’artiste (qui perd, peu à peu, la vue)
, c’est l’aveuglement de chacun devant le réel, devant
l’art, evant la vie.
Cette exposition est le parcours d’un homme qui ne se soucie
pas du goût de son époque, mais qui montre un intérêt
passionné pour la réalité. Ses compositions se complexifient
par la réapparition de la courbe et la modulation de la
couleur. Il veut montrer le réel. Toute l’œuvre des années
60 est à découvrir « pour sa capacité à lier la
fraîcheur et l’impertinence des situations à la vivacité de
la couleur » (Hergott). A la fin de sa vie, perdant
progressivement la vue, « son œuvre entremêle les motifs
qui l’ont toujours hanté, la chute et le renouveau. Sa
peinture oscille entre dérision et gravité ». Le
principe de l’évasion est le principe de toute son
existence.
Jean
Hélion, la prose du monde
22 mars-18 août 2024.
Musée d’art moderne de la ville de Paris
11 avenue du Président Wilson
75116 Paris
Du mardi au dimanche, de 10h a 18h. - ouverture prolongée
les jeudis jusqu’à 21h30 et samedis jusqu’à 20h.
Hélène Queuille (28/3/2024)
Jeff Wall
La Fondation Beyeler consacre une importante exposition
personnelle à l’artiste canadien Jeff Wall (1946*). Il
s’agit de la première exposition de cette envergure en
Suisse depuis près de deux décennies. Wall, qui a largement
contribué à établir la photographie en tant que forme
autonome d’expression artistique, compte aujourd’hui parmi
ses représentant·e·s majeur·e·s. Réunissant plus d’une
cinquantaine d’œuvres réalisées au fil de cinq décennies,
l’exposition présente une vue d’ensemble très complète du
travail précurseur de l’artiste, allant de ses emblématiques
grandes diapositives montées dans des caissons lumineux à
ses photographies grand format noir et blanc et ses tirages
en couleur au jet d’encre. L’exposition met un accent
particulier sur les œuvres des deux dernières décennies,
parmi elles des photographies données à voir en public pour
la première fois. L’exposition a été conçue en étroite
collaboration avec l’artiste.
Dans son travail, Jeff Wall sonde les limites entre fait
et invention, hasard et construction. Depuis le milieu des
années 1970, il a exploré différentes façons d’étendre les
possibilités artistiques de la photographie. Wall qualifie
son travail de « cinématographie », voyant dans le cinéma un
modèle de liberté de création et d’invention, liberté qui
avait été freinée dans le domaine de la photographie par sa
définition dominante comme « documentaire ». Beaucoup de ses
photographies sont des images construites impliquant une
planification et une préparation longues et minutieuses, une
collaboration avec des acteurs·rices et un important travail
de « postproduction ». Jeff Wall crée ainsi des images qui
divergent de la notion de la photographie comme
principalement une documentation fidèle de la réalité.
Wall est né en 1946 à Vancouver au Canada, où il vit et
travaille. Il commence à s’intéresser à la photographie dans
les années 1960, âge d’or de l’art conceptuel. À partir du
milieu des années 1970, il produit de grandes diapositives
montées dans des caissons lumineux. Avec ce format,
jusqu’alors associé plutôt à la photographie publicitaire
qu’à la photographie d’art, il innove et lance une forme
nouvelle de présentation d’œuvres d’art. Depuis le milieu
des années 1990, Wall a encore élargi son répertoire –
d’abord avec des photographies noir et blanc grand format
puis avec des tirages en couleur. Son travail a fait l’objet
de nombreuses expositions personnelles dans le monde entier,
entre autres à la Tate Modern, Londres (2005), au Museum of
Modern Art, New York (2007), au Stedelijk Museum, Amsterdam
(2014) et au Glenstone Museum, Potomac (2021).
Les images de Jeff Wall évoluent entre instantané
documentaire, composition cinématographique et invention
poétique libre, confrontant les spectateurs·rices à une
vaste palette de sujets et de thèmes, à la beauté et à la
laideur, à l’ambiguïté et à l’inconfort. Pour Wall, l’art de
la photographie se doit d’être aussi libre que toutes les
autres formes artistiques dans son éventail de sujets et de
traitements – aussi poétique que la poésie, aussi littéraire
que le roman, aussi pictural que la peinture, aussi théâtral
que le théâtre, et tout cela avec pour objectif d’atteindre
à l’essence même de la photographie.
Fondation Beyeler, Riehen/Bâle
28 janvier – 21 avril 2024
Séverine et Raymond Benoit (01/4/2024)
Tintin à Lausanne
Non, il ne s’agit pas d’un nouvel album, découvert récemment
dans des archives non encore explorées, mais d’une
exposition spéciale dans sa présentation qui décrit, en un
peu plus d’une heure tout l’univers sorti de l’imagination
de Hergé, Georges Rémi de son nom de naissance. Initialement
conçue pour l’Atelier des Lumières à Paris, l’exposition «
Tintin, l’aventure immersive » fait escale en Suisse !
Il
s’agit d’une exposition immersive, création inédite qui
franchit le pas du papier au numérique pour donner un
souffle « pop-culture* à la mythique série de bandes
dessinées. Depuis la première édition de Tintin au pays des
Soviets en 1929 jusqu’aux parutions les plus récentes, «
Tintin, l’aventure immersive » fait honneur au célèbre
reporter à la houppette et aux pantalons golf. Les
péripéties autour du monde de ce grand voyageur s’inscrivent
dans la culture populaire depuis près de 100 ans.
Pour
l’occasion, toute la famille de papier de la célèbre saga
est convoquée. Tintin, Milou mais aussi la fidèle « garde
rapprochée » formée par le capitaine Haddock, les Dupond, le
professeur Tournesol, la Castafiore et bien d’autres encore.
Sans oublier, évidemment, les désagréables – mais ô combien
incontournables – méchants est à découvrir sur des écrans
géants et animés, Pour les amateurs invétérés du héros, les
souvenirs des différents albums reviennent immédiatement en
mémoire. En revanche pour ceux qui n’ont pas été confrontés
aux mythiques aventures du fait de leur intérêt pour les
nouvelles formes de bandes dessinées, il s’agit de la
découverte d’un temps pas trop lointain mais encore récent.
Composée de 8 chapitres, un prologue et un épilogue, «
Tintin, l’aventure immersive » invite le visiteur à plonger
dans l’univers de Tintin. Voici les grands thèmes abordés :
Genèse de Tintin ; Tintin grand reporter ; Le capitaine
Hadock et la garde rapprochée ; Les grands méchants ; Vers
l’aventure et au-delà.
Avant d’entrer au cœur de l’aventure
immersive, une partie introductive présente quelques-uns des
éléments qui composent l’univers de la mythique série de
bandes dessinées. La fameuse Fusée Tintin, haute de 6
mètres, attend les visiteuses et visiteurs dès l’entrée dans
l’espace d’exposition. Construire une Fusée Tintin de cette
taille, brillante de tous ses carrés rouges et blancs, fut
une performance. On peut résumer la visite de cette
exposition par les mots joyeux du Professeur Tournesol : «
Ah ! mes amis !... Quelle aventure !... Quelle aventure !...
»
Cette « aventure », fruit d’une collaboration entre
Tintinimaginatio, titulaire exclusif mondial des droits
d’exploitation et de représentation de l’œuvre d’Hergé, et
Culturespaces, pionnier dans la création d’expositions
immersives – en coproduction avec : Spectre Lab, Start Rec
et Opus One – est à découvrir jusqu’au 11 février 2024 à
l’Espace Beaulieu, Lausanne (http://www.tintin.opus-one.ch)
Séverine et Raymond Benoit (17/11/2023)
La
curieuse manière de peindre de Kokoschka
Dans la Vienne si animée en art en ce début du 20ème siècle…
Kokoschka révolutionne la manière de peindre.
D’abord les sujets : ils sont toujours en mouvement, comme
des instantanés photographiques. Pour lui, la vie compte en
premier. Loin des poses classiques, l’attitude du modèle est
un moment du mouvement. Ils provoquent la surprise, par
exemple cette Annonciation où une femme nue remplace l’ange
devant Marie ou bien cette femme assise à cheval et de face,
sur un tombeau, soulevant la pierre tombale d’où jaillit une
tête vivante.
La façon de peindre, bien qu’évoluant tout au long de
l’exposition, laisse pantois : Au début, le sujet est
présenté avec pour fond, des taches de couleur griffées de
gribouillis fins sans signification. Les couleurs sur le
visage, semblent de même irréelles, posées aussi en
barbouillages. Le sujet, souvent un portrait, est dessiné
largement au pinceau. Les contours des doigts sont indiqués
en rouge puis en vert, puis rien.
Sur le bord du veston on voit ce même grattage, plus large,
qui représente en principe, le contour de cette forme. Dans
un autre tableau il est remplacé ou accentué par une série
de petits vers de terre colorés, déposés par une brosse
fine. Cette manière s’affirme par la suite, jusqu’à produire
toujours les mêmes nombreux petits vers en volume, sinueux
et remplissant la surface par exemple l’autoportrait de
1917.
Les traits du visage sont dessinés plutôt que peints, les
lignes abondent en place de surfaces plates. Cette façon de
peindre est-elle due à la nécessité d’aller vite ? Les
formes des graphismes tailladés varient à l’infini, révélant
le plaisir de faire, donc pas mal de temps perdu, tout
l’inverse d’une rapidité d’exécution. De fait il s’agit du
parti-pris de faire autrement. Par exemple, le paysage alpin
est, en bas, habité comme une plaine, avec maisons et
surtout, visages alignés ce qui est impossible dans le réel.
L’imagination prend le dessus.
Un peu plus tard, la couleur s’étale davantage, mais les
bords restent tels quels par décision de ne pas fignoler
comme le ferait un peintre classique.
Encore plus tard, dans les œuvres de 1919, des plages de
couleurs vives se découpent et s’imposent. Par exemple, dans
les portraits des deux amis face à face de 1923, on remarque
que les surfaces se simplifient, façon puzzle. Mais les
grattages en gribouillis demeurent. Puis, la couleur
apparaît enfin en plages décidées pour ce qu’elle décide de
représenter.
La tendance expressionniste peut se voir dans les tortues
géantes qui font penser à Soutine, mais elle ne s’installe
pas.
Jusqu’au bout la façon de peindre nous saisit autant que le
sujet et son attitude. Par exemple cette fillette en bleu,
penaude, un peu de travers dans l’espace pictural, avec les
dents du haut débordant de la lèvre supérieure. Une
« manière » personnelle et hors école.
Rafaëlle Pia (19/10/2022)
Oskar Kokoschka - Un fauve à Vienne
Musée d’Art Moderne de Paris - Jusqu'au 12 février 2023
La
curieuse manière de peindre de Kokoschka
Dans la Vienne si animée en art en ce début du 20ème siècle…
Kokoschka révolutionne la manière de peindre.
D’abord les sujets : ils sont toujours en mouvement, comme
des instantanés photographiques. Pour lui, la vie compte en
premier. Loin des poses classiques, l’attitude du modèle est
un moment du mouvement. Ils provoquent la surprise, par
exemple cette Annonciation où une femme nue remplace l’ange
devant Marie ou bien cette femme assise à cheval et de face,
sur un tombeau, soulevant la pierre tombale d’où jaillit une
tête vivante.
La façon de peindre, bien qu’évoluant tout au long de
l’exposition, laisse pantois : Au début, le sujet est
présenté avec pour fond, des taches de couleur griffées de
gribouillis fins sans signification. Les couleurs sur le
visage, semblent de même irréelles, posées aussi en
barbouillages. Le sujet, souvent un portrait, est dessiné
largement au pinceau. Les contours des doigts sont indiqués
en rouge puis en vert, puis rien.
Sur le bord du veston on voit ce même grattage, plus large,
qui représente en principe, le contour de cette forme. Dans
un autre tableau il est remplacé ou accentué par une série
de petits vers de terre colorés, déposés par une brosse
fine. Cette manière s’affirme par la suite, jusqu’à produire
toujours les mêmes nombreux petits vers en volume, sinueux
et remplissant la surface par exemple l’autoportrait de
1917.
Les traits du visage sont dessinés plutôt que peints, les
lignes abondent en place de surfaces plates. Cette façon de
peindre est-elle due à la nécessité d’aller vite ? Les
formes des graphismes tailladés varient à l’infini, révélant
le plaisir de faire, donc pas mal de temps perdu, tout
l’inverse d’une rapidité d’exécution. De fait il s’agit du
parti-pris de faire autrement. Par exemple, le paysage alpin
est, en bas, habité comme une plaine, avec maisons et
surtout, visages alignés ce qui est impossible dans le réel.
L’imagination prend le dessus.
Un peu plus tard, la couleur s’étale davantage, mais les
bords restent tels quels par décision de ne pas fignoler
comme le ferait un peintre classique.
Encore plus tard, dans les œuvres de 1919, des plages de
couleurs vives se découpent et s’imposent. Par exemple, dans
les portraits des deux amis face à face de 1923, on remarque
que les surfaces se simplifient, façon puzzle. Mais les
grattages en gribouillis demeurent. Puis, la couleur
apparaît enfin en plages décidées pour ce qu’elle décide de
représenter.
La tendance expressionniste peut se voir dans les tortues
géantes qui font penser à Soutine, mais elle ne s’installe
pas.
Jusqu’au bout la façon de peindre nous saisit autant que le
sujet et son attitude. Par exemple cette fillette en bleu,
penaude, un peu de travers dans l’espace pictural, avec les
dents du haut débordant de la lèvre supérieure. Une
« manière » personnelle et hors école.
Rafaëlle Pia (19/10/2022)
Oskar Kokoschka - Un fauve à Vienne
Musée d’Art Moderne de Paris - Jusqu'au 12 février 2023
Face à face Picasso / El Greco
Le Musée des Beaux-arts de Bâle (Kunstmuseum Basel) met en lumière l’intérêt de Pablo Picasso (1881-1973) pour le maître ancien crétois Doménikos Theotokópoulos, mieux connu sous le nom d’El Greco (1541-1614).
Quelques trente rapprochements –plutôt que des confrontations– de chefs-d’œuvre des deux artistes retracent ce dialogue parmi les plus fascinants de l’histoire de l’art. De prestigieux prêts du monde entier sont réunis autour d’un noyau d’œuvres de Picasso provenant de la propre collection du musée. L’exposition a aussi fait appel à plusieurs prestigieux musées, en premier lieu le Museo Nacional del Prado de Madrid, le Museo del Greco de Tolède, le Museu Picasso de Barcelone et le Musée national Picasso de Paris.
Par ailleurs, le Metropolitan Museum of Art et le Solomon R. Guggenheim Museum de New-York, la National Gallery de Washington, la National Gallery et la Tate Modern de Londres, le Musée du Louvre et le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, le Museo Thyssen-Bornemisza de Madrid, le Museum of Fine Arts de Budapest et la Gemäldegalerie de Berlin ont consenti d’extraordinaires prêts d’œuvres.
Admiration de Picasso pour les anciens maîtres
On sait que l’enthousiasme de Picasso pour Le Greco a laissé des traces manifestes dans ses travaux. Toutefois, à cet égard, on songe surtout à ses premières phases de création jusqu’à la période bleue. L’exposition Picasso–El Greco propose au contraire une version selon laquelle Picasso s’est consacré non seulement davantage au Greco qu’on ne l’avait supposé jusqu’ici, mais aussi bien plus longtemps qu’on ne le pensait, comme en témoignent des références évidentes à la fois dans ses tableaux cubistes et dans ceux de l’ensemble des périodes de création plus tardives.
Cette version a été nettement confirmée par Paloma Picasso, présente à la conférence de presse. Pour son père, El Greco était "un des rares maîtres qui savait peindre" et qu’il a continué à admirer jusqu’à ses derniers jours. L’exposition met ainsi en scène un "dialogue" d’égal à égal entre Picasso et un de ses modèles, dans une forme circonscrite, parfois associative, s’étendant sur plusieurs siècles.
La réhabilitation du Greco
Si El Greco connut une immense gloire de son vivant grâce à sa facture picturale à nulle autre pareille, pourtant, peu après sa mort, il tomba dans l’oubli. En tant qu’artiste singulier ayant marqué l’histoire de la peinture européenne, Le Greco se situait à la marge, notamment parce que, en raison de son parcours, trois traditions différentes (gréco-byzantine, vénitienne et espagnole) ont inspiré son œuvre ; à partir desquelles il élabora un langage pictural sans pareil. Ce n’est qu’au XIXe siècle puis au tournant du XXe siècle qu’advient une renaissance de son œuvre. Elle impliqua des femmes et des hommes artistes dans l’Europe entière.
La personnalité auréolée de légendes du maître ancien et singulier constituait sans doute une surface de projection idéale pour les artistes se rebellant contre l’académisme, comme le jeune Picasso qui prit part à cette redécouverte en première ligne.
Fascination de Picasso pour les maîtres anciens espagnols
Les emprunts directs au Greco surviennent dès le début de sa carrière artistique : dans de nombreuses esquisses des années 1898-1899, il s’inspire véritablement des motifs du Greco. Son Portrait d’un étranger dans le style du Greco (1899) reproduit une tête-type, caractéristique des portraits et des tableaux de saints du Greco, à l’instar du Saint-Jérôme (vers 1610) conservé au Metropolitan Museum of Art de New York.
L’Enterrement de Casagemas (Évocation) de 1901, chef-d’œuvre intime qui annonce la période bleue, s’inspire directement du Greco. Dans les années suivantes, cette influence demeure perceptible, comme le montrent les
parallèles étonnants entre le
Portrait de Mme Canals (1905) de Picasso et le Portrait d’une dame à la fourrure que l’on attribuait encore à l’époque au Greco, mais dont le véritable auteur n’est pas clairement établi aujourd’hui.
L’exposition porte également une attention particulière au Cubisme : deux salles mettent en regard des œuvres de Picasso réalisées autour de 1910 avec une sélection de célèbres tableaux d’apôtres du Greco (1608/1614) provenant du Museo del Greco à Tolède ainsi que son grand format
La Résurrection du Christ (1597–1600) conservé au Prado à Madrid.
Après la Seconde Guerre mondiale, alors que Picasso bénéficiait depuis longtemps d’une renommée internationale, il se consacra largement à l’étude des peintres anciens. L’exposition présente de fascinants exemples de l’intérêt de Picasso pour ses prédécesseurs, dont le tableau
Mousquetaire (1967) au verso duquel Picasso a noté "Domenico Theotocopulos van Rijn da Silva ", référence explicite aux maîtres qu’il vénérait : Le Greco, Rembrandt et Velázquez.
Visite de l’exposition
La disposition des œuvres mises en parallèles dans les salles de la nouvelle extension du musée permet une véritable comparaison, tant sur l’ensemble de la composition que dans la recherche de détails. La façon dont Picasso a transformé, amélioré, modernisé (?) certains aspects de l’œuvre ancienne dont il s’est inspiré est fascinante. A vrai dire, cela demande d’aller revoir l’exposition pour y admirer encore plus les nouvelles configurations qui font encore mieux comprendre le génie de Picasso. Cela permet aussi de (re)découvrir des œuvres des deux artistes dont certaines ne sont pratiquement jamais sorties de leur musée.
Séverine et Raymond Benoit
(17/10/2022)
"Picasso / El Greco" : L’exposition est organisée par Kunstmuseum Basel avec le soutien exceptionnel du Musée national Picasso-Paris.
Exposition du 11 juin au 25 septembre 2022
Kunstmuseum Basel | Neubau
Cette exposition sera reprise à Madrid, au musée du Prado du
13 juin au 17 septembre 2023
Interview
de Chris Dercon, président de la RMN* – Grand Palais
Chris Dercon est le président de la RMN – Grand Palais
depuis le 1er janvier 2019. Belge, il est historien de
l’art, commissaire d’exposition et spécialiste des relations
entre art ancien et art contemporain. Il mène une carrière
internationale et parle quatre langues couramment. Reconnu
dans le monde de l’art, Chris Dercon joue un rôle important
dans la direction et le développement de nombreux musées
internationaux depuis trente ans. Il nous donne sa vision
face à cette crise sans précédent qui impacte les 850
salariés de la RMN-Grand Palais et la programmation des
expositions et évènements obligeant à inventer de nouveaux
moyens de partage et de diffusion comme avec Pompéi chez
vous qui rencontre un large succès.
1 - Comment réagissez-vous face à cette crise
sans précédent au niveau de la RMN-Grand Palais, un défi de
taille pour un véritable écosystème de l'art ?
Il y a plusieurs niveaux d’enjeux, ce que j’appelle le
macro et le micro économique, soit l’humain tout d’abord car
dès qu’un évènement de ce genre perturbe l’ensemble d’un
système, il est normal que la priorité soit de protéger tous
les salariés de la RMN-GP. Ce qui implique de distribuer du
matériel sur site lorsqu’il est maintenu ouvert, gérer le
confinement des salariés à domicile et pouvoir répondre à
leurs questions pratiques et logistiques. En plus de gérer
le calendrier des expositions, en cours et à venir, c’est
pourquoi nous nous réunissons deux fois par semaine en
ligne, avec les directeurs de chaque département, ce qui
n’est pas toujours facile. Car même si l’on déclare
volontiers que le télétravail est une solution formidable,
en réalité la distanciation nécessaire entre l’espace privé
et l’espace public étant gommée, cela entraîne beaucoup de
fatigue et de stress chez les collègues. On ne peut pas tout
transposer chez soi et la qualité de la communication en
souffre au final. C’est comme un jeu de ping-pong d’une
personne à l’autre. A la RMN-GP il y a ainsi 850 salariés
seuls face à eux-mêmes, exceptées ces formidables équipes en
charge de la logistique et de la sécurité qui assurent la
permanence au Grand Palais et rue de Bercy, que je tiens à
remercier tout particulièrement, ainsi que toutes les
équipes en charge de la communication digitale et des
ressources humaines extrêmement sollicitées actuellement.
J’espère sincèrement que le télétravail ne va perdurer, même
si nous devons être réalistes sur l’horizon à prévoir.
2 - Les solutions virtuelles et digitales vous
semblent-elles un relai pertinent pour vos expositions et
événements associés pendant toute cette période ?
C’est une aide plus qu’une alternative car ce qui rend
une visite d’exposition exceptionnelle c’est d’être seul
face à une œuvre au milieu d’autres personnes, l’individu et
le collectif, contrairement au théâtre et au cinéma où l’on
interagit en collectif. En plus, une exposition s’écoute et
se regarde car à chaque fois un commissaire est là pour
raconter une histoire par le choix des œuvres, leur mise en
scène, les explications fournies, les parti-pris engagés...
On voit surgir beaucoup d’alternatives digitales qui ne sont
qu’une suite d’images offrant un ressenti très solitaire.
Avec Pompéi chez vous nous avons quelque chose de très
abouti, ce qui se note dans les retours de fréquentation du
site Grand Palais avec 220 000 visiteurs sur la journée,
dont 637 000 pages vues avec 172 000 spéciales Pompéi. Les
vidéos YouTube tournent à 252 000 vidéos/vues. Nous avons
voulu essayer le medium à 360 ° avec réalité augmentée…
L’initiative du Ministère de la culture est à saluer
également. Le principal est de pouvoir évaluer à présent ce
qui fonctionne, qui apporte une vraie plus-value, comme un
surplus et non un simulacre. Je le vois dans le monde entier
ayant beaucoup échangé avec mes collègues aux Etats-Unis et
en Europe, et malgré les réticences de certains, nous sommes
obligés tous d’explorer ce medium et ses possibilités, ce
qui est positif au final. Les images que l’on voit dans la
journée sont vides donc anxiogènes tandis que dans la nuit
plus sécurisantes et inspirantes je trouve, ce qui m’amène à
changer mes habitudes, loin de tout confinement intellectuel
ou psychologique.
3 - Cette crise pourrait-t-elle avoir des
conséquences sur le démarrage de l’ambitieux chantier du
futur Grand Palais ?
La crise sanitaire ne remet pas en cause notre calendrier de
travaux et le Grand Palais va bien fermer ses portes en
janvier 2021. Nous continuons à travailler dans ce sens,
même si les chantiers des toitures des Galeries Nord ont dû
être suspendus. Nous avons aussi arrêté le chantier
concernant les expositions mais dès que le confinement sera
levé, il faudra compter entre 10 à 15 jours pour remonter ou
démonter l’exposition. Nous sommes aussi confrontés à des
problématiques liées à l’évènementiel avec beaucoup de
prestataires qui ont du reporter ou annuler, ce qui nous
donne une certaine souplesse pour pouvoir reporter certaines
de nos expositions comme Pompéi ou Noir et Blanc alors qu’au
Musée du Luxembourg il n’est pas envisageable de
reprogrammer les expositions de cette période ayant une
durée relativement courte. Parmi les autres expositions
phares qui vont manquer à Paris à mon sens, Christo au
Centre Pompidou, Matisse encore en suspens, Alice Neel. Pour
conclure l’année 2020 sera comme un fantôme, elle n’aura pas
existé. S’il est impossible de se projeter et c’est une
première, nous pouvons en tirer des enseignements, comme à
chaque période d’épidémie ou de crise, que ce soit la Peste
au XVème siècle et alors que tout le monde relit Albert
Camus, qui a donné la naissance à un état plus moderne,
suivie de la grippe espagnole au début du XXème siècle,
favorisant des progrès en matière d’hygiène et de santé
publique. Les crises ont toujours abouti à des phénomènes
positifs même si je souhaite que cela ne se fasse pas au
détriment de beaucoup de gens comme en 2008. Nous sommes
capables de démontrer une vraie solidarité que ce soit à
Paris, en France et en Europe et j’espère que c’est cela qui
va ressortir.
4 - Quel impact peut avoir selon vous un tel
séisme sur le monde de l’art quand on sait par exemple que
plusieurs milliers de musées américains sont menacés de
fermeture ? et restez-vous malgré tout positif ?
La culture heureusement est une fonction publique en Europe.
Si Klaus Biesenbach a dû licencier la moitié de son
personnel au MOCA et que Max Hollein au Metropolitan Museum
rencontre de réelles difficultés, cela indique que nous
avons une autre manière de gouverner nos musées. De même en
matière d’aide gouvernementale européenne, il est difficile
de comparer la France et l’Allemagne par exemple. En France,
nous avons beaucoup d’aide directe et indirecte par le biais
des intermittents. C’est un autre système, même si l’aide
promise par Monika Grütters à Berlin est quand même bien
supérieure à la nôtre ! Il est certain que les sommes
consacrées à la culture en Allemagne ont toujours été plus
importantes et ce depuis la 2ème guerre mondiale.
5 - Pensez-vous qu'en matière de conscience écologique
cette crise soit une alerte et entraîne des changements
durables dans nos habitudes et comportements face à l’art ?
Je l’observe déjà au niveau des artistes qui retrouvent le
chemin de leur studio, leur chambre, leur atelier, et non
dans une recherche spectaculaire mais une pratique
d’écriture et d’archive quotidienne. Loin de toute pression
des galeries, des collectionneurs ou du marché. Il n’y a
plus de « waiting list » du moins dans l’immédiat. De
nouveau, les artistes peuvent travailler pour eux-mêmes et
je suis sûr que cela va avoir un impact notamment sur la
manière dont nous allons concevoir les expositions et
inventer des instruments digitaux plus créatifs et
pertinents que de la simple publicité. Nous allons devoir
aussi formuler des thématiques nouvelles et qui ont du sens.
Beaucoup de changements en perspective !
Interview par Marie de La Fresnay (publiée le 10/4/2020)
Pompéi chez vous YouTube :
https://www.grandpalais.fr/
* RMN : Réunion des Musées Nationaux
Face à face Picasso / El Greco
Le Musée des Beaux-arts de Bâle (Kunstmuseum Basel) met en lumière l’intérêt de Pablo Picasso (1881-1973) pour le maître ancien crétois Doménikos Theotokópoulos, mieux connu sous le nom d’El Greco (1541-1614).
Quelques trente rapprochements –plutôt que des confrontations– de chefs-d’œuvre des deux artistes retracent ce dialogue parmi les plus fascinants de l’histoire de l’art. De prestigieux prêts du monde entier sont réunis autour d’un noyau d’œuvres de Picasso provenant de la propre collection du musée. L’exposition a aussi fait appel à plusieurs prestigieux musées, en premier lieu le Museo Nacional del Prado de Madrid, le Museo del Greco de Tolède, le Museu Picasso de Barcelone et le Musée national Picasso de Paris.
Par ailleurs, le Metropolitan Museum of Art et le Solomon R. Guggenheim Museum de New-York, la National Gallery de Washington, la National Gallery et la Tate Modern de Londres, le Musée du Louvre et le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, le Museo Thyssen-Bornemisza de Madrid, le Museum of Fine Arts de Budapest et la Gemäldegalerie de Berlin ont consenti d’extraordinaires prêts d’œuvres.
Admiration de Picasso pour les anciens maîtres
On sait que l’enthousiasme de Picasso pour Le Greco a laissé des traces manifestes dans ses travaux. Toutefois, à cet égard, on songe surtout à ses premières phases de création jusqu’à la période bleue. L’exposition Picasso–El Greco propose au contraire une version selon laquelle Picasso s’est consacré non seulement davantage au Greco qu’on ne l’avait supposé jusqu’ici, mais aussi bien plus longtemps qu’on ne le pensait, comme en témoignent des références évidentes à la fois dans ses tableaux cubistes et dans ceux de l’ensemble des périodes de création plus tardives.
Cette version a été nettement confirmée par Paloma Picasso, présente à la conférence de presse. Pour son père, El Greco était "un des rares maîtres qui savait peindre" et qu’il a continué à admirer jusqu’à ses derniers jours. L’exposition met ainsi en scène un "dialogue" d’égal à égal entre Picasso et un de ses modèles, dans une forme circonscrite, parfois associative, s’étendant sur plusieurs siècles.
La réhabilitation du Greco
Si El Greco connut une immense gloire de son vivant grâce à sa facture picturale à nulle autre pareille, pourtant, peu après sa mort, il tomba dans l’oubli. En tant qu’artiste singulier ayant marqué l’histoire de la peinture européenne, Le Greco se situait à la marge, notamment parce que, en raison de son parcours, trois traditions différentes (gréco-byzantine, vénitienne et espagnole) ont inspiré son œuvre ; à partir desquelles il élabora un langage pictural sans pareil. Ce n’est qu’au XIXe siècle puis au tournant du XXe siècle qu’advient une renaissance de son œuvre. Elle impliqua des femmes et des hommes artistes dans l’Europe entière.
La personnalité auréolée de légendes du maître ancien et singulier constituait sans doute une surface de projection idéale pour les artistes se rebellant contre l’académisme, comme le jeune Picasso qui prit part à cette redécouverte en première ligne.
Fascination de Picasso pour les maîtres anciens espagnols
Les emprunts directs au Greco surviennent dès le début de sa carrière artistique : dans de nombreuses esquisses des années 1898-1899, il s’inspire véritablement des motifs du Greco. Son Portrait d’un étranger dans le style du Greco (1899) reproduit une tête-type, caractéristique des portraits et des tableaux de saints du Greco, à l’instar du Saint-Jérôme (vers 1610) conservé au Metropolitan Museum of Art de New York.
L’Enterrement de Casagemas (Évocation) de 1901, chef-d’œuvre intime qui annonce la période bleue, s’inspire directement du Greco. Dans les années suivantes, cette influence demeure perceptible, comme le montrent les
parallèles étonnants entre le
Portrait de Mme Canals (1905) de Picasso et le Portrait d’une dame à la fourrure que l’on attribuait encore à l’époque au Greco, mais dont le véritable auteur n’est pas clairement établi aujourd’hui.
L’exposition porte également une attention particulière au Cubisme : deux salles mettent en regard des œuvres de Picasso réalisées autour de 1910 avec une sélection de célèbres tableaux d’apôtres du Greco (1608/1614) provenant du Museo del Greco à Tolède ainsi que son grand format
La Résurrection du Christ (1597–1600) conservé au Prado à Madrid.
Après la Seconde Guerre mondiale, alors que Picasso bénéficiait depuis longtemps d’une renommée internationale, il se consacra largement à l’étude des peintres anciens. L’exposition présente de fascinants exemples de l’intérêt de Picasso pour ses prédécesseurs, dont le tableau
Mousquetaire (1967) au verso duquel Picasso a noté "Domenico Theotocopulos van Rijn da Silva ", référence explicite aux maîtres qu’il vénérait : Le Greco, Rembrandt et Velázquez.
Visite de l’exposition
La disposition des œuvres mises en parallèles dans les salles de la nouvelle extension du musée permet une véritable comparaison, tant sur l’ensemble de la composition que dans la recherche de détails. La façon dont Picasso a transformé, amélioré, modernisé (?) certains aspects de l’œuvre ancienne dont il s’est inspiré est fascinante. A vrai dire, cela demande d’aller revoir l’exposition pour y admirer encore plus les nouvelles configurations qui font encore mieux comprendre le génie de Picasso. Cela permet aussi de (re)découvrir des œuvres des deux artistes dont certaines ne sont pratiquement jamais sorties de leur musée.
Séverine et Raymond Benoit
(17/10/2022)
"Picasso / El Greco" : L’exposition est organisée par Kunstmuseum Basel avec le soutien exceptionnel du Musée national Picasso-Paris.
Exposition du 11 juin au 25 septembre 2022
Kunstmuseum Basel | Neubau
Cette exposition sera reprise à Madrid, au musée du Prado du
13 juin au 17 septembre 2023
Interview
de Chris Dercon, président de la RMN* – Grand Palais
Chris Dercon est le président de la RMN – Grand Palais
depuis le 1er janvier 2019. Belge, il est historien de
l’art, commissaire d’exposition et spécialiste des relations
entre art ancien et art contemporain. Il mène une carrière
internationale et parle quatre langues couramment. Reconnu
dans le monde de l’art, Chris Dercon joue un rôle important
dans la direction et le développement de nombreux musées
internationaux depuis trente ans. Il nous donne sa vision
face à cette crise sans précédent qui impacte les 850
salariés de la RMN-Grand Palais et la programmation des
expositions et évènements obligeant à inventer de nouveaux
moyens de partage et de diffusion comme avec Pompéi chez
vous qui rencontre un large succès.
1 - Comment réagissez-vous face à cette crise
sans précédent au niveau de la RMN-Grand Palais, un défi de
taille pour un véritable écosystème de l'art ?
Il y a plusieurs niveaux d’enjeux, ce que j’appelle le
macro et le micro économique, soit l’humain tout d’abord car
dès qu’un évènement de ce genre perturbe l’ensemble d’un
système, il est normal que la priorité soit de protéger tous
les salariés de la RMN-GP. Ce qui implique de distribuer du
matériel sur site lorsqu’il est maintenu ouvert, gérer le
confinement des salariés à domicile et pouvoir répondre à
leurs questions pratiques et logistiques. En plus de gérer
le calendrier des expositions, en cours et à venir, c’est
pourquoi nous nous réunissons deux fois par semaine en
ligne, avec les directeurs de chaque département, ce qui
n’est pas toujours facile. Car même si l’on déclare
volontiers que le télétravail est une solution formidable,
en réalité la distanciation nécessaire entre l’espace privé
et l’espace public étant gommée, cela entraîne beaucoup de
fatigue et de stress chez les collègues. On ne peut pas tout
transposer chez soi et la qualité de la communication en
souffre au final. C’est comme un jeu de ping-pong d’une
personne à l’autre. A la RMN-GP il y a ainsi 850 salariés
seuls face à eux-mêmes, exceptées ces formidables équipes en
charge de la logistique et de la sécurité qui assurent la
permanence au Grand Palais et rue de Bercy, que je tiens à
remercier tout particulièrement, ainsi que toutes les
équipes en charge de la communication digitale et des
ressources humaines extrêmement sollicitées actuellement.
J’espère sincèrement que le télétravail ne va perdurer, même
si nous devons être réalistes sur l’horizon à prévoir.
2 - Les solutions virtuelles et digitales vous
semblent-elles un relai pertinent pour vos expositions et
événements associés pendant toute cette période ?
C’est une aide plus qu’une alternative car ce qui rend
une visite d’exposition exceptionnelle c’est d’être seul
face à une œuvre au milieu d’autres personnes, l’individu et
le collectif, contrairement au théâtre et au cinéma où l’on
interagit en collectif. En plus, une exposition s’écoute et
se regarde car à chaque fois un commissaire est là pour
raconter une histoire par le choix des œuvres, leur mise en
scène, les explications fournies, les parti-pris engagés...
On voit surgir beaucoup d’alternatives digitales qui ne sont
qu’une suite d’images offrant un ressenti très solitaire.
Avec Pompéi chez vous nous avons quelque chose de très
abouti, ce qui se note dans les retours de fréquentation du
site Grand Palais avec 220 000 visiteurs sur la journée,
dont 637 000 pages vues avec 172 000 spéciales Pompéi. Les
vidéos YouTube tournent à 252 000 vidéos/vues. Nous avons
voulu essayer le medium à 360 ° avec réalité augmentée…
L’initiative du Ministère de la culture est à saluer
également. Le principal est de pouvoir évaluer à présent ce
qui fonctionne, qui apporte une vraie plus-value, comme un
surplus et non un simulacre. Je le vois dans le monde entier
ayant beaucoup échangé avec mes collègues aux Etats-Unis et
en Europe, et malgré les réticences de certains, nous sommes
obligés tous d’explorer ce medium et ses possibilités, ce
qui est positif au final. Les images que l’on voit dans la
journée sont vides donc anxiogènes tandis que dans la nuit
plus sécurisantes et inspirantes je trouve, ce qui m’amène à
changer mes habitudes, loin de tout confinement intellectuel
ou psychologique.
3 - Cette crise pourrait-t-elle avoir des
conséquences sur le démarrage de l’ambitieux chantier du
futur Grand Palais ?
La crise sanitaire ne remet pas en cause notre calendrier de
travaux et le Grand Palais va bien fermer ses portes en
janvier 2021. Nous continuons à travailler dans ce sens,
même si les chantiers des toitures des Galeries Nord ont dû
être suspendus. Nous avons aussi arrêté le chantier
concernant les expositions mais dès que le confinement sera
levé, il faudra compter entre 10 à 15 jours pour remonter ou
démonter l’exposition. Nous sommes aussi confrontés à des
problématiques liées à l’évènementiel avec beaucoup de
prestataires qui ont du reporter ou annuler, ce qui nous
donne une certaine souplesse pour pouvoir reporter certaines
de nos expositions comme Pompéi ou Noir et Blanc alors qu’au
Musée du Luxembourg il n’est pas envisageable de
reprogrammer les expositions de cette période ayant une
durée relativement courte. Parmi les autres expositions
phares qui vont manquer à Paris à mon sens, Christo au
Centre Pompidou, Matisse encore en suspens, Alice Neel. Pour
conclure l’année 2020 sera comme un fantôme, elle n’aura pas
existé. S’il est impossible de se projeter et c’est une
première, nous pouvons en tirer des enseignements, comme à
chaque période d’épidémie ou de crise, que ce soit la Peste
au XVème siècle et alors que tout le monde relit Albert
Camus, qui a donné la naissance à un état plus moderne,
suivie de la grippe espagnole au début du XXème siècle,
favorisant des progrès en matière d’hygiène et de santé
publique. Les crises ont toujours abouti à des phénomènes
positifs même si je souhaite que cela ne se fasse pas au
détriment de beaucoup de gens comme en 2008. Nous sommes
capables de démontrer une vraie solidarité que ce soit à
Paris, en France et en Europe et j’espère que c’est cela qui
va ressortir.
4 - Quel impact peut avoir selon vous un tel
séisme sur le monde de l’art quand on sait par exemple que
plusieurs milliers de musées américains sont menacés de
fermeture ? et restez-vous malgré tout positif ?
La culture heureusement est une fonction publique en Europe.
Si Klaus Biesenbach a dû licencier la moitié de son
personnel au MOCA et que Max Hollein au Metropolitan Museum
rencontre de réelles difficultés, cela indique que nous
avons une autre manière de gouverner nos musées. De même en
matière d’aide gouvernementale européenne, il est difficile
de comparer la France et l’Allemagne par exemple. En France,
nous avons beaucoup d’aide directe et indirecte par le biais
des intermittents. C’est un autre système, même si l’aide
promise par Monika Grütters à Berlin est quand même bien
supérieure à la nôtre ! Il est certain que les sommes
consacrées à la culture en Allemagne ont toujours été plus
importantes et ce depuis la 2ème guerre mondiale.
5 - Pensez-vous qu'en matière de conscience écologique
cette crise soit une alerte et entraîne des changements
durables dans nos habitudes et comportements face à l’art ?
Je l’observe déjà au niveau des artistes qui retrouvent le
chemin de leur studio, leur chambre, leur atelier, et non
dans une recherche spectaculaire mais une pratique
d’écriture et d’archive quotidienne. Loin de toute pression
des galeries, des collectionneurs ou du marché. Il n’y a
plus de « waiting list » du moins dans l’immédiat. De
nouveau, les artistes peuvent travailler pour eux-mêmes et
je suis sûr que cela va avoir un impact notamment sur la
manière dont nous allons concevoir les expositions et
inventer des instruments digitaux plus créatifs et
pertinents que de la simple publicité. Nous allons devoir
aussi formuler des thématiques nouvelles et qui ont du sens.
Beaucoup de changements en perspective !
Interview par Marie de La Fresnay (publiée le 10/4/2020)
Pompéi chez vous YouTube :
https://www.grandpalais.fr/
* RMN : Réunion des Musées Nationaux
Gabriele Münter – pionnière de de l’art moderne
Le Centre Paul Klee
(Zentrum Paul Klee) à Berne (Suisse) présente une
très intéressante exposition de l’artiste Gabriele Münter.
Personnellement, nous l’avions découverte il y a plusieurs
années en Allemagne dans une grande rétrospective consacrée
au mouvement « Le Cavalier bleu » (Der Blaue
Reiter), où quelques-unes de ses œuvres y étaient
présentées.
Si les fondateurs du
mouvement, Vassily Kandinsky et Franz Marc sont bien connus,
Gabriele Münter reste cependant une pionnière méconnue mais
compte parmi les femmes artistes les plus éminentes du
moderne, dans un monde professionnel qui reste dominé par
les hommes. Il faut cependant relever que parmi les artistes
qui ont contribué au mouvement expressionniste des années
20, on compte une autre femme, Marianne von Werefkin,
compagne de Alexj von Jawlenski. Paul Klee a aussi participé
à ce groupe.
Œuvre
expressionniste très variée
Gabriele Münter a
créé une œuvre extrêmement riche qui s’étend sur six
décennies et a élaboré un langage pictural puissant et
original. Elle a aussi contribué par ses précieuses
suggestions et ses importants travaux de rédaction à la
création de l’Almanach du Cavalier bleu, alors que
celui-ci est généralement considéré comme étant l’œuvre de
Kandinsky. Une grande partie de ses œuvres est réduite
seulement à ses années passées avec Vassily Kandinsky avec
lequel elle eut une liaison.
L’exposition du
Centre Paul Klee entend rectifier ce point de vue et
présente non seulement Gabriele Münter en tant que
protagoniste significative de l’avant-garde, mais dresse
également le portrait d’une artiste extrêmement polyvalente,
singulière et expérimentatrice.
Puis son style de
Gabriele Münter a évolué au fil du temps ; tout d’abord des
esquisses plutôt impressionnistes qui vont évoluer par la
découverte, lors d’un séjour à Paris avec Kandinsky, d’Henri
Matisse et du fauvisme. Son langage expressionniste va
s’approfondir principalement à partir de 1909 à Murnau dans
le cadre de sa participation au Cavalier bleu.
Retour au
naturalisme
À partir de 1935
Gabriele s’est de nouveau penchée dans les environs de
Murnau pour réaliser une série de tableaux. À cette occasion
détachée de la nature pour se concentrer sur la technique
moderne. Son langage visuel a perdu son caractère
expressionniste et les couleurs ainsi que la représentation
sont devenues plus naturalistes.
L’exposition offre
la possibilité de découvrir pour la première fois toutes les
facettes d’une femme qui a intégré les grandes tendances de
l’expressionisme allemand de l’entre-deux guerres qui n’a
rien perdu de son caractère actuel.
Il faut aussi
signaler d’un prix au nom de l’artiste a été créé en
Allemagne pour récompenser les artistes femmes. Le prix
Gabriele Münter est considéré comme très prestigieux.
Coopération
Exposition organisée
en collaboration avec la Gabriele Münter- und Johannes
Eichner-Stiftung et la Städtische Galerie im
Lenbachhaus und Kunstbau de Munich, qui possède la plus
grande collection des œuvres du groupe du Cavalier Bleu.
Séverine et
Raymond Benoit (25/3/2022)
Exposition jusqu’au
3 mai 2022 -
Centre Paul Klee, Berne (Suisse)
Léon Spilliaert : 50 nuances plus sombres (musée
d’Orsay)
Flamand francophone né à Ostende d’une famille de parfumeurs
fournisseurs à la Cour, Léon Spilliaert est
un autodidacte et entend le rester après un bref passage à
l’Académie de Bruges. C’est sa rencontre avec l’éditeur
bruxellois Edmond Deman puis avec Emile Verhaeren et Maurice
Maeterlinck qui va influencer son goût pour la littérature
auquel il ajoute une dimension spirituelle intérieure très
forte. Un symbolisme teinté de mélancolie qui le place
résolument à part.
Le musée d’Orsay - en collaboration avec la Royal Academy de
Londres - se penche sur les années décisives de sa création
entre 1900 et 1919 autour de grands ensembles à l’encre
noire diluée dans une économie de moyens où la ligne tend à
l’épure. Ostende est à la fois la toile de fond de ses
incursions solitaires et un personnage à soi tout seul.
Station balnéaire mondaine lancée par Léopold II son
architecture belle époque avec les Galeries Royales, le
Kursaal (Casino) et la digue, hantent les insomnies du
promeneur. Conservé par le musée d’Orsay « Clair de lune et
lumières » laisse apparaitre les colonnades et les arcades
de la façade du Chalet royal dans un halo électrique
angoissant, tandis que « Digue la nuit. Reflets de lumière »
(Orsay) estompe encore plus les frontières dans des
variations monochromes qui traduisent le tourment et vertige
existentiels. Spilliaert est proche de Nietsche, Van Gogh ou
de Munch avec des figures qui deviennent spectrales comme la
jeune fille assise dos au mur de « Toute seule » dans des
espaces clos et inquiétants. Les deux autoportraits : au
miroir (Mu.ZEE Ostende) et aux masques (Orsay) nous disent
sa vision hallucinée dans un emboitement de cadres et au
milieu d’objets symboliques à valeur de vanité (passage du
temps) porteurs d’une menace sourde potentielle. Tel un
spectre au visage squelettique, l’artiste, livide, est comme
happé par un gouffre. La mort rode et même les masques du
carnaval d’Ostende, dominos et autres draperies blanches,
demeurent un mystère tout comme ces ombres de femmes de
pêcheur qui scrutent l’horizon en vain dans une dramaturgie
puissante comme le flux et reflux de cette mer du Nord aussi
indomptable que son vague à l’âme persistant.
Aubrey Beardsley, virtuose du trait
Aux côtés de ce dandy inquiet des derniers feux du
symbolisme belge, le musée d’Orsay (avec la Tate Britain)
expose le dandy, britannique : Aubrey Beardsley
autre virtuose du trait, mort prématurément de la
tuberculose dont les fantasmes aux accents préraphaélites
extravagants frisent la décadence et bousculent les
principes victoriens d’alors.
Seul regret pour ces deux expositions : l’espace beaucoup
trop restreint offert au visiteur qui doit jouer des coudes
pour apprécier ces œuvres sur papier de traille réduite. On
comprend alors que le véritable espace d’exposition a été
gardé pour ce qui devait être l’évènement de cet automne,
l’exposition « Les origines du monde. L’invention de
la nature au XIXème siècle »
coproduite avec le musée des Beaux-Arts de Montréal et
regroupant près de 300 œuvres qui hélas n’a pas pu être
ouverte du fait de ce nouveau confinement. Patience…
Catalogue Léon Spilliaert aux édition musée d’Orsay-RMN
Catalogue Aubrey Beardsley édition Flammarion
Site
Spilliaert, lumière et solitude Jusqu’au 10 janvier 2021
Mécène de l’exposition : Flanders State of the art
Marie de La Fresnay (17/11/2020)
Le
lion a faim... Présentation de la collection Beyeler
La fameuse toile d’Henri Rousseau est présentée dans une
salle pour elle toute seule et comme motif central de la
collection Beyeler qui avait « faim » d’être présentée, tout
au moins selon ses responsables ! Elle l’est dans huit
salles par une sélection de peintures et de sculptures
légendaires, toutes des œuvres maîtresses de la modernité
classique ou de l’art contemporain.
Dans la présentation de
la collection, on admire les découpages aux ciseaux, aussi
emblématiques que fragiles, d’Henri Matisse, en particulier
Nu bleu I, dont l’élégance et la présence spatiale ne
cessent de nous étonner. On découvre le groupe de
personnages qu’Alberto Giacometti a conçu à l’origine pour
la banque Chase Manhattan Plaza de New York à la fin des
années cinquante. L’Homme qui marche, longtemps représenté
sur le billet de 100 francs suisses, fait partie de cet
ensemble. On s’y heurte au passage.
Plus loin, Louise
Bourgeois, qui connaissait bien Giacometti, a élargi le
concept de sculpture en rendant l’inconscient, sinon
visible, du moins vivable. Elle a son propre espace
particulièrement représentatif. Une de ses fameuses
araignées, « collée » à une paroi, attire particulièrement
le regard.
La rencontre de Wassily Kandinsky et Paul Klee,
dont l’amitié exceptionnelle est pour la première fois
saluée dans une des salles, constitue d’autres points forts.
Le choix des six tableaux représentatifs fait bien ressortir
ce qui unissait mais aussi différenciait ces deux artistes
dans leurs représentations du monde et de leur imagination.
Trois images très émouvantes, peintes par Vincent van Gogh
juste avant sa mort, sont exposées ensemble et dialoguent
avec des œuvres de Paul Cézanne et d’Edward Hopper, artiste
qui avait fait l’objet de la précédente exposition chez
Beyeler.
L’expressionnisme abstrait se concentre dans un
autre espace où sont présentés les œuvres de Willem de
Kooning, Clyfford Still et Sam Francis, ainsi qu’une
peinture de Joan Mitchell en grand format. Pour la première
fois, l’exposition montre l’une des nouveautés récentes de
la collection : l’émouvante installation sonore - faite de
sept tourne-disques - Seven Tears de Susan Philipsz. Elle se
réfère à la composition éponyme du contemporain de
Shakespeare, John Dowland, et exprime des états émotionnels
qui - accompagnées de larmes - passent de la joie
jubilatoire à la profonde tristesse.
Trop mélancolique ? Pas
du tout ! La mélancolie est le plus souvent au début de la
créativité. Les œuvres uniques que l’on retrouve à nouveau à
la Fondation Beyeler en témoignent.
Roni Horn - « You are
the Weather »
Parallèlement, la Fondation présente les 100
photographies de You are the Weather qui ont été prises en
juillet et août 1994 en Islande.
La New-Yorkaise Roni Horn
s’est rendue pour la première fois en Islande en 1975, à
peine vingt ans. L’île qui devait prendre une importance
particulière pour sa création artistique. Depuis, elle s’y
est rendue régulièrement. Le paysage singulièrement abrupt
de l’île volcanique, les conditions météorologiques
changeantes et l’isolement du lieu sont leur source
d’inspiration importante, comme elle le trouve également
dans certaines œuvres centrales et une série de livres de
forme. Pour Horn, l’Islande est : « Assez gros pour se
perdre. Assez petit pour me trouver. »
« Pendant six
semaines, j’ai voyagé à travers l’Islande avec Margrét. Nous
avons utilisé les sources d’eau naturellement chaudes qui y
sont présentes partout, et nous avons déménagé d’une piscine
à l’autre. Nous travaillions tous les jours, la plupart du
temps à l’extérieur, sans tenir compte du climat changeant,
souvent imprévisible, qui règne sur l’île. »
Les gros plans
montrent la femme à la lumière du soleil ou par temps
nuageux, l’expression du visage - parfois irritée, parfois
impatiente - est causée par le soleil qui éblouit, le vent,
etc. Bien que ce soient tous des portraits de la même jeune
femme, on ne sait rien d’elle. L’identité est décrite comme
ouverte et transformable dans You are the Weather et se
révèle comme une multitude de moments.
La prochaine exposition de la Fondation, qui commence le 16
décembre, sera consacrée à Rodin et Arp.
Fondation Beyeler, Riehen (Bâle)
Le lion a faim - 10 octobre 2020 - 28 mars 2021
Roni Horn - 10 octobre 2020 - 17 janvier 2021
Séverine et Raymond Benoit (24/10/2020)
Fondation Beyeler, Riehen/Bâle
Edward Hopper à Bâle
L’exposition de la Fondation Beyeler met l’accent sur les
représentations iconiques de Hopper des étendues infinies
des paysages naturels et urbains de l’Amérique. Il s’agit là
d’un aspect rarement placé au centre des expositions
consacrées à Edward Hopper, mais pourtant clé pour
comprendre son œuvre et sa réception. L’exposition réunit
des aquarelles et des huiles des années 1910 aux années
1960, offrant ainsi un large et passionnant panorama des
multiples facettes de la peinture « hoppérienne ».
Edward Hopper (1882–1967) compte parmi les artistes majeurs
du 20ème siècle. Connu en Europe principalement pour ses
peintures à l’huile de scènes de la vie urbaine produites
dans les années 1920 à 1960, dont certaines ont acquis une
popularité exceptionnelle dont celles présentées par la
Fondation de l’Hermitage à Lausanne en2010. Jusqu’à présent
ses paysages avaient reçu moins d’attention. Étonnamment,
aucune exposition importante n’avait encore été consacrée au
regard porté par Hopper sur le paysage américain.
Du 26 janvier au 17 mai 2020, la Fondation Beyeler présente
une vaste exposition de paysages iconiques à l’huile ainsi
qu’une sélection d’aquarelles et de dessins. C’est par
ailleurs la première fois qu’une exposition est consacrée à
Edward Hopper en Suisse alémanique.
Capter l’invisible
Edward Hopper est né à Nyack, New York. Après une formation
en tant qu’illustrateur, il étudie la peinture à la New York
School of Art jusqu’en 1906. Outre la littérature allemande,
française et russe, ce sont surtout des peintres comme Diego
Velázquez, Francisco de Goya, Gustave Courbet et Édouard
Manet qui fournissent des points de repère importants au
jeune artiste. Bien que Hopper ait longtemps travaillé
principalement en tant qu’illustrateur, sa célébrité repose
surtout sur ses peintures à l’huile, qui témoignent de son
intérêt profond pour la couleur et de sa virtuosité dans la
représentation de l’ombre et de la lumière.
Hopper a en outre su développer à partir de ses observations
une esthétique dont l’influence se fait sentir non seulement
en peinture mais aussi dans la culture populaire, la
photographie et le cinéma. L’idée de cette exposition a
germé lorsque Cape Ann Granite, peinture de paysage d’Edward
Hopper datant de l’année 1928, a intégré la collection de la
Fondation Beyeler en tant que prêt permanent. L’œuvre a fait
partie des décennies durant de la célèbre collection
Rockefeller et date d’une époque à laquelle Hopper fait
l’objet d’une attention croissante de la part de la
critique, des commissaires d’exposition et du public.
Les peintures de paysage de Hopper donnent l’impression
qu’il s’y agit en fait d’une chose invisible, qui se passe
en dehors du tableau, ainsi que l’illustre par exemple sa
toile Cape Cod Morning (1950): dans une fenêtre en baie, une
femme au visage baigné de soleil scrute une chose qui
demeure inaccessible au regard du spectateur parce qu’elle
se situe en dehors de l’espace pictural. Les paysages
visibles de Hopper ont toujours pour pendant des paysages
invisibles et subjectifs, qui apparaissent à l’intérieur du
spectateur. Comme toutes ses toiles, les paysages de Hopper
sont empreints de mélancolie et de solitude. Il émane
souvent d’eux une impression d’étrangeté et de menace.
Hopper montre aussi dans son œuvre l’irruption parfois
brutale de l’homme dans la nature, mettant en relation
paysages naturels et paysages urbains. Hopper a contribué de
manière significative à établir la notion d’une Amérique
mélancolique, marquée aussi par les faces sombres du
progrès.
L’étendue des salles de la Fondation Beyeler permet de
véritablement se plonger dans les paysages retranscrits par
le peintre et de s’imprégner de leur caractère réaliste mais
aussi revêtus d’un mystère indéfinissable sous le regard
éminemment subjectif de l’artiste.
L’exposition réunit 65 œuvres datant des années 1909 à 1965.
Elle est organisée en coopération avec le Whitney Museum of
American Art, New York, dépositaire de la plus importante
collection au monde d’œuvres d’Edward Hopper.
Séverine et Raymond Benoit (04/7/2020)
Fondation Beyeler, Riehen/Bâle - Jusqu'au 26 juillet
2020
Le
Greco, l’expo évènement
Le Grand Palais avec Toulouse Lautrec et Le Greco mise sur
deux succès assurés même si la bonne surprise vient plutôt
du Greco grâce à des parti pris scénographiques à la hauteur
de sa modernité. Organisée par la Réunion des Musées
Nationaux, le Louvre et l’Art Institute de Chicago où elle
voyagera ensuite sous le commissariat brillant de Guillaume
Kientz, l’exposition rassemble 75 œuvres venant beaucoup des
musées américains et moins d’Espagne qui ne s’est pas
séparée de son icone l’Enterrement du comte d’Orgaz ou des
toiles du musée du Prado. Des manques qui sont compensés
dans cet espace réduit par la pertinence de l’accrochage sur
un fond neutre et blanc qui met en valeur les coloris
absolument fantastiques du maître dans un cheminement subtil
et puissant.
Un étranger en Italie
Né en Crête vers 1541, Doménikos Theotokopoulos, dit Le
Greco formé à l’art des icônes, s’installe à Venise en 1567
où il découvre Titien, son modèle et Véronèse abandonnant
alors les fonds d’or des icônes au profit des coloris
vénitiens. Il part tenter sa chance à Rome et d’une grande
arrogance déclare qu’il se plairait à reformuler et corriger
l’art de Michel Ange ! Il est alors chassé du palais
Farnèse. Itinéraire étonnant. Au fil des capitales
traversées il n’a de cesse de se réinventer, à la recherche
d’une solution toujours plus inventive. La galerie des
portraits montre qu’au contact de ces brillants personnages,
il sait trouver mécènes et commanditaires. Il a le don de
sonder leur caractère psychologique comme dans le fameux
Portrait du cardinal Nino de Guevara qui a tant inspiré les
peintres du XXème, Picasso en tête, Manet Bacon. C’est en
Espagne à Tolède, la cité rivale de Madrid alors toute
puissante, qu’il trouvera enfin son port d’attache soutenu
par le roi Philippe II qui lui passe ses premières commandes
importantes. Il se dote alors d’un atelier face à la demande
croissante de nombreuses familles puissantes de Tolède en
quête de dévotion. Comme le résume le commissaire « Le
Greco arrive à un moment clé de l’histoire de l’art, une
crise de l’image. Il se donne alors pour mission de
réinventer la peinture religieuse. »
Charnel et mystique
Hérétique ou mystique ? Fou le Greco ? Sa palette
d’une grande audace comme cela transparait dans la
monumentale L’Assomption de la Vierge, le chef d’œuvre de
l’exposition tout juste restaurée, l’étirement des formes,
des corps, l’orage des ciels, les songes et les extases,
l’agitation des drapés, la fureur des architectures, tout
concourt à l’extravagance quand ce n’est pas de la
dissonance. Et avec quelle maîtrise ! « Il va pousser à
son extrême les limites de la représentation, du cadre. Il
prépare sans y penser les grandes ruptures des avant-gardes
» résume Guillaume Kientz. Sa Marie-Madeleine pénitente et
ses Vierges n’ont rien de repentantes, lançant des regards
d’une grande douceur et sensualité. Et la sérialité
développée autour du « Christ chassant les marchands du
temple » comme cela est habilement démontré à la fin du
parcours, où il finit par se citer introduit bien d’autres
postures reprises par un Cézanne par exemple. Irrévérent il
est mais sa fougue et son génie plein d’incohérences
formelles dépassent tout. C’est un choc qui attend le
spectateur. Greco dessinateur, Greco architecte complètent
l’étendue de son talent avant que son fils ne prenne le
relais. Marie de La Fresnaye Infos pratiques : LE GRECO
Grand Palais, Paris. Réservation conseillée Jusqu’au 10
février 2020
Marie de La Fresnay (26/11/2019)
Jusqu'au 10 février 2020
Site
Boltanski,
Centre Pompidou : Une vie en mémoire
« Mon activité depuis le début est forcément un ratage
annoncé car j’ai essayé de lutter contre l’oubli et la
disparition, ce qui évidemment est vain. Dès que vous
essayez de protéger quelque chose vous le tuez. »
Christian
Boltanski
L’exposition Faire son temps est conçue par
Christian Boltanski comme une œuvre d’art totale avec la
complicité du directeur du Centre Pompidou, Bernard Blistène
sur les 2000 m² du 6ème étage du musée à partir de 40 œuvres
monumentales. Annoncée par des panneaux d’ampoules
lumineuses « Départ / Arrivée » qui renvoient à un hall
d’aéroport ou de gare de transit pendant la guerre,
nettement plus anxiogène, cette mémoire mise en boîte tantôt
sombre ou lumineuse est comme un cœur qui bat, dont les
pulsions subtiles et tenaces nous envahissent soudainement.
Christian-Liberté de son vrai prénom né en septembre 1944 la
veille de la libération, a passé son enfance et adolescence
reclus dans la peur de l’appartement familial rempli d’amis
de ses parents rescapés de la Shoah. Il développe dans ce
climat d’inquiétude constante une sorte d’autisme. Non
scolarisé il commence à pratiquer la pâte à modeler et le
dessin encouragé par son frère. Une activité débordante et
brute qu’il détruira ensuite pour se tourner vers la
photographie, la vidéo ou l’installation, dans une approche
plurielle captant les empreintes, les traces des morts et
toujours des anonymes. L’artiste affectionne le noir et
blanc qui permet une certaine distance et renvoie au passé,
loin de la normalité de la couleur.
L’indicible,
l’impalpable se niche dans ses petits rebus du quotidien
qu’il collecte comme de vieux manteaux (Monumenta Grand
Palais), draps ou voiles (les Véroniques), miroirs, valises,
lampes ou ampoules (Crépuscule), sons enregistrés (cœurs de
Teshima ou cloches du désert d’Atacama) comme pour les
dernières œuvres. A la quête de l’image manquante
pourrait-on dire, selon le concept développé par Georges
Didi-Huberman à partir de l’innommable des camps. Des
monuments faits dans des éléments dérisoires comme avec
« les Suisses morts » et ces simples boîtes de métal à
partir de ces nécrologies qui le fascinent comme il
l’explique non sans malice.
Une déambulation sans aucun
cartel pour favoriser une plongée sans filtre
particulièrement sensible quoique déroutante au début pour
le visiteur qui n’a pas repère autre que ses sens en éveil.
Le fantôme et l’aura des autres et de l’œuvre du
plasticien, se dissolvent dans ces réseaux de fils qui
traversent le parcours. A chacun de les saisir et de les
démêler.
Qu’est-ce que la vie de quelqu’un ? Si ce n’est un
tiret entre deux dates, comme au cimetière, déclare-t-il à
partir de l’œuvre emblématique de la Date de naissance et de
mort de sa mère. Peut-on faire revivre les morts ? Est-ce
que l’on peut préserver la mémoire d’une vie ? De multiples
questions mais jamais de réponses.
L’art, une thérapie
Comme
il explique, chaque artiste part d’un trauma originel qu’il
n’a de cesse de convoquer et de transcender mais sans jamais
avoir recours à une image directe de la Shoah il suggère,
lance des pistes. Il s’agit ainsi de prendre une distance
avec son malheur, l’apprivoiser, en faire quelque chose.« La
destruction et l’usure font partie intégrante de la vie ».
L’Essai de reconstitution (titre d’une œuvre de 1970) de la
mémoire devient alors obsessionnel chez lui.
Agnostique,
Boltanski devient deus ex machina comme avec l’horloge
parlante sous la cathédrale de Strasbourg. « Dieu est le
seul maitre du temps. Nous ne pouvons pas lutter en tant
qu’être humain ».
Une portée universelle
« Il y a beaucoup
de monde chez moi dans ma tête et en même temps chacun de
nous est unique et prodigieux » Biographique son œuvre
comme avec La mort du grand-père, Entretemps ou l’album
photo de famille de 1939 mais dans une dimension et visée
plus large. « La grande question que je me suis posée est
l’importance de chacun et sa fragilité, la trace ou
l’absence de trace que chacun laisse » résume-t-il.
Ce qui
le déroute est ce contraste entre le merveilleux de
l’existence de chaque être et la fin si brutale attendue. «
Après 60 ans tout être devrait avoir son propre musée ! »
revendique -t-il.
L’humour
L’artiste a vendu sa vie en viager
à David Walsh collectionneur d’art en Tasmanie,
mathématicien surdoué. Des caméras de surveillance filment
en continu 24h sur 24 son atelier jusqu’à sa mort. « Il a
acheté ma mémoire » résume-t-il dans une sorte de dérision
puisque les bobines des s’entassent déjà dans un bunker
depuis plusieurs années maintenant.
Un pari ultime tendu au
destin et à la vie !
Marie de La Fresnaye (26/11/2019)
Jusqu'au 16 mars 2020
Site
Ombres,
de la Renaissance à nos jours
Après le succès de l’exposition Fenêtres, de la Renaissance à nos jours. Dürer, Monet, Magritte… en 2013, la Fondation de l’Hermitage de Lausanne poursuit son exploration des grands thèmes de l’iconographie occidentale, et propose au public de découvrir les multiples facettes artistiques de l’ombre.
L’exposition particulièrement originale offre un parcours à travers 500 ans d’histoire de l’art et convoque des formes artistiques très variées, allant de la peinture à l’installation, en passant par la sculpture, l’estampe, le dessin, le découpage, la photographie ou encore la vidéo.
Comme la fenêtre, métaphore du tableau depuis la Renaissance, l’ombre occupe une place symbolique centrale dans notre culture visuelle. En effet, depuis l’Antiquité, il se raconte que l’ombre est au cœur de l’invention de la peinture, du dessin et même du modelage en bas-relief. Au-delà des grands mythes élaborés autour de l’ombre, nous faisons tous quotidiennement l’expérience de l’ombre projetée, et ce phénomène nous intéresse dès l’enfance, les jeux d’ombres faisant certainement partie des divertissements les plus anciens. C’est avec Rembrandt que ces éléments caractéristiques se mettent en place, jusqu’à créer une véritable typologie. Il est en effet le premier artiste à avoir réalisé un très grand nombre d’autoportraits – près d’une centaine en quatre décennies –, et son influence sur le genre est immense.
Dans les œuvres de cette époque, relevons particulièrement l’Autoportrait à la bougie de Godfried Schalken (1643-1706) qui étudie particulièrement les jeux d’ombre et de lumière sur le visage mais aussi sur tout l’entourage. D’autres artistes confèrent aussi l’intensité de l’apparition par ces mécanismes, comme Jan Lievens, John Opie ou Fantin-Latour. Puis, dans son magistral portrait de jeunesse, Eugène Delacroix surgit de l’ombre comme halluciné, mais vivante incarnation du génie artistique.
Les sens de l’Ombre
Ainsi, au moment de la Renaissance, l’ombre est au cœur d’une grande révolution que provoqua la carrière éclatante du Caravage. De son œuvre va naître un mouvement caravagesque, appelé aussi ténébrisme, se distinguant par « la lumière très claire et l’ombre très sombre qui donnent du relief à la peinture » comme le signale Giulio Mancini en 1617 déjà. Le joueur de Théorbe d’Antiveduto Gramatica utilise de façon raffinée l’ombre portée d’une main pour donner forme au son de l’instrument.
Une salle s’intéresse particulièrement à l’ombre de la création du monde, mythe cosmogonique judéo-chrétien, puisque le premier jour est, selon le livre de la Genèse, celui de la séparation de la lumière d’avec les ténèbres (Genèse, 1,4). L’ombre joue aussi un rôle primordial dans l’allégorie de la caverne de Platon qui est évocation de l’accès à la connaissance : les ombres projetées dans la caverne, lieu naturel de l’ignorance, ne sont que des illusions, l’apparence trompeuse de la réalité (La République, VII, 514-515).
Fondamentalement, l’ombre est un élément indispensable de l’identité d’un sujet, comme si ce dédoublement, plus ou moins important selon les circonstances, garantissait la nature même de l’humain. Plusieurs contes fantastiques soulignent l’improbabilité de l’absence de l’ombre, comme le celui de Peter Schlemmil, qui a vendu son ombre au diable en échange de la fortune, dans la nouvelle d’Adalbert von Chamisso, de la « Femme sans ombre » d’Hugo von Hofmannsthal, ombre qui est ici aussi symbole de fécondité, sans oublier le clin d’œil à Lucky Luke qui tire plus vite que son ombre !
L’exposition présente aussi une série d’œuvres de la période romantique où la nuit devient sujet. Les artistes essaient de reproduire le passage de la Terre dans son ombre et des nuits profondes. Les « nuits » sont aussi souvent des scènes d’intérieur éclairées à la lumière artificielle (lanterne ou bougie). Que ce soit l’ombre porté d’une main, d’un visage ou d’un lampadaire, la projection des ombres vient animer et dynamiser les compositions vers des détails inattendus. Puis, vers la fin du 19e siècle, l’ombre passe à des gammes de gris puis à des bruns, mais avec des couleurs franches et éclatantes. L’ombre va être de plus en plus un choix artistique qui va inspirer non seulement les peintres mais aussi les photographes et les graphistes.
L’exposition se visite en 16 salles aux thèmes chaque fois différents, plus ou moins dans l’ordre chronologique de l’évolution de l’ombre dans les œuvres artistiques. Elle rassemble environ 140 œuvres distinctes, provenant de musée du monde entier et de collections particulières. Elle est intéressante non seulement pour les amateurs d’art mais aussi, à notre avis, à tous ceux que l’histoire de l’art et de ses techniques intéressent.
Séverine et Raymond Benoit (03/7/2019)
Ombres, de la Renaissance à nos jours
Fondation de l’Hermitage, Lausanne
Du 28 juin au 27 octobre 2019
Site
« Les Reines » de Normand Chaurette
Les fans de Shakespeare et les amateurs de théâtre contemporain peuvent se
laisser surprendre par « Les Reines », une tragédie francophone du Canadien
Normand Chaurette mise en scène par Elisabeth Chailloux. Créé et présenté à la
Manufacture des œillets, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), du 12 au 29 janvier
2018, ce spectacle de six comédiennes chevronnées doit ensuite partir en
tournée, en particulier à Colmar.
A Londres, le 20 janvier 1483, six femmes se croisent dans un château sombre, où
elles s’apostrophent dans une langue riche et poétique. Elles sont sœurs,
épouses ou mère de roi. L’une d’elles, qui aimait trop son frère, déambule comme
un ange en patins à roulettes. Le roi Edouard agonise ; les enfants d’Elisabeth
sont menacés, sur fond de guerre des Deux Roses. De cette guerre s’est inspiré
Shakespeare pour écrire « Richard III » et « Henri VI ». Ces personnages de
Shakespeare sont réincarnés par Chaurette : Anne Dexter (interprétée par
Bénédicte Choisnet), la duchesse d’York (Sophie Daull), les sœurs Isabelle
Warwick (Pauline Huruguen) et Anne Warwick (Marion Lenfant), la reine Elisabeth
(Anne le Guernec), la reine Marguerite (Laurence Roy).
Normand Chaurette, né en 1954 à Montréal, explique : « je tenais à écrire une
pièce sur la métaphore, sur la langue, sur le flamboiement, sur le décadent ».
La question du pouvoir n’est pas fondamentale pour ces rôles, assure le
dramaturge, qui pense l’acteur comme un instrument de musique : « les mots sont
pour moi des rondes, des blanches, des noires et des croches, la voix des
acteurs des timbres ».
L’ancienne manufacture des œillets, centenaire, a été
rachetée par la ville d’Ivry en 2009 et Inscrite à
l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. On y
fabriquait des œillets, des anneaux métalliques permettant
de consolider les trous pratiqués dans du tissu ou dans du
cuir pour y glisser des lacets. Aujourd’hui, elle abrite le
théâtre des quartiers d’Ivry (centre dramatique national du
Val-de-Marne), avec ses activités de création et de
production, de formation professionnelle et amateur
(l’Atelier Théâtral), de rencontre avec des artistes et des
compagnies venues d’ailleurs (Théâtre des Quartiers du
Monde). Des plasticiens contemporains y sont également
présentés dans un des bâtiments avec le CREDAC.
Site
Marie-France Blumereau-Maniglier (15/01/2018)
Les
silences du musée Rath de Genève
(La Suisse est connue pour ses musées et le nombre important d’expositions qui y sont organisées chaque année. Elle serait la première en Europe si on rapporte cette profusion au nombre de ses habitants.)
Tel est le titre de la très originale exposition que le musée Rath de Genève, (commissaire : Lada Umstätter), propose cette année du 14 juin au 27 octobre 2019. Ces silences sont évoqués par les peintures elles-mêmes, mais surtout le silence est recommandé dans les salles d’exposition, avec la consignes de le respecter pendant la visite. Pour inciter au silence, l’ambiance générale est nocturne avec des pièces très sombres, peintes en noir, où seules sont éclairées les œuvres elles-mêmes et le texte qui introduit chaque salle.
Tout ceci procure un étonnement inhabituel qui entraine dans une autre perception de l’œuvre observée. Après cette expérience, on ressort de la visite avec l’idée, qu’à l’avenir, dans d’autres expositions ou dans les musées, on ne pourra s’empêcher d’introduire le silence dans notre regard.
Ainsi, dans l’une des dernières salles, était présent un enseignant des Beaux-Arts accompagné d’étudiants. Évidemment, le professeur faisait des commentaires qui suscitaient, en retour, des réflexions des participants, mais pour les visiteurs, après ce parcours silencieux et presque recueilli, c’était une épreuve difficile à supporter.
L’exposition est déclinée en 10 variations de silence :
- Du bruit au silence [une sorte d’Introduction]
- Vie silencieuse
- Non-dit
- Silence sacré
- Vanité
- Mélancolies
- Poésie du silence
- Paysages silencieux
- Espaces du silence
- artitions du silencee
Ces thèmes sont présentés dans un petit guide de visite, particulièrement bien fait, avec 66 pages et 1 à 3 illustrations pour chacun. Nous avons emprunté à ce guide les lignes ci-dessous. Quelques-uns des tableaux cités peuvent être visualisés sur internet en entrant les quatre mots-clés « Exposition silences musée Rath ».
Exposition Silences, Musée Rath, Genève. Dépliant de l’exposition.
Vilhelm Hammershoi (1864-1916). Intérieur avec piano et femme vêtue de noir. Vers 1901. Huile sur toile. © Collection privée, photo F. Bevilacqua.
1. « Un tableau ou une sculpture sont par nature inertes et silencieux… [mais on oublie] à quel point les artistes ont voulu transcender cette limitation en cherchant à évoquer par la couleur, le rythme ou la composition, les bruits et la fureur du monde Il y a deux sortes de peintures… [Ainsi], la hiérarchie des genres plaçait tout en haut la peinture d’histoire (scènes religieuses, mythologiques ou historiques) et tout en bas la nature morte, peinture silencieuse par excellence.
La nature morte, la scène de genre, le portrait même, sont ainsi longtemps restés des genres secondaires, destinés à un usage privé, domestique… [qui réclament] une attention plus soutenue, une expérience plus intime. Leur silence en tout cas ne doit pas être vu comme un manque d’ambition ».
Cette introduction est illustrée par une surprenante et silencieuse performance vidéo couleur (de Camille Llobet) mettant en scène le chef d’orchestre Philippe Béran et la performeuse sourde Naha El Sadawy « qui exprime en langue des signes, les instants particuliers des répétitions de l’orchestre du Collège de Genève ». C’est donc bien le silence qui exprime ce qui est vu et non ce qui est entendu. Très amusant parallèle qui montre et la fougue du chef d’orchestre par ses expressions et la performeuse évoquant le maestro et les musiciens par des mimiques en langage des signes.
Un tableau de l’entourage de Aert de Gelder Dordrecht (1645-1727) donne à voir, et presque à entendre, « le rire sonore d’un personnage… vêtu à la manière des chanteurs de rue et des marionnettistes… Nul ne peut échapper, malgré sa laideur, au rire sonore et même contagieux de ce rieur. »
2. Le thème de la « vie silencieuse » associe, d’un côté, la « nature morte » qui se traduit par « vie silencieuse » en anglais (Still Life), en allemand (Sillleben) et en hollandais (stilleven) et, de l’autre des activités individuelles comme la lecture et l’écriture. Évidemment, il ne manque pas d’œuvres pour cette rubrique entre des objets naturels (fruits, légumes, poissons, gibiers, fleurs) pour les natures mortes et des portraits avec lecture et écriture pour les personnages.
3. «
Ces thèmes sont présentés dans un petit guide de visite, particulièrement bien fait, avec 66 pages et 1 à 3 illustrations pour chacun. Nous avons emprunté à ce guide les lignes ci-dessous. Quelques-uns des tableaux cités peuvent être visualisés sur internet en entrant les quatre mots-clés « Exposition silences musée Rath ».
Exposition Silences, Musée Rath, Genève. Dépliant de l’exposition.
Vilhelm Hammershoi (1864-1916). Intérieur avec piano et femme vêtue de noir. Vers 1901. Huile sur toile. © Collection privée, photo F. Bevilacqua.
1. « Un tableau ou une sculpture sont par nature inertes et silencieux… [mais on oublie] à quel point les artistes ont voulu transcender cette limitation en cherchant à évoquer par la couleur, le rythme ou la composition, les bruits et la fureur du monde Il y a deux sortes de peintures… [Ainsi], la hiérarchie des genres plaçait tout en haut la peinture d’histoire (scènes religieuses, mythologiques ou historiques) et tout en bas la nature morte, peinture silencieuse par excellence.
La nature morte, la scène de genre, le portrait même, sont ainsi longtemps restés des genres secondaires, destinés à un usage privé, domestique… [qui réclament] une attention plus soutenue, une expérience plus intime. Leur silence en tout cas ne doit pas être vu comme un manque d’ambition ».
Cette introduction est illustrée par une surprenante et silencieuse performance vidéo couleur (de Camille Llobet) mettant en scène le chef d’orchestre Philippe Béran et la performeuse sourde Naha El Sadawy « qui exprime en langue des signes, les instants particuliers des répétitions de l’orchestre du Collège de Genève ». C’est donc bien le silence qui exprime ce qui est vu et non ce qui est entendu. Très amusant parallèle qui montre et la fougue du chef d’orchestre par ses expressions et la performeuse évoquant le maestro et les musiciens par des mimiques en langage des signes.
Un tableau de l’entourage de Aert de Gelder Dordrecht (1645-1727) donne à voir, et presque à entendre, « le rire sonore d’un personnage… vêtu à la manière des chanteurs de rue et des marionnettistes… Nul ne peut échapper, malgré sa laideur, au rire sonore et même contagieux de ce rieur. »
2. Le thème de la « vie silencieuse » associe, d’un côté, la « nature morte » qui se traduit par « vie silencieuse » en anglais (Still Life), en allemand (Sillleben) et en hollandais (stilleven) et, de l’autre des activités individuelles comme la lecture et l’écriture. Évidemment, il ne manque pas d’œuvres pour cette rubrique entre des objets naturels (fruits, légumes, poissons, gibiers, fleurs) pour les natures mortes et des portraits avec lecture et écriture pour les personnages.
3. «
Ces thèmes sont présentés dans un petit guide de visite, particulièrement bien fait, avec 66 pages et 1 à 3 illustrations pour chacun. Nous avons emprunté à ce guide les lignes ci-dessous. Quelques-uns des tableaux cités peuvent être visualisés sur internet en entrant les quatre mots-clés « Exposition silences musée Rath ».
Exposition Silences, Musée Rath, Genève. Dépliant de l’exposition.
Vilhelm Hammershoi (1864-1916). Intérieur avec piano et femme vêtue de noir. Vers 1901. Huile sur toile. © Collection privée, photo F. Bevilacqua.
1. « Un tableau ou une sculpture sont par nature inertes et silencieux… [mais on oublie] à quel point les artistes ont voulu transcender cette limitation en cherchant à évoquer par la couleur, le rythme ou la composition, les bruits et la fureur du monde Il y a deux sortes de peintures… [Ainsi], la hiérarchie des genres plaçait tout en haut la peinture d’histoire (scènes religieuses, mythologiques ou historiques) et tout en bas la nature morte, peinture silencieuse par excellence.
La nature morte, la scène de genre, le portrait même, sont ainsi longtemps restés des genres secondaires, destinés à un usage privé, domestique… [qui réclament] une attention plus soutenue, une expérience plus intime. Leur silence en tout cas ne doit pas être vu comme un manque d’ambition ».
Cette introduction est illustrée par une surprenante et silencieuse performance vidéo couleur (de Camille Llobet) mettant en scène le chef d’orchestre Philippe Béran et la performeuse sourde Naha El Sadawy « qui exprime en langue des signes, les instants particuliers des répétitions de l’orchestre du Collège de Genève ». C’est donc bien le silence qui exprime ce qui est vu et non ce qui est entendu. Très amusant parallèle qui montre et la fougue du chef d’orchestre par ses expressions et la performeuse évoquant le maestro et les musiciens par des mimiques en langage des signes.
Un tableau de l’entourage de Aert de Gelder Dordrecht (1645-1727) donne à voir, et presque à entendre, « le rire sonore d’un personnage… vêtu à la manière des chanteurs de rue et des marionnettistes… Nul ne peut échapper, malgré sa laideur, au rire sonore et même contagieux de ce rieur. »
2. Le thème de la « vie silencieuse » associe, d’un côté, la « nature morte » qui se traduit par « vie silencieuse » en anglais (Still Life), en allemand (Sillleben) et en hollandais (stilleven) et, de l’autre des activités individuelles comme la lecture et l’écriture. Évidemment, il ne manque pas d’œuvres pour cette rubrique entre des objets naturels (fruits, légumes, poissons, gibiers, fleurs) pour les natures mortes et des portraits avec lecture et écriture pour les personnages.
3. «
3. « Le silence peut aussi s’avérer lourd de paroles tues : secret et non-dit » ou encore la non communication entre deux êtres.
Deux tableaux très originaux méritent d’être mentionnés dans cette exposition : La Haine (1908, collection privée) de Félix Valloton (1865-1925) qui symbolise l’affrontement de l’homme et de la femme, et l’Au3. « Le silence peut aussi s’avérer lourd de paroles tues : secret et non-dit » ou encore la non communication entre deux êtres.
Deux tableaux très originaux méritent d’être mentionnés dans cette exposition : La Haine (1908, collection privée) de Félix Valloton (1865-1925) qui symbolise l’affrontement de l’homme et de la femme, et l’Au3. « Le silence peut aussi s’avérer lourd de paroles tues : secret et non-dit » ou encore la non communication entre deux êtres.
Deux tableaux très originaux méritent d’être mentionnés dans cette exposition : La Haine (1908, collection privée) de Félix Valloton (1865-1925) qui symbolise l’affrontement de l’homme et de la femme, et l’AuAtoportrait le doigt sur la bouchee (vers 1900, Musée d’art du Valais) par Marguerite Burnat-Provins (1872-1952). Le doigt sur la bouche, c’est vraiment s’imposer le silence… mais l’imposer aussi au regardeur !
4. « La sphère sacrée ouvre au silence du recueillement et de la prière ». Les exemples ne manquent pas pour ce « silence sacré ».
Le silence s’impose-t-il quand on regarde dans les musées tous ces tableaux d’art sacré, particulièrement les portraits de personnages spirituels ? À signaler une magnifique eau-forte de Rembrandt (1606-1669), Saint-Jérôme dans une chambre obscure (1642, Cabinet d’arts graphiques des Musées d’art et d’histoire, Genève).4. « La sphère sacrée ouvre au silence du recueillement et de la prière ». Les exemples ne manquent pas pour ce « silence sacré ».
Le silence s’impose-t-il quand on regarde dans les musées tous ces tableaux d’art sacré, particulièrement les portraits de personnages spirituels ? À signaler une magnifique eau-forte de Rembrandt (1606-1669), Saint-Jérôme dans une chambre obscure (1642, Cabinet d’arts graphiques des Musées d’art et d’histoire, Genève).4. « La sphère sacrée ouvre au silence du recueillement et de la prière ». Les exemples ne manquent pas pour ce « silence sacré ».
Le silence s’impose-t-il quand on regarde dans les musées tous ces tableaux d’art sacré, particulièrement les portraits de personnages spirituels ? À signaler une magnifique eau-forte de Rembrandt (1606-1669), Saint-Jérôme dans une chambre obscure (1642, Cabinet d’arts graphiques des Musées d’art et d’histoire, Genève).
5. « Le silence s’accorde aux méditations sur la finitude et la valeur illusoire des choses humaines dès le XVIIe siècle en Hollande… invitent à une réflexion sur notre destin de mortels… l’exergue de L’Ecclésiaste “Vanité des vanités, tout est vanité”… vanité des biens de ce monde… les pièces de monnaie, les bijoux, les étoffes précieuses, les armes, les jeux et le vin… [mais aussi] vanité du savoir représentée par les livres, les instruments scientifiques et les arts… également les symboles de la fuite du temps… et de la mort, comme le crâne, le sablier, les bougies consumées… »5. « Le silence s’accorde aux méditations sur la finitude et la valeur illusoire des choses humaines dès le XVIIe siècle en Hollande… invitent à une réflexion sur notre destin de mortels… l’exergue de L’Ecclésiaste “Vanité des vanités, tout est vanité”… vanité des biens de ce monde… les pièces de monnaie, les bijoux, les étoffes précieuses, les armes, les jeux et le vin… [mais aussi] vanité du savoir représentée par les livres, les instruments scientifiques et les arts… également les symboles de la fuite du temps… et de la mort, comme le crâne, le sablier, les bougies consumées… »5. « Le silence s’accorde aux méditations sur la finitude et la valeur illusoire des choses humaines dès le XVIIe siècle en Hollande… invitent à une réflexion sur notre destin de mortels… l’exergue de L’Ecclésiaste “Vanité des vanités, tout est vanité”… vanité des biens de ce monde… les pièces de monnaie, les bijoux, les étoffes précieuses, les armes, les jeux et le vin… [mais aussi] vanité du savoir représentée par les livres, les instruments scientifiques et les arts… également les symboles de la fuite du temps… et de la mort, comme le crâne, le sablier, les bougies consumées… »
6. « Si le silence permet un accès à soi, une écoute intérieure, cette quête introspective peut être attachée à un sentiment teinté de gravité ou de tristesse… deuil… mélancolie ».
À citer, évidemment, la Mélancolie de Dürer, mais aussi celle (1896, coll. privée) de Lucien Lévy-Dhurmer (1865-1953) ou Le6. « Si le silence permet un accès à soi, une écoute intérieure, cette quête introspective peut être attachée à un sentiment teinté de gravité ou de tristesse… deuil… mélancolie ».
À citer, évidemment, la Mélancolie de Dürer, mais aussi celle (1896, coll. privée) de Lucien Lévy-Dhurmer (1865-1953) ou Le6. « Si le silence permet un accès à soi, une écoute intérieure, cette quête introspective peut être attachée à un sentiment teinté de gravité ou de tristesse… deuil… mélancolie ».
À citer, évidemment, la Mélancolie de Dürer, mais aussi celle (1896, coll. privée) de Lucien Lévy-Dhurmer (1865-1953) ou LeLeSilencee (1897, coll. Langenstein, Saint-Gall) d’Henri Martin (1860-1943).
7. « Les Anciens définissaient la peinture comme une “poétique muette” et Léonard de Vinci recommandait à ses élèves d’observer les mouvements des personnes sourdes, comme si leur silence exprimait une expression pure sans aucun artifice ».
L’affiche de l’exposition (voir ci-dessus) illustre parfaitement cette thématique avec le magnifique Intérieur avec piano et femme vêtue de noir (1901, coll. privée) de Vilhelm Hammershǿi (1864-1916).7. « Les Anciens définissaient la peinture comme une “poétique muette” et Léonard de Vinci recommandait à ses élèves d’observer les mouvements des personnes sourdes, comme si leur silence exprimait une expression pure sans aucun artifice ».
L’affiche de l’exposition (voir ci-dessus) illustre parfaitement cette thématique avec le magnifique Intérieur avec piano et femme vêtue de noir (1901, coll. privée) de Vilhelm Hammershǿi (1864-1916).7. « Les Anciens définissaient la peinture comme une “poétique muette” et Léonard de Vinci recommandait à ses élèves d’observer les mouvements des personnes sourdes, comme si leur silence exprimait une expression pure sans aucun artifice ».
L’affiche de l’exposition (voir ci-dessus) illustre parfaitement cette thématique avec le magnifique Intérieur avec piano et femme vêtue de noir (1901, coll. privée) de Vilhelm Hammershǿi (1864-1916).
8. « À priori dépourvue d’anecdote, la peinture de paysage invite à la contemplation et par là-même à une réponse silencieuse… cet art… peut également se faire support de projection ou de méditation sur les relatons de l’homme à la nature : menaçante ou domestiquée, préservé ou aujourd’hui à son tour menacée ».
Nous sommes en Suisse et on ne peut éviter deux immenses peintres : Bernard Calame (1810-1864) et ses paysages romantiques, ici L’hiver (1851, Musée d’art et d’histoire, Genève), et Ferdinand Hodler (1853-1918) avec ses peintures de lacs, dont Le
8. « À priori dépourvue d’anecdote, la peinture de paysage invite à la contemplation et par là-même à une réponse silencieuse… cet art… peut également se faire support de projection ou de méditation sur les relatons de l’homme à la nature : menaçante ou domestiquée, préservé ou aujourd’hui à son tour menacée ».
Nous sommes en Suisse et on ne peut éviter deux immenses peintres : Bernard Calame (1810-1864) et ses paysages romantiques, ici L’hiver (1851, Musée d’art et d’histoire, Genève), et Ferdinand Hodler (1853-1918) avec ses peintures de lacs, dont Le8. « À priori dépourvue d’anecdote, la peinture de paysage invite à la contemplation et par là-même à une réponse silencieuse… cet art… peut également se faire support de projection ou de méditation sur les relatons de l’homme à la nature : menaçante ou domestiquée, préservé ou aujourd’hui à son tour menacée ».
Nous sommes en Suisse et on ne peut éviter deux immenses peintres : Bernard Calame (1810-1864) et ses paysages romantiques, ici L’hiver (1851, Musée d’art et d’histoire, Genève), et Ferdinand Hodler (1853-1918) avec ses peintures de lacs, dont Le8. « À priori dépourvue d’anecdote, la peinture de paysage invite à la contemplation et par là-même à une réponse silencieuse… cet art… peut également se faire support de projection ou de méditation sur les relatons de l’homme à la nature : menaçante ou domestiquée, préservé ou aujourd’hui à son tour menacée ».
Nous sommes en Suisse et on ne peut éviter deux immenses peintres : Bernard Calame (1810-1864) et ses paysages romantiques, ici L’hiver (1851, Musée d’art et d’histoire, Genève), et Ferdinand Hodler (1853-1918) avec ses peintures de lacs, dont Le
Le Lac Léman et le Mont-Blanc à l’aube (1917, Musée d’art et d’histoire, Genève), peint quinze fois par l’artiste entre janvier et mai 1918.
9. Hormis les œuvres qui, évidemment sont belles, il est difficile dans l’espace consacré à ce thème de se sentir concerné par le titre donné d’« Espaces de silence ».
10. « Le silence est constitutif de la musique : c’est le fond indispensable sur lequel se détachent les rythmes et les tons. Pourtant, faire l’expérience du silence complet est impossible … : c’est en repensant à sa visite d’une chambre insonorisée en 1940 à Harvard que John Cage composera 4’33, une partition pour instrument et orchestre silencieux en trois mouvements. » Ce ne fut toutefois pas le silence complet avec les bruits parasites. « Comme il l’a dit par ailleurs : “Jusqu’à ma mort il y aura toujours du bruit et il continuera à me suivre même après.” »
Les œuvres présentées sur le dernier thème « Partitions du silence » sont un peu particulières, mais ce thème fait penser aux trois belles expositions consacrées à Fabienne Verdier cet été (21 juin – 13 octobre 2019), à Aix-en-Provence au Musée Granet (Exposition rétrospective), au Pavillon de Vendôme (Atelier nomade) et à la Cité du Livre (Sound Traces, installation).
Au musée Granet la musique est déjà très présente avec de nombreuses œuvres peintes qui s’y réfèrent, mis c’est surtout à la Cité du livre que musique et art s’articulent autour d’une installation-performance de l’artiste : un orchestre (non silencieux) joue une œuvre et Fabienne Verdier, en silence, improvise en même temps d’immenses calligraphies inspirées du rythme musical. D’ailleurs le silence, ou les silences, sont une dimension essentielle de l’inspiration de Fabienne Verdier et son célèbre ouvrage autobiographique sur son long séjour en Chine (à lire absolument) ne s’intitule-t-il pas
Passagère du silence !
Christian Feller et Laurence Feller-Girod (19/9/2019)
Site
Inauguration du
FRAC Nouvelle-Aquitaine MECA* à Bordeaux
« Rendre accessible l’art de notre époque à de nouveaux
publics ». Telle est la mission du Frac - Fonds Régional
d’Art Contemporain- au travers d’expositions intramuros mais
aussi d’actions diverses sur le territoire régional.
Pour ce 6e FRAC « nouvelle génération » à être inauguré,
l’emménagement dans le superbe bâtiment conçu par les
agences BIG-Bjarke Ingels Group et Freaks correspond à un
changement d’échelle et de nouveaux défis. Ce Frac
Nouvelle-Aquitaine MECA s’est implanté sur les bords de la
Garonne, dans le quartier en devenir d’ Euratlantique à
proximité de la gare Saint-Jean. De sa terrasse au 5e étage,
le visiteur embrasse tout le centre historique du regard et
les constructions plus récentes d’architectes de renom -
Bouliac, Herzog et de Meuron, Rem Koolhaas, Jean Nouvel,
Rudy Ricciotti… Dans cet espace pluridisciplinaire de 18 000
m2 de la MECA, aux côtés des agences culturelles régionales
dédiées au spectacle vivant (OARA) et au cinéma, audiovisuel
et livre (OARA), le Frac pourra développer des perspectives
croisées avec les différents acteurs de ses structures
voisines.
Dans le cadre du 1% artistique, l’œuvre « un détail » de
Benoit Maire, demi-tête d’Hermès en bronze, a été retenue et
installée sur les gradins extérieurs face à la Garonne.
Sur les 4600 m2 de superficie dévolue au Frac dont 1200 à
l’espace d’exposition, un atelier de production et un lieu
de résidence permettent d’apporter un soutien aux artistes
au travers du Pôle Innovation et Création, en s’appuyant sur
les compétences des entreprises néo-aquitaines.
L’exposition inaugurale « Il est une fois dans l’Ouest »
évoque chez tous un western bien connu, mais surtout raconte
une histoire composite qui commence dans l’ouest de la
France pour se poursuivre jusqu’en Afrique, continent avec
lequel Bordeaux a tissé des liens de longue date. Cette
histoire s’écrit au temps présent, à plusieurs mains
(commissaires, directeurs de musées, fondations et centres
d’art…) avec 15 projets et une centaine d’artistes regroupés
selon cinq thématiques.
Dans la section « Singularités, Identités et Territoires »,
« le carnaval à Périgueux » de Martial Raysse ouvre le bal
avec une fresque allégorique où le récit de l’humanité se
déroule comme un phylactère. Un dialogue entre la collection
du musée des Beaux-Arts de Libourne, principalement
consacrée aux peintres femmes et à la représentation
féminine, et les œuvres d’Alexandre Delay convoquant la
figure du nu, se lit dans une frise où s’enchevêtrent
fragments de corps, photographies et textes morcelés
extraits de polars. Dans la section « Ici et Là-bas », Anne
Dressen a sélectionné des œuvres acquises récemment et en
lien avec la veine néo-craft, autour du thème « Trans » :
trans-medium, trans-genre, trans-génération… Un peu plus
loin, une fenêtre s’ouvre sur la création artistique en
Afrique du Sud avec la présentation d’une sélection d’œuvres
issues de la collection d’art africain contemporain de la
Fondation SAFFCA établie depuis 2016 à Saint Emilion. Cette
fondation, créée à Johannesburg en 2014 par Pierre Lombart,
apporte aux artistes africains vivants soutien et aide à la
promotion au travers d’expositions et résidences. Ici
l’accrochage permet un dialogue entre artistes reconnus et
scène émergente.
Claire Jacquet, la directrice du FRAC, nous confie que la
collection d’art africain contemporain du Fonds Régional
devrait s’étoffer dans les années à venir.
Une première collaboration, dans le cadre du nouveau pôle
Innovation et Création, entre l’artiste Alice Raymond et une
entreprise de tôlerie industrielle a été initiée et la
sculpture « La grande traversée » est présentée dans la
section « L’écosystème dynamique ».
Le fonds du FRAC, rassemblant 1216 œuvres depuis 1983, s’est
constitué tout d’abord autour d’un ensemble photographique
retraçant l’histoire de la photographie au XXe siècle.
Aurélien Mole et Eric Tabuchi revisitent les collections
photographiques des trois Frac - Aquitaine, Poitou-Charentes
et Limousin- en créant des méta-images rapprochant quatre
images – lieu, objet, acte, être – dans une seule page
visuelle hors classification et hors cimaise.
L’artiste Géraldine Kosiak retrace les 37 ans du Frac dans
une B.D. et présente les planches originales dans une longue
frise courant sur les murs à l’entrée de l’exposition.
Enfin, le FRAC a bien sûr aussi vocation de se développer
hors les murs. Grâce au mobilier « Le mécano de la
Régionale », constitué d’éléments modulables, la collection
pourra être montrée dans de nombreux lieux inhabituels de la
région à des publics divers et parfois éloignés dès 2020.
Un nouveau bâtiment, un nouveau modèle, pour de nouveaux
enjeux et de nouveaux horizons en ce FRAC - lieu
d’acquisition, de monstration et de diffusion- dont la
dynamique fera encore, on l’espère, de nombreux émules !
*Maison de l'Économie Créative et Culturelle en
Nouvelle-Aquitaine
Sylvie Fontaine (05/7/2019)
Infos pratiques
FRAC Nouvelle Aquitaine MECA
« Il est une fois dans l’Ouest » Jusqu’au 9 novembre
MECA, 5 parvis Corto Maltèse, 33800 Bordeaux
Site
Siècle
de Bruegel au BOZAR. Bruxelles
Le 450ème anniversaire de Pieter Bruegel est dignement
fêté sous le signe de la Renaissance à Bruxelles ville où il
choisit de s'établir en 1563, dans le quartier des Marolles.
La réhabilitation de sa maison n'a pas vu le jour hélas mais
BOZAR fait coup double avec "l'Estampe au temps de
Bruegel" et "Bernard van Orley, Bruxelles et la Renaissance"
soulignant que la ville fut le "centre du monde connu"
pendant toute cette période et le rôle de ces 2 artistes. De
plus et dans le prolongement du "siècle de Bruegel" nous
pouvons aujourd'hui œuvrer à une nouvelle Renaissance à
l'instar des architectes, scientifiques, chorégraphes,
performeurs impliqués par BOZAR.
Richard Venlet avec son installation et
Anouk De Clercq et son intervention sonore en sont un
vibrant exemple !
"Un peu oublié de nos jours" comme en convient Sophie
Lauwers, la directrice des expositions de BOZAR, Bernard Van
Orley (1488-1541) était un artiste de première importance au
XVIème, peintre officiel de la Cour attaché à Marguerite
d'Autriche, Marie de Hongrie et Charles Quint. Tapisseries,
tableaux et vitraux alternent dans un élégant parcours qui
fait revivre son prestigieux atelier. Parmi les œuvres
emblématiques, les fameuses "Chasses de Maximilien" prêtée
par le musée du Louvre qui déroule sur 73 mètres au total,
un fabuleux panorama sur la capitale belge d'alors. Autre
fleuron "la Bataille de Pavie" du musée di Capodimonte de
Naples d'une longueur de 60 mètres à la gloire de Charles
Quint. A noter que le musée d'art et d'histoire met en
valeur en parallèle 8 tapisseries de la série l'Histoire de
Jacob, Bruxelles étant un véritable centre international de
la tapisserie au XVIème.
Van Orley, brasseur d’influences
Alors qu'il se forme auprès de son père, Van Orley va peu à
peu embrasser les influences du nord et du sud de l'Europe
entre Dürer et Raphaël dont les cartons de tapisserie
circulent. De ses premiers retables marqués par l'influence
des Primitifs flamands jusqu'à l'année charnière de 1520
avec l'introduction de corps en mouvement dans la scène
magistrale du "Christ au Jardin des Oliviers" et du
"Polyptique de Job et Lazare" où il impose un véritable sens
de la dramaturgie, c'est un véritable précurseur que nous
découvrons. Van Orley, va de plus dans ses portraits sous
l'influence allemande traduire des personnages d'une grande
expressivité. Portraitiste conventionnel ou plus humaniste,
il sait varier les registres avec brio. Il reste fidèle au
rendu fidèle des drapés, de la végétation, tout en ajoutant
des solutions formelles d'une grande nouveauté. Il a fait
école. Ses liens avec la ville de Bruxelles, siège de la
Cour et flamboyante capitale des Habsbourg favorise l'essor
de ce style Renaissance (synthèse Italie-Allemagne) et
nombreuses de ses œuvres sont visibles dans les églises,
résidences privées ou institutions. Envie de suivre ses
traces ?
Palais du Coudenberg
Spécialement pour l’occasion, le passage sous-terrain
reliant le Palais des Beaux-Arts et le Palais du Coudenberg
sera ouvert au public à quelques moments clés. Après avoir
admiré l’œuvre du peintre de cour Bernard van Orley à BOZAR,
vous rejoindrez ainsi directement les ruines du Palais du
Coudenberg, durant les nocturnes du jeudi soir, les
parcours découvertes en famille du samedi et lors des
vacances, ainsi que le
Family Day et la
visite guidé combi.
Avec ce
guide et itinéraire pédestre vous suivrez littéralement
les traces de Bernard van Orley. Veillez à jeter un coup
d'œil à la
cathédrale des Sts Michel et Gudule et à découvrir les
vitraux conçus par Van Orley.
L'Estampe au temps de Bruegel
N'oublions pas que c'est par ses gravures que Bruegel s'est
fait connaitre de son vivant et si c'est à Anvers que la
gravure et son marché se développent à l'aide
d'entrepreneurs et de mécènes, c'est à Bruxelles que Bruegel
s'installe. Que ce soit à des fins de dévotion ou de
propagande, une très grande hétérogénéité des images domine
à l'époque. Le parcours ouvre sur le célèbre "Rhinocéros" de
Dürer marquant le côté très novateur de sa technique et
langage qui ouvre la voie aux premiers peintres-graveurs. La
légende entourant cet animal exotique renforce l'impact
immédiat de cette gravure.
L'imposante généalogie des Habsbourg signée Robert Peril
souligne les visées propagandistes de la maison royale qui
soutenait éditeurs et imprimeurs dans la production d'arbres
généalogiques pour assoir leur pouvoir. Nous arrivons à
Pieter Bruegel par l'invention du paysage quand à son retour
d'Italie il livre une série de 12 panoramas qui relèvent
plus d'une projection mentale que vériste où le monde est
dominé par la nature et non les hommes. L'influence de
l'éditeur anversois Hieronymus Cock est soulignée dans la
diffusion à grande échelle des œuvres gravées.
L'installation vidéo d'Antoine Roegiers à partir des "Sept
Péchés Capitaux" de Bruegel offre une réponse actuelle
fabuleuse au génie du maître !
Nouvelle renaissance avec Richard Venlet (Bozar
architecture)
Dans le cadre de son volet architecture, Bozar invite
Richard Venlet connu pour ses environnements hybrides. Né en
Australie mais vivant à Bruxelles son travail engage le
spectateur dans une perte occasionnelle de ses repères.
Prolonger la visite avec : Le musée Royal
Museums of Fine Arts of Belgium qui possède une large
collection de toiles de Bruegel a décidé de le mettre à
l'honneur, sous le manifeste "Dutch Spring".
Marie de La Fresnay (09/3/2019)
Infos pratiques :
- Bernard Van Orley jusqu' 25 mai
- L'Estampe au temps de Bruegel jusqu'au 23 juin
- Richard Venlet, ITS WALLS, FLOORS, CEILING AND
WINDOWS jusqu'au 19 mai
https://www.bozar.be
Visit Brussels
La Peinture anglaise – De Turner à Whistler
Préface - William Hauptman est un historien d’art
américain qui s’intéresse à Charles Gleyre. Ce peintre
vaudois avait créé un atelier à Paris qui a vu défiler des
élèves prestigieux comme les futurs impressionnistes, Alfred
Sisley, Claude Monet, Frédéric Bazille, etc. Hauptmann
décide de venir en Suisse consulter de la documentation qui
lui manquait. Et décide d’y rester ! Il organisera plusieurs
expositions, dont la dernière à la Fondation de l’Hermitage
à Lausanne, dédiée aux peintres anglais du XIXe siècle.
Image : Bending Sail after a Gale,
1881, huile sur toile, 68 x 102 cm Collection privée
L’exposition - La Fondation poursuit ici son
exploration des grands centres d’art occidentaux au XIXe
siècle en consacrant cette importante exposition à la
peinture anglaise. Près de 60 tableaux, présentés pour la
première fois en Suisse, offrent un panorama inédit de la
production artistique, d’une originalité fascinante, durant
l’âge d’or de l’Empire britannique.
Autour de Turner, dont l’œuvre magistrale annonce
l’impressionnisme, l’exposition met à l’honneur les peintres
qui se sont illustrés dans le genre du paysage, tels
qu’Atkinson Grimshaw, Pyne, Brett ou Martin. Le parcours
fait aussi la part belle à la confrérie préraphaélite
(Millais, Rossetti) ainsi qu’à l’Aesthetic Movement
(Burne-Jones, Watts), deux cercles d’artistes qui
s’inspirent de la littérature ou de sources antiques
(Alma-Tadema, Egley, Hughes, Sandys, Scott).
La révolution industrielle suscite également des scènes
saisissantes qui témoignent des diverses facettes de la vie
moderne (Emslie, Fletcher, Hicks, Joy), et de ses
répercussions sociales (Collinson, Holl, Mulready, O’Neil,
Walker). La présentation se termine par une section
consacrée à Sargent et Whistler, artistes cosmopolites
d’origine américaine, portraitistes virtuoses qui comptent
parmi les plus célèbres de leur temps.
Un bel ensemble d’héliogravures vient enrichir l’exposition, mettant en
exergue les grands noms de la photographie britannique, de
William Henry Fox Talbot à Frederick Henry Evans. Cette
sélection est complétée d’une série de portraits de Jane
Morris, l’une des muses des préraphaélites.
Dans
l’Angleterre du XIXe siècle, les scènes de genre sont
particulièrement prisées sur le marché de l’art qui est en
pleine expansion. Elles ont pour principaux sujets des faits
historiques ou modernes, qui touchent le spectateur de la
même manière qu’un récit captive le lecteur. Le tableau
relate un épisode, une anecdote, voire une histoire
entière ; il offre la méticulosité et la précision de ses
détails à la délectation du regard. Alfred Edward Emslie
expose à la Royal Academy son impressionnante vue marine,
Voile enverguée après un coup de vent, dont le cadrage
audacieux accentue l’effet théâtral. Elle donne presque le
mal de mer en la regardant !
À
l’aube du règne de Victoria, en 1837, Joseph Mallord William
Turner a déjà 62 ans, et il est au sommet de sa formidable
carrière. Il crée alors certaines de ses peintures les plus
novatrices et les plus énigmatiques. Les œuvres de cette
période soulèvent des questions sur les limites de la
virtuosité et sur la notion d’achèvement du tableau à une
époque où la facture soignée et l’exactitude topographique
constituent les principaux critères de qualité de la
peinture de paysage.
Dans leur quête de nouveaux sujets, les
préraphaélites lisent tout particulièrement l’œuvre de
William Shakespeare, dont les pièces de théâtre ont marqué
les artistes anglais depuis le XVIIIe siècle. Les peintres
s’intéressent à la psychologie des personnages, tels que le
roi Lear, Hamlet ou Roméo et Juliette. La figure tragique
d’Ophélie, qui bascule dans la folie, est représentée ici
par Arthur Hughes juste avant qu’elle ne mette fin à ses
jours. L’univers du poète John Keats est également transposé
dans des dizaines d’œuvres, parmi lesquelles La vigile de la
Sainte-Agnès de John Everett Millais (The Eve of Saint
Agnes, 1863, huile sur toile, 117,8 x 154,3 cm Her Majesty
Queen Elizabeth II © Royal Collection Trust / Her Majesty
Queen Elizabeth II 2019). Cette toile provient, comme on le
voit, de la collection privée de la famille royale.
De même,
la légende du roi Arthur et celle des chevaliers de la Table
ronde d’Alfred Tennyson deviennent une véritable
encyclopédie de motifs pour les artistes. Une de leurs
sources privilégiées est la ballade de La dame d’Escalot
(The Lady of Shalott), qui est revisitée par William Maw.
James Abbott McNeill Whistler est une personnalité à part
dans l’art anglais de la fin de l’ère victorienne. C’est un
visionnaire, à l’égal de Turner, tout aussi impossible à
ranger dans une case stylistique. Né aux Etats-Unis en 1834,
il s’installe définitivement à Londres en 1862. Son art
évolue alors vers une recherche plus esthétique, centrée sur
les effets de lumière, d’atmosphère, d’harmonie et de
musicalité. Whistler emploie un vocabulaire musical pour
désigner ses peintures, en associant ses portraits à des
combinaisons de couleurs élémentaires au lieu d’indiquer
l’identité du modèle. Le portrait de sa belle-sœur Ethel
Birnie Phillip s’intitule ainsi Rouge et noir, l’éventail,
et son autoportrait Marron et or.
Ce qui rend cette
exposition particulièrement intéressante, c’est la
collection de toiles très peu connue du public continental,
provenant de différents musées anglais et d’autres
collections, dont celle de la famille royale. Certains
tableaux et aussi les héliogravures sont exposées au public
pour la première fois. Elle présente un panorama
particulièrement complet de toutes les tendances qui se sont
développées au cours du XIXe siècle, influencées par la vie
sociale et l’évolution économique des îles britanniques.
Image : Red and Black: The Fan, 1891-1894, huile sur toile,
187,4 x 89,8 cm The Hunterian, University of Glasgow © The
Hunterian, University of Glasgow 2019
La peinture anglaise
de Turner à Whistler
Fondation de l’Hermitage, Lausanne
(suisse)
Du 1er février au 2 juin 2019
Séverine et Raymond Benoit (22/02/2019)
À
Bâle, le jeune Picasso - Périodes bleue et rose
La Galerie Beyeler avait acquis au cours des ans une très
grande collection d’œuvres majeures de Picasso, au total 33.
Cependant, aucune d’entre elles ne couvre les périodes avant
1907, année qui marque, avec les « Demoiselles d’Avignon »,
le virage vers le cubisme. Dès lors, la Fondation Beyeler à
Riehen/Bâle a décidé d’organiser, ce qui a pris quatre ans
environ, la plus grande exposition d’œuvres des périodes
dites bleues et roses, soit de 1901 à 1906. Il s’agit, en
fait, de la toute première fois en Europe que sera donné à
voir un éventail d’une telle densité et d’une telle qualité
des chefs-d’œuvre de cette importante période. Ce sont aussi
des jalons marquants de la trajectoire de Picasso en marche
vers son statut d’artiste le plus célèbre du 20ème siècle.
L’exposition, qui présente 75 tableaux et sculptures, est
articulée de manière chronologique. Elle présente les débuts
de la trajectoire de Picasso en prenant pour point de
référence l’image humaine. Reprenant encore et encore son
élan, l’artiste qui vit alors entre Paris et Barcelone
gravite essentiellement autour de la figure humaine.
Ces
tableaux hauts en couleur, peints en Espagne et à Paris,
dénotent aussi l’influence de van Gogh et de
Toulouse-Lautrec. Ils montrent ce que ressent Picasso de la
vie mondaine parisienne de la Belle Époque. Puis, en mémoire
du suicide tragique de son ami artiste Carles Casagemas,
avec lequel il s’était rendu une première fois à Paris vers
1900, Picasso crée à partir de la fin de l’été 1901 des
toiles dans lesquelles la couleur bleue devient le moyen
d’expression dominant, amorçant la période dite bleue. Le
peintre porte dès lors son regard sur la misère et les
abîmes psychiques des personnes en marge de la société.
Avec
son installation définitive en 1904 à Paris dans un atelier
de la cité d’artistes du Bateau-Lavoir, c’est une nouvelle
étape qui débute dans la vie et dans l’œuvre de l’artiste.
C’est l’époque où Picasso rencontre en Fernande Olivier sa
première compagne et muse au long cours. Peu à peu, il
abandonne sa palette chromatique à dominante de bleus en
faveur de tonalités plus gaies de roses et d’ocres, tout en
conservant l’atmosphère mélancolique de ses toiles
précédentes.
Picasso peint alors des saltimbanques, des
acrobates et autres artistes, en groupes ou en famille. Ils
incarnent la vie de bohème anti-bourgeoise du monde du
cirque et de l’art. Si l’« Arlequin assis, 1901 » est à
forte dominance bleue, en contrepartie la « Famille de
saltimbanques avec un singe, 1905 » annonce très nettement
la période rose. L’exposition permet aussi de comparer
l’« Autoportrait, 1901 » sur un fond bleu-vert et en
vêtement bleu foncé, à l’« Autoportrait 1906 », d’un Picasso
dénudé et calme, où le rose-ocre du corps se détache sur un
fond grisâtre. Cette comparaison illustre particulièrement
l’évolution du peintre en moins de cinq ans.
En 1906,
Picasso connaît son premier grand succès commercial lorsque
le galeriste Ambroise Vollard lui achète la quasi-totalité
de ses nouveaux travaux. Cela permet à Picasso de quitter
Paris avec Fernande et de s’établir quelques semaines durant
dans le village de montagne catalan de Gósol dans les
Pyrénées espagnoles. En quête d’une nouvelle authenticité
artistique, il crée de nombreux tableaux et sculptures qui
unissent des idéaux corporels classiques et archaïques.
Exposé à un paysage aride et à un style de vie rustique,
Picasso peint principalement des figures placées dans des
scènes idylliques et originelles.
La déformation et le
morcellement toujours plus poussés de la figure, tels qu’ils
apparaissent dans les représentations « primitivistes » en
particulier de nus féminins créés à son retour à Paris,
annoncent finalement le langage pictural cubiste, qui se
déploie à partir de 1907. Un tableau appelé « Femme, 1907 »
présente déjà nettement les traits qui se déploieront dans
les « Demoiselles d’Avignon ». On peut considérer qu’il
termine nettement le parcours chronologique de l’exposition
limitée au deux périodes. L’exposition constitue aussi un
hommage aux fondateurs du musée Ernst et Hildy Beyeler, qui
voyaient en Picasso un véritable modèle artistique et ont
fait preuve d’un engagement multiple et profond en sa
faveur. La collection Beyeler compte pas moins de 33 œuvres
du peintre, faisant aujourd’hui de la Fondation Beyeler l’un
des musées les plus importants au monde en la matière.
Les
75 tableaux et sculptures de l’exposition, sont, pour la
plupart, rarement prêtés par les 28 musées et collections
privées qui ont contribué à sa mise sur pied. Elle a été
organisée par la Fondation Beyeler en collaboration avec les
musées d’Orsay et de l’Orangerie et le musée national
Picasso – Paris, où elle fera une première étape sous forme
légèrement modifiée. Le catalogue qui compte 304 pages et 17
articles de fond est la publication la plus volumineuse
réalisée par le musée à ce jour.
Séverine et Raymond Benoit
(14/02/2019)
Fondation Beyeler, Riehen/Bâle - 3 février – 26 mai 2019
En plus de l’exposition principale, il est possible de
visiter, jusqu’ au 5 mai, l’exposition parallèle « Picasso
Panorama » qui regroupe les tableaux de la collection
Beyeler complétée par de prêts entre autres de l’Anthax
Collection Marx et de la Rudolf Staechelin Collection. Ce
sont ainsi 40 ouvres majeures qui se déploient sous les yeux
des visiteurs le plein panorama des univers visuels créés
par Picasso entre 1907 et 1972.
Vasarely, le Warhol à la française célébré par le Centre Pompidou
L'expression est de l'un des deux commissaires,
Arnauld Pierre, de l'ambitieuse relecture que propose
le Centre Pompidou "Vasarely, le partage des formes". Titre
assez timide pour retranscrire ce qui ressemble à une
véritable révolution dans cette France du progrès portée par
les "trente glorieuses" dont le hongrois d'origine
(naturalisé en 1961) se fait le héraut.
Né à Pécs en 1906 Victor Vasarely commence d'abord par
étudier la médecine qu'il abandonne pour entrer dans le
"petit Bahaus" de Budapest, avec comme mentor Sandor
Bortnyik. Il arrive à Paris en 1930 et est engagé par
l'agence Havas. Fasciné par les jeux de lumière provençale à
Gordes ou les craquelures des carrelages des stations de
métro parisien, il pose un premier jalon vers le cinétisme
avec "Hommage à Malevitch". Après un épisode Noir-Blanc il
rencontre Denise René qui devient sa compagne et lui offre
une première exposition en 1955 "Mouvement" aux côtés de
Duchamp, Calder, Pol Bury, Soto. Il publie cette même année
son "Manifeste Jaune", anticipant son Alphabet plastique,
langage combinatoire à l'infini, amplement diffusé par le
recours au multiple. En 1965 c'est la consécration, il
participe à l'exposition du Moma, "The Responsive Eye" et
fait la couverture du Times Magazine. Denise René ouvre une
galerie à New York. L'Op art est né et se veut la version
européenne du Pop !
La France tombe dans une "vasarelite aigue": la télévision,
les magazines, la musique (pochette du mythique Space Oddity
de Bowie), le cinéma (La prisonnière de Cluzot), la mode
succombent, sur fond de conquête spatiale. Une utopie qu'il
transpose également en architecture avec la "Cité polychrome
du bonheur" à Créteil ou Caracas (Cité universitaire).
Autres emblèmes, parisiens : la façade du nouveau siège de
la radio RTL rue Bayard (qui sera démontée finalement en
2017) qu'il conçoit avec Yvaral son fils, le fameux logo
Renault, la grande fresque de la gare Montparnasse (hall de
départ), le portrait en 3 D de Georges Pompidou à
l'ouverture du Centre, qui incarnent cet esperanto visuel
qui envahit tout jusqu' à frôler l'overdose. A tel point
que la critique et les institutions vont rejeter en bloc
cette approche cinétique de la modernité, ce qui entraine
dans la décennie suivante une chute sévère de sa cote (75%).
Les difficultés rencontrées par la Fondation Vasarely à Aix
en Provence, son centre architectonique en état de
conservation préoccupant, ne favorisent pas une possible
revalorisation du maître qui inspire cependant toute une
nouvelle génération d'artistes dans les années 2000. Un
retour en grâce légitime pour ce rêveur cosmique qui n'en
finit pas de pressentir les mutations à venir de notre
monde. La démarche du Centre Pompidou suffira- t-elle pour
ancrer cette réévaluation durablement et non céder à la
vague vintage revival terriblement actuelle ? Une visite
s'impose dans ce qui ressemble à un fascinant labyrinthe
polysensoriel.
Marie de la Fresnaye (14/02/2019)
Infos pratiques : Vasarely, le partage des formes jusqu'au 6
mai 2019
Centre Pompidou
Catalogue aux éditions du Centre Pompidou, 232 pages, 39, 90
€ en vente à la librairie.
#ExpoVasarely
Visiter la Fondation Vasarely, classée Monuments
historiques, Jas de Bouffan 13096 Aix-en-Provence
www.fondationvasarely.org
Made
in Neuchâtel - Deux siècles d’indiennes
Avec « Made in Neuchâtel. Deux siècles d’indiennes », le
Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel propose la première
grande exposition consacrée aux indiennes neuchâteloises. A
partir d’un riche ensemble de plus de 300 objets – toiles
imprimées, empreintes, livres d’échantillons, portraits,
vues de fabriques et correspondance –, l’exposition fait
découvrir l’une des principales régions productrices de
toiles peintes de toute l’Europe. Les toiles de coton
imprimé, désignées par le terme d’indiennes en référence à
leur origine géographique, connaissent un engouement sans
précédent en Europe aux XVIIIe et XIXe siècles. Elles
passent rapidement du produit de luxe à un bien de
consommation de masse. À Neuchâtel, une quinzaine de
manufactures permettent à la région de se positionner au
sein de circuits internationaux. Une partie de ces
manufactures ont été créées par des réfugiés huguenots, qui
ont ainsi participé à l’évolution économique de cette
région.
Privilégiant une approche interdisciplinaire, le parcours de
l’exposition met en évidence les stratégies mises en œuvre
par les producteurs et les maisons de commerce neuchâtelois
pour conquérir de vastes marchés, notamment en France, en
Allemagne et en Italie. La place occupée par les indiennes
dans le commerce triangulaire et la traite des Noirs y est
également abordée. En effet, il s’était développé un certain
« commerce triangulaire ». Les indiennes étant fortement
appréciées des chefs des populations des côtes africaines,
elles servaient de monnaie d’échange contre les esclaves
arrachés à leurs territoires. Ensuite, ils étaient à leur
tour échangés contre de la marchandise provenant des
territoires américains, entre autres le coton qu’ils
récoltaient dans les plantations. Coton qui servait ensuite
à la fabrication des nouvelles indiennes.
Indiennes entre passé et présent
L’exposition interroge à partir d’un corpus largement inédit
les toiles de coton imprimé dans la perspective des arts
décoratifs européens : comment le langage ornemental des
toiles évolue-t-il ? Quelles sont les sources auxquelles
puisent les créateurs ? Comment adaptent-ils les motifs aux
contraintes de la mode ? Comment déclinent-ils les motifs
provenant d’Inde, de Perse, de Chine et d’Europe ? Autant de
questions qui permettent d’éclairer d’une lumière nouvelle
la production et le négoce des indiennes. L’actualité des
ornements anciens est illustrée, dès l’entrée de
l’exposition, au travers d’une collaboration avec la filière
Design textile de la Haute École spécialisée d’art de
Lucerne (HSLU). S’inspirant des collections de dessins,
d’empreintes et de toiles imprimées produites à Neuchâtel,
ces jeunes créateurs interprètent des motifs anciens, en
leur conférant une forme contemporaine et inédite.
Au fil des salles, l’exposition développe ainsi différentes
thématiques à la croisée des arts décoratifs, de l’histoire
économique et culturelle. Le parcours se termine par un
dispositif interactif qui permet au visiteur de composer ses
propres motifs d’indiennes.
Séverine et Raymond Benoît (14/02/2019)
Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel Jusqu’au 20 mai
2019
Quand L'ombre cuivrée de Sonia Rykiel se penche sur Jean-Jacques Henner
"Rousse : accepter le deal" Sonia Rykiel
"Je voudrais bien vous voir avec une perruque
rousse".JJ Henner
Deux citations qui traduisent bien les fantasmes véhiculés
par une telle couleur ! Comme le résume fort bien Michel
Pastoureau dans le passionnant catalogue de l'exposition du
musée Jean-Jacques Henner : "Roux est plus qu'une nuance de
couleur ; c'est presque devenu au fil des siècles une
couleur à part entière, une couleur dévalorisée".
Mais alors pourquoi ce lourd passif symbolique a-t-il
toujours fasciné et continue de fasciner nombre d'artistes,
dont Jean-Jacques Henner, le "peintre des ors fauves" comme
le décrit la conservatrice du musée, Claire Bessède, à
l'origine de cette exploration inédite captivante à plus
d'un titre. Rassemblant pour la première fois, à partir du
riche fonds Henner (sanguines et carnets inédits) des
peintures des musées d'Orsay, Petit Palais, Beaux-Arts de
Paris et masques et artefacts du musée du Quai Branly,
Mucem, Collection Française, ainsi que de collections
particulières dont celle de Nathalie Rykiel, le parcours
revient sur l'obsession du roux chez Henner à l'aune de son
atelier, les préjugés attachés à cette couleur à différentes
époques jusqu' à une revendication très contemporaine.
Ainsi de la Naissance de Vénus Botticellienne (rousse !) à
Judith triomphant d'Holopherne ou Salomé la tentatrice,
Sarah Bernardt, Loïe Fuller, Rita Hayworth, David Bowie, les
indiens d'Amérique et guerriers polynésiens flamboyants, la
fée Mélusine..., héroïnes et héros peuplent la littérature
et les beaux-arts, la mode, la photographie jusqu'à leurs
avatars plus populaires en BD, Spirou, Peter Pan, Tintin,
Obélix et Astérix, entretenant le mythe !
Tour à tour maudites ou magnifiées, les rousses acclamées
dans la poésie et le roman (Baudelaire, Zola) trouvent chez
Jean-Jacques Henner un écho unique réévalué à partir de ses
sanguines et nombreux toiles, "l'Idylle" qu'il présente à
son retour de la Villa Médicis, "la Liseuse », la "Comtesse
Kessler", rapprochées de ses contemporains, Renoir, Degas,
Courbet, Edgar Maxence, jusqu'à aboutir à son emblématique
"Christ Roux", qui transgresse la connotation de la trahison
habituellement liée à cette couleur dans la Bible. Dans une
veine très contemporaine, les "robes hommages" des créateurs
à Sonia Rykiel ont souligné cette arme fatale qu'elle avait
su dompter et apprivoiser pour en faire ensuite plus qu'une
signature, une ode à la différence et un étendard à
l'altérité. La photographe Geneviève Boutry s'est aussi
penchée sur cette planète rousse et a recueilli de nombreux
témoignages de ceux et celles qui vivent au quotidien
railleries, ostracisation ou fascination.
Un volet pédagogique qui traverse l'iconographie de l'art
complète favorablement cette approche à la fois sensible,
éclectique et érudite dans cet hôtel particulier au charme
inégalé !
Marie de la Fresnaye (07/02/2019)
Catalogue coédition Le Seuil/ musée national Jean-Jacques
Henner, 24,90€ 190 pages avec les essais de : Michel
Pastoureau (Ecole pratique des hautes études), Claire
Bessède (musée national JJ Henner), Isabelle de Lannoy
(historienne de l'art), Yves le Fur (musée du Quai Branly),
Xavier Fauche (scénariste) et Cécile Cayol (musée national
JJ Henner).
Site
Rétrospective Oskar Kokoschka
Le Musée d’Art de Zurich (Kunsthaus) présente « Oskar
Kokoschka, expressionniste, migrant et citoyen du monde » et
lui consacre la première grande prospective depuis 30 ans en
Suisse. Elle peut être ainsi considérée comme un résumé
collectif presque complet des différentes expositions
thématiques organisées par la Fondation Kokoschka au Musée
Jenisch de Vevey ces dernières années.
Resté figuratif aux mêmes tires que Picabia ou Picasso, il a
permis d’éviter une guerre des « tranchées » entre
l’abstraction et le figuratif. Ila ainsi inspiré des
peintres comme Spero, Baselitz ou Denis Savary, qui se sont
inspirés de la manière expressionniste.
Cette rétrospective veut illustrer les motifs et les
motivations de l’artiste qui a élu domicile dans pas moins
de cinq pays. Elle n’accueille pas moins de 90 tableaux et
près de 120 œuvres sur papier, dont des photographies et des
lettres des différentes périodes de son existence. Ce fut
aussi souvent l’amour qui inspira nombre de ses travaux, en
particulier celui porté à Alma Mahler, dans la maison de
laquelle, près de Vienne, il peignit une fresque de près de
quatre mètres de large. Cette fresque, dissimulée par la
suite sous plusieurs couches de peinture et de tapisserie
fut redécouverte par des propriétaires plus récents qui la
firent détacher et restaurer. En main privées, elle ne fut
montrée qu’une seule fois en public avant d’être maintenant
visible à Zurich.
Ce qui rend la peinture de Kokoschka singulière et
inimitable tient surtout à son humanisme qui en fait un
grand défenseur de la liberté et des droits de l’homme.
C’est aussi ce qui l’amène à fuir les régimes autoritaires,
en particulier le régime national-socialiste qui considère
son art comme dégénéré. Il s’établi à Prague, puis, en 1938
à Londres où il séjournera avant de s’établir définitivement
en Suisse, sur les bords du lac Léman. C’est à Vevey que se
trouve la Fondation Kokoschka, au Musée Jenisch.
En 1962 ont été présentées à la Tate deux œuvres
monumentales, de huit mètres de largeur et deux mètres de
haut, à savoir « La saga de Prométhée » (1950, Courtauld
Gallery) et « Les Thermopyles » (1954, Université de
Hambourg). Exécutées dans les années d’incertitude entre
Londres et la Suisse, elles n’avaient plus été exposées
ensemble. Les visiteurs de Zurich pourront donc admirer
l’imposant triptyque de Prométhée à côté des Thermopyles.
Ces deux chefs-d’œuvre permettent aussi de saisir le
processus de création de Kokoschka, dont les coups de
pinceaux et les gradations de la palette font deviner le
mouvement du peintre.
Kokoschka est resté un expressionniste fidèle à la
figuration et, dans ce sens, il fonda à Salzbourg une
« école du regard » qui existe encore. On l’a souvent
considéré comme un ennemi de la modernité, mais lui-même
essayait de défendre un accès démocratique à la culture et à
une société ouverte et plurielle.
Exposition en collaboration avec le Musée Léopold de Vienne.
Kunsthaus, Zürich – Jusqu'au 10 mars 2019
Site
Séverine et Raymond Benoit (06/01/2019)
Les Renoir, entre filiation et héritage
Si Jean Renoir est considéré comme le père spirituel de la
Nouvelle Vague, François Truffaut vouant un véritable culte
à la "Grande Illusion", personne n'avait traité ses liens
formels et artistiques avec son père Auguste, dans une
exposition. C'est chose faite grâce au musée d'Orsay qui
propose cet éclairage passionnant peinture/cinéma.
A la
fois les lieux partagés, Paris (Montmartre) et Cagnes mais
aussi la muse, Andrée Heuschling future Catherine que Jean
épouse en 1920 qui deviendra une actrice reconnue de
l'avant-garde et surtout la thématique de l'eau comme
métaphore de la création en mouvement. L'ondine magnétique
de La Fille de l'eau (1925) se superpose ainsi à cette
nature offerte et chatoyante d'une Partie de Campagne (1936)
tournée sur les bords du Loing près de la maison de
Marlotte. Si les canotiers rappellent l'impressionnisme de
son père, la comparaison ne va pas au delà, Jean multipliant
les innovations techniques et s'affranchissant de la leçon
picturale de son père. D'ailleurs Jean comme beaucoup
d'autres "fils de" aura passé sa vie à se forger un prénom
n'hésitant pas à vendre la totalité des œuvres de son père à
sa mort pour financer ses premiers films. Sacrilège vite
compensé à partir de son installation aux Etats Unis en 1940
quand il rachète peu à peu tableaux et sculptures d'Auguste
pour orner sa villa de Beverly Hills. Car et c'est un autre
paradoxe soulevé par cette exposition, la renommée de Jean
ne viendra pas de la France mais des Etats Unis. A son
retour à Paris, "French Cancan" (1955) signe son triomphe.
Hommage à Jules Cheret et Toulouse Lautrec (nombreuses
affiches exposées), "French Cancan" valorise le savoir faire
collectif du spectacle comme allégorie de la création
cinématographique. De plus "Le Moulin de la Galette
ressurgit comme par enchantement.
Dès lors de cette
ambivalence face à la silhouette omniprésente du paternel,
Jean va en faire un moteur en reconnaissant ce qu'il lui
doit, de ses débuts en céramique à la reprise de grands
chefs d'œuvre de la littérature (Zola, Flaubert, Guy de
Maupassant..) jusqu'à sa biographie qui l'occupera pendant
de longues années parue en 1962 sous le titre bilingue
Pierre-Auguste Renoir, mon père. A noter que
la Cinémathèque Française propose conjointement une
rétrospective intégrale Jean Renoir.
Jusqu'au 27 janvier
2019
Galerie Françoise Cachin
Catalogue aux éditions
Flammarion/Orsay
Site
Marie de La Fresnay (07/10/2018)
Guggenheim
- Bilbao - Chagall - Les années décisives, 1911-1919
Cette exposition éclaire les sources de
l'iconographie du peintre Marc Chagall. Elle montre, en
trois sections, comment les traditions de sa communauté
juive natale, de son premier séjour à Paris, et des
événements politiques de cette période ont influencé son
œuvre.
Marc Chagall, né en 1887, est l'aîné
d'une nombreuse famille juive hassidique de la petite ville
russe de Vitebsk. Il grandit dans un environnement hostile
qui restreint les droits des Juifs et les confine dans des
ghettos. La vie s'écoule au rythme des travaux des champs,
des prières à la synagogue, et des rassemblements familiaux
autour du poêle. L'enfant étudie d'abord à l'école primaire
juive. Mais sa mère, épicière d'un caractère déterminé,
réussit à l'inscrire en sus du quota d'élèves juifs à
l'école russe, "en soudoyant le professeur", dit son
biographe Franz Meyer. Cette institution lui donne une
ouverture sur le monde que son père, employé d'un dépôt de
harengs, ne parlant que le yiddish, ne pouvait lui offrir.
Il prend des leçons de violon, de chant et de dessin avec le
peintre Iouri Pen. En 1907 il obtient l'autorisation de
résider à Saint-Pétersbourg où il fréquente l'école Zsanseva
puis l'atelier de Léon Bask. Ce dernier, rédacteur de la
revue Le Monde de l'Art, diffuse les innovations
artistiques auprès de l'Intelligentsia russe. Chagall tombe
amoureux ; il se fiance à la fille de riches joailliers de
Vitebsk, Bertha Rosenberg, surnommée "Bella". Elle sera sa
muse et sa protectrice jusqu'à sa mort en 1944.
En août 1910, le député à la Douma Max
Moïsseïvitch Vinaver lui alloue une modeste bourse de cent
vingt-cinq francs par mois, qui lui permet de réaliser son
rêve de s'installer à Paris. Il loue un atelier à
Montparnasse puis à la Ruche où il vit très frugalement. Il
travaille intensément la nuit à la lumière d'une lampe à
pétrole, et se lie d'amitié avec Sonia et Robert Delaunay,
Blaise Cendrars, Roger Canudo, Guillaume Apollinaire qui le
présente à Picasso et au marchand d'art Walden. Le peintre
découvre le Fauvisme, le Cubisme et l'Orphisme.
A ses débuts, des dessins croqués sur
le vif, au crayon, à l'aquarelle, la gouache, la sépia et
l'encre représentent sa famille et la vie à Vitebsk avec ses
nombreux petits métiers : Autoportrait (1911) ; Le
peintre et sa famille ; Mon père à la tasse de thé ; Le
balayeur et le porteur d'eau ; Homme et bœuf ;
Scènes de village ; Hiver ; Le coiffeur - Oncle Sussy
; Prière dans la nuit.
Il peint des huiles à la composition
savante et très subtilement colorées : Le marchand de
bestiaux (1912) représente un souvenir vivace du peintre
enfant, joyeux et fier quand son oncle Noé l'emmenait au
marché. Dans une charrette, est attelée une chèvre bleue,
pattes repliées. La carriole aux roues bosselées d'un jaune
vif se détache sur un fond de triangles juxtaposés, de tons
bleu dégradés. Au premier plan, au bord de la toile,
apparaissent les visages d'un homme et d'une femme qui
discutent. Le marchand, fouet en mains, guide la jument
gravide. Son épouse, marche derrière lui, un petit animal
sur les épaules. La forme de chaque figure est traitée
géométriquement en tons rose et lilas, à la manière cubiste.
La chèvre et les personnages regardent vers la gauche dans
le sens opposé à la marche du cheval, créant une impression
de mouvement.
Marc Chagall ne cessera de peindre
Bella tout au long de sa vie. Ici sont exposées ses
premières études : Ma fiancée aux gants jaunes,
Bella à la fenêtre, Bella sur le pont. Dans le portrait
Ma fiancée aux gants noirs (1909), Bella apparaît
sous la forme d'une longue silhouette mince et gracieuse,
les mains à la taille, détournant la tête, le port fier. Le
fond sombre, la robe blanche ajustée, les gants noirs, les
tons mauves du béret repris dans le pendentif rappellent les
portraits espagnols. Ce portrait exprime à la fois le charme
particulier, pensif et mystérieux mais aussi le caractère
affirmé du modèle.
Chagall épouse Bella le 25 juillet
1915. Les deux années qui suivent son mariage, il peint la
félicité des jeunes mariés dans une série de petits formats
Dédiés à ma femme. Le tableau exposé montre
les visages jumeaux des amoureux, la tête inclinée l'un vers
l'autre dans un mouvement harmonieux que soulignent leurs
visages qui se touchent, sur un fond bleu très lumineux. Ce
thème sera repris ensuite par le peintre dans nombreuses
toiles. "Bella s'est véritablement fondue dans mon
univers qu'elle avait inspiré et gouverné… cela est
perceptible à travers les diverses périodes de mon travail",
écrit le peintre à Catton Rich directeur de l'Institut d'Art
de Chicago.
L'Anniversaire (1916) a pour
thème la visite de Bella à son fiancé le jour de son
anniversaire. Chagall peint sa chambre-atelier. Un gros
bouquet de fleurs illumine la pièce décorée de châles
brodés. A l'arrière-plan la fenêtre ouvre sur l'église
Illitch de Vitbesk. Le peintre se représente, le corps étiré
de tout son long, flottant avec souplesse en apesanteur dans
l'espace. La tête renversée il murmure à l'oreille de son
amoureuse qu'il entraîne vers lui. Les couleurs intenses
vermillon du sol, vert sombre de la blouse, gris bleu du
mur, indigo et bleu de Prusse des figures, forment une
harmonie mouvementée puissante. A nos yeux Chagall dans tous
les portraits de Bella exprime un sentiment quasi-religieux,
comme venu d'ailleurs ; un amour spirituel qui dépasse
l'attirance charnelle.
La toile Paris à travers ma fenêtre
(1913) montre un petit personnage rêveur, Janus à double
face, devant une grande fenêtre en biais qui occupe
toute la partie gauche de la toile. Elle s'ouvre sur une
ville irréelle composée d'une ligne de maisons hautes avec
en point de mire au centre de la toile une esquisse de la
tour Eiffel illuminée. Dans le ciel, un train roule à
l'envers, projetant sa fumée vers le bas. Un couple enlacé
flotte à l'horizontale. S'agit-il d'une allégorie du peintre
lui-même placé devant son présent et se remémorant son passé
?
Dans La calèche volante (1913),
une télègue attelée à une chèvre s'envole entraînant vers le
ciel son conducteur devant une rangée d'isbas vivement
colorées. Les tonalités contrastées de rouge, jaune et bleu
du tableau évoquent celles des peintures naïves populaires
russes.
Chagall rend hommage à ses amis dans
Hommage à Apollinaire (1913). L'oeuvre de grand
format évoque l'origine du couple, thème central du peintre,
issu du récit biblique de la création où la femme est
extraite du flanc de l'homme. Un hermaphrodite doré occupe
son centre. Son tronc se scinde à hauteur du torse pour
former deux personnages distincts, Adam et Eve, raides comme
les aiguilles d'une horloge. Le dessin préparatoire exposé
montre que le centre du personnage inscrit dans un rectangle
coïncide avec le point d'intersection des diagonales,
rappelant le canon médiéval de la figure humaine dessiné par
Villard de Honneur. Une spirale divisée en quatre parties
part du centre et se termine dans un cercle extérieur. Dans
la version à l'huile, la spirale s'efface au profit du
cercle extérieur redoublé pour former anneau. D'autres
formes géométriques dérivées des lignes diagonales
horizontales et verticales articulent une grande roue. Dans
la partie supérieure apparaissent quatre chiffres 9, 0, 1,
1, évocateurs du cadran de l'horloge. La figure se détache
sur un fond argenté colorié vers le haut avec une
prédominance des rouges à gauche, des verts à droite et des
bleus autour du cercle. "Du rythme des formes et du
rayonnement des couleurs... naît une rose de lumière :
merveille radieuse, énigme délicate" commente Franz
Meyer qui donne une interprétation symbolique de la toile
qu'il considère comme l'une des oeuvres les plus belles et
mystérieuses du peintre. "Avec la chute et la séparation
des sexes, a commencé le Temps qui s'écoule d'Eternité en
Eternité. L'Homme, à la fois un et deux, est l'aiguille
géante de cette horloge universelle... le cercle correspond
à la Totalité et peut devenir, à d'autres niveaux, l'image
de l'unité de l'esprit et de l'âme, du conscient et de
l'inconscient, de l'enracinement et de l'activité...le
mystère des sexes -unité et dualité- devient la métaphore de
toute réalité". Chagall dédicace l'oeuvre à Apollinaire,
Cendrars, Canudo, Walden, dont les noms sont inscrits en
carré dans la partie inférieure gauche du tableau, autour
d'un coeur traversé d'une flèche et signe sa toile en
caractères romains et hébreux.
En juillet 1914 le peintre revient en
Russie pour assister au mariage de sa soeur. Le
déclenchement de la Première Guerre mondiale puis de la
Révolution russe l'obligeront à y rester pendant huit ans.
Dans les mois qui suivent son retour à Vitebsk, Chagall
peint les gens qu'il croise régulièrement dans la boutique
ou la cuisine de sa mère accueillante aux vagabonds et
marginaux. "Parfois", raconte Chagall, "se tenait
devant moi une figure si tragique et si vieille qu'elle
avait plutôt l'air d'un ange. Mais je ne pouvais pas tenir
plus d'une demi-heure... Elle puait trop". Chaque figure
est constituée de formes rondes, de zigzags, de lignes
nettes, d'éléments géométriques, et définie par une couleur
flamboyante, irréaliste. Elle exprime l'accablement et la
résignation du personnage mais aussi une certaine sagesse et
un fort instinct de survie. Ainsi le Juif en vert,
est-il le portrait d'un prêcheur mendiant de Slouzk,
à la barbe d'or sombre, assis en méditation sur un banc où
est gravé, en caractères hébraïques le passage où YAHWE
annonce à Abraham qu'il appartient au peuple élu. Le Juif
en rouge, à l'habit élimé et au visage ridé et malicieux
fait face au spectateur sur un fond d'isbas superposées
rouge et or. Le Juif en noir et blanc également connu
sous le titre Le Juif en prière ou le Rabbin de
Vitebsk est le tableau le plus religieux de la série. Le
personnage peint en noir et blanc porte sur
les épaules le talith du père de Chagall peint en larges
traits noirs, des phylactères aux bras et le tephillin au
front. Dans un texte nationaliste de 1916 titré Voies de
la peinture juive, Boris Aronson et Issachar Ryback
considèrent cette oeuvre "comme la clé de voûte d'un
renouveau de l'art juif… qui mérite une place de choix dans
un musée d'art judaïque".
Parmi les œuvres à sujet juif qui se
rattachent au groupe des vieillards, Jour de fête
encore appelé Le rabbin au citron vert, (1914) occupe
une place particulière. Sur un fond clair, un homme se tient
devant les marches d'accès à la porte d'une synagogue. Il
porte les attributs symboliques de la fête des Tabernacles,
tenant un cédrat dans la main droite, une palme dans la
gauche. Mais la représentation de la réplique du personnage
en miniature sur le châle de prière qui couvre sa tête
apporte une note insolite.
Chagall échappe à l'envoi au front
grâce à son beau-frère qui lui procure un travail dans l'un
des bureaux d'Economie de guerre qu'il dirige à Petrograd.
De cette période sombre, sont exposés des dessins : par
exemple Le Soldat blessé à l'impressionnante face
noire grimaçante, tracée à l'encre de Chine, ne laissant que
quelques zones blanches pour le pansement, les orbites dont
l'une est vide et les dents
Le Marchand de journaux est le
portrait d'un homme barbu à l'air triste qui, sous un ciel
écarlate, s'avance sur une route obscure pour vendre les
terribles nouvelles du jour. Les formes géométriques de la
pile de journaux se chevauchent et les caractères
d'imprimerie sont irréguliers, à la manière cubiste.
Le Soldat boit : La toile
peinte dans une tonalité sourde grise et verte, montre un
homme de face, sans âge, vêtu d'une capote militaire, assis
devant un énorme samovar, second sujet de la toile dont
l'importance suggère la lassitude du premier qui ne pense
qu'à se désaltérer alors qu'un petit personnage, son double,
danse sur la table.
A la fin de 1917, Lounatcharsky, que
Chagall avait connu à Paris, devient Commissaire du peuple à
l'Education et à la Culture. Il donne son accord au projet
d'une Ecole des Beaux-arts pour Vitebsk que lui soumet le
peintre. Ce dernier est nommé Commissaire des Beaux-arts
dans l'ex-gouvernement de Vitebsk en septembre 1918.
"Ainsi commencèrent dix-huit mois d'activité intense, pleine
de débats passionnés mais aussi de graves déceptions"
dit Franz Meyer. Le peintre crée une Ecole d'art populaire,
transformée en Académie en 1919, avec un cercle d'art, une
bibliothèque, un atelier communautaire et un musée. Il
organise une exposition des artistes locaux où il met à
l'honneur son ancien maître Pen. Il les mobilise pour
décorer la ville "de manière révolutionnaire" lors du
premier anniversaire de la révolution. Mais des conflits ne
tardent pas à éclater avec les tenants plus dogmatiques du
courant suprématiste et ceux qui réclament "un art
illustratif, une peinture à sujet". En 1920 Chagall
abandonne définitivement sa ville natale et s'établit à
Moscou qu'il quittera en 1922 pour Berlin, avant de revenir
définitivement s'installer en France.
Durant ces années, l'achat de ses
oeuvres par de riches marchands juifs et quelques commandes
comme celle de décors pour le théâtre d'art juif de Moscou
assurent son quotidien. Est exposé le croquis du décor pour
le panneau La Musique. Le peintre aura mis à profit
cette longue période russe de huit ans pour confirmer son
style très personnel où les thèmes populaires de l'art russe
et de sa culture juive sont illustrés au moyen des courants
picturaux novateurs découverts pendant son séjour parisien.
A propos de cette époque, Marc Chagall
a écrit : "Quel peintre exactement aurais-je voulu être ?
Je ne dis pas aurais-je pu être ? Très jeune je ne me
figurais pas l'Art comme une profession, ni comme un métier
; les tableaux ne me paraissaient pas destinés exclusivement
à des buts décoratifs, domestiques. Je me disais : "l'Art
est en quelque sorte une mission et il ne faut pas craindre
ce mot si vieux". Et quelle que soit la révolution d'ordre
technique, réaliste, elle n'a touché que la surface...
Peut-être parlerai-je d'une certaine "vision du monde",
d'une conception qui se trouverait hors du sujet et de l'œil
? ... de plus abstrait, de libéré... Peut-être était-ce
quelque chose qui fait naître intuitivement une gamme de
contrastes plastiques en même temps que psychiques,
pénétrant le tableau et l'œil du spectateur de conceptions
et d'éléments inhabituels et nouveaux".
Madeleine Bruch
(10/10/2018)
Exposition organisée par le Kunstmuseum
Basel en collaboration avec le
Musée Guggenheim Bilbao. (1er juin - 2 septembre
2018)
Guérisseur
Très connu dans les pays de langue anglaise, Brian Friel
l'est moins en France. Heureusement, depuis une vingtaine
d'années, Alain Delahaye a entrepris de traduire toute
l'œuvre abondante du dramaturge irlandais décédé il y a
trois ans et il en a déjà traduit un bon nombre. Faith
Healer (Guérisseur) en fait partie.
La pièce est actuellement jouée au Lucernaire jusqu'au 14
avril. Trois personnages racontent tour à tour leur histoire
commune, celle de la tournée en Grande Bretagne du
guérisseur accompagné de son épouse et de son impresario.
Tournée hasardeuse dans une vieille camionnette qui les
conduit d'un village miteux à un autre encore pire, devant
une assistance parfois rare et souvent primitive. Les
épisodes cocasses ou dramatiques du voyage sont vus par les
trois protagonistes sous des angles différents. Le
spectateur, dont l'attention ne se relâche pas une seconde
(on entendrait une mouche voler dans la salle) est en plein
suspense, complètement accroché aux lèvres des acteurs, mais
chacun des trois personnages a sa vérité. Les voyageurs
reviennent enfin en Irlande, dans ce village de Ballybeg
déjà évoqué dans d'autres pièces de Brian Friel. Je ne
dévoilerai pas la fin très subtilement suggérée.
Le jeu des trois acteurs tout en nuances ne peut qu'être loué
et contribue à faire de cette pièce un spectacle de qualité.
Site
Marie-José Sélaudoux (14/02/2018)
Le Kunsthaus Zürich présente « Robert Delaunay et la Ville Lumière »
Nous avons eu le plaisir de redécouvrir Robert Delaunay à la conférence de presse de la grande exposition consacrée à l’œuvre de Robert Delaunay (1885 –1941) par le Kunsthaus Zürich. Elle présente des thématiques majeures dont Paris, les débuts de l’aviation et la couleur à l’aube de la modernité. Avec 80 tableaux et travaux sur papier, il s’agit de la plus importante exposition jamais organisée en Suisse sur l’art de cet artiste majeur. Simonetta Fraquelli, commissaire invitée, spécialiste indépendante de l’art parisien du début du 20e siècle, nous a guidé à travers les différentes périodes de l’art du peintre.
Delaunay a été un précurseur. Il s’est intéressé à l’utilisation de la couleur dans la représentation du mouvement, de la technique et du sport, se demandant quelle position lui-même pouvait occuper dans l’évolution d’un monde moderne, nouveau et dynamique dont il voulait être une figure centrale. Le Kunsthaus présente toute la richesse de son travail : des premiers portraits «divisionnistes», marqués par le style fauviste, des années 1906/07 jusqu’aux croquis du Palais des Chemins de fer et du Palais de l’Air pour l’Exposition universelle de 1937 et à sa dernière grande série de tableaux intitulée «Rythmes sans fin», qu’il créa au cours des dernières années de sa vie. Cette rétrospective est complétée par des clichés et des films d’importants photographes et cinéastes de l’époque, eux aussi inspirés par la ville de Paris (Germaine Krull, Man Ray, André Kertész, Ilse Bing, René Le Somptier).
La tour Eiffel, symbole du progrès technique
Un langage pictural fondé sur les contrastes de couleurs et l’utilisation de cercles comme éléments formels et symboles cosmiques sont devenus les marques de fabrique de la peinture de Delaunay. On trouvera dans l’exposition des exemples de ses célèbres séries, comme les voûtes élancées et les vitraux colorés de l’église Saint-Séverin, dans le Quartier latin, ou encore ses représentations de la tour Eiffel – dans 24 des tableaux, vue de côté, de dessus, en perspective, nichée entre les maisons, perdue dans un coin – monument emblématique de Paris et symbole par excellence de la modernité. Les toitures parisiennes, une gigantesque grande roue et des avions dominent ces toiles souvent baignées de soleil.
Avec la série « Les fenêtres », Delaunay engage sa peinture dans une voie nouvelle. Répondant aux jeux réciproques de la lumière, de l’espace et du mouvement, elle s’appuie entièrement sur le contraste des couleurs. Dans ces œuvres, l’univers structuré de la ville semble se dissoudre en une surface plane composée de multiples teintes rompues. Guillaume Apollinaire, poète, critique et grand défenseur de l’art de Delaunay, intégra ces effets visuels fondés sur les relations, les tensions et les harmonies intrinsèques de la couleur pure, à son propre concept d’«orphisme», par lequel il tissait des analogies entre la couleur, la lumière, la musique et la poésie. Delaunay, lui, préférait qualifier ses tableaux de «peinture pure», concept qui trouve sa plus parfaite expression avec le fameux «Disque (Le premier disque)» (1913), dans lequel il élimine toutes les références directes au monde visible et leur substitue une représentation concrète d’effets lumineux prismatiques.
Mouvement et dynamisme sur
terre, sur l’eau et dans les airs
La forme du cercle devient récurrente dans les tableaux de Delaunay dès 1906, et vers 1912/13, elle s’impose comme motif principal de nombreux tableaux sous le titre «Soleil et lune», par exemple dans la spectaculaire toile qui fait partie de la collection du Kunsthaus. Une série de travaux réalisés en 1914 et dédiés à Louis Blériot, pionnier de l’aviation, fait aussi abondamment usage de la forme circulaire. Mû par la volonté de représenter le dynamisme, l’artiste réalise une série de travaux plutôt figuratifs sur la vie moderne, dont les célèbres toiles «Les coureurs» (1924/25). Delaunay s’était déjà livré à des expériences picturales autour de motifs sportifs dans ses tableaux sur «L’équipe de Cardiff», et il connaissait bien sûr la célèbre toile du Douanier Rousseau représentant des joueurs de football. On peut toutefois supposer que son intérêt pour le mouvement et la compétition a encore été stimulé par le spectacle des jeux Olympiques organisés à Paris en 1924.
Portraits de la société
Dans les années 1920, Delaunay crée de nombreux portraits des gens qu’il côtoie dans la capitale, comme les poètes Philippe Soupault et Tristan Tzara, ou d’autres personnalités élégantes de la société parisienne qu’il peint vêtues de tissus imaginés par Sonia Delaunay. À travers la série «Rythmes sans fin», il se rapproche de l’univers de l’abstraction géométrique qui avait pris un bel élan à Paris au début des années 1930. Plus tard, ses travaux serviront de modèle à l’Op Art et ouvriront des voies nouvelles à des artistes développant un style concret, constructiviste.
Des prêts du monde entier
Cette exposition a bénéficié du soutien de nombreux musées importants et de collectionneurs particuliers. Ceux-ci ont mis à sa disposition des chefs-d’œuvre qui, pour des raisons de conservation, ne sont plus que rarement prêtés. C’est notamment le cas du Centre Pompidou (Paris), de l’Abbemuseum (Eindhoven), du Solomon R. Guggenheim Museum et du Museum of Modern Art (New York), du Museum of Fine Arts (Houston), de l’Art Institute (Chicago) et du Moderna Museet (Stockholm).
Jusqu'au 18 novembre 2018 -
Site
Séverine et Raymond Benoit
Langendorf, Suisse (09/9/2018)
L'envol
- La Maison rouge
"L'envol", dernière exposition de la Maison Rouge à Paris, offre un parcours de rêves pour tout public du 16 juin au 28 octobre 2018. Dans une sorte de grand cabinet de curiosités, on y découvre des œuvres variées, françaises, belges, suisses...
Le collectionneur Antoine de Galbert et sa petite équipe auront organisé, depuis 2004, dans cette Fondation, 131 expositions originales, axées notamment sur des collections privées d'art contemporain ou des jeunes artistes. 52.000 visiteurs se sont pressés à la récente double exposition sur des poupées noires américaines en tissu et sur une artiste rom autrichienne rescapée de camps nazis.
La dynamique directrice artistique Paula Aisemberg se cherche une nouvelle activité, la larme à l'œil, tandis que les vastes locaux sont vendus, quai de la Bastille. Grand amateur d'art brut et de coiffes ethniques, volontiers provocateur et anti-institutionnel, Antoine savait que ce lieu serait éphémère dès le départ. "On arrête quand tout va bien", répète-t-il à ses amis navrés, au côté de sa compagne, la galeriste Aline Vidal. Mais la porte de sa Fondation reste entrouverte pour quelques projets culturels et artistiques.
Jusqu'au 18 octobre 2018
Site
Marie-France Maniglier (18/6/2018)
Exposition
Bacon – Giacometti
L’ exposition Bacon – Giacometti
à la Fondation Beyeler révéle les correspondances
entre deux grands artistes.
Le peintre britannique et le sculpteur suisse se sont
rencontrés au début des années 1960 par l’intermédiaire
d’une amie commune, l’artiste Isabel Rawsthorne. En 1965,
leur relation était déjà telle que Bacon avait rendu visite
à Giacometti à la Tate Gallery à Londres lorsque ce dernier
y installait son exposition. Une série de clichés du
photographe anglais Graham Keen documente cette rencontre,
montrant les deux artistes en intense conversation.
Plus d’un demi-siècle plus tard,
les deux artistes sont réunis à la Fondation Beyeler de
Riehen/Bâle et le double portrait photographique de Keen
ouvre l’exposition.
C’est la toute première fois
qu’un musée consacre une exposition conjointe à ces deux
artistes, éclairant leurs rapports et leurs relations. Aussi
différentes que leurs œuvres puissent sembler à première
vue, ce face-à-face inattendu fait apparaître des
correspondances surprenantes.
L’exposition comprend des ouvrages célèbres des deux
artistes, complétées par des œuvres rarement exposées. A
noter plus particulièrement une série de plâtres originaux
en provenance de la succession de Giacometti jamais encore
dévoilés au grand public, ainsi que quatre grands triptyques
de Bacon.
Bacon et Giacometti avaient en
commun une foi inébranlable en l’importance de la figure
humaine. Tous deux ont intensément étudié, copié et
paraphrasé les grands maîtres du passé. Tous deux
s’intéressaient au défi de la représentation de l’espace en
deux et en trois dimensions. Ils intégraient à leurs œuvres
des structures en forme de cage afin d’isoler les figures
dans leur environnement. Ils traitaient tous deux du corps
fragmenté et déformé et partageaient une obsession pour le
portrait et la représentation de l’individualité humaine qui
s’y rattache. Tous deux se proclamaient « réalistes ». Et
s’ils se référaient toujours à la figure humaine, ils en ont
chacun à sa manière poussé l’abstraction à l’extrême,
remettant ainsi en cause l’opposition entre figuration et
abstraction, si centrale pour l’art moderne.
Des intellectuels contemporains
tels l’auteur et ethnologue français Michel Leiris, le
critique d’art et commissaire d’exposition anglais David
Sylvester et le poète et écrivain français Jacques Dupin
entretenaient des relations personnelles avec Giacometti et
Bacon. Ernst Beyeler a lui aussi souvent rencontré les deux
artistes et évoquait leur courtoisie chaleureuse et leur
charme. Il s’est particulièrement investi pour la diffusion
de leurs œuvres.
Beyeler a en effet joué un rôle
déterminant dans l’établissement de la Fondation Alberto
Giacometti à Zurich ; il a aussi consacré deux expositions
de sa galerie à Giacometti, diffusant ainsi environ 350 de
ses œuvres et également deux expositions à Francis Bacon ;
ainsi environ 50 tableaux et triptyques de l’artiste
britannique sont passés dans les mains de Beyeler. Les deux
artistes ont en outre figuré dans de nombreuses expositions
collectives de la galerie : huit pour Bacon et 38 pour
Giacometti.
Il n’est donc pas surprenant que
des œuvres de Bacon et de Giacometti fassent partie des
pièces maîtresses de la collection Beyeler. Il s’agit en
particuliers de œuvres conçues par Giacometti pour la Chase
Manhattan Plaza, dont le célèbre Homme qui marche II (1960)
ainsi que l’émouvant triptyque dédié par Bacon à son amant
disparu In Memory of George Dyer (1971). Quant à Lying
Figure (1969), qui fait également partie de la collection,
Bacon écrivait dans une lettre à Beyeler qu’il tenait cette
toile pour l’une de ses meilleures œuvres.
L’exposition est accompagnée d’un
important catalogue publié aux éditions Hatje Cantz, auquel
ont contribué Ulf Küster, commissaire d’exposition à la
Fondation Beyeler, Catherine Grenier, directrice de la
Fondation Giacometti à Paris, Michael Peppiatt, spécialiste
de Bacon et ami proche de l’artiste, ainsi que Hugo Daniel
et Sylvie Felber.
Séverine et Raymond Benoit - 17/5/2018
Site
Jusqu'au 02 septembre 2018
A la recherche du style (1850-1900)
Le Musée national suisse à Zurich présente plus de trois
cents textiles, meubles, dessins ou tableaux dans
l’exposition "A la recherche du style. 1850 à 1900". Elle
permet de se plonger dans ces cinquante années marquantes
pour l’évolution du style et d’embrasser l’architecture, les
arts, l’artisanat et l’industrialisation.
Le milieu du XIXe siècle marque un changement de paradigme.
La "Great Exhibition" de Londres, la première exposition
universelle, en 1851, a marqué l’émergence d’une nouvelle
ère. Parallèlement à la diffusion croissante de nouveaux
produits, leur apparence doit répondre à des exigences
accrues : les objets de la vie quotidienne sont non
seulement conçus à des fins pratiques, mais également
esthétiques.
Dans le bâtiment, on emploie de nouveaux
matériaux comme l’acier, le béton ou le verre, et l’art
prend ses distances avec les académies. Le visage de
métropoles comme Paris, Londres ou Vienne prend son aspect
actuel. Sur le plan architectural, c’est à cette époque que
sont jetées les bases de l’avenir. Une série de photos de
l’époque nous le démontre. Les agrandissements en décor nous
plongent directement dans les rues de l’époque, dont
certaines n’ont pratiquement pas changé après plus de cent
ans.
Les idées de Gottfried Semper et d’Eugène Emmanuel
Viollet-le-Duc exercent alors une influence déterminante.
Les deux hommes s’inspirent d’époques révolues –l’Antiquité
et la Renaissance pour Semper, le Moyen Âge gothique pour
Viollet-le-Duc-. L’opéra de Dresde, l’école polytechnique de
Zurich témoignent de l’art de Semper ; et la cathédrale de
Lausanne –pour rester en Suisse– a été remaniée par
Viollet-le-Duc.
L’essor technique est fulgurant dans la
seconde moitié du XIXe siècle. Une nouvelle filière
professionnelle, celle des designers ou stylistes, naît des
besoins de la nécessité pour un nouveau produit d’être
élégant tout en restant fonctionnel. Ces nouveaux produits
sont en particulier l’ampoule à incandescence, le fer à
repasser ou le téléphone. Ils apportent le confort aux
ménages et les conduites d’eau et égouts améliorent
l’hygiène.
Des écoles d’arts appliqués sont alors fondées et
des collections d’échantillons se constituent. L’égale
valeur de l’art et de l’artisanat est prônée par l’historien
d’art britannique John Ruskin dans son ouvrage "The Two
Paths", paru en 1859. L’importance de l’apparence extérieure
de biens d’usage courant s’accroît dans une population qui
peut les accueillir plus largement.
Au XIXe siècle, de
nombreux peintres quittent les académies pour se tourner
vers de nouveaux idéaux artistiques. Arnold Böcklin, Albert
Anker, Ferdinand Hodler et d’autres Suisses partent à
l’étranger, à Paris en particulier, pour y trouver leur
inspiration, se former et parfaire leur apprentissage,
rentrant ensuite au pays avec des approches nouvelles. De
nombreux artistes dialoguent avec le passé pour se
renouveler. Depuis lors, nous parlons d’Impressionnisme, de
Réalisme ou de Symbolisme.
Des prêts exceptionnels du
Victoria and Albert Museum de Londres, de l’Österreichisches
Museum für angewandte Kunst / Gegenwartskunst (MAK) de
Vienne ou du célèbre musée des Tissus de Lyon ont permis, en
plus des collections propres du musée, d’organiser cette
exposition qui couvre l’ensemble de l’Europe et un peu du
Nouveau monde.
Séverine et Raymond Benoit
Musée national
suisse, Zürich
23 mars au 15 juillet 2018
Magie du pastel
Il y a vingt ans, grâce à la générosité de Madame Lucie Schmidheiny, la Fondation de l’Hermitage à Lausanne recevait en donation un somptueux pastel d’Edgar Degas, Danseuses au repos (83 x 72 cm), réalisé vers 1898. Pour cet anniversaire, la fondation a organisé une exposition : Pastels, du 16e au 21e siècle. L’exposition rassemble 150 chefs-d’œuvre de ce medium fascinant.
La vulnérabilité des épreuves entraîne le fait qu’elles doivent impérativement être transportées le moins loin possible et toujours à plat. Dès lors, elles proviennent essentiellement de collections publiques et privées suisses. Ces origines augmentent d’autant plus l’intérêt de l’exposition, car la plupart des pastels des collections privées n’ont pratiquement jamais été prêtées et celles des institutions publiques pas toujours exposées.
La visite débute avec les premiers dessins rehaussés au pastel de Barocci et de Bassano et fait ensuite la part belle à l'âge d'or du portrait au 18e siècle, en particulier ceux du Genevois Jean-Etienne Liotard (1702-1789). Il adopté un style fin et précis, marqué par une imitation fidèle de la nature, que ce soit dans ses remarquables natures mortes ou ses portraits harmonieux ; est exposé, en particulier, le grand portrait (114,5 x 89,5 cm), exceptionnel pour l’époque, de Madame Paul Girardot de Vermenoux, née Anne Germaine Larrivée, remerciant Apollon de sa guérison (1764). Il faut aussi remarquer les intéressants portraits de Quentin de la Tour, dont le fameux autoportrait dit « à l’œil de bœuf ».
Après la disparition presque complète de l’art du pastel au début du XIXe siècle, celui-ci revient à la mode avec les pré-impressionnistes et les impressionnistes avec, au départ, Jean-François Millet, qui attire sur lui l’attention de jeunes artistes. Eugène Boudin puis Alfred Sisley y ont recours, tandis qu’Edouard Manet et Edgar Degas se l’approprient avec une inventivité et une liberté absolues. Mary Cassatt et Berthe Morisot associent sa douceur au monde de l’enfance. Les irradiations colorées d’Odilon Redon, qui a abandonné le noir, et les évocations brumeuses des symbolistes (Lucien Lévy-Dhurmer, Fernand Khnopff, Jean Delville), confèrent au pastel une part de rêve et de mystère. Les craies de couleur accompagnent aussi les paysagistes comme Edouard Vuillard, Giovanni Giacometti, Ernest Biéler ou Albert Welti.
L’exposition est complétée par les pastels aux coloris beaucoup plus vifs, grâce à la puissance des pigments, d’artistes comme Augusto Giacometti, František Kupka, Paul Klee, Aurélie Nemours et Sean Scully. Le pastel séduit aussi les artistes minimalistes (Fred Sandback, Paul Mogensen, Robert Mangold) comme les tenants de la figuration (Sam Szafran, Tom Phillips). La flexibilité de ce médium très polysémique l’adapte désormais à tous les usages (Roni Horn, Nicolas Party).
Du fait de la rareté relative des expositions de pastels, cet évènement lausannois complète de façon particulièrement intéressante l’exposition parisienne du Petit-Palais. Il a été rendu possible grâce à la générosité des collectionneurs privés et la participation exceptionnelle des Musées d’art et d’histoire de Genève, du Kunstmuseum Winterthur et du Kunsthaus Zürich.
Séverine et Raymond Benoit
Fondation de l’Hermitage, Lausanne
Pastels, du 16e au 21e siècle Liotard, Degas, Klee, Scully…
Fondation de l’Hermitage, Lausanne
Pastels, du 16e au 21e siècle Liotard, Degas, Klee, Scully…
Séverine et Raymond Benoit (04/3/2018)
Les Italiens à Paris - Du classicisme au futurisme
Si vous habitez aux alentours de la rue de Penthièvre ou l'empruntez par hasard, ne manquez pas, au n°34, de pousser la porte de la petite galerie Maurizio Nobile pour y admirer l'exposition
Les Italiens à Paris.
Giovanni Boldini (1842-1931) y est à l'honneur. Tout le monde connaît son portrait de Verdi ou de Robert de Montesquiou, celui qui, ici, monopolise avec raison toute l'attention et qui figure sur l'affiche est l'image d'une riche Argentine, Josefina Virginia de Alvear, qu'il a d'ailleurs portraiturée trois fois. Il ne faut pas manquer de regarder le dos du tableau, un autre superbe portrait de femme du même Boldini y est accroché.
Il faut signaler aussi La dame au miroir du même peintre et d'autres artistes intéressants ayant séjourné à Paris entre la fin du 19e siècle et le début du 20e tels que Corcos, Mancini (Gamin au parapluie,
Le saltimbanque au violon) Zandomeneghi (Jeune femme dans un jardin, de facture très impressionniste), Rossano (Promenade dans le parc), jusqu'au futuriste Severini (1833-1966) dont on peut voir La fenêtre.
Il y a juste une quinzaine de tableaux, la galerie est petite, mais les deux grands portraits de Boldini valent à eux seuls le détour.
Site
Les Italiens à Paris
Galerie Maurizio Nobile
34, rue de Penthièvre-75008 Paris
22 mars - 21 avril 2018
Du mardi au samedi, de 11h à 19h
Marie-José Sélaudoux (03/3/2018)
Un nouveau musée à Paris : Le Grand Musée du Parfum
Fraichement ouvert, depuis le 22 décembre 2016, cet
hôtel particulier niché dans le 8eme arrondissement de Paris saura vous
présenter le parfum sous un nouvel angle.
Ce très bel espace se compose de plusieurs niveaux.
Le sous-sol retrace l’origine du parfum, les odeurs de l’Histoire, de son
utilisation lors de l’Antiquité gréco-romaine ou au Moyen Age, jusqu’à son
explosion en France, grâce à l’aide notamment des couturiers les plus connus
(Guerlain, Chanel, Patou).
L’étage supérieur se veut pédagogique et interactif,
pour petits et grands. L’odeur des foins coupés vous rappelle votre enfance, une
odeur particulière vous emmène à un moment précis de votre vie, pourquoi ?
Saurez-vous devinez les odeurs qui s’offrent à vous dans le jardin des
senteurs ?
L’étage suivant met en avant le rôle des parfumeurs,
les « compositeurs d’odeurs », avec à la clé des vidéos, mais aussi un
surprenant orgue qui joue une musique tout à fait particulière…Je ne vous en dit
pas plus…
De futures expositions se tiendront au dernier étage,
patience donc !
Un musée ludique et moderne où le public peut
toucher, sentir, deviner…Prochainement, des professionnels viendront conseiller
ceux qui le veulent afin de créer pour eux la parfaite composition.
Un salon de thé devrait s’ouvrir aux beaux jours.
Le Grand Musée du Parfum
73 rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
Site
Chrystelle Tassios (03/01/2017)
Hôtel
particulier Nissim de Camondo
Un hôtel particulier, niché à l’orée du Parc Monceau : à découvrir absolument ou
à revoir… Certes, nous vivons dans une des plus belles villes du monde mais la
connaissons nous vraiment ? Que savons-nous des trésors cachés derrière les
portes imposantes des hôtels particuliers parisiens ?
Laissez-moi vous ouvrir la porte de l’hôtel particulier Nissim de Camondo,
merveille architecturale, inspiré du Petit Trianon avec deux ailes s’ouvrant en
V et qui donnent directement sur le parc Monceau. Maintenant, laissez-vous
guider…
Le testament de Moise de Camondo fait état de sa volonté de léguer tous ses
biens à l’Etat français ainsi qu’au musée des Arts Décoratifs. Une condition
toutefois, que tous les objets restent en l’état tel qu’au moment de sa mort et
qu’ils ne soient pas dispersés. L’hôtel est nommé Nissim de Camondo, après le
fils de Moise à qui il était destiné ainsi qu’à sa descendance.
Cependant, l’Histoire en a décidé autrement. Grande famille de banquiers juifs
venant de l’Empire Ottoman (Turquie), surnommés « les Rothschild de l’Est », la
famille de Camondo a décidé d’installer le siège européen de sa banque à
Paris en 1866.
Le ‘63 rue de Monceau’, dans l’ancienne Plaine Monceau, a été choisi, devenant
le haut lieu des fêtes et diners du tout Paris aristocrate et du monde des
banquiers. De grandes rénovations ont été entreprises afin de donner l’aspect
que nous connaissons aujourd’hui. Depuis le vestibule, le visiteur
aperçoit l’escalier monumental amenant vers le 1er étage et les pièces de
réception. Les espaces sont généreux, avec tout le confort possible à cette
époque (cuisinières modernes au rez-de-chaussée avec les salles destinées au
personnel, le chauffage dans toutes les pièces, l’éclairage, des salles de bain
et un ascenseur intérieur). Le 1er étage est constitué de salons, d’une salle à
manger/de réception et du grand bureau.
Le 2eme étage nous montre la chambre de Moise, les salles de bain, le bureau de
Nissim ainsi que la magnifique bibliothèque, impressionnante et mettant
superbement en valeur les boiseries du 19eme siècle. A la mort de son fils,
héros de la 1ere Guerre Mondiale, Moise ferma sa banque et concentra tous ses
efforts à perfectionner chaque objet, afin de le fixer pour l’éternité.
La finesse du mobilier, l’harmonie et la symétrie, l’ornement de chaque pièce
est juste un ravissement pour les yeux et il convient de dire que la volonté de
Moise a été respectée…Rien n’a changé, le temps est comme suspendu, figé et ce,
en plein cœur de Paris. La fille de Moise, Beatrice, ainsi que ses deux enfants
ont été déportés à Drancy puis exterminés à Auschwitz. La famille s’est éteinte.
Un hommage à la grande épopée de cette famille, qui a tant fait pour l’Empire
Ottoman puis qui a poursuivi à Paris, pour finir dans l’horreur de la Seconde
Guerre Mondiale.
Musée Nissim de Camondo
63, rue de Monceau, 75008 Paris
Ouvert du mercredi au dimanche (10h-17h30) Tarif : 9€
Chrystelle Tassios - 15/1/15
Vaux-le-Vicomte
Le château de Nicolas Fouquet, surintendant des finances de Louis XIV, près
de Melun, vaut le déplacement : pas à cause de l’intérieur du château : rien de
bien extraordinaire à part quelques belles pièces de mobilier ancien, le tout
étant mal présenté et fort décati ; non, ce qui vaut le déplacement c’est de
parcourir le parc aménagé par Le Nôtre : l’archétype du parc à la française,
malheureusement un peu défiguré parla maladie qui s’est emparée récemment des
buis (cf).
Préparé par une animation - cette-fois, exemplaire, on pourra admirer l’ampleur
des travaux et le génie des proportions et de la perspective de celui qui
restera plus un architecte extérieur qu’un jardinier (à part quelques
pâquerettes aucune fleur dans le parc…)
Site
Thierry Vagne - 11/6/2014
Art Paris 2018
Art Paris (du 5 au 8 avril) fête son 20ème anniversaire
au Grand Palais avec 142 galeries de 23 pays ; le pays invité est la Suisse.
Cette « jeune » foire est une foire de découverte et de redécouverte, qui, comme le dit son directeur Guillaume Piens,
" défriche de nouveaux territoires complémentaires de la FIAC. Nous défendons un régionalisme cosmopolite, nous explorons aussi bien l’Afrique, l’Europe orientale, le Moyen-Orient… que les régions françaises et européennes."
Avec une section dédiée à douze jeunes galeries.
C’est l’historienne de l’art Karine Tissot qui a été chargée de dévoiler le dynamisme de la scène artistique suisse. Six artistes suisses historiques (Arthur Aeschbacher, Grégoire Müller, Véra Röhm, Wanda Davanzo, Rolf Iseli, Hans Jörg Glattfelder) qui ont participé aux combats esthétiques de l’après-guerre sont représentés dans différentes galeries. S’ajoutent les œuvres vidéo d’artistes femmes, montrées sur la façade du Grand Palais de 20h30 à minuit et les grands noms d’artistes contemporains, comme Sylvie Fleury, Pipilotti Rist,
Le Corbusier. Le parcours se termine avec la sélection d’une quarantaine de pièces de la collection de l’assureur Helvetia.
Le journal Les Echos du 4 avril signale le livre du jour, un Poche, qui pourra intéresser nos adhérents.
« Grands et Petits secrets du monde de l’art », édition actualisée, par Danièle Granet et Catherine Lamour. Collection Pluriel
Site
Hélène Queuille (04/3/2018)
"Sur des musiques de Bach, Mozart, Beethoven, Chopin, Schumann, Liszt..., c’est avec son regard émerveillé d'enfant que Pascal Amoyel nous convie à rencontrer "son" Franz Liszt alors âgé de 7 ans, vivant dans une petite ville de Hongrie... Le public voyage à leurs côtés dans un spectacle à la forme unique mêlant musique, théâtre, et...magie".
Un grand merci à Madame Renée Taponier, conservatrice du musée et assistante de
Monsieur Cardin, qui a si savamment organisé toute la présentation de ce musée
et qui a donné à cette première visite un caractère si intimiste et privilégié !
Musée Pierre Cardin
5 rue Saint-Merri
75004 Paris
Horaires
du mercredi au vendredi de 11h à 18h
le samedi et dimanche de 13h à 18h. Tarif : 25€
La folie de l’« art brut » se propage à Paris, New York, Lausanne, Villeneuve
d’Ascq, Porto, voire à Tokyo... Le collectionneur Antoine de Galbert ravive la
curiosité (ou un agacement sceptique) pour ces productions artistiques en
ouvrant les portes de sa parisienne « maison rouge » au collectionneur d’art
brut Bruno Decharme, durant le dernier trimestre 2014. Plusieurs œuvres d’art
brut étaient négociées à l’occasion de la Foire internationale d’art
contemporain (FIAC) de Paris, achevée le 27 octobre 2014. A des prix parfois
considérables pour un béotien découvrant cet étrange territoire, proche de l’art
populaire et peuplé de singulières personnalités, plus ou moins autodidactes,
parfois spiritistes, mystiques, souvent confrontées à la schizophrénie, parfois
à l’autisme, voire à un enfermement involontaire.
Le clou de l’exposition de la « maison rouge » est probablement une grande
installation d’avions en carton fabriquée par Hans-Jorg Georgi, 65 ans,
Allemand, handicapé par la polio et par l’autisme et qui travaille sans relâche
au sein de l’atelier Goldstein à Francfort-sur-le-Main. Cet atelier d’arts
plastiques indépendant « n’est pas un projet social : il représente l’élite des
artistes autistes travaillant en Allemagne aujourd’hui ».
Surfant avec passion sur cette mode de l’art brut, depuis plusieurs années, le
galeriste parisien Christian Berst distribuait des cartons d’invitation, à la
FIAC off. 2014, pour sa nouvelle antenne newyorkaise. Une « œuvre muséale » de
l’Allemand Harald Stoffers constitue le « clou de l’exposition inaugurale » au
95 Rivington street (30 octobre 2014 – 21 décembre 2014). Sans cesse, l’artiste
autiste écrit des lettres aux caractères serrés à sa mère défunte. Réalisée au
marqueur et acrylique sur papier, l’œuvre partie aux Etats-Unis mesure 3,50
mètres sur 60 cm. Son prix : 50 000 €, preuve d’un décloisonnement entre les
marchés de l’art contemporain et de l’art brut.
Le Bal -
Merveilleux endroit que cette ancienne salle de bal des années folles, située au cœur du 18ème arrondissement, et transformée depuis 2010 en un espace d’exposition, de rencontres et débats autour de l’image-document.
Pour son 4ème anniversaire, sa directrice Diane Dufour a donné carte blanche à 5 artistes pour explorer le territoire de l’autoroute à l’aide du médium photographique.
Comment représenter cette traversée hors du temps, ce voyage à travers différentes contrées mais peut être aussi voyage intérieur ?
Le visiteur pénètre dans la première salle où un paysage est représenté sur les murs. L’autoroute, peinte sur les photographies par l’artiste Alain Bublex dans une sorte de trompe l’œil, simplifie le réel et permet de mieux voir dans une mise à distance du paysage. Ici aucune narration, aucun être vivant, simplement des paysages refabriqués comme des fonds d’écran vidéo.
Au sous-sol, Stéphane Couturier propose un travail de fragmentation du paysage dans un polyptique constitué d’une trentaine de fines bandes espacées les unes des autres, dans une sorte de recomposition de paysage mental. L’artiste se place à l’extérieur de l’autoroute et donne à voir une vision séquentielle où les interstices laissent place
à l’invisible.
Trois artistes vont associer image et narration : fictionnelle pour Julien Magre, autobiographique pour Antoine d’Agata et axée sur la réalité des autres pour Sophie Calle.
Julien Magre préfère s’arrêter sur une aire de repos, non-lieu par excellence, qui lui inspire un
road movie autour des terreurs de la nuit. Pour Antoine d’Agata, l’autoroute devient une prolongation de journal intime où le paysage défile en parallèle à la vie de l’artiste. Sophie Calle, installée dans une cabine de péage, invite les automobilistes à répondre à ses questions : « où pourriez-vous m’emmener ? S’il y a lieu, je pars avec vous… », et attend d’être délivrée de sa solitude dans une incitation au rêve.
Ne manquez pas cette belle invitation au voyage… plus jamais vous n’emprunterez
ces infrastructures, pourtant si familières, de la même façon… !
Jusqu'au 26 octobre 2014
Le Bal
6 impasse de la Défense
Paris, 18e - Métro Place de Clichy
Site
Installée dans l’ancienne agence de l’architecte Robert Mallet-Stevens qu’il construit en 1927, la Fondation Hippocrène soutient depuis 1992 des projets humanitaires, culturels et éducatifs axés autour de l’Europe.
Depuis 2002, elle présente une fois par an et au moment de la FIAC, des expositions d’art contemporain intitulées « Propos d’Europe », en mettant en lumière la scène artistique d’un pays afin de créer des réseaux d’artistes. Après la Fondation Giuliani de Rome invitée en 2013, c’est au tour de la DRAF (David Roberts Art Foundation)
de Londres d’investir ce lieu emblématique de l’architecture moderniste. Vincent Honoré, son directeur et commissaire de l’exposition « le musée d’une nuit (script for leaving traces)» -titre inspiré en partie d’un tableau de Magritte- a imaginé un récit autour de la collection. Après lecture du livre « La blonde et le bunker » de J. Alikavazovic, il lui apparait évident que « la collection est une expérience de la perte davantage que de l’accumulation » tout comme le devenir des bâtiments de Mallet-Stevens pour la plupart abandonnés, dénaturés ou détruits après sa mort. Trois thématiques apparaissent dans la trentaine d’œuvres sélectionnées. L’hommage à Mallet Stevens et au modernisme surgit avec une photographie de son ami Man Ray, les dessins sérigraphiés sur tapis de Renaud Jerez, ou encore un corps allongé de Tamara de Lempicka (qui restera quelques temps dans un atelier-logement conçu par l’architecte). La thématique du surréalisme transparait dans les corps morcelés des sculptures de Michael Dean et Enrico David et l’œuvre anthropomorphique de Sarah Lucas. Enfin le motif de la trace, comme expérience de la perte, apparait dans les constructions faites de tissus récupérés et assemblés de Sergej Jensen et les flaques sombres évoquant des activités urbaines et passées de la jeune Marlie Mul.
Bien d’autres œuvres jalonnent ce parcours résolument contemporain et européen dans l’antre de Mallet Stevens et permettent de faire revivre les fantômes du passé puisque « les musées sont des maisons pleines de pensées » comme le dit si bien Marcel Proust.
Jusqu'au 20 décembre 2014
Fondation Hippocrène
12, rue Mallet-Stevens
Paris, 16eme
Site
Parmi les rares
lieux de musique classique parisiens de la rive gauche, le
Théâtre Adyar offre un écrin idéal à la musique de chambre.
Chargé de mémoire, intimiste, (390 places), il s’avère on ne
peut plus propice à la complicité musicale, entre
instrumentistes certes mais entre la scène et l’auditoire
également. Intégrale Brahms et ciné-concert (8 et 9 février
2014).
Le Festival des 8 et 9 février permettra à ceux qui ne
la connaîtraient pas encore de découvrir dans les meilleures
conditions l’atmosphère chaleureuse et amicale de la série
Cantabile. Précédée d’une présentation et ouverte par une
création de Rodolphe Bruneau-Boulmier, la soirée du samedi
rassemble les trois Trios avec piano de Brahms, interprétés
par Amaury Coeytaux, Raphaël Perraud et Geoffroy Couteau. La
Saison Cantabile se veut aussi lieu de dialogue entre les
arts. Tandis que la plasticienne Sandra Lévy présente une
exposition « Dessin et Musique » durant tout le week-end, le
concert de dimanche comble mélomanes et cinéphiles puisque
Thierry Escaich improvise au piano sur le légendaire film
L’Aurore de Murnau.
Thierry Vagne
Lien
Formée au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, dans la classe de son père
Dimitri Bashkirov, Elena Bashkirova s’inscrit dans la plus belle tradition du
piano russe et la critique s’accorde pour saluer sa riche palette sonore et son
inépuisable imagination poétique.
Après deux Liszt célèbres (Vallée d’Obermann, 1ère Légende), Elena Bashkirova
jouera l’Humoresque op. 20, autoportrait musical contrasté où Schumann se livre
avec lyrisme et feu. Toute dédiée à la musique russe, la seconde partie de
soirée permettra de découvrir l’étonnante et inclassable Sonate n° 5 de Galina
Ustvolskaya (1919-2006), avant que l’interprète ne retrouve un recueil parmi les
plus chers à son cœur : Les Saisons de Tchaïkovski. Choix symbolique, cet opus
referme de la plus poétique manière le premier récital parisien d’une grande
pianiste.
Thierry Vagne
Lien
Théâtre La Bruyère - du mardi au samedi à 21h - matinée
samedi à 15h -
Site
Musée des impressionnismes - Giverny - Jusqu’au 31 octobre - Tous les jours de
10h à 18h.
Site