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L'art visuel - Livres - Musique - Théâtre - Cinéma

L'art visuel


 


À contre-courant - Chaïm Soutine

Chaïm Soutine compte parmi les grands peintres de la modernité. Ses œuvres montrent des paysages vacillants, des cadavres d’animaux et des portraits d’individus issus des couches sociales les plus démunies : ses modèles étaient tour à tour groom, femme de chambre, cuisinier et enfant de chœur. 
L’exposition a vu le jour en collaboration avec la Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen de Düsseldorf et le Louisiana Museum of Modern Art d’Humlebæk au Danemark. C’est donc la dernière possibilité de voir cette superbe exposition réunissant des œuvres dispersées dans le monde entier.
À contre-courant 
Chaïm Soutine grandit dans une famille juive orthodoxe dans une petite ville située non loin de Minsk, dans l’actuelle Biélorussie. En 1913, alors âgé de 20 ans, il se rend à Paris pour en faire sa deuxième patrie. Il vivra quelque temps dans une sorte de phalanstère, La Ruche, à Montparnasse, en compagnie de Chagall, Brancusi, Lipchitz, entre autres. L’artiste italien Amedeo Modigliani comptait parmi ses quelques amis proches. 
Néanmoins, il demeurera tout au long de sa vie un marginal qui, au début, maîtrisera mal la langue française et dont les mœurs sociales lui resteront étrangères. L’expérience de la fuite et de la migration qui a profondément marqué l’existence de Soutine résonne dans ses œuvres. 
En plus de visites de musées, surtout pour les œuvres de Goya et de Courbet, il fréquente, dès qu’il le peut, des concerts avec une prédilection pour les œuvres de Bach.
Déclarations d’amour à l’existence
Les tableaux de Soutine sont à la fois de fougueuses explosions de couleurs et la représentation d’une extrême vulnérabilité. Ils sont autant de déclarations d’amour à la vie qu’aux petites gens : expérience partagée par Soutine à travers sa propre histoire. Ses portraits empathiques et sans complaisance de gens simples, ses paysages puissants et débordant de couleurs, ainsi que ses natures mortes énigmatiques représentant des carcasses d’animaux reflètent toute une époque et une génération marquée par la guerre, les inégalités sociales et l’inexorable conflit entre des visions religieuses et politiques du monde radicalement opposées.
Tandis que nombre de ses contemporains se sont intéressés à l’abstraction, Soutine pratiquait une peinture figurative, extrêmement vivante et expressive. Celle-ci se caractérise par une ligne agitée et vibrante qui confère à ses tableaux une force expressive sans égale. L’artiste qu’aiment les artistes
L’artiste qu’aiment les artistes
L’exposition au Kunstmuseum Bern a tout d’une découverte : bien que Chaïm Soutine soit considéré comme l’un des artistes majeurs de l’art moderne et représenté dans de nombreuses collections muséales d’importance, sa notoriété est moindre que celle de son ami et compagnon de route Amedeo Modigliani ou de Marc Chagall par exemple. Son influence sur la peinture d’après 1945 se manifeste notamment chez les représentant·e·s de l’expressionnisme abstrait, au sein du groupe d’artistes CoBrA ainsi que de la School of London qui choisirent Soutine comme source d’inspiration.
L’exposition à Berne
Ses peintures puissamment colorées mettent en évidence la dimension vitale et vulnérable de l’existence et constituent de remarquables témoignages d’une vie mouvementée en marge de la société. L’exposition présente des œuvres de Soutine appartenant aux genres de prédilection de l’artiste – le portrait, le paysage et la nature morte – et met l’accent sur ses premières décennies de création.
L’exposition au Kunstmuseum Bern réunit quelque 60 œuvres de toutes ses périodes de création. Parmi celles-ci, six œuvres proviennent de la collection du musée (toutes issues du legs Georges F. Keller). Elles sont accompagnées de prêts internationaux consentis entre autres par le Musée d’Orsay et de l’Orangerie ainsi que le Centre Pompidou de Paris, la Tate de Londres, le Museum of Modern Art de New York et la National Gallery of Art de Washington. 
À travers la grande rétrospective Chaïm Soutine, À contre-courant, le Kunstmuseum Bern souhaite présenter ce peintre singulier à un plus large public. L’importance de la quantité des œuvres présentées demande  de réserver suffisamment de temps pour bien analyser les différentes périodes de l’artiste et de ses intérêts changeants concernant les sujets représentés.

 Kunstmuseum Bern (Musée des Beaux-Arts, Berne) – du 16 août au 1er décembre 2024

Séverine et Raymond Benoit (20/9/2024)

 

When We See Us - Un siècle de peinture figurative panafricaine

Quand on pénètre dans le musée Gegenwart, annexe du Kunstmuseum Basel (Musée d’art de Bâle), on entre dans un monde en plein contraste avec les tours ultramodernes de la maison Rochje au-delà du Rhin traversé par le petit ferry « Wilde Ma » (L’homme sauvage) juste à côté.
Avec l’exposition When We See Us, le Kunstmuseum Basel présente un kaléidoscope qui raconte un siècle de peinture figurative noire. Il s'agit d’une reprise de l’exposition organisée au Zeitz Museum of Contemporary Art of Africa au Cap. Installée dans les espaces du Gegenwart, elle réunit plus de 150 peintures d’environ 120 artistes, jamais exposées en Suisse pour la plupart, et apporte un éclairage sur la puissance et la dimension politique de la « Black Joy ».
Le titre de l’exposition s’inspire de la mini-série de Netflix When They See Us (Dans leur regard, 2019). La réalisatrice afro-américaine Ava DuVernay y aborde la manière dont des Blancs perçoivent indifféremment de jeunes Noirs innocents comme de potentiels criminels constituant une menace. En remplaçant « They » par « We », l’exposition opère un changement de perspective et offre ainsi un espace aux artistes pour montrer la manière dont ils voient leur condition. Elle accorde une place centrale à leur perception propre et révèle comment la vie des Noirs ne cessa d’être représentée par d’autres de manière biaisée et fausse.

When We See Us est le résultat de recherches approfondies menées par Koyo Kouoh, directrice et cheffe curatrice du Zeitz MOCAA au Cap, et son équipe. De novembre 2022 à septembre 2023, ce musée dédié à l’art contemporain africain, le plus grand au monde, a présenté cette vaste exposition. Celle-ci est représentative d’une nouvelle perception de soi et de l’autodétermination d’artistes noir(e)s qui, après des siècles de domination par le canon artistique blanc, écrivent leur propre histoire de l’art.
Au Kunstmuseum Basel, elle succède à une série d’expositions monographiques consacrées à des artistes afro-américain(e)s : Theaster Gates, Sam Gilliam, Kara Walker et dernièrement Carrie Mae Weems. Ces expositions et bien d’autres explorent la « Blackness » dans le monde, notamment au regard des traumatismes et des aspects du colonialisme. D’après les commissaires Koyo Kouoh et Tandazani Dhlakama, When We See Us se concentre quant à elle sur le quotidien ainsi que sur la « puissance de la joie », éliminant ainsi les stéréotypes liés au racisme, à la violence ou aux crises.
L’exposition s’attache à proposer aux individus un nouvel angle de vue tour à tour solennel, puissant et digne : « Il faut que nous parlions beaucoup plus de nous-mêmes, d’une manière qui stimule notre esprit » disent-elles. Six sections du quotidien Plus de cent cinquante œuvres d’art sont réparties en six chapitres d’exposition, répartis dans les étages du bâtiment : Triomphe et émancipation, Sensualité, Spiritualité, Le quotidien, Joie et allégresse et Repos.
Les salles ne sont pas aménagées de manière chronologique, ni selon le pays d’origine ou le lieu de travail des artistes. Cette disposition permet de rester éveillé pour faire le lien entre les diEérentes époques, genres et pays d’origine. La déclinaison en des thèmes universels indique également pour la première fois que les artistes ont travaillé aux mêmes thématiques à différents endroits en Afrique et au sein de la diaspora africaine.
Ainsi, des parallèles iconographiques s’esquissent entre les œuvres de Romare Bearden (1911–1988), artiste afro-américain, et de George Pemba (Afrique du Sud, 1912–2001), ou entre le Congolais Chéri Samba (*1956) et l’AfroAméricain Barkley L. Hendricks (1945–2017). When We See Us occupe l’ensemble des espaces du Kunstmuseum Basel | Gegenwart. Comme au Zeitz MOCAA, Ilze WolE, associée de l’agence WolE Architects au Cap, a été chargée de la scénographie, tandis que le musicien Neo Muyanga a conçu les stations sonores.
Une frise chronologique précise le contexte de création des œuvres exposées et un audioguide adapté pour le Kunstmuseum Basel fournit des informations sur les œuvres.
Le programme qui accompagne l’exposition met en avant diEérentes voix noires à travers la musique, la littérature, des ateliers, des visites guidées, des groupes de discussion et des événements universitaires. Au rez-de-chaussée, une salle spécialement conçue pour accueillir ce programme sert de lounge public ainsi que de lieu de rassemblement et d’événements pour les ateliers, séminaires, concerts et autres.
25/5 – 27/10/2024 - Kunstmuseum Basel | Gegenwart

Séverine et Raymond Benoit - 19/6/2024

 

Dan Flavin

La grande exposition temporaire « Dan Flavin. Dédicaces en lumière » présente un pionnier de l’art minimal : Dan Flavin (1933-1996), artiste états-unien devenu célèbre au début des années 1960 pour son travail avec des tubes fluorescents fabriqués de manière industrielle.
58 de ses travaux, certains visibles pour la première fois en Suisse, mettent en lumière son œuvre à nulle autre pareille à travers un parcours thématique et chronologique. L’exposition - la première d’envergure consacrée à Dan Flavin en Suisse depuis douze ans - met l’accent sur des œuvres que l’artiste a dédiées à des personnes ou à des événements. En élaborant une nouvelle forme d’art, Dan Flavin écrit un nouveau chapitre de l’histoire de l’art. 
Au moyen d’œuvres conçues à partir de lumière, il libère la couleur du champ de la peinture et la transpose dans l’espace tridimensionnel. En utilisant des tubes lumineux du commerce, il s’oppose aux représentations habituelles du statut d’auteur.e et des processus de production dans l’art : sa décision de faire de l’art à partir d’un objet usuel du quotidien retint l’attention de ses contemporains et demeure, encore aujourd’hui, radicale.
Après les premières expositions de ses œuvres lumineuses à New York, Dan Flavin suscite l’enthousiasme des artistes et des critiques d’art pour son purisme, ses « images gazeuses » (un terme que l’artiste se plaisait à utiliser) et l’immédiateté de leur brillance. Les tubes fluorescents de Dan Flavin évoquent des usines, des établissements de restauration rapide ou encore des parkings. L’artiste utilise délibérément cet effet de même qu’une palette réduite imposée par le mode de fabrication des lampes fluorescentes : bleu, vert, rouge, rose, jaune, ultraviolet et quatre tons différents de blanc. Certains sont particulièrement violents et pourraient nécessiter de porter des lunettes de soleil pour les personnes particulièrement sensibles de la vue.
Au cours de sa carrière, il transforme des lampes et de simples arrangements géométriques en de complexes travaux architectoniques et des séries élaborées composées de plusieurs parties. Flavin s’oppose vigoureusement au fait que ses œuvres soient considérées comme des sculptures ou des peintures et les qualifie plutôt de « situations ». Certaines formes demandent un certain exercice intellectuel de compréhension de ce que l’artiste désire montrer ou démontrer. La visite de l’exposition n’est pas totalement passive. C’est surtout la disposition des salles qui permet de bien souligner les contrastes d’une « situation » à l’autre.
Dans ses écrits et autres déclarations, il souligne en outre l’objectivité de son œuvre. Dans le catalogue consacré à l’exposition de l’un de ses premiers grands travaux institutionnels au Stedelijk Van Abbemuseum en 1966 il écrit : « Electric light is just another instrument. I have no desire to contrive fantasies mediumistically or sociologically over it or beyond it. (…) I do whatever I can whenever I can with whatever I have wherever I am. »
L’œuvre de Dan Flavin s’inscrit dans la catégorie de l’art minimal du fait de sa volonté de se limiter strictement au travail avec un objet de facture industrielle ainsi que de la sérialité de ses œuvres. Carl André, Donald Judd, Sol LeWitt et Robert Morris sont considérés à ses côtés comme les principales figures de ce courant artistique - chacun d’entre eux réfutant toutefois plus ou moins clairement cette appartenance.
Grâce à l’étroite coopération avec la succession et le studio de l’artiste, la série untitled (for John Heartfield) sera visible dans son intégralité pour la première fois en Europe. Plusieurs des œuvres n’ont plus été exposées en public depuis des décennies.
L’exposition est particulièrement à recommander un jour ou l’autre où le mauvais temps est de la partie. La promenade dans les salles illuminées du Musée permet de se refaire une santé psychologique et retrouver un bon optimisme. Après ce parcours assez long, on ne ressort pas avec l’impression d’un art minimal, mais au contraire une construction particulièrement complexe, dont il est quelquefois, bien sûr, difficile de comprendre le message.

Jusqu'au 18 août 2024
Kunstmuseum Basel | Neubau

Séverine & Raymond Benoit (22/5/2024)


Simenon

D'abord journaliste, puis romancier, voyageur et photographe, Georges Simenon (Liège, 1903 - Lausanne, 1989) a laissé dans les mémoires l’image d'une d'une silhouette vêtue d'un imperméable, d'un chapeau en feutre mou, fumant la pipe, se confondant avec celle du personnage qui l'a donné à connaître du public, le commissaire Maigret. De ses propres aveux, ces romans policiers lui ont appris son métier d’écrivain et, chemin faisant, apporté le succès, la fortune et une renommée internationale.

Sa carrière en littérature démarre en 1921 avec son roman Au pont des Arches (imprimerie Bérard), qu'il signe Georges Sim. S'ensuivra une longue liste de romans populaires, galants ou d'aventure - cent-nonante entre 1924 et 1930 sous dix-sept pseudonymes - publiés pour la plupart aux éditions Ferenczi et. fils, jusqu'à la parution, en 1931, de Monsieur Gallet, décédé et Le pendu de Saint-Pholien (Arthème Fayard et Cie) qui lancent la série des Maigret. Si, en 19”4, son « roman dur », Le locataire, inaugure sa collaboration avec Gallimard, c'est le texte autobiographique Je me souviens (1945) qui scella la relation avec Les Presses de la Cité.

Romancier de l'intuition, concevant l'écriture comme un artisanat, Simenon travaille selon un rythme régulier et systématique, impose à l'éditeur la fréquence des parutions, lui interdit toute correction sur son tapuscrit et participe au choix de la couverture. Tandis qu'il semble maîtriser les étapes qui conduisent ses livres dans les mains du public, l'œuvre, elle, est ouverte, vivante et active, renouvelle ses formes, laissant ainsi une large place aux lectrices et aux lecteurs.

À travers ces confidences à la presse, des photographies de sa vie de famille et de ses lieux d'écriture, un choix de manuscrits, tapuscrits et premières éditions, ainsi qu'un cycle d'adaptations cinématographiques, cette exposition Simenon invite à rencontrer l'auteur autant qu'à lire, entendre et voir l'œuvre. Aux journalistes qui lui posaient régulièrement la question, il on donnait, amusé, le décompte : 103 Maigret, 117 romans durs et 25 textes autobiographiques.

Fondation Jan Michalski
16 mars – 29 septembre 2024

Raymond Benoit (17/5/2024)


Jean Hélion : être du côté de la vie

Jean Hélion (1904-1987) est un peintre français, souvent incompris, qui a été à contre-temps des courants picturaux de son époque, passant de l’abstraction au figuratif au moment où la mode était à l’abstraction imposée au monde par les Américains.
La rétrospective, « La prose du monde », décidée par le directeur du musée d’Art Moderne de la ville de Paris, Fabrice Hergott, expose 150 œuvres, tableaux et dessins des deux époques du peintre. Soit soixante ans de peinture.

Jean Hélion, qui a choisi l’architecture, commence sa vie professionnelle à 21 ans, comme dessinateur chez un architecte, avant de trouver sa voie, il ne sera pas architecte mais peintre. Il fréquente le Louvre et participe aux avant-gardes, il fera partie des membres de d’Abstraction-Création avec Piet Mondrian, Robert Delaunay, Albert Gleizes et Jean Art, les meilleurs représentants de l’art abstrait entre les deux guerres. Joachim Torres-Garcia, qu’il héberge dans son atelier, va l’initier au cubisme.
C’est l’époque de la fascination des intellectuels et créateurs français pour l’URSS. « L’abstraction de Jean Hélion, écrit Fabrice Hergott, correspond à un désir d’utopie ». Le peintre est invité à Moscou, de retour de son voyage, ayant constaté l’échec du projet communiste : la pauvreté, dont il a été le témoin, et la répression, il est ébranlé. L’abstraction ne sera pas le langage universel de la société nouvelle, parce que celle-ci est une utopie.
Entre 1929 et 1939, son oeuvre va évoluer, devenir moins géométrique, il intègre des silhouettes. Et commence à écrire ses réflexions sur la peinture ; des carnets qu’il continuera à écrire jusqu’en 1984.

L’explosion des abstraits américains

A partir de 1934 il s’installe aux Etats-Unis, en Virginie, avec sa femme américaine Jean Blair. Il va se lier d’amitié avec Marcel Duchamp. C’est la guerre, il est mobilisé et rentre en France en 1939. Il réalise sa dernière œuvre abstraite : « Figure tombée » ; « Une des plus belles réalisations de l’art moderne » souligne F.Hergott.
Il revient aux Etats-Unis et après le décès de son épouse se remarie avec la fille de Peggy Gouggenheim, Pegreen. Ils s’installent à New- York. C’est l’époque de l’explosion des abstraits américains qui s’organisent, dès 1936, en Association AAA (American Abstract Artists) Jean Hélion, ainsi que les autres artistes français n’y ont pas leur place. En 1946 il revient s’installer à Paris.
Il a profondément changé, il lui faut peindre ce qui le relie aux êtres, aux objets, c’est la période figurative. Un des deux commissaires de l’exposition : Claude-Henry Cousseau, parle « déquilibre » pour relier les deux périodes de sa peinture.
La figuration n’est pas une réaction contre l’abstraction, ces deux époques parlent de la même chose : un refus de l’image industrielle portée par la photographie de masse ; « Il s’agit pour lui, de voir, à partir du plus humble : parapluie, journal, pot de fleurs sur une fenêtre… »
Chez Hélion, la figuration du vécu ne passe pas par le réalisme photographique. Le critique du journal Le Monde, Philippe Dagen, y voit même un principe de toute l’oeuvre : les aveugles représentés dans ses derniers tableaux, ce n’est pas seulement l’artiste (qui perd, peu à peu, la vue) , c’est l’aveuglement de chacun devant le réel, devant l’art, evant la vie.
Cette exposition est le parcours d’un homme qui ne se soucie pas du goût de son époque, mais qui montre un intérêt passionné pour la réalité. Ses compositions se complexifient par la réapparition de la courbe et la modulation de la couleur. Il veut montrer le réel. Toute l’œuvre des années 60 est à découvrir « pour sa capacité à lier la fraîcheur et l’impertinence des situations à la vivacité de la couleur » (Hergott). A la fin de sa vie, perdant progressivement la vue, « son œuvre entremêle les motifs qui l’ont toujours hanté, la chute et le renouveau. Sa peinture oscille entre dérision et gravité ». Le principe de l’évasion est le principe de toute son existence.

 Jean Hélion, la prose du monde
22 mars-18 août 2024.
Musée d’art moderne de la ville de Paris
11 avenue du Président Wilson
75116 Paris
Du mardi au dimanche, de 10h a 18h. - ouverture prolongée les jeudis jusqu’à 21h30 et samedis jusqu’à 20h.

Hélène Queuille (28/3/2024)

 

Jeff Wall

La Fondation Beyeler consacre une importante exposition personnelle à l’artiste canadien Jeff Wall (1946*). Il s’agit de la première exposition de cette envergure en Suisse depuis près de deux décennies. Wall, qui a largement contribué à établir la photographie en tant que forme autonome d’expression artistique, compte aujourd’hui parmi ses représentant·e·s majeur·e·s. Réunissant plus d’une cinquantaine d’œuvres réalisées au fil de cinq décennies, l’exposition présente une vue d’ensemble très complète du travail précurseur de l’artiste, allant de ses emblématiques grandes diapositives montées dans des caissons lumineux à ses photographies grand format noir et blanc et ses tirages en couleur au jet d’encre. L’exposition met un accent particulier sur les œuvres des deux dernières décennies, parmi elles des photographies données à voir en public pour la première fois. L’exposition a été conçue en étroite collaboration avec l’artiste. 

Dans son travail, Jeff Wall sonde les limites entre fait et invention, hasard et construction. Depuis le milieu des années 1970, il a exploré différentes façons d’étendre les possibilités artistiques de la photographie. Wall qualifie son travail de « cinématographie », voyant dans le cinéma un modèle de liberté de création et d’invention, liberté qui avait été freinée dans le domaine de la photographie par sa définition dominante comme « documentaire ». Beaucoup de ses photographies sont des images construites impliquant une planification et une préparation longues et minutieuses, une collaboration avec des acteurs·rices et un important travail de « postproduction ». Jeff Wall crée ainsi des images qui divergent de la notion de la photographie comme principalement une documentation fidèle de la réalité. 

Wall est né en 1946 à Vancouver au Canada, où il vit et travaille. Il commence à s’intéresser à la photographie dans les années 1960, âge d’or de l’art conceptuel. À partir du milieu des années 1970, il produit de grandes diapositives montées dans des caissons lumineux. Avec ce format, jusqu’alors associé plutôt à la photographie publicitaire qu’à la photographie d’art, il innove et lance une forme nouvelle de présentation d’œuvres d’art. Depuis le milieu des années 1990, Wall a encore élargi son répertoire – d’abord avec des photographies noir et blanc grand format puis avec des tirages en couleur. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles dans le monde entier, entre autres à la Tate Modern, Londres (2005), au Museum of Modern Art, New York (2007), au Stedelijk Museum, Amsterdam (2014) et au Glenstone Museum, Potomac (2021). 

Les images de Jeff Wall évoluent entre instantané documentaire, composition cinématographique et invention poétique libre, confrontant les spectateurs·rices à une vaste palette de sujets et de thèmes, à la beauté et à la laideur, à l’ambiguïté et à l’inconfort. Pour Wall, l’art de la photographie se doit d’être aussi libre que toutes les autres formes artistiques dans son éventail de sujets et de traitements – aussi poétique que la poésie, aussi littéraire que le roman, aussi pictural que la peinture, aussi théâtral que le théâtre, et tout cela avec pour objectif d’atteindre à l’essence même de la photographie. 

Fondation Beyeler, Riehen/Bâle
28 janvier – 21 avril 2024

Séverine et Raymond Benoit (01/4/2024)

 

Tintin à Lausanne

Non, il ne s’agit pas d’un nouvel album, découvert récemment dans des archives non encore explorées, mais d’une exposition spéciale dans sa présentation qui décrit, en un peu plus d’une heure tout l’univers sorti de l’imagination de Hergé, Georges Rémi de son nom de naissance. Initialement conçue pour l’Atelier des Lumières à Paris, l’exposition « Tintin, l’aventure immersive » fait escale en Suisse !
Il s’agit d’une exposition immersive, création inédite qui franchit le pas du papier au numérique pour donner un souffle « pop-culture* à la mythique série de bandes dessinées. Depuis la première édition de Tintin au pays des Soviets en 1929 jusqu’aux parutions les plus récentes, « Tintin, l’aventure immersive » fait honneur au célèbre reporter à la houppette et aux pantalons golf. Les péripéties autour du monde de ce grand voyageur s’inscrivent dans la culture populaire depuis près de 100 ans.
Pour l’occasion, toute la famille de papier de la célèbre saga est convoquée. Tintin, Milou mais aussi la fidèle « garde rapprochée » formée par le capitaine Haddock, les Dupond, le professeur Tournesol, la Castafiore et bien d’autres encore. Sans oublier, évidemment, les désagréables – mais ô combien incontournables – méchants est à découvrir sur des écrans géants et animés, Pour les amateurs invétérés du héros, les souvenirs des différents albums reviennent immédiatement en mémoire. En revanche pour ceux qui n’ont pas été confrontés aux mythiques aventures du fait de leur intérêt pour les nouvelles formes de bandes dessinées, il s’agit de la découverte d’un temps pas trop lointain mais encore récent.
Composée de 8 chapitres, un prologue et un épilogue, « Tintin, l’aventure immersive » invite le visiteur à plonger dans l’univers de Tintin. Voici les grands thèmes abordés : Genèse de Tintin ; Tintin grand reporter ; Le capitaine Hadock et la garde rapprochée ; Les grands méchants ; Vers l’aventure et au-delà.
Avant d’entrer au cœur de l’aventure immersive, une partie introductive présente quelques-uns des éléments qui composent l’univers de la mythique série de bandes dessinées. La fameuse Fusée Tintin, haute de 6 mètres, attend les visiteuses et visiteurs dès l’entrée dans l’espace d’exposition. Construire une Fusée Tintin de cette taille, brillante de tous ses carrés rouges et blancs, fut une performance. On peut résumer la visite de cette exposition par les mots joyeux du Professeur Tournesol : « Ah ! mes amis !... Quelle aventure !... Quelle aventure !... »
Cette « aventure », fruit d’une collaboration entre Tintinimaginatio, titulaire exclusif mondial des droits d’exploitation et de représentation de l’œuvre d’Hergé, et Culturespaces, pionnier dans la création d’expositions immersives – en coproduction avec : Spectre Lab, Start Rec et Opus One – est à découvrir jusqu’au 11 février 2024 à l’Espace Beaulieu, Lausanne (http://www.tintin.opus-one.ch)

Séverine et Raymond Benoit (17/11/2023)

La curieuse manière de peindre de Kokoschka

Dans la Vienne si animée en art en ce début du 20ème siècle… Kokoschka révolutionne la manière de peindre.
D’abord les sujets : ils sont toujours en mouvement, comme des instantanés photographiques. Pour lui, la vie compte en premier. Loin des poses classiques, l’attitude du modèle est un moment du mouvement. Ils provoquent la surprise, par exemple cette Annonciation où une femme nue remplace l’ange devant Marie ou bien cette femme assise à cheval et de face, sur un tombeau, soulevant la pierre tombale d’où jaillit une tête vivante.
La façon de peindre, bien qu’évoluant tout au long de l’exposition, laisse pantois : Au début, le sujet est présenté avec pour fond, des taches de couleur griffées de gribouillis fins sans signification. Les couleurs sur le visage, semblent de même irréelles, posées aussi en barbouillages. Le sujet, souvent un portrait, est dessiné largement au pinceau. Les contours des doigts sont indiqués en rouge puis en vert, puis rien.
Sur le bord du veston on voit ce même grattage, plus large, qui représente en principe, le contour de cette forme. Dans un autre tableau il est remplacé ou accentué par une série de petits vers de terre colorés, déposés par une brosse fine. Cette manière s’affirme par la suite, jusqu’à produire toujours les mêmes nombreux petits vers en volume, sinueux et remplissant la surface par exemple l’autoportrait de 1917.
Les traits du visage sont dessinés plutôt que peints, les lignes abondent en place de surfaces plates. Cette façon de peindre est-elle due à la nécessité d’aller vite ?  Les formes des graphismes tailladés varient à l’infini, révélant le plaisir de faire, donc pas mal de temps perdu, tout l’inverse d’une rapidité d’exécution. De fait il s’agit du parti-pris de faire autrement. Par exemple, le paysage alpin est, en bas, habité comme une plaine, avec maisons et surtout, visages alignés ce qui est impossible dans le réel. L’imagination prend le dessus.
Un peu plus tard, la couleur s’étale davantage, mais les bords restent tels quels par décision de ne pas fignoler comme le ferait un peintre classique.
Encore plus tard, dans les œuvres de 1919, des plages de couleurs vives se découpent et s’imposent. Par exemple, dans les portraits des deux amis face à face de 1923, on remarque que les surfaces se simplifient, façon puzzle. Mais les grattages en gribouillis demeurent. Puis, la couleur apparaît enfin en plages décidées pour ce qu’elle décide de représenter.
La tendance expressionniste peut se voir dans les tortues géantes qui font penser à Soutine, mais elle ne s’installe pas.

Jusqu’au bout la façon de peindre nous saisit autant que le sujet et son attitude. Par exemple cette fillette en bleu, penaude, un peu de travers dans l’espace pictural, avec les dents du haut débordant de la lèvre supérieure. Une « manière » personnelle et hors école.

Rafaëlle Pia (19/10/2022)

Oskar Kokoschka - Un fauve à Vienne
Musée d’Art Moderne de Paris - Jusqu'au 12 février 2023

 

La curieuse manière de peindre de Kokoschka

Dans la Vienne si animée en art en ce début du 20ème siècle… Kokoschka révolutionne la manière de peindre.
D’abord les sujets : ils sont toujours en mouvement, comme des instantanés photographiques. Pour lui, la vie compte en premier. Loin des poses classiques, l’attitude du modèle est un moment du mouvement. Ils provoquent la surprise, par exemple cette Annonciation où une femme nue remplace l’ange devant Marie ou bien cette femme assise à cheval et de face, sur un tombeau, soulevant la pierre tombale d’où jaillit une tête vivante.
La façon de peindre, bien qu’évoluant tout au long de l’exposition, laisse pantois : Au début, le sujet est présenté avec pour fond, des taches de couleur griffées de gribouillis fins sans signification. Les couleurs sur le visage, semblent de même irréelles, posées aussi en barbouillages. Le sujet, souvent un portrait, est dessiné largement au pinceau. Les contours des doigts sont indiqués en rouge puis en vert, puis rien.
Sur le bord du veston on voit ce même grattage, plus large, qui représente en principe, le contour de cette forme. Dans un autre tableau il est remplacé ou accentué par une série de petits vers de terre colorés, déposés par une brosse fine. Cette manière s’affirme par la suite, jusqu’à produire toujours les mêmes nombreux petits vers en volume, sinueux et remplissant la surface par exemple l’autoportrait de 1917.
Les traits du visage sont dessinés plutôt que peints, les lignes abondent en place de surfaces plates. Cette façon de peindre est-elle due à la nécessité d’aller vite ?  Les formes des graphismes tailladés varient à l’infini, révélant le plaisir de faire, donc pas mal de temps perdu, tout l’inverse d’une rapidité d’exécution. De fait il s’agit du parti-pris de faire autrement. Par exemple, le paysage alpin est, en bas, habité comme une plaine, avec maisons et surtout, visages alignés ce qui est impossible dans le réel. L’imagination prend le dessus.
Un peu plus tard, la couleur s’étale davantage, mais les bords restent tels quels par décision de ne pas fignoler comme le ferait un peintre classique.
Encore plus tard, dans les œuvres de 1919, des plages de couleurs vives se découpent et s’imposent. Par exemple, dans les portraits des deux amis face à face de 1923, on remarque que les surfaces se simplifient, façon puzzle. Mais les grattages en gribouillis demeurent. Puis, la couleur apparaît enfin en plages décidées pour ce qu’elle décide de représenter.
La tendance expressionniste peut se voir dans les tortues géantes qui font penser à Soutine, mais elle ne s’installe pas.

Jusqu’au bout la façon de peindre nous saisit autant que le sujet et son attitude. Par exemple cette fillette en bleu, penaude, un peu de travers dans l’espace pictural, avec les dents du haut débordant de la lèvre supérieure. Une « manière » personnelle et hors école.

Rafaëlle Pia (19/10/2022)

Oskar Kokoschka - Un fauve à Vienne
Musée d’Art Moderne de Paris - Jusqu'au 12 février 2023

Face à face Picasso / El Greco

Le Musée des Beaux-arts de Bâle (Kunstmuseum Basel) met en lumière l’intérêt de Pablo Picasso (1881-1973) pour le maître ancien crétois Doménikos Theotokópoulos, mieux connu sous le nom d’El Greco (1541-1614).
Quelques trente rapprochements –plutôt que des confrontations– de chefs-d’œuvre des deux artistes retracent ce dialogue parmi les plus fascinants de l’histoire de l’art. De prestigieux prêts du monde entier sont réunis autour d’un noyau d’œuvres de Picasso provenant de la propre collection du musée. L’exposition a aussi fait appel à plusieurs prestigieux musées, en premier lieu le Museo Nacional del Prado de Madrid, le Museo del Greco de Tolède, le Museu Picasso de Barcelone et le Musée national Picasso de Paris.
Par ailleurs, le Metropolitan Museum of Art et le Solomon R. Guggenheim Museum de New-York, la National Gallery de Washington, la National Gallery et la Tate Modern de Londres, le Musée du Louvre et le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, le Museo Thyssen-Bornemisza de Madrid, le Museum of Fine Arts de Budapest et la Gemäldegalerie de Berlin ont consenti d’extraordinaires prêts d’œuvres.

Admiration de Picasso pour les anciens maîtres

On sait que l’enthousiasme de Picasso pour Le Greco a laissé des traces manifestes dans ses travaux. Toutefois, à cet égard, on songe surtout à ses premières phases de création jusqu’à la période bleue. L’exposition Picasso–El Greco propose au contraire une version selon laquelle Picasso s’est consacré non seulement davantage au Greco qu’on ne l’avait supposé jusqu’ici, mais aussi bien plus longtemps qu’on ne le pensait, comme en témoignent des références évidentes à la fois dans ses tableaux cubistes et dans ceux de l’ensemble des périodes de création plus tardives.
Cette version a été nettement confirmée par Paloma Picasso, présente à la conférence de presse. Pour son père, El Greco était "un des rares maîtres qui savait peindre" et qu’il a continué à admirer jusqu’à ses derniers jours. L’exposition met ainsi en scène un "dialogue" d’égal à égal entre Picasso et un de ses modèles, dans une forme circonscrite, parfois associative, s’étendant sur plusieurs siècles.

La réhabilitation du Greco

Si El Greco connut une immense gloire de son vivant grâce à sa facture picturale à nulle autre pareille, pourtant, peu après sa mort, il tomba dans l’oubli. En tant qu’artiste singulier ayant marqué l’histoire de la peinture européenne, Le Greco se situait à la marge, notamment parce que, en raison de son parcours, trois traditions différentes (gréco-byzantine, vénitienne et espagnole) ont inspiré son œuvre ; à partir desquelles il élabora un langage pictural sans pareil. Ce n’est qu’au XIXe siècle puis au tournant du XXe siècle qu’advient une renaissance de son œuvre. Elle impliqua des femmes et des hommes artistes dans l’Europe entière.
La personnalité auréolée de légendes du maître ancien et singulier constituait sans doute une surface de projection idéale pour les artistes se rebellant contre l’académisme, comme le jeune Picasso qui prit part à cette redécouverte en première ligne.

Fascination de Picasso pour les maîtres anciens espagnols

Les emprunts directs au Greco surviennent dès le début de sa carrière artistique : dans de nombreuses esquisses des années 1898-1899, il s’inspire véritablement des motifs du Greco. Son Portrait d’un étranger dans le style du Greco (1899) reproduit une tête-type, caractéristique des portraits et des tableaux de saints du Greco, à l’instar du Saint-Jérôme (vers 1610) conservé au Metropolitan Museum of Art de New York. L’Enterrement de Casagemas (Évocation) de 1901, chef-d’œuvre intime qui annonce la période bleue, s’inspire directement du Greco. Dans les années suivantes, cette influence demeure perceptible, comme le montrent les parallèles étonnants entre le Portrait de Mme Canals (1905) de Picasso et le Portrait d’une dame à la fourrure que l’on attribuait encore à l’époque au Greco, mais dont le véritable auteur n’est pas clairement établi aujourd’hui.
L’exposition porte également une attention particulière au Cubisme : deux salles mettent en regard des œuvres de Picasso réalisées autour de 1910 avec une sélection de célèbres tableaux d’apôtres du Greco (1608/1614) provenant du Museo del Greco à Tolède ainsi que son grand format La Résurrection du Christ (1597–1600) conservé au Prado à Madrid.
Après la Seconde Guerre mondiale, alors que Picasso bénéficiait depuis longtemps d’une renommée internationale, il se consacra largement à l’étude des peintres anciens. L’exposition présente de fascinants exemples de l’intérêt de Picasso pour ses prédécesseurs, dont le tableau Mousquetaire (1967) au verso duquel Picasso a noté "Domenico Theotocopulos van Rijn da Silva ", référence explicite aux maîtres qu’il vénérait : Le Greco, Rembrandt et Velázquez.

Visite de l’exposition

La disposition des œuvres mises en parallèles dans les salles de la nouvelle extension du musée permet une véritable comparaison, tant sur l’ensemble de la composition que dans la recherche de détails. La façon dont Picasso a transformé, amélioré, modernisé (?) certains aspects de l’œuvre ancienne dont il s’est inspiré est fascinante. A vrai dire, cela demande d’aller revoir l’exposition pour y admirer encore plus les nouvelles configurations qui font encore mieux comprendre le génie de Picasso. Cela permet aussi de (re)découvrir des œuvres des deux artistes dont certaines ne sont pratiquement jamais sorties de leur musée.

Séverine et Raymond Benoit (17/10/2022)

"Picasso / El Greco" : L’exposition est organisée par Kunstmuseum Basel avec le soutien exceptionnel du Musée national Picasso-Paris.
Exposition du 11 juin au 25 septembre 2022
Kunstmuseum Basel | Neubau
Cette exposition sera reprise à Madrid, au musée du Prado du 13 juin au 17 septembre 2023

 

Interview de Chris Dercon, président de la RMN* – Grand Palais  

Chris Dercon est le président de la RMN – Grand Palais depuis le 1er janvier 2019. Belge, il est historien de l’art, commissaire d’exposition et spécialiste des relations entre art ancien et art contemporain. Il mène une carrière internationale et parle quatre langues couramment. Reconnu dans le monde de l’art, Chris Dercon joue un rôle important dans la direction et le développement de nombreux musées internationaux depuis trente ans. Il nous donne sa vision face à cette crise sans précédent qui impacte les 850 salariés de la RMN-Grand Palais et la programmation des expositions et évènements obligeant à inventer de nouveaux moyens de partage et de diffusion comme avec Pompéi chez vous qui rencontre un large succès.

1 - Comment réagissez-vous face à cette crise sans précédent au niveau de la RMN-Grand Palais, un défi de taille pour un véritable écosystème de l'art ?

 Il y a plusieurs niveaux d’enjeux, ce que j’appelle le macro et le micro économique, soit l’humain tout d’abord car dès qu’un évènement de ce genre perturbe l’ensemble d’un système, il est normal que la priorité soit de protéger tous les salariés de la RMN-GP. Ce qui implique de distribuer du matériel sur site lorsqu’il est maintenu ouvert, gérer le confinement des salariés à domicile et pouvoir répondre à leurs questions pratiques et logistiques. En plus de gérer le calendrier des expositions, en cours et à venir, c’est pourquoi nous nous réunissons deux fois par semaine en ligne, avec les directeurs de chaque département, ce qui n’est pas toujours facile. Car même si l’on déclare volontiers que le télétravail est une solution formidable, en réalité la distanciation nécessaire entre l’espace privé et l’espace public étant gommée, cela entraîne beaucoup de fatigue et de stress chez les collègues. On ne peut pas tout transposer chez soi et la qualité de la communication en souffre au final. C’est comme un jeu de ping-pong d’une personne à l’autre. A la RMN-GP il y a ainsi 850 salariés seuls face à eux-mêmes, exceptées ces formidables équipes en charge de la logistique et de la sécurité qui assurent la permanence au Grand Palais et rue de Bercy, que je tiens à remercier tout particulièrement, ainsi que toutes les équipes en charge de la communication digitale et des ressources humaines extrêmement sollicitées actuellement. J’espère sincèrement que le télétravail ne va perdurer, même si nous devons être réalistes sur l’horizon à prévoir.

2 - Les solutions virtuelles et digitales vous semblent-elles un relai pertinent pour vos expositions et événements associés pendant toute cette période ?

 C’est une aide plus qu’une alternative car ce qui rend une visite d’exposition exceptionnelle c’est d’être seul face à une œuvre au milieu d’autres personnes, l’individu et le collectif, contrairement au théâtre et au cinéma où l’on interagit en collectif. En plus, une exposition s’écoute et se regarde car à chaque fois un commissaire est là pour raconter une histoire par le choix des œuvres, leur mise en scène, les explications fournies, les parti-pris engagés... On voit surgir beaucoup d’alternatives digitales qui ne sont qu’une suite d’images offrant un ressenti très solitaire. Avec Pompéi chez vous nous avons quelque chose de très abouti, ce qui se note dans les retours de fréquentation du site Grand Palais avec 220 000 visiteurs sur la journée, dont 637 000 pages vues avec 172 000 spéciales Pompéi. Les vidéos YouTube tournent à 252 000 vidéos/vues. Nous avons voulu essayer le medium à 360 ° avec réalité augmentée… L’initiative du Ministère de la culture est à saluer également. Le principal est de pouvoir évaluer à présent ce qui fonctionne, qui apporte une vraie plus-value, comme un surplus et non un simulacre. Je le vois dans le monde entier ayant beaucoup échangé avec mes collègues aux Etats-Unis et en Europe, et malgré les réticences de certains, nous sommes obligés tous d’explorer ce medium et ses possibilités, ce qui est positif au final. Les images que l’on voit dans la journée sont vides donc anxiogènes tandis que dans la nuit plus sécurisantes et inspirantes je trouve, ce qui m’amène à changer mes habitudes, loin de tout confinement intellectuel ou psychologique.

 3 - Cette crise pourrait-t-elle avoir des conséquences sur le démarrage de l’ambitieux chantier du futur Grand Palais ?

La crise sanitaire ne remet pas en cause notre calendrier de travaux et le Grand Palais va bien fermer ses portes en janvier 2021. Nous continuons à travailler dans ce sens, même si les chantiers des toitures des Galeries Nord ont dû être suspendus. Nous avons aussi arrêté le chantier concernant les expositions mais dès que le confinement sera levé, il faudra compter entre 10 à 15 jours pour remonter ou démonter l’exposition. Nous sommes aussi confrontés à des problématiques liées à l’évènementiel avec beaucoup de prestataires qui ont du reporter ou annuler, ce qui nous donne une certaine souplesse pour pouvoir reporter certaines de nos expositions comme Pompéi ou Noir et Blanc alors qu’au Musée du Luxembourg il n’est pas envisageable de reprogrammer les expositions de cette période ayant une durée relativement courte. Parmi les autres expositions phares qui vont manquer à Paris à mon sens, Christo au Centre Pompidou, Matisse encore en suspens, Alice Neel. Pour conclure l’année 2020 sera comme un fantôme, elle n’aura pas existé. S’il est impossible de se projeter et c’est une première, nous pouvons en tirer des enseignements, comme à chaque période d’épidémie ou de crise, que ce soit la Peste au XVème siècle et alors que tout le monde relit Albert Camus, qui a donné la naissance à un état plus moderne, suivie de la grippe espagnole au début du XXème siècle, favorisant des progrès en matière d’hygiène et de santé publique. Les crises ont toujours abouti à des phénomènes positifs même si je souhaite que cela ne se fasse pas au détriment de beaucoup de gens comme en 2008. Nous sommes capables de démontrer une vraie solidarité que ce soit à Paris, en France et en Europe et j’espère que c’est cela qui va ressortir.

 4 - Quel impact peut avoir selon vous un tel séisme sur le monde de l’art quand on sait par exemple que plusieurs milliers de musées américains sont menacés de fermeture ? et restez-vous malgré tout positif ?

La culture heureusement est une fonction publique en Europe. Si Klaus Biesenbach a dû licencier la moitié de son personnel au MOCA et que Max Hollein au Metropolitan Museum rencontre de réelles difficultés, cela indique que nous avons une autre manière de gouverner nos musées. De même en matière d’aide gouvernementale européenne, il est difficile de comparer la France et l’Allemagne par exemple. En France, nous avons beaucoup d’aide directe et indirecte par le biais des intermittents. C’est un autre système, même si l’aide promise par Monika Grütters à Berlin est quand même bien supérieure à la nôtre ! Il est certain que les sommes consacrées à la culture en Allemagne ont toujours été plus importantes et ce depuis la 2ème guerre mondiale.

5 - Pensez-vous qu'en matière de conscience écologique cette crise soit une alerte et entraîne des changements durables dans nos habitudes et comportements face à l’art ?

Je l’observe déjà au niveau des artistes qui retrouvent le chemin de leur studio, leur chambre, leur atelier, et non dans une recherche spectaculaire mais une pratique d’écriture et d’archive quotidienne. Loin de toute pression des galeries, des collectionneurs ou du marché. Il n’y a plus de « waiting list » du moins dans l’immédiat. De nouveau, les artistes peuvent travailler pour eux-mêmes et je suis sûr que cela va avoir un impact notamment sur la manière dont nous allons concevoir les expositions et inventer des instruments digitaux plus créatifs et pertinents que de la simple publicité. Nous allons devoir aussi formuler des thématiques nouvelles et qui ont du sens. Beaucoup de changements en perspective !

Interview par Marie de La Fresnay (publiée le 10/4/2020)

Pompéi chez vous YouTube :   https://www.grandpalais.fr/
* RMN : Réunion des Musées Nationaux

 

Face à face Picasso / El Greco

Le Musée des Beaux-arts de Bâle (Kunstmuseum Basel) met en lumière l’intérêt de Pablo Picasso (1881-1973) pour le maître ancien crétois Doménikos Theotokópoulos, mieux connu sous le nom d’El Greco (1541-1614).
Quelques trente rapprochements –plutôt que des confrontations– de chefs-d’œuvre des deux artistes retracent ce dialogue parmi les plus fascinants de l’histoire de l’art. De prestigieux prêts du monde entier sont réunis autour d’un noyau d’œuvres de Picasso provenant de la propre collection du musée. L’exposition a aussi fait appel à plusieurs prestigieux musées, en premier lieu le Museo Nacional del Prado de Madrid, le Museo del Greco de Tolède, le Museu Picasso de Barcelone et le Musée national Picasso de Paris.
Par ailleurs, le Metropolitan Museum of Art et le Solomon R. Guggenheim Museum de New-York, la National Gallery de Washington, la National Gallery et la Tate Modern de Londres, le Musée du Louvre et le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, le Museo Thyssen-Bornemisza de Madrid, le Museum of Fine Arts de Budapest et la Gemäldegalerie de Berlin ont consenti d’extraordinaires prêts d’œuvres.

Admiration de Picasso pour les anciens maîtres

On sait que l’enthousiasme de Picasso pour Le Greco a laissé des traces manifestes dans ses travaux. Toutefois, à cet égard, on songe surtout à ses premières phases de création jusqu’à la période bleue. L’exposition Picasso–El Greco propose au contraire une version selon laquelle Picasso s’est consacré non seulement davantage au Greco qu’on ne l’avait supposé jusqu’ici, mais aussi bien plus longtemps qu’on ne le pensait, comme en témoignent des références évidentes à la fois dans ses tableaux cubistes et dans ceux de l’ensemble des périodes de création plus tardives.
Cette version a été nettement confirmée par Paloma Picasso, présente à la conférence de presse. Pour son père, El Greco était "un des rares maîtres qui savait peindre" et qu’il a continué à admirer jusqu’à ses derniers jours. L’exposition met ainsi en scène un "dialogue" d’égal à égal entre Picasso et un de ses modèles, dans une forme circonscrite, parfois associative, s’étendant sur plusieurs siècles.

La réhabilitation du Greco

Si El Greco connut une immense gloire de son vivant grâce à sa facture picturale à nulle autre pareille, pourtant, peu après sa mort, il tomba dans l’oubli. En tant qu’artiste singulier ayant marqué l’histoire de la peinture européenne, Le Greco se situait à la marge, notamment parce que, en raison de son parcours, trois traditions différentes (gréco-byzantine, vénitienne et espagnole) ont inspiré son œuvre ; à partir desquelles il élabora un langage pictural sans pareil. Ce n’est qu’au XIXe siècle puis au tournant du XXe siècle qu’advient une renaissance de son œuvre. Elle impliqua des femmes et des hommes artistes dans l’Europe entière.
La personnalité auréolée de légendes du maître ancien et singulier constituait sans doute une surface de projection idéale pour les artistes se rebellant contre l’académisme, comme le jeune Picasso qui prit part à cette redécouverte en première ligne.

Fascination de Picasso pour les maîtres anciens espagnols

Les emprunts directs au Greco surviennent dès le début de sa carrière artistique : dans de nombreuses esquisses des années 1898-1899, il s’inspire véritablement des motifs du Greco. Son Portrait d’un étranger dans le style du Greco (1899) reproduit une tête-type, caractéristique des portraits et des tableaux de saints du Greco, à l’instar du Saint-Jérôme (vers 1610) conservé au Metropolitan Museum of Art de New York. L’Enterrement de Casagemas (Évocation) de 1901, chef-d’œuvre intime qui annonce la période bleue, s’inspire directement du Greco. Dans les années suivantes, cette influence demeure perceptible, comme le montrent les parallèles étonnants entre le Portrait de Mme Canals (1905) de Picasso et le Portrait d’une dame à la fourrure que l’on attribuait encore à l’époque au Greco, mais dont le véritable auteur n’est pas clairement établi aujourd’hui.
L’exposition porte également une attention particulière au Cubisme : deux salles mettent en regard des œuvres de Picasso réalisées autour de 1910 avec une sélection de célèbres tableaux d’apôtres du Greco (1608/1614) provenant du Museo del Greco à Tolède ainsi que son grand format La Résurrection du Christ (1597–1600) conservé au Prado à Madrid.
Après la Seconde Guerre mondiale, alors que Picasso bénéficiait depuis longtemps d’une renommée internationale, il se consacra largement à l’étude des peintres anciens. L’exposition présente de fascinants exemples de l’intérêt de Picasso pour ses prédécesseurs, dont le tableau Mousquetaire (1967) au verso duquel Picasso a noté "Domenico Theotocopulos van Rijn da Silva ", référence explicite aux maîtres qu’il vénérait : Le Greco, Rembrandt et Velázquez.

Visite de l’exposition

La disposition des œuvres mises en parallèles dans les salles de la nouvelle extension du musée permet une véritable comparaison, tant sur l’ensemble de la composition que dans la recherche de détails. La façon dont Picasso a transformé, amélioré, modernisé (?) certains aspects de l’œuvre ancienne dont il s’est inspiré est fascinante. A vrai dire, cela demande d’aller revoir l’exposition pour y admirer encore plus les nouvelles configurations qui font encore mieux comprendre le génie de Picasso. Cela permet aussi de (re)découvrir des œuvres des deux artistes dont certaines ne sont pratiquement jamais sorties de leur musée.

Séverine et Raymond Benoit (17/10/2022)

"Picasso / El Greco" : L’exposition est organisée par Kunstmuseum Basel avec le soutien exceptionnel du Musée national Picasso-Paris.
Exposition du 11 juin au 25 septembre 2022
Kunstmuseum Basel | Neubau
Cette exposition sera reprise à Madrid, au musée du Prado du 13 juin au 17 septembre 2023

 

Interview de Chris Dercon, président de la RMN* – Grand Palais  

Chris Dercon est le président de la RMN – Grand Palais depuis le 1er janvier 2019. Belge, il est historien de l’art, commissaire d’exposition et spécialiste des relations entre art ancien et art contemporain. Il mène une carrière internationale et parle quatre langues couramment. Reconnu dans le monde de l’art, Chris Dercon joue un rôle important dans la direction et le développement de nombreux musées internationaux depuis trente ans. Il nous donne sa vision face à cette crise sans précédent qui impacte les 850 salariés de la RMN-Grand Palais et la programmation des expositions et évènements obligeant à inventer de nouveaux moyens de partage et de diffusion comme avec Pompéi chez vous qui rencontre un large succès.

1 - Comment réagissez-vous face à cette crise sans précédent au niveau de la RMN-Grand Palais, un défi de taille pour un véritable écosystème de l'art ?

 Il y a plusieurs niveaux d’enjeux, ce que j’appelle le macro et le micro économique, soit l’humain tout d’abord car dès qu’un évènement de ce genre perturbe l’ensemble d’un système, il est normal que la priorité soit de protéger tous les salariés de la RMN-GP. Ce qui implique de distribuer du matériel sur site lorsqu’il est maintenu ouvert, gérer le confinement des salariés à domicile et pouvoir répondre à leurs questions pratiques et logistiques. En plus de gérer le calendrier des expositions, en cours et à venir, c’est pourquoi nous nous réunissons deux fois par semaine en ligne, avec les directeurs de chaque département, ce qui n’est pas toujours facile. Car même si l’on déclare volontiers que le télétravail est une solution formidable, en réalité la distanciation nécessaire entre l’espace privé et l’espace public étant gommée, cela entraîne beaucoup de fatigue et de stress chez les collègues. On ne peut pas tout transposer chez soi et la qualité de la communication en souffre au final. C’est comme un jeu de ping-pong d’une personne à l’autre. A la RMN-GP il y a ainsi 850 salariés seuls face à eux-mêmes, exceptées ces formidables équipes en charge de la logistique et de la sécurité qui assurent la permanence au Grand Palais et rue de Bercy, que je tiens à remercier tout particulièrement, ainsi que toutes les équipes en charge de la communication digitale et des ressources humaines extrêmement sollicitées actuellement. J’espère sincèrement que le télétravail ne va perdurer, même si nous devons être réalistes sur l’horizon à prévoir.

2 - Les solutions virtuelles et digitales vous semblent-elles un relai pertinent pour vos expositions et événements associés pendant toute cette période ?

 C’est une aide plus qu’une alternative car ce qui rend une visite d’exposition exceptionnelle c’est d’être seul face à une œuvre au milieu d’autres personnes, l’individu et le collectif, contrairement au théâtre et au cinéma où l’on interagit en collectif. En plus, une exposition s’écoute et se regarde car à chaque fois un commissaire est là pour raconter une histoire par le choix des œuvres, leur mise en scène, les explications fournies, les parti-pris engagés... On voit surgir beaucoup d’alternatives digitales qui ne sont qu’une suite d’images offrant un ressenti très solitaire. Avec Pompéi chez vous nous avons quelque chose de très abouti, ce qui se note dans les retours de fréquentation du site Grand Palais avec 220 000 visiteurs sur la journée, dont 637 000 pages vues avec 172 000 spéciales Pompéi. Les vidéos YouTube tournent à 252 000 vidéos/vues. Nous avons voulu essayer le medium à 360 ° avec réalité augmentée… L’initiative du Ministère de la culture est à saluer également. Le principal est de pouvoir évaluer à présent ce qui fonctionne, qui apporte une vraie plus-value, comme un surplus et non un simulacre. Je le vois dans le monde entier ayant beaucoup échangé avec mes collègues aux Etats-Unis et en Europe, et malgré les réticences de certains, nous sommes obligés tous d’explorer ce medium et ses possibilités, ce qui est positif au final. Les images que l’on voit dans la journée sont vides donc anxiogènes tandis que dans la nuit plus sécurisantes et inspirantes je trouve, ce qui m’amène à changer mes habitudes, loin de tout confinement intellectuel ou psychologique.

 3 - Cette crise pourrait-t-elle avoir des conséquences sur le démarrage de l’ambitieux chantier du futur Grand Palais ?

La crise sanitaire ne remet pas en cause notre calendrier de travaux et le Grand Palais va bien fermer ses portes en janvier 2021. Nous continuons à travailler dans ce sens, même si les chantiers des toitures des Galeries Nord ont dû être suspendus. Nous avons aussi arrêté le chantier concernant les expositions mais dès que le confinement sera levé, il faudra compter entre 10 à 15 jours pour remonter ou démonter l’exposition. Nous sommes aussi confrontés à des problématiques liées à l’évènementiel avec beaucoup de prestataires qui ont du reporter ou annuler, ce qui nous donne une certaine souplesse pour pouvoir reporter certaines de nos expositions comme Pompéi ou Noir et Blanc alors qu’au Musée du Luxembourg il n’est pas envisageable de reprogrammer les expositions de cette période ayant une durée relativement courte. Parmi les autres expositions phares qui vont manquer à Paris à mon sens, Christo au Centre Pompidou, Matisse encore en suspens, Alice Neel. Pour conclure l’année 2020 sera comme un fantôme, elle n’aura pas existé. S’il est impossible de se projeter et c’est une première, nous pouvons en tirer des enseignements, comme à chaque période d’épidémie ou de crise, que ce soit la Peste au XVème siècle et alors que tout le monde relit Albert Camus, qui a donné la naissance à un état plus moderne, suivie de la grippe espagnole au début du XXème siècle, favorisant des progrès en matière d’hygiène et de santé publique. Les crises ont toujours abouti à des phénomènes positifs même si je souhaite que cela ne se fasse pas au détriment de beaucoup de gens comme en 2008. Nous sommes capables de démontrer une vraie solidarité que ce soit à Paris, en France et en Europe et j’espère que c’est cela qui va ressortir.

 4 - Quel impact peut avoir selon vous un tel séisme sur le monde de l’art quand on sait par exemple que plusieurs milliers de musées américains sont menacés de fermeture ? et restez-vous malgré tout positif ?

La culture heureusement est une fonction publique en Europe. Si Klaus Biesenbach a dû licencier la moitié de son personnel au MOCA et que Max Hollein au Metropolitan Museum rencontre de réelles difficultés, cela indique que nous avons une autre manière de gouverner nos musées. De même en matière d’aide gouvernementale européenne, il est difficile de comparer la France et l’Allemagne par exemple. En France, nous avons beaucoup d’aide directe et indirecte par le biais des intermittents. C’est un autre système, même si l’aide promise par Monika Grütters à Berlin est quand même bien supérieure à la nôtre ! Il est certain que les sommes consacrées à la culture en Allemagne ont toujours été plus importantes et ce depuis la 2ème guerre mondiale.

5 - Pensez-vous qu'en matière de conscience écologique cette crise soit une alerte et entraîne des changements durables dans nos habitudes et comportements face à l’art ?

Je l’observe déjà au niveau des artistes qui retrouvent le chemin de leur studio, leur chambre, leur atelier, et non dans une recherche spectaculaire mais une pratique d’écriture et d’archive quotidienne. Loin de toute pression des galeries, des collectionneurs ou du marché. Il n’y a plus de « waiting list » du moins dans l’immédiat. De nouveau, les artistes peuvent travailler pour eux-mêmes et je suis sûr que cela va avoir un impact notamment sur la manière dont nous allons concevoir les expositions et inventer des instruments digitaux plus créatifs et pertinents que de la simple publicité. Nous allons devoir aussi formuler des thématiques nouvelles et qui ont du sens. Beaucoup de changements en perspective !

Interview par Marie de La Fresnay (publiée le 10/4/2020)

Pompéi chez vous YouTube :   https://www.grandpalais.fr/
* RMN : Réunion des Musées Nationaux

 

Gabriele Münter – pionnière de de l’art moderne

Le Centre Paul Klee (Zentrum Paul Klee) à Berne (Suisse) présente une très intéressante exposition de l’artiste Gabriele Münter. Personnellement, nous l’avions découverte il y a plusieurs années en Allemagne dans une grande rétrospective consacrée au mouvement « Le Cavalier bleu » (Der Blaue Reiter), où quelques-unes de ses œuvres y étaient présentées.

Si les fondateurs du mouvement, Vassily Kandinsky et Franz Marc sont bien connus, Gabriele Münter reste cependant une pionnière méconnue mais compte parmi les femmes artistes les plus éminentes du moderne, dans un monde professionnel qui reste dominé par les hommes. Il faut cependant relever que parmi les artistes qui ont contribué au mouvement expressionniste des années 20, on compte une autre femme, Marianne von Werefkin, compagne de Alexj von Jawlenski. Paul Klee a aussi participé à ce groupe.

Œuvre expressionniste très variée

Gabriele Münter a créé une œuvre extrêmement riche qui s’étend sur six décennies et a élaboré un langage pictural puissant et original. Elle a aussi contribué par ses précieuses suggestions et ses importants travaux de rédaction à la création de l’Almanach du Cavalier bleu, alors que celui-ci est généralement considéré comme étant l’œuvre de Kandinsky. Une grande partie de ses œuvres est réduite seulement à ses années passées avec Vassily Kandinsky avec lequel elle eut une liaison.

L’exposition du Centre Paul Klee entend rectifier ce point de vue et présente non seulement Gabriele Münter en tant que protagoniste significative de l’avant-garde, mais dresse également le portrait d’une artiste extrêmement polyvalente, singulière et expérimentatrice.

Puis son style de Gabriele Münter a évolué au fil du temps ; tout d’abord des esquisses plutôt impressionnistes qui vont évoluer par la découverte, lors d’un séjour à Paris avec Kandinsky, d’Henri Matisse et du fauvisme. Son langage expressionniste va s’approfondir principalement à partir de 1909 à Murnau dans le cadre de sa participation au Cavalier bleu.

Retour au naturalisme

À partir de 1935 Gabriele s’est de nouveau penchée dans les environs de Murnau pour réaliser une série de tableaux. À cette occasion détachée de la nature pour se concentrer sur la technique moderne. Son langage visuel a perdu son caractère expressionniste et les couleurs ainsi que la représentation sont devenues plus naturalistes.

L’exposition offre la possibilité de découvrir pour la première fois toutes les facettes d’une femme qui a intégré les grandes tendances de l’expressionisme allemand de l’entre-deux guerres qui n’a rien perdu de son caractère actuel.

Il faut aussi signaler d’un prix au nom de l’artiste a été créé en Allemagne pour récompenser les artistes femmes. Le prix Gabriele Münter est considéré comme très prestigieux.

Coopération

Exposition organisée en collaboration avec la Gabriele Münter- und Johannes Eichner-Stiftung et la Städtische Galerie im Lenbachhaus und Kunstbau de Munich, qui possède la plus grande collection des œuvres du groupe du Cavalier Bleu.

Séverine et Raymond Benoit (25/3/2022)

Exposition jusqu’au 3 mai 2022 -  Centre Paul Klee, Berne (Suisse)

 

Léon Spilliaert : 50 nuances plus sombres (musée d’Orsay)

Flamand francophone né à Ostende d’une famille de parfumeurs fournisseurs à la Cour, Léon Spilliaert est un autodidacte et entend le rester après un bref passage à l’Académie de Bruges. C’est sa rencontre avec l’éditeur bruxellois Edmond Deman puis avec Emile Verhaeren et Maurice Maeterlinck qui va influencer son goût pour la littérature auquel il ajoute une dimension spirituelle intérieure très forte. Un symbolisme teinté de mélancolie qui le place résolument à part.
Le musée d’Orsay - en collaboration avec la Royal Academy de Londres - se penche sur les années décisives de sa création entre 1900 et 1919 autour de grands ensembles à l’encre noire diluée dans une économie de moyens où la ligne tend à l’épure. Ostende est à la fois la toile de fond de ses incursions solitaires et un personnage à soi tout seul. Station balnéaire mondaine lancée par Léopold II son architecture belle époque avec les Galeries Royales, le Kursaal (Casino) et la digue, hantent les insomnies du promeneur. Conservé par le musée d’Orsay « Clair de lune et lumières » laisse apparaitre les colonnades et les arcades de la façade du Chalet royal dans un halo électrique angoissant, tandis que « Digue la nuit. Reflets de lumière » (Orsay) estompe encore plus les frontières dans des variations monochromes qui traduisent le tourment et vertige existentiels. Spilliaert est proche de Nietsche, Van Gogh ou de Munch avec des figures qui deviennent spectrales comme la jeune fille assise dos au mur de « Toute seule » dans des espaces clos et inquiétants. Les deux autoportraits : au miroir (Mu.ZEE Ostende) et aux masques (Orsay) nous disent sa vision hallucinée dans un emboitement de cadres et au milieu d’objets symboliques à valeur de vanité (passage du temps) porteurs d’une menace sourde potentielle. Tel un spectre au visage squelettique, l’artiste, livide, est comme happé par un gouffre. La mort rode et même les masques du carnaval d’Ostende, dominos et autres draperies blanches, demeurent un mystère tout comme ces ombres de femmes de pêcheur qui scrutent l’horizon en vain dans une dramaturgie puissante comme le flux et reflux de cette mer du Nord aussi indomptable que son vague à l’âme persistant.

 Aubrey Beardsley, virtuose du trait

Aux côtés de ce dandy inquiet des derniers feux du symbolisme belge, le musée d’Orsay (avec la Tate Britain) expose le dandy, britannique : Aubrey Beardsley autre virtuose du trait, mort prématurément de la tuberculose dont les fantasmes aux accents préraphaélites extravagants frisent la décadence et bousculent les principes victoriens d’alors.  
Seul regret pour ces deux expositions : l’espace beaucoup trop restreint offert au visiteur qui doit jouer des coudes pour apprécier ces œuvres sur papier de traille réduite. On comprend alors que le véritable espace d’exposition a été gardé pour ce qui devait être l’évènement de cet automne, l’exposition « Les origines du monde. L’invention de la nature au XIXème siècle » coproduite avec le musée des Beaux-Arts de Montréal et regroupant près de 300 œuvres qui hélas n’a pas pu être ouverte du fait de ce nouveau confinement. Patience…
Catalogue Léon Spilliaert aux édition musée d’Orsay-RMN
Catalogue Aubrey Beardsley édition Flammarion
Site
Spilliaert, lumière et solitude  Jusqu’au 10 janvier 2021
Mécène de l’exposition : Flanders State of the art

Marie de La Fresnay (17/11/2020)


 

Le lion a faim... Présentation de la collection Beyeler

La fameuse toile d’Henri Rousseau est présentée dans une salle pour elle toute seule et comme motif central de la collection Beyeler qui avait « faim » d’être présentée, tout au moins selon ses responsables ! Elle l’est dans huit salles par une sélection de peintures et de sculptures légendaires, toutes des œuvres maîtresses de la modernité classique ou de l’art contemporain.
Dans la présentation de la collection, on admire les découpages aux ciseaux, aussi emblématiques que fragiles, d’Henri Matisse, en particulier Nu bleu I, dont l’élégance et la présence spatiale ne cessent de nous étonner. On découvre le groupe de personnages qu’Alberto Giacometti a conçu à l’origine pour la banque Chase Manhattan Plaza de New York à la fin des années cinquante. L’Homme qui marche, longtemps représenté sur le billet de 100 francs suisses, fait partie de cet ensemble. On s’y heurte au passage.
Plus loin, Louise Bourgeois, qui connaissait bien Giacometti, a élargi le concept de sculpture en rendant l’inconscient, sinon visible, du moins vivable. Elle a son propre espace particulièrement représentatif. Une de ses fameuses araignées, « collée » à une paroi, attire particulièrement le regard.
La rencontre de Wassily Kandinsky et Paul Klee, dont l’amitié exceptionnelle est pour la première fois saluée dans une des salles, constitue d’autres points forts. Le choix des six tableaux représentatifs fait bien ressortir ce qui unissait mais aussi différenciait ces deux artistes dans leurs représentations du monde et de leur imagination.
Trois images très émouvantes, peintes par Vincent van Gogh juste avant sa mort, sont exposées ensemble et dialoguent avec des œuvres de Paul Cézanne et d’Edward Hopper, artiste qui avait fait l’objet de la précédente exposition chez Beyeler.
L’expressionnisme abstrait se concentre dans un autre espace où sont présentés les œuvres de Willem de Kooning, Clyfford Still et Sam Francis, ainsi qu’une peinture de Joan Mitchell en grand format. Pour la première fois, l’exposition montre l’une des nouveautés récentes de la collection : l’émouvante installation sonore - faite de sept tourne-disques - Seven Tears de Susan Philipsz. Elle se réfère à la composition éponyme du contemporain de Shakespeare, John Dowland, et exprime des états émotionnels qui - accompagnées de larmes - passent de la joie jubilatoire à la profonde tristesse.
Trop mélancolique ? Pas du tout ! La mélancolie est le plus souvent au début de la créativité. Les œuvres uniques que l’on retrouve à nouveau à la Fondation Beyeler en témoignent.

Roni Horn - « You are the Weather »

Parallèlement, la Fondation présente les 100 photographies de You are the Weather qui ont été prises en juillet et août 1994 en Islande.
La New-Yorkaise Roni Horn s’est rendue pour la première fois en Islande en 1975, à peine vingt ans. L’île qui devait prendre une importance particulière pour sa création artistique. Depuis, elle s’y est rendue régulièrement. Le paysage singulièrement abrupt de l’île volcanique, les conditions météorologiques changeantes et l’isolement du lieu sont leur source d’inspiration importante, comme elle le trouve également dans certaines œuvres centrales et une série de livres de forme. Pour Horn, l’Islande est : « Assez gros pour se perdre. Assez petit pour me trouver. »
« Pendant six semaines, j’ai voyagé à travers l’Islande avec Margrét. Nous avons utilisé les sources d’eau naturellement chaudes qui y sont présentes partout, et nous avons déménagé d’une piscine à l’autre. Nous travaillions tous les jours, la plupart du temps à l’extérieur, sans tenir compte du climat changeant, souvent imprévisible, qui règne sur l’île. »
Les gros plans montrent la femme à la lumière du soleil ou par temps nuageux, l’expression du visage - parfois irritée, parfois impatiente - est causée par le soleil qui éblouit, le vent, etc. Bien que ce soient tous des portraits de la même jeune femme, on ne sait rien d’elle. L’identité est décrite comme ouverte et transformable dans You are the Weather et se révèle comme une multitude de moments.

La prochaine exposition de la Fondation, qui commence le 16 décembre, sera consacrée à Rodin et Arp.
Fondation Beyeler, Riehen (Bâle)
Le lion a faim - 10 octobre 2020 - 28 mars 2021
Roni Horn - 10 octobre 2020 - 17 janvier 2021

Séverine et Raymond Benoit (24/10/2020)

Fondation Beyeler, Riehen/Bâle

 

Edward Hopper à Bâle

L’exposition de la Fondation Beyeler met l’accent sur les représentations iconiques de Hopper des étendues infinies des paysages naturels et urbains de l’Amérique. Il s’agit là d’un aspect rarement placé au centre des expositions consacrées à Edward Hopper, mais pourtant clé pour comprendre son œuvre et sa réception. L’exposition réunit des aquarelles et des huiles des années 1910 aux années 1960, offrant ainsi un large et passionnant panorama des multiples facettes de la peinture « hoppérienne ». 

Edward Hopper (1882–1967) compte parmi les artistes majeurs du 20ème siècle. Connu en Europe principalement pour ses peintures à l’huile de scènes de la vie urbaine produites dans les années 1920 à 1960, dont certaines ont acquis une popularité exceptionnelle dont celles présentées par la Fondation de l’Hermitage à Lausanne en2010. Jusqu’à présent ses paysages avaient reçu moins d’attention. Étonnamment, aucune exposition importante n’avait encore été consacrée au regard porté par Hopper sur le paysage américain.

Du 26 janvier au 17 mai 2020, la Fondation Beyeler présente une vaste exposition de paysages iconiques à l’huile ainsi qu’une sélection d’aquarelles et de dessins. C’est par ailleurs la première fois qu’une exposition est consacrée à Edward Hopper en Suisse alémanique.

Capter l’invisible

Edward Hopper est né à Nyack, New York. Après une formation en tant qu’illustrateur, il étudie la peinture à la New York School of Art jusqu’en 1906. Outre la littérature allemande, française et russe, ce sont surtout des peintres comme Diego Velázquez, Francisco de Goya, Gustave Courbet et Édouard Manet qui fournissent des points de repère importants au jeune artiste. Bien que Hopper ait longtemps travaillé principalement en tant qu’illustrateur, sa célébrité repose surtout sur ses peintures à l’huile, qui témoignent de son intérêt profond pour la couleur et de sa virtuosité dans la représentation de l’ombre et de la lumière.

Hopper a en outre su développer à partir de ses observations une esthétique dont l’influence se fait sentir non seulement en peinture mais aussi dans la culture populaire, la photographie et le cinéma. L’idée de cette exposition a germé lorsque Cape Ann Granite, peinture de paysage d’Edward Hopper datant de l’année 1928, a intégré la collection de la Fondation Beyeler en tant que prêt permanent. L’œuvre a fait partie des décennies durant de la célèbre collection Rockefeller et date d’une époque à laquelle Hopper fait l’objet d’une attention croissante de la part de la critique, des commissaires d’exposition et du public.

Les peintures de paysage de Hopper donnent l’impression qu’il s’y agit en fait d’une chose invisible, qui se passe en dehors du tableau, ainsi que l’illustre par exemple sa toile Cape Cod Morning (1950): dans une fenêtre en baie, une femme au visage baigné de soleil scrute une chose qui demeure inaccessible au regard du spectateur parce qu’elle se situe en dehors de l’espace pictural. Les paysages visibles de Hopper ont toujours pour pendant des paysages invisibles et subjectifs, qui apparaissent à l’intérieur du spectateur. Comme toutes ses toiles, les paysages de Hopper sont empreints de mélancolie et de solitude. Il émane souvent d’eux une impression d’étrangeté et de menace. Hopper montre aussi dans son œuvre l’irruption parfois brutale de l’homme dans la nature, mettant en relation paysages naturels et paysages urbains. Hopper a contribué de manière significative à établir la notion d’une Amérique mélancolique, marquée aussi par les faces sombres du progrès.

L’étendue des salles de la Fondation Beyeler permet de véritablement se plonger dans les paysages retranscrits par le peintre et de s’imprégner de leur caractère réaliste mais aussi revêtus d’un mystère indéfinissable sous le regard éminemment subjectif de l’artiste.

L’exposition réunit 65 œuvres datant des années 1909 à 1965. Elle est organisée en coopération avec le Whitney Museum of American Art, New York, dépositaire de la plus importante collection au monde d’œuvres d’Edward Hopper.

Séverine et Raymond Benoit (04/7/2020)

Fondation Beyeler, Riehen/Bâle - Jusqu'au 26 juillet 2020

 

Le Greco, l’expo évènement

Le Grand Palais avec Toulouse Lautrec et Le Greco mise sur deux succès assurés même si la bonne surprise vient plutôt du Greco grâce à des parti pris scénographiques à la hauteur de sa modernité. Organisée par la Réunion des Musées Nationaux, le Louvre et l’Art Institute de Chicago où elle voyagera ensuite sous le commissariat brillant de Guillaume Kientz, l’exposition rassemble 75 œuvres venant beaucoup des musées américains et moins d’Espagne qui ne s’est pas séparée de son icone l’Enterrement du comte d’Orgaz ou des toiles du musée du Prado. Des manques qui sont compensés dans cet espace réduit par la pertinence de l’accrochage sur un fond neutre et blanc qui met en valeur les coloris absolument fantastiques du maître dans un cheminement subtil et puissant.  
Un étranger en Italie
Né en Crête vers 1541, Doménikos Theotokopoulos, dit Le Greco formé à l’art des icônes, s’installe à Venise en 1567 où il découvre Titien, son modèle et Véronèse abandonnant alors les fonds d’or des icônes au profit des coloris vénitiens. Il part tenter sa chance à Rome et d’une grande arrogance déclare qu’il se plairait à reformuler et corriger l’art de Michel Ange ! Il est alors chassé du palais Farnèse. Itinéraire étonnant. Au fil des capitales traversées il n’a de cesse de se réinventer, à la recherche d’une solution toujours plus inventive. La galerie des portraits montre qu’au contact de ces brillants personnages, il sait trouver mécènes et commanditaires. Il a le don de sonder leur caractère psychologique comme dans le fameux Portrait du cardinal Nino de Guevara qui a tant inspiré les peintres du XXème, Picasso en tête, Manet Bacon. C’est en Espagne à Tolède, la cité rivale de Madrid alors toute puissante, qu’il trouvera enfin son port d’attache soutenu par le roi Philippe II qui lui passe ses premières commandes importantes. Il se dote alors d’un atelier face à la demande croissante de nombreuses familles puissantes de Tolède en quête de dévotion. Comme le résume le commissaire « Le Greco arrive à un moment clé de l’histoire de l’art, une crise de l’image. Il se donne alors pour mission de réinventer la peinture religieuse. »
Charnel et mystique
Hérétique ou mystique ? Fou le Greco ? Sa palette d’une grande audace comme cela transparait dans la monumentale L’Assomption de la Vierge, le chef d’œuvre de l’exposition tout juste restaurée, l’étirement des formes, des corps, l’orage des ciels, les songes et les extases, l’agitation des drapés, la fureur des architectures, tout concourt à l’extravagance quand ce n’est pas de la dissonance. Et avec quelle maîtrise ! « Il va pousser à son extrême les limites de la représentation, du cadre. Il prépare sans y penser les grandes ruptures des avant-gardes » résume Guillaume Kientz. Sa Marie-Madeleine pénitente et ses Vierges n’ont rien de repentantes, lançant des regards d’une grande douceur et sensualité. Et la sérialité développée autour du « Christ chassant les marchands du temple » comme cela est habilement démontré à la fin du parcours, où il finit par se citer introduit bien d’autres postures reprises par un Cézanne par exemple. Irrévérent il est mais sa fougue et son génie plein d’incohérences formelles dépassent tout. C’est un choc qui attend le spectateur. Greco dessinateur, Greco architecte complètent l’étendue de son talent avant que son fils ne prenne le relais. Marie de La Fresnaye   Infos pratiques : LE GRECO  Grand Palais, Paris.  Réservation conseillée Jusqu’au 10 février 2020

Marie de La Fresnay (26/11/2019)

Jusqu'au 10 février 2020
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Boltanski, Centre Pompidou : Une vie en mémoire

« Mon activité depuis le début est forcément un ratage annoncé car j’ai essayé de lutter contre l’oubli et la disparition, ce qui évidemment est vain. Dès que vous essayez de protéger quelque chose vous le tuez. »
Christian Boltanski
L’exposition Faire son temps est conçue par Christian Boltanski comme une œuvre d’art totale avec la complicité du directeur du Centre Pompidou, Bernard Blistène sur les 2000 m² du 6ème étage du musée à partir de 40 œuvres monumentales.  Annoncée par des panneaux d’ampoules lumineuses « Départ / Arrivée » qui renvoient à un hall d’aéroport ou de gare de transit pendant la guerre, nettement plus anxiogène, cette mémoire mise en boîte tantôt sombre ou lumineuse est comme un cœur qui bat, dont les pulsions subtiles et tenaces nous envahissent soudainement.
Christian-Liberté de son vrai prénom né en septembre 1944 la veille de la libération, a passé son enfance et adolescence reclus dans la peur de l’appartement familial rempli d’amis de ses parents rescapés de la Shoah. Il développe dans ce climat d’inquiétude constante une sorte d’autisme. Non scolarisé il commence à pratiquer la pâte à modeler et le dessin encouragé par son frère.  Une activité débordante et brute qu’il détruira ensuite pour se tourner vers la photographie, la vidéo ou l’installation, dans une approche plurielle captant les empreintes, les traces des morts et toujours des anonymes.  L’artiste affectionne le noir et blanc qui permet une certaine distance et renvoie au passé, loin de la normalité de la couleur.
L’indicible, l’impalpable se niche dans ses petits rebus du quotidien qu’il collecte comme de vieux manteaux (Monumenta Grand Palais), draps ou voiles (les Véroniques), miroirs, valises, lampes ou ampoules (Crépuscule), sons enregistrés (cœurs de Teshima ou cloches du désert d’Atacama) comme pour les dernières œuvres. A la quête de l’image manquante pourrait-on dire, selon le concept développé par Georges Didi-Huberman à partir de l’innommable des camps. Des monuments faits dans des éléments dérisoires comme avec « les Suisses morts » et ces simples boîtes de métal à partir de ces nécrologies qui le fascinent comme il l’explique non sans malice.
Une déambulation sans aucun cartel pour favoriser une plongée sans filtre particulièrement sensible quoique déroutante au début pour le visiteur qui n’a pas repère autre que ses sens en éveil. Le fantôme et l’aura des autres et de l’œuvre du plasticien, se dissolvent dans ces réseaux de fils qui traversent le parcours.  A chacun de les saisir et de les démêler.
Qu’est-ce que la vie de quelqu’un ? Si ce n’est un tiret entre deux dates, comme au cimetière, déclare-t-il à partir de l’œuvre emblématique de la Date de naissance et de mort de sa mère. Peut-on faire revivre les morts ? Est-ce que l’on peut préserver la mémoire d’une vie ? De multiples questions mais jamais de réponses.
L’art, une thérapie
Comme il explique, chaque artiste part d’un trauma originel qu’il n’a de cesse de convoquer et de transcender mais sans jamais avoir recours à une image directe de la Shoah il suggère, lance des pistes.  Il s’agit ainsi de prendre une distance avec son malheur, l’apprivoiser, en faire quelque chose.« La destruction et l’usure font partie intégrante de la vie ». L’Essai de reconstitution (titre d’une œuvre de 1970) de la mémoire devient alors obsessionnel chez lui.
Agnostique, Boltanski devient deus ex machina comme avec l’horloge parlante sous la cathédrale de Strasbourg. « Dieu est le seul maitre du temps. Nous ne pouvons pas lutter en tant qu’être humain ».
Une portée universelle
« Il y a beaucoup de monde chez moi dans ma tête et en même temps chacun de nous est unique  et prodigieux » Biographique son œuvre comme avec La mort du grand-père, Entretemps ou l’album photo de famille de 1939 mais dans une dimension et visée plus large. « La grande question que je me suis posée est l’importance de chacun et sa fragilité, la trace ou l’absence de trace que chacun laisse » résume-t-il.
Ce qui le déroute est ce contraste entre le merveilleux de l’existence de chaque être et la fin si brutale attendue. «  Après 60 ans tout être devrait avoir son propre musée ! » revendique -t-il.
L’humour
L’artiste a vendu sa vie en viager à David Walsh collectionneur d’art en Tasmanie, mathématicien surdoué. Des caméras de surveillance filment en continu 24h sur 24 son atelier jusqu’à sa mort. « Il a acheté ma mémoire » résume-t-il dans une sorte de dérision puisque les bobines des s’entassent déjà dans un bunker depuis plusieurs années maintenant.
Un pari ultime tendu au destin et à la vie !

Marie de La Fresnaye (26/11/2019)
Jusqu'au 16 mars 2020
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Ombres, de la Renaissance à nos jours

Après le succès de l’exposition Fenêtres, de la Renaissance à nos jours. Dürer, Monet, Magritte… en 2013, la Fondation de l’Hermitage de Lausanne poursuit son exploration des grands thèmes de l’iconographie occidentale, et propose au public de découvrir les multiples facettes artistiques de l’ombre.

L’exposition particulièrement originale offre un parcours à travers 500 ans d’histoire de l’art et convoque des formes artistiques très variées, allant de la peinture à l’installation, en passant par la sculpture, l’estampe, le dessin, le découpage, la photographie ou encore la vidéo.

Comme la fenêtre, métaphore du tableau depuis la Renaissance, l’ombre occupe une place symbolique centrale dans notre culture visuelle. En effet, depuis l’Antiquité, il se raconte que l’ombre est au cœur de l’invention de la peinture, du dessin et même du modelage en bas-relief. Au-delà des grands mythes élaborés autour de l’ombre, nous faisons tous quotidiennement l’expérience de l’ombre projetée, et ce phénomène nous intéresse dès l’enfance, les jeux d’ombres faisant certainement partie des divertissements les plus anciens. C’est avec Rembrandt que ces éléments caractéristiques se mettent en place, jusqu’à créer une véritable typologie. Il est en effet le premier artiste à avoir réalisé un très grand nombre d’autoportraits – près d’une centaine en quatre décennies –, et son influence sur le genre est immense.

Dans les œuvres de cette époque, relevons particulièrement l’Autoportrait à la bougie de Godfried Schalken (1643-1706) qui étudie particulièrement les jeux d’ombre et de lumière sur le visage mais aussi sur tout l’entourage. D’autres artistes confèrent aussi l’intensité de l’apparition par ces mécanismes, comme Jan Lievens, John Opie ou Fantin-Latour. Puis, dans son magistral portrait de jeunesse, Eugène Delacroix surgit de l’ombre comme halluciné, mais vivante incarnation du génie artistique.

Les sens de l’Ombre

Ainsi, au moment de la Renaissance, l’ombre est au cœur d’une grande révolution que provoqua la carrière éclatante du Caravage. De son œuvre va naître un mouvement caravagesque, appelé aussi ténébrisme, se distinguant par « la lumière très claire et l’ombre très sombre qui donnent du relief à la peinture » comme le signale Giulio Mancini en 1617 déjà. Le joueur de Théorbe d’Antiveduto Gramatica utilise de façon raffinée l’ombre portée d’une main pour donner forme au son de l’instrument.

Une salle s’intéresse particulièrement à l’ombre de la création du monde, mythe cosmogonique judéo-chrétien, puisque le premier jour est, selon le livre de la Genèse, celui de la séparation de la lumière d’avec les ténèbres (Genèse, 1,4). L’ombre joue aussi un rôle primordial dans l’allégorie de la caverne de Platon qui est évocation de l’accès à la connaissance : les ombres projetées dans la caverne, lieu naturel de l’ignorance, ne sont que des illusions, l’apparence trompeuse de la réalité (La République, VII, 514-515).

Fondamentalement, l’ombre est un élément indispensable de l’identité d’un sujet, comme si ce dédoublement, plus ou moins important selon les circonstances, garantissait la nature même de l’humain. Plusieurs contes fantastiques soulignent l’improbabilité de l’absence de l’ombre, comme le celui de Peter Schlemmil, qui a vendu son ombre au diable en échange de la fortune, dans la nouvelle d’Adalbert von Chamisso, de la « Femme sans ombre » d’Hugo von Hofmannsthal, ombre qui est ici aussi symbole de fécondité, sans oublier le clin d’œil à Lucky Luke qui tire plus vite que son ombre !

L’exposition présente aussi une série d’œuvres de la période romantique où la nuit devient sujet. Les artistes essaient de reproduire le passage de la Terre dans son ombre et des nuits profondes. Les « nuits » sont aussi souvent des scènes d’intérieur éclairées à la lumière artificielle (lanterne ou bougie). Que ce soit l’ombre porté d’une main, d’un visage ou d’un lampadaire, la projection des ombres vient animer et dynamiser les compositions vers des détails inattendus. Puis, vers la fin du 19e siècle, l’ombre passe à des gammes de gris puis à des bruns, mais avec des couleurs franches et éclatantes. L’ombre va être de plus en plus un choix artistique qui va inspirer non seulement les peintres mais aussi les photographes et les graphistes.

L’exposition se visite en 16 salles aux thèmes chaque fois différents, plus ou moins dans l’ordre chronologique de l’évolution de l’ombre dans les œuvres artistiques. Elle rassemble environ 140 œuvres distinctes, provenant de musée du monde entier et de collections particulières. Elle est intéressante non seulement pour les amateurs d’art mais aussi, à notre avis, à tous ceux que l’histoire de l’art et de ses techniques intéressent. Séverine et Raymond Benoit (03/7/2019)

Ombres, de la Renaissance à nos jours
Fondation de l’Hermitage, Lausanne
Du 28 juin au 27 octobre 2019
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« Les Reines » de Normand Chaurette

Les fans de Shakespeare et les amateurs de théâtre contemporain peuvent se laisser surprendre par « Les Reines », une tragédie francophone du Canadien Normand Chaurette mise en scène par Elisabeth Chailloux. Créé et présenté à la Manufacture des œillets, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), du 12 au 29 janvier 2018, ce spectacle de six comédiennes chevronnées doit ensuite partir en tournée, en particulier à Colmar.
A Londres, le 20 janvier 1483, six femmes se croisent dans un château sombre, où elles s’apostrophent dans une langue riche et poétique. Elles sont sœurs, épouses ou mère de roi. L’une d’elles, qui aimait trop son frère, déambule comme un ange en patins à roulettes. Le roi Edouard agonise ; les enfants d’Elisabeth sont menacés, sur fond de guerre des Deux Roses. De cette guerre s’est inspiré Shakespeare pour écrire « Richard III » et « Henri VI ». Ces personnages de Shakespeare sont réincarnés par Chaurette : Anne Dexter (interprétée par Bénédicte Choisnet), la duchesse d’York (Sophie Daull), les sœurs Isabelle Warwick (Pauline Huruguen) et Anne Warwick (Marion Lenfant), la reine Elisabeth (Anne le Guernec), la reine Marguerite (Laurence Roy).
Normand Chaurette, né en 1954 à Montréal, explique : « je tenais à écrire une pièce sur la métaphore, sur la langue, sur le flamboiement, sur le décadent ». La question du pouvoir n’est pas fondamentale pour ces rôles, assure le dramaturge, qui pense l’acteur comme un instrument de musique : « les mots sont pour moi des rondes, des blanches, des noires et des croches, la voix des acteurs des timbres ».  

L’ancienne manufacture des œillets, centenaire, a été rachetée par la ville d’Ivry en 2009 et Inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. On y fabriquait des œillets, des anneaux métalliques permettant de consolider les trous pratiqués dans du tissu ou dans du cuir pour y glisser des lacets. Aujourd’hui, elle abrite le théâtre des quartiers d’Ivry (centre dramatique national du Val-de-Marne), avec ses activités de création et de production, de formation professionnelle et amateur (l’Atelier Théâtral), de rencontre avec des artistes et des compagnies venues d’ailleurs (Théâtre des Quartiers du Monde). Des plasticiens contemporains y sont également présentés dans un des bâtiments avec le CREDAC.

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Marie-France Blumereau-Maniglier (15/01/2018)

 

Les silences du musée Rath de Genève

(La Suisse est connue pour ses musées et le nombre important d’expositions qui y sont organisées chaque année. Elle serait la première en Europe si on rapporte cette profusion au nombre de ses habitants.)

Tel est le titre de la très originale exposition que le musée Rath de Genève, (commissaire : Lada Umstätter), propose cette année du 14 juin au 27 octobre 2019. Ces silences sont évoqués par les peintures elles-mêmes, mais surtout le silence est recommandé dans les salles d’exposition, avec la consignes de le respecter pendant la visite. Pour inciter au silence, l’ambiance générale est nocturne avec des pièces très sombres, peintes en noir, où seules sont éclairées les œuvres elles-mêmes et le texte qui introduit chaque salle.
Tout ceci procure un étonnement inhabituel qui entraine dans une autre perception de l’œuvre observée. Après cette expérience, on ressort de la visite avec l’idée, qu’à l’avenir, dans d’autres expositions ou dans les musées, on ne pourra s’empêcher d’introduire le silence dans notre regard.
Ainsi, dans l’une des dernières salles, était présent un enseignant des Beaux-Arts accompagné d’étudiants. Évidemment, le professeur faisait des commentaires qui suscitaient, en retour, des réflexions des participants, mais pour les visiteurs, après ce parcours silencieux et presque recueilli, c’était une épreuve difficile à supporter. L’exposition est déclinée en 10 variations de silence :

  1.  Du bruit au silence [une sorte d’Introduction]
  2. Vie silencieuse
  3. Non-dit
  4. Silence sacré
  5. Vanité
  6. Mélancolies
  7. Poésie du silence
  8.  Paysages silencieux
  9. Espaces du silence
  10. artitions du silencee

Ces thèmes sont présentés dans un petit guide de visite, particulièrement bien fait, avec 66 pages et 1 à 3 illustrations pour chacun. Nous avons emprunté à ce guide les lignes ci-dessous. Quelques-uns des tableaux cités peuvent être visualisés sur internet en entrant les quatre mots-clés « Exposition silences musée Rath ». Exposition Silences, Musée Rath, Genève. Dépliant de l’exposition. Vilhelm Hammershoi (1864-1916). Intérieur avec piano et femme vêtue de noir. Vers 1901. Huile sur toile. © Collection privée, photo F. Bevilacqua. 1. « Un tableau ou une sculpture sont par nature inertes et silencieux… [mais on oublie] à quel point les artistes ont voulu transcender cette limitation en cherchant à évoquer par la couleur, le rythme ou la composition, les bruits et la fureur du monde Il y a deux sortes de peintures… [Ainsi], la hiérarchie des genres plaçait tout en haut la peinture d’histoire (scènes religieuses, mythologiques ou historiques) et tout en bas la nature morte, peinture silencieuse par excellence. La nature morte, la scène de genre, le portrait même, sont ainsi longtemps restés des genres secondaires, destinés à un usage privé, domestique… [qui réclament] une attention plus soutenue, une expérience plus intime. Leur silence en tout cas ne doit pas être vu comme un manque d’ambition ». Cette introduction est illustrée par une surprenante et silencieuse performance vidéo couleur (de Camille Llobet) mettant en scène le chef d’orchestre Philippe Béran et la performeuse sourde Naha El Sadawy « qui exprime en langue des signes, les instants particuliers des répétitions de l’orchestre du Collège de Genève ». C’est donc bien le silence qui exprime ce qui est vu et non ce qui est entendu. Très amusant parallèle qui montre et la fougue du chef d’orchestre par ses expressions et la performeuse évoquant le maestro et les musiciens par des mimiques en langage des signes. Un tableau de l’entourage de Aert de Gelder Dordrecht (1645-1727) donne à voir, et presque à entendre, « le rire sonore d’un personnage… vêtu à la manière des chanteurs de rue et des marionnettistes… Nul ne peut échapper, malgré sa laideur, au rire sonore et même contagieux de ce rieur. » 2. Le thème de la « vie silencieuse » associe, d’un côté, la « nature morte » qui se traduit par « vie silencieuse » en anglais (Still Life), en allemand (Sillleben) et en hollandais (stilleven) et, de l’autre des activités individuelles comme la lecture et l’écriture. Évidemment, il ne manque pas d’œuvres pour cette rubrique entre des objets naturels (fruits, légumes, poissons, gibiers, fleurs) pour les natures mortes et des portraits avec lecture et écriture pour les personnages. 3. «

Ces thèmes sont présentés dans un petit guide de visite, particulièrement bien fait, avec 66 pages et 1 à 3 illustrations pour chacun. Nous avons emprunté à ce guide les lignes ci-dessous. Quelques-uns des tableaux cités peuvent être visualisés sur internet en entrant les quatre mots-clés « Exposition silences musée Rath ». Exposition Silences, Musée Rath, Genève. Dépliant de l’exposition. Vilhelm Hammershoi (1864-1916). Intérieur avec piano et femme vêtue de noir. Vers 1901. Huile sur toile. © Collection privée, photo F. Bevilacqua. 1. « Un tableau ou une sculpture sont par nature inertes et silencieux… [mais on oublie] à quel point les artistes ont voulu transcender cette limitation en cherchant à évoquer par la couleur, le rythme ou la composition, les bruits et la fureur du monde Il y a deux sortes de peintures… [Ainsi], la hiérarchie des genres plaçait tout en haut la peinture d’histoire (scènes religieuses, mythologiques ou historiques) et tout en bas la nature morte, peinture silencieuse par excellence. La nature morte, la scène de genre, le portrait même, sont ainsi longtemps restés des genres secondaires, destinés à un usage privé, domestique… [qui réclament] une attention plus soutenue, une expérience plus intime. Leur silence en tout cas ne doit pas être vu comme un manque d’ambition ». Cette introduction est illustrée par une surprenante et silencieuse performance vidéo couleur (de Camille Llobet) mettant en scène le chef d’orchestre Philippe Béran et la performeuse sourde Naha El Sadawy « qui exprime en langue des signes, les instants particuliers des répétitions de l’orchestre du Collège de Genève ». C’est donc bien le silence qui exprime ce qui est vu et non ce qui est entendu. Très amusant parallèle qui montre et la fougue du chef d’orchestre par ses expressions et la performeuse évoquant le maestro et les musiciens par des mimiques en langage des signes. Un tableau de l’entourage de Aert de Gelder Dordrecht (1645-1727) donne à voir, et presque à entendre, « le rire sonore d’un personnage… vêtu à la manière des chanteurs de rue et des marionnettistes… Nul ne peut échapper, malgré sa laideur, au rire sonore et même contagieux de ce rieur. » 2. Le thème de la « vie silencieuse » associe, d’un côté, la « nature morte » qui se traduit par « vie silencieuse » en anglais (Still Life), en allemand (Sillleben) et en hollandais (stilleven) et, de l’autre des activités individuelles comme la lecture et l’écriture. Évidemment, il ne manque pas d’œuvres pour cette rubrique entre des objets naturels (fruits, légumes, poissons, gibiers, fleurs) pour les natures mortes et des portraits avec lecture et écriture pour les personnages. 3. «

Ces thèmes sont présentés dans un petit guide de visite, particulièrement bien fait, avec 66 pages et 1 à 3 illustrations pour chacun. Nous avons emprunté à ce guide les lignes ci-dessous. Quelques-uns des tableaux cités peuvent être visualisés sur internet en entrant les quatre mots-clés « Exposition silences musée Rath ». Exposition Silences, Musée Rath, Genève. Dépliant de l’exposition. Vilhelm Hammershoi (1864-1916). Intérieur avec piano et femme vêtue de noir. Vers 1901. Huile sur toile. © Collection privée, photo F. Bevilacqua. 1. « Un tableau ou une sculpture sont par nature inertes et silencieux… [mais on oublie] à quel point les artistes ont voulu transcender cette limitation en cherchant à évoquer par la couleur, le rythme ou la composition, les bruits et la fureur du monde Il y a deux sortes de peintures… [Ainsi], la hiérarchie des genres plaçait tout en haut la peinture d’histoire (scènes religieuses, mythologiques ou historiques) et tout en bas la nature morte, peinture silencieuse par excellence. La nature morte, la scène de genre, le portrait même, sont ainsi longtemps restés des genres secondaires, destinés à un usage privé, domestique… [qui réclament] une attention plus soutenue, une expérience plus intime. Leur silence en tout cas ne doit pas être vu comme un manque d’ambition ». Cette introduction est illustrée par une surprenante et silencieuse performance vidéo couleur (de Camille Llobet) mettant en scène le chef d’orchestre Philippe Béran et la performeuse sourde Naha El Sadawy « qui exprime en langue des signes, les instants particuliers des répétitions de l’orchestre du Collège de Genève ». C’est donc bien le silence qui exprime ce qui est vu et non ce qui est entendu. Très amusant parallèle qui montre et la fougue du chef d’orchestre par ses expressions et la performeuse évoquant le maestro et les musiciens par des mimiques en langage des signes. Un tableau de l’entourage de Aert de Gelder Dordrecht (1645-1727) donne à voir, et presque à entendre, « le rire sonore d’un personnage… vêtu à la manière des chanteurs de rue et des marionnettistes… Nul ne peut échapper, malgré sa laideur, au rire sonore et même contagieux de ce rieur. » 2. Le thème de la « vie silencieuse » associe, d’un côté, la « nature morte » qui se traduit par « vie silencieuse » en anglais (Still Life), en allemand (Sillleben) et en hollandais (stilleven) et, de l’autre des activités individuelles comme la lecture et l’écriture. Évidemment, il ne manque pas d’œuvres pour cette rubrique entre des objets naturels (fruits, légumes, poissons, gibiers, fleurs) pour les natures mortes et des portraits avec lecture et écriture pour les personnages. 3. «

3. « Le silence peut aussi s’avérer lourd de paroles tues : secret et non-dit » ou encore la non communication entre deux êtres. Deux tableaux très originaux méritent d’être mentionnés dans cette exposition : La Haine (1908, collection privée) de Félix Valloton (1865-1925) qui symbolise l’affrontement de l’homme et de la femme, et l’Au3. « Le silence peut aussi s’avérer lourd de paroles tues : secret et non-dit » ou encore la non communication entre deux êtres. Deux tableaux très originaux méritent d’être mentionnés dans cette exposition : La Haine (1908, collection privée) de Félix Valloton (1865-1925) qui symbolise l’affrontement de l’homme et de la femme, et l’Au3. « Le silence peut aussi s’avérer lourd de paroles tues : secret et non-dit » ou encore la non communication entre deux êtres. Deux tableaux très originaux méritent d’être mentionnés dans cette exposition : La Haine (1908, collection privée) de Félix Valloton (1865-1925) qui symbolise l’affrontement de l’homme et de la femme, et l’AuAtoportrait le doigt sur la bouchee (vers 1900, Musée d’art du Valais) par Marguerite Burnat-Provins (1872-1952). Le doigt sur la bouche, c’est vraiment s’imposer le silence… mais l’imposer aussi au regardeur !

4. « La sphère sacrée ouvre au silence du recueillement et de la prière ». Les exemples ne manquent pas pour ce « silence sacré ». Le silence s’impose-t-il quand on regarde dans les musées tous ces tableaux d’art sacré, particulièrement les portraits de personnages spirituels ? À signaler une magnifique eau-forte de Rembrandt (1606-1669), Saint-Jérôme dans une chambre obscure (1642, Cabinet d’arts graphiques des Musées d’art et d’histoire, Genève).4. « La sphère sacrée ouvre au silence du recueillement et de la prière ». Les exemples ne manquent pas pour ce « silence sacré ». Le silence s’impose-t-il quand on regarde dans les musées tous ces tableaux d’art sacré, particulièrement les portraits de personnages spirituels ? À signaler une magnifique eau-forte de Rembrandt (1606-1669), Saint-Jérôme dans une chambre obscure (1642, Cabinet d’arts graphiques des Musées d’art et d’histoire, Genève).4. « La sphère sacrée ouvre au silence du recueillement et de la prière ». Les exemples ne manquent pas pour ce « silence sacré ». Le silence s’impose-t-il quand on regarde dans les musées tous ces tableaux d’art sacré, particulièrement les portraits de personnages spirituels ? À signaler une magnifique eau-forte de Rembrandt (1606-1669), Saint-Jérôme dans une chambre obscure (1642, Cabinet d’arts graphiques des Musées d’art et d’histoire, Genève).

5. « Le silence s’accorde aux méditations sur la finitude et la valeur illusoire des choses humaines dès le XVIIe siècle en Hollande… invitent à une réflexion sur notre destin de mortels… l’exergue de L’Ecclésiaste “Vanité des vanités, tout est vanité”… vanité des biens de ce monde… les pièces de monnaie, les bijoux, les étoffes précieuses, les armes, les jeux et le vin… [mais aussi] vanité du savoir représentée par les livres, les instruments scientifiques et les arts… également les symboles de la fuite du temps… et de la mort, comme le crâne, le sablier, les bougies consumées… »5. « Le silence s’accorde aux méditations sur la finitude et la valeur illusoire des choses humaines dès le XVIIe siècle en Hollande… invitent à une réflexion sur notre destin de mortels… l’exergue de L’Ecclésiaste “Vanité des vanités, tout est vanité”… vanité des biens de ce monde… les pièces de monnaie, les bijoux, les étoffes précieuses, les armes, les jeux et le vin… [mais aussi] vanité du savoir représentée par les livres, les instruments scientifiques et les arts… également les symboles de la fuite du temps… et de la mort, comme le crâne, le sablier, les bougies consumées… »5. « Le silence s’accorde aux méditations sur la finitude et la valeur illusoire des choses humaines dès le XVIIe siècle en Hollande… invitent à une réflexion sur notre destin de mortels… l’exergue de L’Ecclésiaste “Vanité des vanités, tout est vanité”… vanité des biens de ce monde… les pièces de monnaie, les bijoux, les étoffes précieuses, les armes, les jeux et le vin… [mais aussi] vanité du savoir représentée par les livres, les instruments scientifiques et les arts… également les symboles de la fuite du temps… et de la mort, comme le crâne, le sablier, les bougies consumées… »

6. « Si le silence permet un accès à soi, une écoute intérieure, cette quête introspective peut être attachée à un sentiment teinté de gravité ou de tristesse… deuil… mélancolie ». À citer, évidemment, la Mélancolie de Dürer, mais aussi celle (1896, coll. privée) de Lucien Lévy-Dhurmer (1865-1953) ou Le6. « Si le silence permet un accès à soi, une écoute intérieure, cette quête introspective peut être attachée à un sentiment teinté de gravité ou de tristesse… deuil… mélancolie ». À citer, évidemment, la Mélancolie de Dürer, mais aussi celle (1896, coll. privée) de Lucien Lévy-Dhurmer (1865-1953) ou Le6. « Si le silence permet un accès à soi, une écoute intérieure, cette quête introspective peut être attachée à un sentiment teinté de gravité ou de tristesse… deuil… mélancolie ». À citer, évidemment, la Mélancolie de Dürer, mais aussi celle (1896, coll. privée) de Lucien Lévy-Dhurmer (1865-1953) ou LeLeSilencee (1897, coll. Langenstein, Saint-Gall) d’Henri Martin (1860-1943).

7. « Les Anciens définissaient la peinture comme une “poétique muette” et Léonard de Vinci recommandait à ses élèves d’observer les mouvements des personnes sourdes, comme si leur silence exprimait une expression pure sans aucun artifice ». L’affiche de l’exposition (voir ci-dessus) illustre parfaitement cette thématique avec le magnifique Intérieur avec piano et femme vêtue de noir (1901, coll. privée) de Vilhelm Hammershǿi (1864-1916).7. « Les Anciens définissaient la peinture comme une “poétique muette” et Léonard de Vinci recommandait à ses élèves d’observer les mouvements des personnes sourdes, comme si leur silence exprimait une expression pure sans aucun artifice ». L’affiche de l’exposition (voir ci-dessus) illustre parfaitement cette thématique avec le magnifique Intérieur avec piano et femme vêtue de noir (1901, coll. privée) de Vilhelm Hammershǿi (1864-1916).7. « Les Anciens définissaient la peinture comme une “poétique muette” et Léonard de Vinci recommandait à ses élèves d’observer les mouvements des personnes sourdes, comme si leur silence exprimait une expression pure sans aucun artifice ». L’affiche de l’exposition (voir ci-dessus) illustre parfaitement cette thématique avec le magnifique Intérieur avec piano et femme vêtue de noir (1901, coll. privée) de Vilhelm Hammershǿi (1864-1916).

8. « À priori dépourvue d’anecdote, la peinture de paysage invite à la contemplation et par là-même à une réponse silencieuse… cet art… peut également se faire support de projection ou de méditation sur les relatons de l’homme à la nature : menaçante ou domestiquée, préservé ou aujourd’hui à son tour menacée ». Nous sommes en Suisse et on ne peut éviter deux immenses peintres : Bernard Calame (1810-1864) et ses paysages romantiques, ici L’hiver (1851, Musée d’art et d’histoire, Genève), et Ferdinand Hodler (1853-1918) avec ses peintures de lacs, dont Le
8. « À priori dépourvue d’anecdote, la peinture de paysage invite à la contemplation et par là-même à une réponse silencieuse… cet art… peut également se faire support de projection ou de méditation sur les relatons de l’homme à la nature : menaçante ou domestiquée, préservé ou aujourd’hui à son tour menacée ». Nous sommes en Suisse et on ne peut éviter deux immenses peintres : Bernard Calame (1810-1864) et ses paysages romantiques, ici L’hiver (1851, Musée d’art et d’histoire, Genève), et Ferdinand Hodler (1853-1918) avec ses peintures de lacs, dont Le8. « À priori dépourvue d’anecdote, la peinture de paysage invite à la contemplation et par là-même à une réponse silencieuse… cet art… peut également se faire support de projection ou de méditation sur les relatons de l’homme à la nature : menaçante ou domestiquée, préservé ou aujourd’hui à son tour menacée ». Nous sommes en Suisse et on ne peut éviter deux immenses peintres : Bernard Calame (1810-1864) et ses paysages romantiques, ici L’hiver (1851, Musée d’art et d’histoire, Genève), et Ferdinand Hodler (1853-1918) avec ses peintures de lacs, dont Le8. « À priori dépourvue d’anecdote, la peinture de paysage invite à la contemplation et par là-même à une réponse silencieuse… cet art… peut également se faire support de projection ou de méditation sur les relatons de l’homme à la nature : menaçante ou domestiquée, préservé ou aujourd’hui à son tour menacée ». Nous sommes en Suisse et on ne peut éviter deux immenses peintres : Bernard Calame (1810-1864) et ses paysages romantiques, ici L’hiver (1851, Musée d’art et d’histoire, Genève), et Ferdinand Hodler (1853-1918) avec ses peintures de lacs, dont Le Le Lac Léman et le Mont-Blanc à l’aube (1917, Musée d’art et d’histoire, Genève), peint quinze fois par l’artiste entre janvier et mai 1918.

9. Hormis les œuvres qui, évidemment sont belles, il est difficile dans l’espace consacré à ce thème de se sentir concerné par le titre donné d’« Espaces de silence ».

10. « Le silence est constitutif de la musique : c’est le fond indispensable sur lequel se détachent les rythmes et les tons. Pourtant, faire l’expérience du silence complet est impossible … : c’est en repensant à sa visite d’une chambre insonorisée en 1940 à Harvard que John Cage composera 4’33, une partition pour instrument et orchestre silencieux en trois mouvements. » Ce ne fut toutefois pas le silence complet avec les bruits parasites. « Comme il l’a dit par ailleurs : “Jusqu’à ma mort il y aura toujours du bruit et il continuera à me suivre même après.” »

Les œuvres présentées sur le dernier thème « Partitions du silence » sont un peu particulières, mais ce thème fait penser aux trois belles expositions consacrées à Fabienne Verdier cet été (21 juin – 13 octobre 2019), à Aix-en-Provence au Musée Granet (Exposition rétrospective), au Pavillon de Vendôme (Atelier nomade) et à la Cité du Livre (Sound Traces, installation). Au musée Granet la musique est déjà très présente avec de nombreuses œuvres peintes qui s’y réfèrent, mis c’est surtout à la Cité du livre que musique et art s’articulent autour d’une installation-performance de l’artiste : un orchestre (non silencieux) joue une œuvre et Fabienne Verdier, en silence, improvise en même temps d’immenses calligraphies inspirées du rythme musical. D’ailleurs le silence, ou les silences, sont une dimension essentielle de l’inspiration de Fabienne Verdier et son célèbre ouvrage autobiographique sur son long séjour en Chine (à lire absolument) ne s’intitule-t-il pas Passagère du silence !

Christian Feller et Laurence Feller-Girod (19/9/2019)

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Inauguration du FRAC Nouvelle-Aquitaine MECA* à Bordeaux

« Rendre accessible l’art de notre époque à de nouveaux publics ». Telle est la mission du Frac - Fonds Régional d’Art Contemporain- au travers d’expositions intramuros mais aussi d’actions diverses sur le territoire régional.

Pour ce 6e FRAC « nouvelle génération » à être inauguré, l’emménagement dans le superbe bâtiment conçu par les agences BIG-Bjarke Ingels Group et Freaks correspond à un changement d’échelle et de nouveaux défis. Ce Frac Nouvelle-Aquitaine MECA s’est implanté sur les bords de la Garonne, dans le quartier en devenir d’ Euratlantique à proximité de la gare Saint-Jean. De sa terrasse au 5e étage, le visiteur embrasse tout le centre historique du regard et les constructions plus récentes d’architectes de renom - Bouliac, Herzog et de Meuron, Rem Koolhaas, Jean Nouvel, Rudy Ricciotti… Dans cet espace pluridisciplinaire de 18 000 m2 de la MECA, aux côtés des agences culturelles régionales dédiées au spectacle vivant (OARA) et au cinéma, audiovisuel et livre (OARA), le Frac pourra développer des perspectives croisées avec les différents acteurs de ses structures voisines.

Dans le cadre du 1% artistique, l’œuvre « un détail » de Benoit Maire, demi-tête d’Hermès en bronze, a été retenue et installée sur les gradins extérieurs face à la Garonne.

Sur les 4600 m2 de superficie dévolue au Frac dont 1200 à l’espace d’exposition, un atelier de production et un lieu de résidence permettent d’apporter un soutien aux artistes au travers du Pôle Innovation et Création, en s’appuyant sur les compétences des entreprises néo-aquitaines.

L’exposition inaugurale « Il est une fois dans l’Ouest » évoque chez tous un western bien connu, mais surtout raconte une histoire composite qui commence dans l’ouest de la France pour se poursuivre jusqu’en Afrique, continent avec lequel Bordeaux a tissé des liens de longue date. Cette histoire s’écrit au temps présent, à plusieurs mains (commissaires, directeurs de musées, fondations et centres d’art…) avec 15 projets et une centaine d’artistes regroupés selon cinq thématiques.

Dans la section « Singularités, Identités et Territoires », « le carnaval à Périgueux » de Martial Raysse ouvre le bal avec une fresque allégorique où le récit de l’humanité se déroule comme un phylactère. Un dialogue entre la collection du musée des Beaux-Arts de Libourne, principalement consacrée aux peintres femmes et à la représentation féminine, et les œuvres d’Alexandre Delay convoquant la figure du nu, se lit dans une frise où s’enchevêtrent fragments de corps, photographies et textes morcelés extraits de polars. Dans la section « Ici et Là-bas », Anne Dressen a sélectionné des œuvres acquises récemment et en lien avec la veine néo-craft, autour du thème « Trans » : trans-medium, trans-genre, trans-génération… Un peu plus loin, une fenêtre s’ouvre sur la création artistique en Afrique du Sud avec la présentation d’une sélection d’œuvres issues de la collection d’art africain contemporain de la Fondation SAFFCA établie depuis 2016 à Saint Emilion.  Cette fondation, créée à Johannesburg en 2014 par Pierre Lombart, apporte aux artistes africains vivants soutien et aide à la promotion au travers d’expositions et résidences. Ici l’accrochage permet un dialogue entre artistes reconnus et scène émergente.

Claire Jacquet, la directrice du FRAC, nous confie que la collection d’art africain contemporain du Fonds Régional devrait s’étoffer dans les années à venir.

Une première collaboration, dans le cadre du nouveau pôle Innovation et Création, entre l’artiste Alice Raymond et une entreprise de tôlerie industrielle a été initiée et la sculpture « La grande traversée » est présentée dans la section « L’écosystème dynamique ».

Le fonds du FRAC, rassemblant 1216 œuvres depuis 1983, s’est constitué tout d’abord autour d’un ensemble photographique retraçant l’histoire de la photographie au XXe siècle.  Aurélien Mole et Eric Tabuchi revisitent les collections photographiques des trois Frac - Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin- en créant des méta-images rapprochant quatre images – lieu, objet, acte, être – dans une seule page visuelle hors classification et hors cimaise.

L’artiste Géraldine Kosiak retrace les 37 ans du Frac dans une B.D. et présente les planches originales dans une longue frise courant sur les murs à l’entrée de l’exposition.

Enfin, le FRAC a bien sûr aussi vocation de se développer hors les murs. Grâce au mobilier « Le mécano de la Régionale », constitué d’éléments modulables, la collection pourra être montrée dans de nombreux lieux inhabituels de la région à des publics divers et parfois éloignés dès 2020.

Un nouveau bâtiment, un nouveau modèle, pour de nouveaux enjeux et de nouveaux horizons en ce FRAC - lieu d’acquisition, de monstration et de diffusion- dont la dynamique fera encore, on l’espère, de nombreux émules !

*Maison de l'Économie Créative et Culturelle en Nouvelle-Aquitaine  

Sylvie Fontaine (05/7/2019)

 Infos pratiques
FRAC Nouvelle Aquitaine MECA
« Il est une fois dans l’Ouest » Jusqu’au 9 novembre
MECA, 5 parvis Corto Maltèse, 33800 Bordeaux
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Siècle de Bruegel au BOZAR. Bruxelles

 Le 450ème anniversaire de Pieter Bruegel est dignement fêté sous le signe de la Renaissance à Bruxelles ville où il choisit de s'établir en 1563, dans le quartier des Marolles. La réhabilitation de sa maison n'a pas vu le jour hélas mais BOZAR fait coup double avec "l'Estampe au temps de Bruegel" et "Bernard van Orley, Bruxelles et la Renaissance" soulignant que la ville fut le "centre du monde connu" pendant toute cette période et le rôle de ces 2 artistes. De plus et dans le prolongement du "siècle de Bruegel" nous pouvons aujourd'hui œuvrer à une nouvelle Renaissance à l'instar des architectes, scientifiques, chorégraphes, performeurs impliqués par BOZAR. Richard Venlet avec son installation et Anouk De Clercq et son intervention sonore en sont un vibrant exemple !

"Un peu oublié de nos jours" comme en convient Sophie Lauwers, la directrice des expositions de BOZAR, Bernard Van Orley (1488-1541) était un artiste de première importance au XVIème, peintre officiel de la Cour attaché à Marguerite d'Autriche, Marie de Hongrie et Charles Quint. Tapisseries, tableaux et vitraux alternent dans un élégant parcours qui fait revivre son prestigieux atelier. Parmi les œuvres emblématiques, les fameuses "Chasses de Maximilien" prêtée par le musée du Louvre qui déroule sur 73 mètres au total, un fabuleux panorama sur la capitale belge d'alors. Autre fleuron "la Bataille de Pavie" du musée di Capodimonte de Naples d'une longueur de 60 mètres à la gloire de Charles Quint. A noter que le musée d'art et d'histoire met en valeur en parallèle 8 tapisseries de la série l'Histoire de Jacob, Bruxelles étant un véritable centre international de la tapisserie au XVIème.  

Van Orley, brasseur d’influences  

Alors qu'il se forme auprès de son père, Van Orley va peu à peu embrasser les influences du nord et du sud de l'Europe entre Dürer et Raphaël dont les cartons de tapisserie circulent. De ses premiers retables marqués par l'influence des Primitifs flamands jusqu'à l'année charnière de 1520 avec l'introduction de corps en mouvement dans la scène magistrale du "Christ au Jardin des Oliviers" et du "Polyptique de Job et Lazare" où il impose un véritable sens de la dramaturgie, c'est un véritable précurseur que nous découvrons. Van Orley, va de plus dans ses portraits sous l'influence allemande traduire des personnages d'une grande expressivité. Portraitiste conventionnel ou plus humaniste, il sait varier les registres avec brio. Il reste fidèle au rendu fidèle des drapés, de la végétation, tout en ajoutant des solutions formelles d'une grande nouveauté. Il a fait école. Ses liens avec la ville de Bruxelles, siège de la Cour et flamboyante capitale des Habsbourg favorise l'essor de ce style Renaissance (synthèse Italie-Allemagne) et nombreuses de ses œuvres sont visibles dans les églises, résidences privées ou institutions. Envie de suivre ses traces ?  

Palais du Coudenberg

Spécialement pour l’occasion, le passage sous-terrain reliant le Palais des Beaux-Arts et le Palais du Coudenberg sera ouvert au public à quelques moments clés. Après avoir admiré l’œuvre du peintre de cour Bernard van Orley à BOZAR, vous rejoindrez ainsi directement les ruines du Palais du Coudenberg, durant les nocturnes du jeudi soir, les parcours découvertes en famille du samedi et lors des vacances, ainsi que le Family Day et la visite guidé combi.  

Avec ce guide et itinéraire pédestre vous suivrez littéralement les traces de Bernard van Orley. Veillez à jeter un coup d'œil à la cathédrale des Sts Michel et Gudule et à découvrir les vitraux conçus par Van Orley. 

L'Estampe au temps de Bruegel

 N'oublions pas que c'est par ses gravures que Bruegel s'est fait connaitre de son vivant et si c'est à Anvers que la gravure et son marché se développent à l'aide d'entrepreneurs et de mécènes, c'est à Bruxelles que Bruegel s'installe. Que ce soit à des fins de dévotion ou de propagande, une très grande hétérogénéité des images domine à l'époque. Le parcours ouvre sur le célèbre "Rhinocéros" de Dürer marquant le côté très novateur de sa technique et langage qui ouvre la voie aux premiers peintres-graveurs. La légende entourant cet animal exotique renforce l'impact immédiat de cette gravure.  

L'imposante généalogie des Habsbourg signée Robert Peril souligne les visées propagandistes de la maison royale qui soutenait éditeurs et imprimeurs dans la production d'arbres généalogiques pour assoir leur pouvoir. Nous arrivons à Pieter Bruegel par l'invention du paysage quand à son retour d'Italie il livre une série de 12 panoramas qui relèvent plus d'une projection mentale que vériste où le monde est dominé par la nature et non les hommes. L'influence de l'éditeur anversois Hieronymus Cock est soulignée dans la diffusion à grande échelle des œuvres gravées. L'installation vidéo d'Antoine Roegiers à partir des "Sept Péchés Capitaux" de Bruegel offre une réponse actuelle fabuleuse au génie du maître !

Nouvelle renaissance avec Richard Venlet (Bozar architecture)  

Dans le cadre de son volet architecture, Bozar invite Richard Venlet connu pour ses environnements hybrides. Né en Australie mais vivant à Bruxelles son travail engage le spectateur dans une perte occasionnelle de ses repères.   

Prolonger la visite avec : Le musée Royal Museums of Fine Arts of Belgium qui possède une large collection de toiles de Bruegel a décidé de le mettre à l'honneur, sous le manifeste "Dutch Spring".  

Marie de La Fresnay  (09/3/2019)

Infos pratiques :

  • Bernard Van Orley jusqu' 25 mai   
  • L'Estampe au temps de Bruegel jusqu'au 23 juin  
  • Richard Venlet, ITS WALLS, FLOORS, CEILING AND WINDOWS jusqu'au 19 mai    https://www.bozar.be Visit Brussels  

 

La Peinture anglaise – De Turner à Whistler

Préface - William Hauptman est un historien d’art américain qui s’intéresse à Charles Gleyre. Ce peintre vaudois avait créé un atelier à Paris qui a vu défiler des élèves prestigieux comme les futurs impressionnistes, Alfred Sisley, Claude Monet, Frédéric Bazille, etc. Hauptmann décide de venir en Suisse consulter de la documentation qui lui manquait. Et décide d’y rester ! Il organisera plusieurs expositions, dont la dernière à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne, dédiée aux peintres anglais du XIXe siècle.

Image : Bending Sail after a Gale, 1881, huile sur toile, 68 x 102 cm Collection privée

L’exposition - La Fondation poursuit ici son exploration des grands centres d’art occidentaux au XIXe siècle en consacrant cette importante exposition à la peinture anglaise. Près de 60 tableaux, présentés pour la première fois en Suisse, offrent un panorama inédit de la production artistique, d’une originalité fascinante, durant l’âge d’or de l’Empire britannique.

Autour de Turner, dont l’œuvre magistrale annonce l’impressionnisme, l’exposition met à l’honneur les peintres qui se sont illustrés dans le genre du paysage, tels qu’Atkinson Grimshaw, Pyne, Brett ou Martin. Le parcours fait aussi la part belle à la confrérie préraphaélite (Millais, Rossetti) ainsi qu’à l’Aesthetic Movement (Burne-Jones, Watts), deux cercles d’artistes qui s’inspirent de la littérature ou de sources antiques (Alma-Tadema, Egley, Hughes, Sandys, Scott).

La révolution industrielle suscite également des scènes saisissantes qui témoignent des diverses facettes de la vie moderne (Emslie, Fletcher, Hicks, Joy), et de ses répercussions sociales (Collinson, Holl, Mulready, O’Neil, Walker). La présentation se termine par une section consacrée à Sargent et Whistler, artistes cosmopolites d’origine américaine, portraitistes virtuoses qui comptent parmi les plus célèbres de leur temps.

 Un bel ensemble d’héliogravures vient enrichir l’exposition, mettant en exergue les grands noms de la photographie britannique, de William Henry Fox Talbot à Frederick Henry Evans. Cette sélection est complétée d’une série de portraits de Jane Morris, l’une des muses des préraphaélites.

Dans l’Angleterre du XIXe siècle, les scènes de genre sont particulièrement prisées sur le marché de l’art qui est en pleine expansion. Elles ont pour principaux sujets des faits historiques ou modernes, qui touchent le spectateur de la même manière qu’un récit captive le lecteur. Le tableau relate un épisode, une anecdote, voire une histoire entière ; il offre la méticulosité et la précision de ses détails à la délectation du regard. Alfred Edward Emslie expose à la Royal Academy son impressionnante vue marine, Voile enverguée après un coup de vent, dont le cadrage audacieux accentue l’effet théâtral. Elle donne presque le mal de mer en la regardant !

À l’aube du règne de Victoria, en 1837, Joseph Mallord William Turner a déjà 62 ans, et il est au sommet de sa formidable carrière. Il crée alors certaines de ses peintures les plus novatrices et les plus énigmatiques. Les œuvres de cette période soulèvent des questions sur les limites de la virtuosité et sur la notion d’achèvement du tableau à une époque où la facture soignée et l’exactitude topographique constituent les principaux critères de qualité de la peinture de paysage.

 Dans leur quête de nouveaux sujets, les préraphaélites lisent tout particulièrement l’œuvre de William Shakespeare, dont les pièces de théâtre ont marqué les artistes anglais depuis le XVIIIe siècle. Les peintres s’intéressent à la psychologie des personnages, tels que le roi Lear, Hamlet ou Roméo et Juliette. La figure tragique d’Ophélie, qui bascule dans la folie, est représentée ici par Arthur Hughes juste avant qu’elle ne mette fin à ses jours. L’univers du poète John Keats est également transposé dans des dizaines d’œuvres, parmi lesquelles La vigile de la Sainte-Agnès de John Everett Millais (The Eve of Saint Agnes, 1863, huile sur toile, 117,8 x 154,3 cm Her Majesty Queen Elizabeth II © Royal Collection Trust / Her Majesty Queen Elizabeth II 2019). Cette toile provient, comme on le voit, de la collection privée de la famille royale.

De même, la légende du roi Arthur et celle des chevaliers de la Table ronde d’Alfred Tennyson deviennent une véritable encyclopédie de motifs pour les artistes. Une de leurs sources privilégiées est la ballade de La dame d’Escalot (The Lady of Shalott), qui est revisitée par William Maw.

James Abbott McNeill Whistler est une personnalité à part dans l’art anglais de la fin de l’ère victorienne. C’est un visionnaire, à l’égal de Turner, tout aussi impossible à ranger dans une case stylistique. Né aux Etats-Unis en 1834, il s’installe définitivement à Londres en 1862. Son art évolue alors vers une recherche plus esthétique, centrée sur les effets de lumière, d’atmosphère, d’harmonie et de musicalité. Whistler emploie un vocabulaire musical pour désigner ses peintures, en associant ses portraits à des combinaisons de couleurs élémentaires au lieu d’indiquer l’identité du modèle. Le portrait de sa belle-sœur Ethel Birnie Phillip s’intitule ainsi Rouge et noir, l’éventail, et son autoportrait Marron et or.

Ce qui rend cette exposition particulièrement intéressante, c’est la collection de toiles très peu connue du public continental, provenant de différents musées anglais et d’autres collections, dont celle de la famille royale. Certains tableaux et aussi les héliogravures sont exposées au public pour la première fois. Elle présente un panorama particulièrement complet de toutes les tendances qui se sont développées au cours du XIXe siècle, influencées par la vie sociale et l’évolution économique des îles britanniques.          

Image : Red and Black: The Fan, 1891-1894, huile sur toile, 187,4 x 89,8 cm The Hunterian, University of Glasgow © The Hunterian, University of Glasgow 2019  

 

 

 

La peinture anglaise de Turner à Whistler Fondation de l’Hermitage, Lausanne (suisse)
Du 1er février au 2 juin 2019

Séverine et Raymond Benoit  (22/02/2019)

 

À Bâle, le jeune Picasso - Périodes bleue et rose

La Galerie Beyeler avait acquis au cours des ans une très grande collection d’œuvres majeures de Picasso, au total 33. Cependant, aucune d’entre elles ne couvre les périodes avant 1907, année qui marque, avec les « Demoiselles d’Avignon », le virage vers le cubisme. Dès lors, la Fondation Beyeler à Riehen/Bâle a décidé d’organiser, ce qui a pris quatre ans environ, la plus grande exposition d’œuvres des périodes dites bleues et roses, soit de 1901 à 1906. Il s’agit, en fait, de la toute première fois en Europe que sera donné à voir un éventail d’une telle densité et d’une telle qualité des chefs-d’œuvre de cette importante période. Ce sont aussi des jalons marquants de la trajectoire de Picasso en marche vers son statut d’artiste le plus célèbre du 20ème siècle.

 L’exposition, qui présente 75 tableaux et sculptures, est articulée de manière chronologique. Elle présente les débuts de la trajectoire de Picasso en prenant pour point de référence l’image humaine. Reprenant encore et encore son élan, l’artiste qui vit alors entre Paris et Barcelone gravite essentiellement autour de la figure humaine.

Ces tableaux hauts en couleur, peints en Espagne et à Paris, dénotent aussi l’influence de van Gogh et de Toulouse-Lautrec. Ils montrent ce que ressent Picasso de la vie mondaine parisienne de la Belle Époque. Puis, en mémoire du suicide tragique de son ami artiste Carles Casagemas, avec lequel il s’était rendu une première fois à Paris vers 1900, Picasso crée à partir de la fin de l’été 1901 des toiles dans lesquelles la couleur bleue devient le moyen d’expression dominant, amorçant la période dite bleue. Le peintre porte dès lors son regard sur la misère et les abîmes psychiques des personnes en marge de la société.

Avec son installation définitive en 1904 à Paris dans un atelier de la cité d’artistes du Bateau-Lavoir, c’est une nouvelle étape qui débute dans la vie et dans l’œuvre de l’artiste. C’est l’époque où Picasso rencontre en Fernande Olivier sa première compagne et muse au long cours. Peu à peu, il abandonne sa palette chromatique à dominante de bleus en faveur de tonalités plus gaies de roses et d’ocres, tout en conservant l’atmosphère mélancolique de ses toiles précédentes.

Picasso peint alors des saltimbanques, des acrobates et autres artistes, en groupes ou en famille. Ils incarnent la vie de bohème anti-bourgeoise du monde du cirque et de l’art. Si l’« Arlequin assis, 1901 » est  à forte dominance bleue, en contrepartie la « Famille de saltimbanques avec un singe, 1905 » annonce très nettement la période rose. L’exposition permet aussi de comparer l’« Autoportrait, 1901 » sur un fond bleu-vert et en vêtement bleu foncé, à l’« Autoportrait 1906 », d’un Picasso dénudé et calme, où le rose-ocre du corps se détache sur un fond grisâtre. Cette comparaison illustre particulièrement l’évolution du peintre en moins de cinq ans.

En 1906, Picasso connaît son premier grand succès commercial lorsque le galeriste Ambroise Vollard lui achète la quasi-totalité de ses nouveaux travaux. Cela permet à Picasso de quitter Paris avec Fernande et de s’établir quelques semaines durant dans le village de montagne catalan de Gósol dans les Pyrénées espagnoles. En quête d’une nouvelle authenticité artistique, il crée de nombreux tableaux et sculptures qui unissent des idéaux corporels classiques et archaïques. Exposé à un paysage aride et à un style de vie rustique, Picasso peint principalement des figures placées dans des scènes idylliques et originelles.

La déformation et le morcellement toujours plus poussés de la figure, tels qu’ils apparaissent dans les représentations « primitivistes » en particulier de nus féminins créés à son retour à Paris, annoncent finalement le langage pictural cubiste, qui se déploie à partir de 1907. Un tableau appelé « Femme, 1907 » présente déjà nettement les traits qui se déploieront dans les « Demoiselles d’Avignon ». On peut considérer qu’il termine nettement le parcours chronologique de l’exposition limitée au deux périodes. L’exposition constitue aussi un hommage aux fondateurs du musée Ernst et Hildy Beyeler, qui voyaient en Picasso un véritable modèle artistique et ont fait preuve d’un engagement multiple et profond en sa faveur. La collection Beyeler compte pas moins de 33 œuvres du peintre, faisant aujourd’hui de la Fondation Beyeler l’un des musées les plus importants au monde en la matière.

Les 75 tableaux et sculptures de l’exposition, sont, pour la plupart, rarement prêtés par les 28 musées et collections privées qui ont contribué à sa mise sur pied. Elle a été organisée par la Fondation Beyeler en collaboration avec les musées d’Orsay et de l’Orangerie et le musée national Picasso – Paris, où elle fera une première étape sous forme légèrement modifiée. Le catalogue qui compte 304 pages et 17 articles de fond est la publication la plus volumineuse réalisée par le musée à ce jour.

Séverine et Raymond Benoit   (14/02/2019)

Fondation Beyeler, Riehen/Bâle - 3 février – 26 mai 2019  

En plus de l’exposition principale, il est possible de visiter, jusqu’ au 5 mai, l’exposition parallèle « Picasso Panorama » qui regroupe les tableaux de la collection Beyeler complétée par de prêts entre autres de l’Anthax Collection Marx et de la Rudolf Staechelin Collection. Ce sont ainsi 40 ouvres majeures qui se déploient sous les yeux des visiteurs le plein panorama des univers visuels créés par Picasso entre 1907 et 1972.

 

Vasarely, le Warhol à la française célébré par le Centre Pompidou

L'expression est de l'un des deux commissaires, Arnauld Pierre, de l'ambitieuse relecture que propose le Centre Pompidou "Vasarely, le partage des formes". Titre assez timide pour retranscrire ce qui ressemble à une véritable révolution dans cette France du progrès portée par les "trente glorieuses" dont le hongrois d'origine (naturalisé en 1961) se fait le héraut.     

Né à Pécs en 1906 Victor Vasarely commence d'abord par étudier la médecine qu'il abandonne pour entrer dans le "petit Bahaus" de Budapest, avec comme mentor Sandor Bortnyik. Il arrive à Paris en 1930 et est engagé par l'agence Havas. Fasciné par les jeux de lumière provençale à Gordes ou les craquelures des carrelages des stations de métro parisien, il pose un premier jalon vers le cinétisme avec "Hommage à Malevitch". Après un épisode Noir-Blanc il rencontre Denise René qui devient sa compagne et lui offre une première exposition en 1955 "Mouvement" aux côtés de Duchamp, Calder, Pol Bury, Soto. Il publie cette même année son "Manifeste Jaune", anticipant son Alphabet plastique, langage combinatoire à l'infini, amplement diffusé par le recours au multiple. En 1965 c'est la consécration, il participe à l'exposition du Moma, "The Responsive Eye" et fait la couverture du Times Magazine. Denise René ouvre une galerie à New York. L'Op art est né et se veut la version européenne du Pop !

La France tombe dans une "vasarelite aigue": la télévision, les magazines, la musique (pochette du mythique Space Oddity de Bowie), le cinéma (La prisonnière de Cluzot), la mode succombent, sur fond de conquête spatiale. Une utopie qu'il transpose également en architecture avec la "Cité polychrome du bonheur" à Créteil ou Caracas (Cité universitaire). Autres emblèmes, parisiens : la façade du nouveau siège de la radio RTL rue Bayard (qui sera démontée finalement en 2017) qu'il conçoit avec Yvaral son fils, le fameux logo Renault, la grande fresque de la gare Montparnasse (hall de départ), le portrait en 3 D de Georges Pompidou à l'ouverture du Centre, qui incarnent cet esperanto visuel qui envahit tout jusqu' à frôler l'overdose.   A tel point que la critique et les institutions vont rejeter en bloc cette approche cinétique de la modernité, ce qui entraine dans la décennie suivante une chute sévère de sa cote (75%). Les difficultés rencontrées par la Fondation Vasarely à Aix en Provence, son centre architectonique en état de conservation préoccupant, ne favorisent pas une possible revalorisation du maître qui inspire cependant toute une nouvelle génération d'artistes dans les années 2000. Un retour en grâce légitime pour ce rêveur cosmique qui n'en finit pas de pressentir les mutations à venir de notre monde. La démarche du Centre Pompidou suffira- t-elle pour ancrer cette réévaluation durablement et non céder à la vague vintage revival terriblement actuelle ?   Une visite s'impose dans ce qui ressemble à un fascinant labyrinthe polysensoriel.

Marie de la Fresnaye (14/02/2019)  

Infos pratiques : Vasarely, le partage des formes jusqu'au 6 mai 2019 Centre Pompidou

Catalogue aux éditions du Centre Pompidou, 232 pages, 39, 90 € en vente à la librairie.

#ExpoVasarely

Visiter la Fondation Vasarely, classée Monuments historiques, Jas de Bouffan 13096 Aix-en-Provence www.fondationvasarely.org

 

Made in Neuchâtel - Deux siècles d’indiennes

Avec « Made in Neuchâtel. Deux siècles d’indiennes », le Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel propose la première grande exposition consacrée aux indiennes neuchâteloises. A partir d’un riche ensemble de plus de 300 objets – toiles imprimées, empreintes, livres d’échantillons, portraits, vues de fabriques et correspondance –, l’exposition fait découvrir l’une des principales régions productrices de toiles peintes de toute l’Europe. Les toiles de coton imprimé, désignées par le terme d’indiennes en référence à leur origine géographique, connaissent un engouement sans précédent en Europe aux XVIIIe et XIXe siècles. Elles passent rapidement du produit de luxe à un bien de consommation de masse. À Neuchâtel, une quinzaine de manufactures permettent à la région de se positionner au sein de circuits internationaux. Une partie de ces manufactures ont été créées par des réfugiés huguenots, qui ont ainsi participé à l’évolution économique de cette région.  

Privilégiant une approche interdisciplinaire, le parcours de l’exposition met en évidence les stratégies mises en œuvre par les producteurs et les maisons de commerce neuchâtelois pour conquérir de vastes marchés, notamment en France, en Allemagne et en Italie. La place occupée par les indiennes dans le commerce triangulaire et la traite des Noirs y est également abordée. En effet, il s’était développé un certain « commerce triangulaire ». Les indiennes étant fortement appréciées des chefs des populations des côtes africaines, elles servaient de monnaie d’échange contre les esclaves arrachés à leurs territoires. Ensuite, ils étaient à leur tour échangés contre de la marchandise provenant des territoires américains, entre autres le coton qu’ils récoltaient dans les plantations. Coton qui servait ensuite à la fabrication des nouvelles indiennes.

 Indiennes entre passé et présent  

L’exposition interroge à partir d’un corpus largement inédit les toiles de coton imprimé dans la perspective des arts décoratifs européens : comment le langage ornemental des toiles évolue-t-il ? Quelles sont les sources auxquelles puisent les créateurs ? Comment adaptent-ils les motifs aux contraintes de la mode ? Comment déclinent-ils les motifs provenant d’Inde, de Perse, de Chine et d’Europe ? Autant de questions qui permettent d’éclairer d’une lumière nouvelle la production et le négoce des indiennes. L’actualité des ornements anciens est illustrée, dès l’entrée de l’exposition, au travers d’une collaboration avec la filière Design textile de la Haute École spécialisée d’art de Lucerne (HSLU). S’inspirant des collections de dessins, d’empreintes et de toiles imprimées produites à Neuchâtel, ces jeunes créateurs interprètent des motifs anciens, en leur conférant une forme contemporaine et inédite.

Au fil des salles, l’exposition développe ainsi différentes thématiques à la croisée des arts décoratifs, de l’histoire économique et culturelle. Le parcours se termine par un dispositif interactif qui permet au visiteur de composer ses propres motifs d’indiennes.

Séverine et Raymond Benoît (14/02/2019)

Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel Jusqu’au 20 mai 2019

Quand L'ombre cuivrée de Sonia Rykiel se penche sur Jean-Jacques Henner

"Rousse : accepter le deal" Sonia Rykiel 

 "Je voudrais bien vous voir avec une perruque rousse".JJ Henner  

Deux citations qui traduisent bien les fantasmes véhiculés par une telle couleur ! Comme le résume fort bien Michel Pastoureau dans le passionnant catalogue de l'exposition du musée Jean-Jacques Henner : "Roux est plus qu'une nuance de couleur ; c'est presque devenu au fil des siècles une couleur à part entière, une couleur dévalorisée".  

Mais alors pourquoi ce lourd passif symbolique a-t-il toujours fasciné et continue de fasciner nombre d'artistes, dont Jean-Jacques Henner, le "peintre des ors fauves" comme le décrit la conservatrice du musée, Claire Bessède, à l'origine de cette exploration inédite captivante à plus d'un titre. Rassemblant pour la première fois, à partir du riche fonds Henner (sanguines et carnets inédits) des peintures des musées d'Orsay, Petit Palais, Beaux-Arts de Paris et masques et artefacts du musée du Quai Branly, Mucem, Collection Française, ainsi que de collections particulières dont celle de Nathalie Rykiel, le parcours revient sur l'obsession du roux chez Henner à l'aune de son atelier, les préjugés attachés à cette couleur à différentes époques jusqu' à une revendication très contemporaine.  

Ainsi de la Naissance de Vénus Botticellienne (rousse !) à Judith triomphant d'Holopherne ou Salomé la tentatrice, Sarah Bernardt, Loïe Fuller, Rita Hayworth, David Bowie, les indiens d'Amérique et guerriers polynésiens flamboyants, la fée Mélusine..., héroïnes et héros peuplent la littérature et les beaux-arts, la mode, la photographie jusqu'à leurs avatars plus populaires en BD, Spirou, Peter Pan, Tintin, Obélix et Astérix, entretenant le mythe !  

Tour à tour maudites ou magnifiées, les rousses acclamées dans la poésie et le roman (Baudelaire, Zola) trouvent chez Jean-Jacques Henner un écho unique réévalué à partir de ses sanguines et nombreux toiles, "l'Idylle" qu'il présente à son retour de la Villa Médicis, "la Liseuse », la "Comtesse Kessler", rapprochées de ses contemporains, Renoir, Degas, Courbet, Edgar Maxence, jusqu'à aboutir à son emblématique "Christ Roux", qui transgresse la connotation de la trahison habituellement liée à cette couleur dans la Bible.  Dans une veine très contemporaine, les "robes hommages" des créateurs à Sonia Rykiel ont souligné cette arme fatale qu'elle avait su dompter et apprivoiser pour en faire ensuite plus qu'une signature, une ode à la différence et un étendard à l'altérité. La photographe Geneviève Boutry s'est aussi penchée sur cette planète rousse et a recueilli de nombreux témoignages de ceux et celles qui vivent au quotidien railleries, ostracisation ou fascination.  

Un volet pédagogique qui traverse l'iconographie de l'art complète favorablement cette approche à la fois sensible, éclectique et érudite dans cet hôtel particulier au charme inégalé !  

Marie de la Fresnaye (07/02/2019)
Catalogue coédition Le Seuil/ musée national Jean-Jacques Henner, 24,90€ 190 pages avec les essais de : Michel Pastoureau (Ecole pratique des hautes études), Claire Bessède (musée national JJ Henner), Isabelle de Lannoy (historienne de l'art), Yves le Fur (musée du Quai Branly), Xavier Fauche (scénariste) et Cécile Cayol (musée national JJ Henner).
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Rétrospective Oskar Kokoschka

Le Musée d’Art de Zurich (Kunsthaus) présente « Oskar Kokoschka, expressionniste, migrant et citoyen du monde » et lui consacre la première grande prospective depuis 30 ans en Suisse. Elle peut être ainsi considérée comme un résumé collectif presque complet des différentes expositions thématiques organisées par la Fondation Kokoschka au Musée Jenisch de Vevey ces dernières années.

Resté figuratif aux mêmes tires que Picabia ou Picasso, il a permis d’éviter une guerre des « tranchées » entre l’abstraction et le figuratif. Ila ainsi inspiré des peintres comme Spero, Baselitz ou Denis Savary, qui se sont inspirés de la manière expressionniste.

Cette rétrospective veut illustrer les motifs et les motivations de l’artiste qui a élu domicile dans pas moins de cinq pays. Elle n’accueille pas moins de 90 tableaux et près de 120 œuvres sur papier, dont des photographies et des lettres des différentes périodes de son existence. Ce fut aussi souvent l’amour qui inspira nombre de ses travaux, en particulier celui porté à Alma Mahler, dans la maison de laquelle, près de Vienne, il peignit une fresque de près de quatre mètres de large. Cette fresque, dissimulée par la suite sous plusieurs couches de peinture et de tapisserie fut redécouverte par des propriétaires plus récents qui la firent détacher et restaurer. En main privées, elle ne fut montrée qu’une seule fois en public avant d’être maintenant visible à Zurich.

Ce qui rend la peinture de Kokoschka singulière et inimitable tient surtout à son humanisme qui en fait un grand défenseur de la liberté et des droits de l’homme. C’est aussi ce qui l’amène à fuir les régimes autoritaires, en particulier le régime national-socialiste qui considère son art comme dégénéré. Il s’établi à Prague, puis, en 1938 à Londres où il séjournera avant de s’établir définitivement en Suisse, sur les bords du lac Léman. C’est à Vevey que se trouve la Fondation Kokoschka, au Musée Jenisch.

En 1962 ont été présentées à la Tate deux œuvres monumentales, de huit mètres de largeur et deux mètres de haut, à savoir « La saga de Prométhée » (1950, Courtauld Gallery) et « Les Thermopyles » (1954, Université de Hambourg). Exécutées dans les années d’incertitude entre Londres et la Suisse, elles n’avaient plus été exposées ensemble. Les visiteurs de Zurich pourront donc admirer l’imposant triptyque de Prométhée à côté des Thermopyles. Ces deux chefs-d’œuvre permettent aussi de saisir le processus de création de Kokoschka, dont les coups de pinceaux et les gradations de la palette font deviner le mouvement du peintre.

Kokoschka est resté un expressionniste fidèle à la figuration et, dans ce sens, il fonda à Salzbourg une « école du regard » qui existe encore. On l’a souvent considéré comme un ennemi de la modernité, mais lui-même essayait de défendre un accès démocratique à la culture et à une société ouverte et plurielle.

Exposition en collaboration avec le Musée Léopold de Vienne.
Kunsthaus, Zürich – Jusqu'au 10 mars 2019
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Séverine et Raymond Benoit  (06/01/2019)

Les Renoir, entre filiation et héritage

Si Jean Renoir est considéré comme le père spirituel de la Nouvelle Vague, François Truffaut vouant un véritable culte à la "Grande Illusion", personne n'avait traité ses liens formels et artistiques avec son père Auguste, dans une exposition. C'est chose faite grâce au musée d'Orsay qui propose cet éclairage passionnant peinture/cinéma.

A la fois les lieux partagés, Paris (Montmartre) et Cagnes mais aussi la muse, Andrée Heuschling future Catherine que Jean épouse en 1920 qui deviendra une actrice reconnue de l'avant-garde et surtout la thématique de l'eau comme métaphore de la création en mouvement. L'ondine magnétique de La Fille de l'eau (1925) se superpose ainsi à cette nature offerte et chatoyante d'une Partie de Campagne (1936) tournée sur les bords du Loing près de la maison de Marlotte. Si les canotiers rappellent l'impressionnisme de son père, la comparaison ne va pas au delà, Jean multipliant les innovations techniques et s'affranchissant de la leçon picturale de son père. D'ailleurs Jean comme beaucoup d'autres "fils de" aura passé sa vie à se forger un prénom n'hésitant pas à vendre la totalité des œuvres de son père à sa mort pour financer ses premiers films. Sacrilège vite compensé à partir de son installation aux Etats Unis en 1940 quand il rachète peu à peu tableaux et sculptures d'Auguste pour orner sa villa de Beverly Hills. Car et c'est un autre paradoxe soulevé par cette exposition, la renommée de Jean ne viendra pas de la France mais des Etats Unis. A son retour à Paris, "French Cancan" (1955) signe son triomphe. Hommage à Jules Cheret et Toulouse Lautrec (nombreuses affiches exposées), "French Cancan" valorise le savoir faire collectif du spectacle comme allégorie de la création cinématographique. De plus "Le Moulin de la Galette ressurgit comme par enchantement.

Dès lors de cette ambivalence face à la silhouette omniprésente du paternel, Jean va en faire un moteur en reconnaissant ce qu'il lui doit, de ses débuts en céramique à la reprise de grands chefs d'œuvre de la littérature (Zola, Flaubert, Guy de Maupassant..) jusqu'à sa biographie qui l'occupera pendant de longues années parue en 1962 sous le titre bilingue Pierre-Auguste Renoir, mon père. A noter que la Cinémathèque Française propose conjointement une rétrospective intégrale Jean Renoir.

Jusqu'au 27 janvier 2019
Galerie Françoise Cachin
Catalogue aux éditions Flammarion/Orsay
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Marie de La Fresnay (07/10/2018)

Guggenheim - Bilbao -  Chagall - Les années décisives, 1911-1919

Cette exposition éclaire les sources de l'iconographie du peintre Marc Chagall. Elle montre, en trois sections, comment les traditions de sa communauté juive natale, de son premier séjour à Paris, et des événements politiques de cette période ont influencé son œuvre.

Marc Chagall, né en 1887, est l'aîné d'une nombreuse famille juive hassidique de la petite ville russe de Vitebsk. Il grandit dans un environnement hostile qui restreint les droits des Juifs et les confine dans des ghettos. La vie s'écoule au rythme des travaux des champs, des prières à la synagogue, et des rassemblements familiaux autour du poêle. L'enfant étudie d'abord à l'école primaire juive. Mais sa mère, épicière d'un caractère déterminé, réussit à l'inscrire en sus du quota d'élèves juifs à l'école russe, "en soudoyant le professeur", dit son biographe Franz Meyer. Cette institution lui donne une ouverture sur le monde que son père, employé d'un dépôt de harengs, ne parlant que le yiddish, ne pouvait lui offrir. Il prend des leçons de violon, de chant et de dessin avec le peintre Iouri Pen. En 1907 il obtient l'autorisation de résider à Saint-Pétersbourg où il fréquente l'école Zsanseva puis l'atelier de Léon Bask. Ce dernier, rédacteur de la revue Le Monde de l'Art, diffuse les innovations artistiques auprès de l'Intelligentsia russe. Chagall tombe amoureux ; il se fiance à la fille de riches joailliers de Vitebsk, Bertha Rosenberg, surnommée "Bella". Elle sera sa muse et sa protectrice jusqu'à sa mort en 1944.

En août 1910, le député à la Douma Max Moïsseïvitch Vinaver lui alloue une modeste bourse de cent vingt-cinq francs par mois, qui lui permet de réaliser son rêve de s'installer à Paris. Il loue un atelier à Montparnasse puis à la Ruche où il vit très frugalement. Il travaille intensément la nuit à la lumière d'une lampe à pétrole, et se lie d'amitié avec Sonia et Robert Delaunay, Blaise Cendrars, Roger Canudo, Guillaume Apollinaire qui le présente à Picasso et au marchand d'art Walden. Le peintre découvre le Fauvisme, le Cubisme et l'Orphisme.

A ses débuts, des dessins croqués sur le vif, au crayon, à l'aquarelle, la gouache, la sépia et l'encre représentent sa famille et la vie à Vitebsk avec ses nombreux petits métiers : Autoportrait (1911) ; Le peintre et sa famille ; Mon père à la tasse de thé ; Le balayeur et le porteur d'eau ; Homme et bœuf ; Scènes de village ; Hiver ; Le coiffeur - Oncle Sussy ; Prière dans la nuit.

Il peint des huiles à la composition savante et très subtilement colorées : Le marchand de bestiaux (1912) représente un souvenir vivace du peintre enfant, joyeux et fier quand son oncle Noé l'emmenait au marché. Dans une charrette, est attelée une chèvre bleue, pattes repliées. La carriole aux roues bosselées d'un jaune vif se détache sur un fond de triangles juxtaposés, de tons bleu dégradés. Au premier plan, au bord de la toile, apparaissent les visages d'un homme et d'une femme qui discutent. Le marchand, fouet en mains, guide la jument gravide. Son épouse, marche derrière lui, un petit animal sur les épaules. La forme de chaque figure est traitée géométriquement en tons rose et lilas, à la manière cubiste. La chèvre et les personnages regardent vers la gauche dans le sens opposé à la marche du cheval, créant une impression de mouvement.

Marc Chagall ne cessera de peindre Bella tout au long de sa vie. Ici sont exposées ses premières études : Ma fiancée aux gants jaunes, Bella à la fenêtre, Bella sur le pont. Dans le portrait Ma fiancée aux gants noirs (1909), Bella apparaît sous la forme d'une longue silhouette mince et gracieuse, les mains à la taille, détournant la tête, le port fier. Le fond sombre, la robe blanche ajustée, les gants noirs, les tons mauves du béret repris dans le pendentif rappellent les portraits espagnols. Ce portrait exprime à la fois le charme particulier, pensif et mystérieux mais aussi le caractère affirmé du modèle.

Chagall épouse Bella le 25 juillet 1915. Les deux années qui suivent son mariage, il peint la félicité des jeunes mariés dans une série de petits formats Dédiés à ma femme. Le tableau exposé montre les visages jumeaux des amoureux, la tête inclinée l'un vers l'autre dans un mouvement harmonieux que soulignent leurs visages qui se touchent, sur un fond bleu très lumineux. Ce thème sera repris ensuite par le peintre dans nombreuses toiles. "Bella s'est véritablement fondue dans mon univers qu'elle avait inspiré et gouverné… cela est perceptible à travers les diverses périodes de mon travail", écrit le peintre à Catton Rich directeur de l'Institut d'Art de Chicago.

L'Anniversaire (1916) a pour thème la visite de Bella à son fiancé le jour de son anniversaire. Chagall peint sa chambre-atelier. Un gros bouquet de fleurs illumine la pièce décorée de châles brodés. A l'arrière-plan la fenêtre ouvre sur l'église Illitch de Vitbesk. Le peintre se représente, le corps étiré de tout son long, flottant avec souplesse en apesanteur dans l'espace. La tête renversée il murmure à l'oreille de son amoureuse qu'il entraîne vers lui. Les couleurs intenses vermillon du sol, vert sombre de la blouse, gris bleu du mur, indigo et bleu de Prusse des figures, forment une harmonie mouvementée puissante. A nos yeux Chagall dans tous les portraits de Bella exprime un sentiment quasi-religieux, comme venu d'ailleurs ; un amour spirituel qui dépasse l'attirance charnelle.

La toile Paris à travers ma fenêtre (1913) montre un petit personnage rêveur, Janus à double face, devant une grande fenêtre en biais qui occupe toute la partie gauche de la toile. Elle s'ouvre sur une ville irréelle composée d'une ligne de maisons hautes avec en point de mire au centre de la toile une esquisse de la tour Eiffel illuminée. Dans le ciel, un train roule à l'envers, projetant sa fumée vers le bas. Un couple enlacé flotte à l'horizontale. S'agit-il d'une allégorie du peintre lui-même placé devant son présent et se remémorant son passé ?

Dans La calèche volante (1913), une télègue attelée à une chèvre s'envole entraînant vers le ciel son conducteur devant une rangée d'isbas vivement colorées. Les tonalités contrastées de rouge, jaune et bleu du tableau évoquent celles des peintures naïves populaires russes.

Chagall rend hommage à ses amis dans Hommage à Apollinaire (1913). L'oeuvre de grand format évoque l'origine du couple, thème central du peintre, issu du récit biblique de la création où la femme est extraite du flanc de l'homme. Un hermaphrodite doré occupe son centre. Son tronc se scinde à hauteur du torse pour former deux personnages distincts, Adam et Eve, raides comme les aiguilles d'une horloge. Le dessin préparatoire exposé montre que le centre du personnage inscrit dans un rectangle coïncide avec le point d'intersection des diagonales, rappelant le canon médiéval de la figure humaine dessiné par Villard de Honneur. Une spirale divisée en quatre parties part du centre et se termine dans un cercle extérieur. Dans la version à l'huile, la spirale s'efface au profit du cercle extérieur redoublé pour former anneau. D'autres formes géométriques dérivées des lignes diagonales horizontales et verticales articulent une grande roue. Dans la partie supérieure apparaissent quatre chiffres 9, 0, 1, 1, évocateurs du cadran de l'horloge. La figure se détache sur un fond argenté colorié vers le haut avec une prédominance des rouges à gauche, des verts à droite et des bleus autour du cercle. "Du rythme des formes et du rayonnement des couleurs... naît une rose de lumière : merveille radieuse, énigme délicate" commente Franz Meyer qui donne une interprétation symbolique de la toile qu'il considère comme l'une des oeuvres les plus belles et mystérieuses du peintre. "Avec la chute et la séparation des sexes, a commencé le Temps qui s'écoule d'Eternité en Eternité. L'Homme, à la fois un et deux, est l'aiguille géante de cette horloge universelle... le cercle correspond à la Totalité et peut devenir, à d'autres niveaux, l'image de l'unité de l'esprit et de l'âme, du conscient et de l'inconscient, de l'enracinement et de l'activité...le mystère des sexes -unité et dualité- devient la métaphore de toute réalité". Chagall dédicace l'oeuvre à Apollinaire, Cendrars, Canudo, Walden, dont les noms sont inscrits en carré dans la partie inférieure gauche du tableau, autour d'un coeur traversé d'une flèche et signe sa toile en caractères romains et hébreux.

En juillet 1914 le peintre revient en Russie pour assister au mariage de sa soeur. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale puis de la Révolution russe l'obligeront à y rester pendant huit ans. Dans les mois qui suivent son retour à Vitebsk, Chagall peint les gens qu'il croise régulièrement dans la boutique ou la cuisine de sa mère accueillante aux vagabonds et marginaux. "Parfois", raconte Chagall, "se tenait devant moi une figure si tragique et si vieille qu'elle avait plutôt l'air d'un ange. Mais je ne pouvais pas tenir plus d'une demi-heure... Elle puait trop". Chaque figure est constituée de formes rondes, de zigzags, de lignes nettes, d'éléments géométriques, et définie par une couleur flamboyante, irréaliste. Elle exprime l'accablement et la résignation du personnage mais aussi une certaine sagesse et un fort instinct de survie. Ainsi le Juif en vert, est-il le portrait d'un prêcheur mendiant de Slouzk, à la barbe d'or sombre, assis en méditation sur un banc où est gravé, en caractères hébraïques le passage où YAHWE annonce à Abraham qu'il appartient au peuple élu. Le Juif en rouge, à l'habit élimé et au visage ridé et malicieux fait face au spectateur sur un fond d'isbas superposées rouge et or. Le Juif en noir et blanc également connu sous le titre Le Juif en prière ou le Rabbin de Vitebsk est le tableau le plus religieux de la série. Le personnage peint en noir et blanc porte sur les épaules le talith du père de Chagall peint en larges traits noirs, des phylactères aux bras et le tephillin au front. Dans un texte nationaliste de 1916 titré Voies de la peinture juive, Boris Aronson et Issachar Ryback considèrent cette oeuvre "comme la clé de voûte d'un renouveau de l'art juif… qui mérite une place de choix dans un musée d'art judaïque".

Parmi les œuvres à sujet juif qui se rattachent au groupe des vieillards, Jour de fête encore appelé Le rabbin au citron vert, (1914) occupe une place particulière. Sur un fond clair, un homme se tient devant les marches d'accès à la porte d'une synagogue. Il porte les attributs symboliques de la fête des Tabernacles, tenant un cédrat dans la main droite, une palme dans la gauche. Mais la représentation de la réplique du personnage en miniature sur le châle de prière qui couvre sa tête apporte une note insolite.

Chagall échappe à l'envoi au front grâce à son beau-frère qui lui procure un travail dans l'un des bureaux d'Economie de guerre qu'il dirige à Petrograd. De cette période sombre, sont exposés des dessins : par exemple Le Soldat blessé à l'impressionnante face noire grimaçante, tracée à l'encre de Chine, ne laissant que quelques zones blanches pour le pansement, les orbites dont l'une est vide et les dents

Le Marchand de journaux est le portrait d'un homme barbu à l'air triste qui, sous un ciel écarlate, s'avance sur une route obscure pour vendre les terribles nouvelles du jour. Les formes géométriques de la pile de journaux se chevauchent et les caractères d'imprimerie sont irréguliers, à la manière cubiste.

Le Soldat boit : La toile peinte dans une tonalité sourde grise et verte, montre un homme de face, sans âge, vêtu d'une capote militaire, assis devant un énorme samovar, second sujet de la toile dont l'importance suggère la lassitude du premier qui ne pense qu'à se désaltérer alors qu'un petit personnage, son double, danse sur la table.

A la fin de 1917, Lounatcharsky, que Chagall avait connu à Paris, devient Commissaire du peuple à l'Education et à la Culture. Il donne son accord au projet d'une Ecole des Beaux-arts pour Vitebsk que lui soumet le peintre. Ce dernier est nommé Commissaire des Beaux-arts dans l'ex-gouvernement de Vitebsk en septembre 1918. "Ainsi commencèrent dix-huit mois d'activité intense, pleine de débats passionnés mais aussi de graves déceptions" dit Franz Meyer. Le peintre crée une Ecole d'art populaire, transformée en Académie en 1919, avec un cercle d'art, une bibliothèque, un atelier communautaire et un musée. Il organise une exposition des artistes locaux où il met à l'honneur son ancien maître Pen. Il les mobilise pour décorer la ville "de manière révolutionnaire" lors du premier anniversaire de la révolution. Mais des conflits ne tardent pas à éclater avec les tenants plus dogmatiques du courant suprématiste et ceux qui réclament "un art illustratif, une peinture à sujet". En 1920 Chagall abandonne définitivement sa ville natale et s'établit à Moscou qu'il quittera en 1922 pour Berlin, avant de revenir définitivement s'installer en France.

Durant ces années, l'achat de ses oeuvres par de riches marchands juifs et quelques commandes comme celle de décors pour le théâtre d'art juif de Moscou assurent son quotidien. Est exposé le croquis du décor pour le panneau La Musique. Le peintre aura mis à profit cette longue période russe de huit ans pour confirmer son style très personnel où les thèmes populaires de l'art russe et de sa culture juive sont illustrés au moyen des courants picturaux novateurs découverts pendant son séjour parisien.

A propos de cette époque, Marc Chagall a écrit : "Quel peintre exactement aurais-je voulu être ? Je ne dis pas aurais-je pu être ? Très jeune je ne me figurais pas l'Art comme une profession, ni comme un métier ; les tableaux ne me paraissaient pas destinés exclusivement à des buts décoratifs, domestiques. Je me disais : "l'Art est en quelque sorte une mission et il ne faut pas craindre ce mot si vieux". Et quelle que soit la révolution d'ordre technique, réaliste, elle n'a touché que la surface... Peut-être parlerai-je d'une certaine "vision du monde", d'une conception qui se trouverait hors du sujet et de l'œil ? ... de plus abstrait, de libéré... Peut-être était-ce quelque chose qui fait naître intuitivement une gamme de contrastes plastiques en même temps que psychiques, pénétrant le tableau et l'œil du spectateur de conceptions et d'éléments inhabituels et nouveaux".

Madeleine Bruch (10/10/2018)

Exposition organisée par le Kunstmuseum Basel en collaboration avec le Musée Guggenheim Bilbao.  (1er juin - 2 septembre 2018)

 

Guérisseur

Très connu dans les pays de langue anglaise, Brian Friel l'est moins en France. Heureusement, depuis une vingtaine d'années, Alain Delahaye a entrepris de traduire toute l'œuvre abondante du dramaturge irlandais décédé il y a trois ans et il en a déjà traduit un bon nombre. Faith Healer (Guérisseur) en fait partie.
La pièce est actuellement jouée au Lucernaire jusqu'au 14 avril. Trois personnages racontent tour à tour leur histoire commune, celle de la tournée en Grande Bretagne du guérisseur accompagné de son épouse et de son impresario. Tournée hasardeuse dans une vieille camionnette qui les conduit d'un village miteux à un autre encore pire, devant une assistance parfois rare et souvent primitive. Les épisodes cocasses ou dramatiques du voyage sont vus par les trois protagonistes sous des angles différents. Le spectateur, dont l'attention ne se relâche pas une seconde (on entendrait une mouche voler dans la salle) est en plein suspense, complètement accroché aux lèvres des acteurs, mais chacun des trois personnages a sa vérité. Les voyageurs reviennent enfin en Irlande, dans ce village de Ballybeg déjà évoqué dans d'autres pièces de Brian Friel. Je ne dévoilerai pas la fin très subtilement suggérée.
Le jeu des trois acteurs tout en nuances ne peut qu'être loué et contribue à faire de cette pièce un spectacle de qualité.

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Marie-José Sélaudoux (14/02/2018)

 

 

Le Kunsthaus Zürich présente « Robert Delaunay et la Ville Lumière »

Nous avons eu le plaisir de redécouvrir Robert Delaunay à la conférence de presse de la grande exposition consacrée à l’œuvre de Robert Delaunay (1885 –1941) par le Kunsthaus Zürich. Elle présente des thématiques majeures dont Paris, les débuts de l’aviation et la couleur à l’aube de la modernité. Avec 80 tableaux et travaux sur papier, il s’agit de la plus importante exposition jamais organisée en Suisse sur l’art de cet artiste majeur. Simonetta Fraquelli, commissaire invitée, spécialiste indépendante de l’art parisien du début du 20e siècle, nous a guidé à travers les différentes périodes de l’art du peintre.

Delaunay a été un précurseur. Il s’est intéressé à l’utilisation de la couleur dans la représentation du mouvement, de la technique et du sport, se demandant quelle position lui-même pouvait occuper dans l’évolution d’un monde moderne, nouveau et dynamique dont il voulait être une figure centrale. Le Kunsthaus présente toute la richesse de son travail : des premiers portraits «divisionnistes», marqués par le style fauviste, des années 1906/07 jusqu’aux croquis du Palais des Chemins de fer et du Palais de l’Air pour l’Exposition universelle de 1937 et à sa dernière grande série de tableaux intitulée «Rythmes sans fin», qu’il créa au cours des dernières années de sa vie. Cette rétrospective est complétée par des clichés et des films d’importants photographes et cinéastes de l’époque, eux aussi inspirés par la ville de Paris (Germaine Krull, Man Ray, André Kertész, Ilse Bing, René Le Somptier).

La tour Eiffel, symbole du progrès technique

Un langage pictural fondé sur les contrastes de couleurs et l’utilisation de cercles comme éléments formels et symboles cosmiques sont devenus les marques de fabrique de la peinture de Delaunay. On trouvera dans l’exposition des exemples de ses célèbres séries, comme les voûtes élancées et les vitraux colorés de l’église Saint-Séverin, dans le Quartier latin, ou encore ses représentations de la tour Eiffel – dans 24 des tableaux, vue de côté, de dessus, en perspective, nichée entre les maisons, perdue dans un coin – monument emblématique de Paris et symbole par excellence de la modernité. Les toitures parisiennes, une gigantesque grande roue et des avions dominent ces toiles souvent baignées de soleil.

Avec la série « Les fenêtres », Delaunay engage sa peinture dans une voie nouvelle. Répondant aux jeux réciproques de la lumière, de l’espace et du mouvement, elle s’appuie entièrement sur le contraste des couleurs. Dans ces œuvres, l’univers structuré de la ville semble se dissoudre en une surface plane composée de multiples teintes rompues. Guillaume Apollinaire, poète, critique et grand défenseur de l’art de Delaunay, intégra ces effets visuels fondés sur les relations, les tensions et les harmonies intrinsèques de la couleur pure, à son propre concept d’«orphisme», par lequel il tissait des analogies entre la couleur, la lumière, la musique et la poésie. Delaunay, lui, préférait qualifier ses tableaux de «peinture pure», concept qui trouve sa plus parfaite expression avec le fameux «Disque (Le premier disque)» (1913), dans lequel il élimine toutes les références directes au monde visible et leur substitue une représentation concrète d’effets lumineux prismatiques.

Mouvement et dynamisme sur terre, sur l’eau et dans les airs

 La forme du cercle devient récurrente dans les tableaux de Delaunay dès 1906, et vers 1912/13, elle s’impose comme motif principal de nombreux tableaux sous le titre «Soleil et lune», par exemple dans la spectaculaire toile qui fait partie de la collection du Kunsthaus. Une série de travaux réalisés en 1914 et dédiés à Louis Blériot, pionnier de l’aviation, fait aussi abondamment usage de la forme circulaire. Mû par la volonté de représenter le dynamisme, l’artiste réalise une série de travaux plutôt figuratifs sur la vie moderne, dont les célèbres toiles «Les coureurs» (1924/25). Delaunay s’était déjà livré à des expériences picturales autour de motifs sportifs dans ses tableaux sur «L’équipe de Cardiff», et il connaissait bien sûr la célèbre toile du Douanier Rousseau représentant des joueurs de football. On peut toutefois supposer que son intérêt pour le mouvement et la compétition a encore été stimulé par le spectacle des jeux Olympiques organisés à Paris en 1924.

Portraits de la société

Dans les années 1920, Delaunay crée de nombreux portraits des gens qu’il côtoie dans la capitale, comme les poètes Philippe Soupault et Tristan Tzara, ou d’autres personnalités élégantes de la société parisienne qu’il peint vêtues de tissus imaginés par Sonia Delaunay. À travers la série «Rythmes sans fin», il se rapproche de l’univers de l’abstraction géométrique qui avait pris un bel élan à Paris au début des années 1930. Plus tard, ses travaux serviront de modèle à l’Op Art et ouvriront des voies nouvelles à des artistes développant un style concret, constructiviste.

Des prêts du monde entier

Cette exposition a bénéficié du soutien de nombreux musées importants et de collectionneurs particuliers. Ceux-ci ont mis à sa disposition des chefs-d’œuvre qui, pour des raisons de conservation, ne sont plus que rarement prêtés. C’est notamment le cas du Centre Pompidou (Paris), de l’Abbemuseum (Eindhoven), du Solomon R. Guggenheim Museum et du Museum of Modern Art (New York), du Museum of Fine Arts (Houston), de l’Art Institute (Chicago) et du Moderna Museet (Stockholm).

Jusqu'au 18 novembre 2018 - Site

Séverine et Raymond Benoit Langendorf, Suisse (09/9/2018)

 

L'envol - La Maison rouge

"L'envol", dernière exposition de la Maison Rouge à Paris, offre un parcours de rêves pour tout public du 16 juin au 28 octobre 2018. Dans une sorte de grand cabinet de curiosités, on y découvre des œuvres variées, françaises, belges, suisses...
Le collectionneur Antoine de Galbert et sa petite équipe auront organisé, depuis 2004, dans cette Fondation, 131 expositions originales, axées notamment sur des collections privées d'art contemporain ou des jeunes artistes. 52.000 visiteurs se sont pressés à la récente double exposition sur des poupées noires américaines en tissu et sur une artiste rom autrichienne rescapée de camps nazis.
La dynamique directrice artistique Paula Aisemberg se cherche une nouvelle activité, la larme à l'œil, tandis que les vastes locaux sont vendus, quai de la Bastille. Grand amateur d'art brut et de coiffes ethniques, volontiers provocateur et anti-institutionnel, Antoine savait que ce lieu serait éphémère dès le départ. "On arrête quand tout va bien", répète-t-il à ses amis navrés, au côté de sa compagne, la galeriste Aline Vidal. Mais la porte de sa Fondation reste entrouverte pour quelques projets culturels et artistiques.
Jusqu'au 18 octobre 2018
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Marie-France Maniglier (18/6/2018)

 

Exposition  Bacon – Giacometti

L’ exposition  Bacon – Giacometti à la Fondation Beyeler       révéle les correspondances entre deux grands artistes.


Le peintre britannique et le sculpteur suisse se sont rencontrés au début des années 1960 par l’intermédiaire d’une amie commune, l’artiste Isabel Rawsthorne. En 1965, leur relation était déjà telle que Bacon avait rendu visite à Giacometti à la Tate Gallery à Londres lorsque ce dernier y installait son exposition. Une série de clichés du photographe anglais Graham Keen documente cette rencontre, montrant les deux artistes en intense conversation.  

Plus d’un demi-siècle plus tard, les deux artistes sont réunis à la Fondation Beyeler de Riehen/Bâle et le double portrait photographique de Keen ouvre l’exposition.  

C’est la toute première fois qu’un musée consacre une exposition conjointe à ces deux artistes, éclairant leurs rapports et leurs relations. Aussi différentes que leurs œuvres puissent sembler à première vue, ce face-à-face inattendu fait apparaître des correspondances surprenantes.

L’exposition comprend des ouvrages célèbres des deux artistes, complétées par des œuvres rarement exposées. A noter plus particulièrement une série de plâtres originaux en provenance de la succession de Giacometti jamais encore dévoilés au grand public, ainsi que quatre grands triptyques de Bacon.     

Bacon et Giacometti avaient en commun une foi inébranlable en l’importance de la figure humaine. Tous deux ont intensément étudié, copié et paraphrasé les grands maîtres du passé. Tous deux s’intéressaient au défi de la représentation de l’espace en deux et en trois dimensions. Ils intégraient à leurs œuvres des structures en forme de cage afin d’isoler les figures dans leur environnement. Ils traitaient tous deux du corps fragmenté et déformé et partageaient une obsession pour le portrait et la représentation de l’individualité humaine qui s’y rattache. Tous deux se proclamaient « réalistes ». Et s’ils se référaient toujours à la figure humaine, ils en ont chacun à sa manière poussé l’abstraction à l’extrême, remettant ainsi en cause l’opposition entre figuration et abstraction, si centrale pour l’art moderne.  

Des intellectuels contemporains tels l’auteur et ethnologue français Michel Leiris, le critique d’art et commissaire d’exposition anglais David Sylvester et le poète et écrivain français Jacques Dupin entretenaient des relations personnelles avec Giacometti et Bacon. Ernst Beyeler a lui aussi souvent rencontré les deux artistes et évoquait leur courtoisie chaleureuse et leur charme. Il s’est particulièrement investi pour la diffusion de leurs œuvres.     

Beyeler a en effet joué un rôle déterminant dans l’établissement de la Fondation Alberto Giacometti à Zurich ; il a aussi consacré deux expositions de sa galerie à Giacometti, diffusant ainsi environ 350 de ses œuvres et également deux expositions à Francis Bacon ; ainsi environ 50 tableaux et triptyques de l’artiste britannique sont passés dans les mains de Beyeler. Les deux artistes ont en outre figuré dans de nombreuses expositions collectives de la galerie : huit pour Bacon et 38 pour Giacometti.  

Il n’est donc pas surprenant que des œuvres de Bacon et de Giacometti fassent partie des pièces maîtresses de la collection Beyeler. Il s’agit en particuliers de œuvres conçues par Giacometti pour la Chase Manhattan Plaza, dont le célèbre Homme qui marche II (1960) ainsi que l’émouvant triptyque dédié par Bacon à son amant disparu In Memory of George Dyer (1971). Quant à Lying Figure (1969), qui fait également partie de la collection, Bacon écrivait dans une lettre à Beyeler qu’il tenait cette toile pour l’une de ses meilleures œuvres.  

L’exposition est accompagnée d’un important catalogue publié aux éditions Hatje Cantz, auquel ont contribué Ulf Küster, commissaire d’exposition à la Fondation Beyeler, Catherine Grenier, directrice de la Fondation Giacometti à Paris, Michael Peppiatt, spécialiste de Bacon et ami proche de l’artiste, ainsi que Hugo Daniel et Sylvie Felber.

Séverine et Raymond Benoit - 17/5/2018
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Jusqu'au 02 septembre 2018

A la recherche du style (1850-1900)

Le Musée national suisse à Zurich présente plus de trois cents textiles, meubles, dessins ou tableaux dans l’exposition "A la recherche du style. 1850 à 1900". Elle permet de se plonger dans ces cinquante années marquantes pour l’évolution du style et d’embrasser l’architecture, les arts, l’artisanat et l’industrialisation.
Le milieu du XIXe siècle marque un changement de paradigme. La "Great Exhibition" de Londres, la première exposition universelle, en 1851, a marqué l’émergence d’une nouvelle ère. Parallèlement à la diffusion croissante de nouveaux produits, leur apparence doit répondre à des exigences accrues : les objets de la vie quotidienne sont non seulement conçus à des fins pratiques, mais également esthétiques.
Dans le bâtiment, on emploie de nouveaux matériaux comme l’acier, le béton ou le verre, et l’art prend ses distances avec les académies. Le visage de métropoles comme Paris, Londres ou Vienne prend son aspect actuel. Sur le plan architectural, c’est à cette époque que sont jetées les bases de l’avenir. Une série de photos de l’époque nous le démontre. Les agrandissements en décor nous plongent directement dans les rues de l’époque, dont certaines n’ont pratiquement pas changé après plus de cent ans.
Les idées de Gottfried Semper et d’Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc exercent alors une influence déterminante. Les deux hommes s’inspirent d’époques révolues –l’Antiquité et la Renaissance pour Semper, le Moyen Âge gothique pour Viollet-le-Duc-. L’opéra de Dresde, l’école polytechnique de Zurich témoignent de l’art de Semper ; et la cathédrale de Lausanne –pour rester en Suisse– a été remaniée par Viollet-le-Duc.
L’essor technique est fulgurant dans la seconde moitié du XIXe siècle. Une nouvelle filière professionnelle, celle des designers ou stylistes, naît des besoins de la nécessité pour un nouveau produit d’être élégant tout en restant fonctionnel. Ces nouveaux produits sont en particulier l’ampoule à incandescence, le fer à repasser ou le téléphone. Ils apportent le confort aux ménages et les conduites d’eau et égouts améliorent l’hygiène.
Des écoles d’arts appliqués sont alors fondées et des collections d’échantillons se constituent. L’égale valeur de l’art et de l’artisanat est prônée par l’historien d’art britannique John Ruskin dans son ouvrage "The Two Paths", paru en 1859. L’importance de l’apparence extérieure de biens d’usage courant s’accroît dans une population qui peut les accueillir plus largement.
Au XIXe siècle, de nombreux peintres quittent les académies pour se tourner vers de nouveaux idéaux artistiques. Arnold Böcklin, Albert Anker, Ferdinand Hodler et d’autres Suisses partent à l’étranger, à Paris en particulier, pour y trouver leur inspiration, se former et parfaire leur apprentissage, rentrant ensuite au pays avec des approches nouvelles. De nombreux artistes dialoguent avec le passé pour se renouveler. Depuis lors, nous parlons d’Impressionnisme, de Réalisme ou de Symbolisme.
Des prêts exceptionnels du Victoria and Albert Museum de Londres, de l’Österreichisches Museum für angewandte Kunst / Gegenwartskunst (MAK) de Vienne ou du célèbre musée des Tissus de Lyon ont permis, en plus des collections propres du musée, d’organiser cette exposition qui couvre l’ensemble de l’Europe et un peu du Nouveau monde.
Séverine et Raymond Benoit
Musée national suisse, Zürich
23 mars au 15 juillet 2018
 

 

Magie du pastel

Il y a vingt ans, grâce à la générosité de Madame Lucie Schmidheiny, la Fondation de l’Hermitage à Lausanne recevait en donation un somptueux pastel d’Edgar Degas, Danseuses au repos (83 x 72 cm), réalisé vers 1898. Pour cet anniversaire, la fondation a organisé une exposition : Pastels, du 16e au 21e siècle. L’exposition rassemble 150 chefs-d’œuvre de ce medium fascinant.

La vulnérabilité des épreuves entraîne le fait qu’elles doivent impérativement être transportées le moins loin possible et toujours à plat. Dès lors, elles proviennent essentiellement de collections publiques et privées suisses. Ces origines augmentent d’autant plus l’intérêt de l’exposition, car la plupart des pastels des collections privées n’ont pratiquement jamais été prêtées et celles des institutions publiques pas toujours exposées. La visite débute avec les premiers dessins rehaussés au pastel de Barocci et de Bassano et fait ensuite la part belle à l'âge d'or du portrait au 18e siècle, en particulier ceux du Genevois Jean-Etienne Liotard (1702-1789). Il adopté un style fin et précis, marqué par une imitation fidèle de la nature, que ce soit dans ses remarquables natures mortes ou ses portraits harmonieux ; est exposé, en particulier, le grand portrait (114,5 x 89,5 cm), exceptionnel pour l’époque, de Madame Paul Girardot de Vermenoux, née Anne Germaine Larrivée, remerciant Apollon de sa guérison (1764). Il faut aussi remarquer les intéressants portraits de Quentin de la Tour, dont le fameux autoportrait dit « à l’œil de bœuf ».

Après la disparition presque complète de l’art du pastel au début du XIXe siècle, celui-ci revient à la mode avec les pré-impressionnistes et les impressionnistes avec, au départ, Jean-François Millet, qui attire sur lui l’attention de jeunes artistes. Eugène Boudin puis Alfred Sisley y ont recours, tandis qu’Edouard Manet et Edgar Degas se l’approprient avec une inventivité et une liberté absolues. Mary Cassatt et Berthe Morisot associent sa douceur au monde de l’enfance. Les irradiations colorées d’Odilon Redon, qui a abandonné le noir, et les évocations brumeuses des symbolistes (Lucien Lévy-Dhurmer, Fernand Khnopff, Jean Delville), confèrent au pastel une part de rêve et de mystère. Les craies de couleur accompagnent aussi les paysagistes comme Edouard Vuillard, Giovanni Giacometti, Ernest Biéler ou Albert Welti.

L’exposition est complétée par les pastels aux coloris beaucoup plus vifs, grâce à la puissance des pigments, d’artistes comme Augusto Giacometti, František Kupka, Paul Klee, Aurélie Nemours et Sean Scully. Le pastel séduit aussi les artistes minimalistes (Fred Sandback, Paul Mogensen, Robert Mangold) comme les tenants de la figuration (Sam Szafran, Tom Phillips). La flexibilité de ce médium très polysémique l’adapte désormais à tous les usages (Roni Horn, Nicolas Party).

Du fait de la rareté relative des expositions de pastels, cet évènement lausannois complète de façon particulièrement intéressante l’exposition parisienne du Petit-Palais. Il a été rendu possible grâce à la générosité des collectionneurs privés et la participation exceptionnelle des Musées d’art et d’histoire de Genève, du Kunstmuseum Winterthur et du Kunsthaus Zürich. Séverine et Raymond Benoit Fondation de l’Hermitage, Lausanne Pastels, du 16e au 21e siècle Liotard, Degas, Klee, Scully…

Fondation de l’Hermitage, Lausanne
Pastels, du 16e au 21e siècle Liotard, Degas, Klee, Scully…

Séverine et Raymond Benoit  (04/3/2018)

 

Les Italiens à Paris - Du classicisme au futurisme

Si vous habitez aux alentours de la rue de Penthièvre ou l'empruntez par hasard, ne manquez pas, au n°34, de pousser la porte de la petite galerie Maurizio Nobile pour y admirer l'exposition Les Italiens à Paris.

Giovanni Boldini (1842-1931) y est à l'honneur. Tout le monde connaît son portrait de Verdi ou de Robert de Montesquiou, celui qui, ici, monopolise avec raison toute l'attention et qui figure sur l'affiche est l'image d'une riche Argentine, Josefina Virginia de Alvear, qu'il a d'ailleurs portraiturée trois fois. Il ne faut pas manquer de regarder le dos du tableau, un autre superbe portrait de femme du même Boldini y est accroché.

Il faut signaler aussi La dame au miroir du même peintre et d'autres artistes intéressants ayant séjourné à Paris entre la fin du 19e siècle et le début du 20e tels que Corcos, Mancini (Gamin au parapluie, Le saltimbanque au violon) Zandomeneghi (Jeune femme dans un jardin, de facture très impressionniste), Rossano (Promenade dans le parc), jusqu'au futuriste Severini (1833-1966) dont on peut voir La fenêtre.

Il y a juste une quinzaine de tableaux, la galerie est petite, mais les deux grands portraits de Boldini valent à eux seuls le détour.
Site
Les Italiens à Paris
Galerie Maurizio Nobile
34, rue de Penthièvre-75008 Paris
22 mars - 21 avril 2018 Du mardi au samedi, de 11h à 19h

Marie-José Sélaudoux  (03/3/2018)


 

Un nouveau musée à Paris : Le Grand Musée du Parfum

Fraichement ouvert, depuis le 22 décembre 2016, cet hôtel particulier niché dans le 8eme arrondissement de Paris saura vous présenter le parfum sous un nouvel angle.
Ce très bel espace se compose de plusieurs niveaux. Le sous-sol retrace l’origine du parfum, les odeurs de l’Histoire, de son utilisation lors de l’Antiquité gréco-romaine ou au Moyen Age, jusqu’à son explosion en France, grâce à l’aide notamment des couturiers les plus connus (Guerlain, Chanel, Patou).
L’étage supérieur se veut pédagogique et interactif, pour petits et grands. L’odeur des foins coupés vous rappelle votre enfance, une odeur particulière vous emmène à un moment précis de votre vie, pourquoi ? Saurez-vous devinez les odeurs qui s’offrent à vous dans le jardin des senteurs ?
L’étage suivant met en avant le rôle des parfumeurs, les « compositeurs d’odeurs »,  avec à la clé des vidéos, mais aussi un surprenant orgue qui joue une musique tout à fait particulière…Je ne vous en dit pas plus…
De futures expositions se tiendront au dernier étage, patience donc !

Un musée ludique et moderne où le public peut toucher, sentir, deviner…Prochainement, des professionnels viendront conseiller ceux qui le veulent afin de créer pour eux la parfaite composition.

Un salon de thé devrait s’ouvrir aux beaux jours.

Le Grand Musée du Parfum
73 rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris

Site 

Chrystelle Tassios (03/01/2017)

Hôtel particulier Nissim de Camondo

Un hôtel particulier, niché à l’orée du Parc Monceau : à découvrir absolument ou à revoir… Certes, nous vivons dans une des plus belles villes du monde mais la connaissons nous vraiment ? Que savons-nous des trésors cachés derrière les portes imposantes des hôtels particuliers parisiens ?
Laissez-moi vous ouvrir la porte de l’hôtel particulier Nissim de Camondo, merveille architecturale, inspiré du Petit Trianon avec deux ailes s’ouvrant en V et qui donnent directement sur le parc Monceau. Maintenant, laissez-vous guider…
Le testament de Moise de Camondo fait état de sa volonté de léguer tous ses biens à l’Etat français ainsi qu’au musée des Arts Décoratifs. Une condition toutefois, que tous les objets restent en l’état tel qu’au moment de sa mort et qu’ils ne soient pas dispersés. L’hôtel est nommé Nissim de Camondo, après le fils de Moise à qui il était destiné ainsi qu’à sa descendance.
Cependant, l’Histoire en a décidé autrement. Grande famille de banquiers juifs venant de l’Empire Ottoman (Turquie), surnommés « les Rothschild de l’Est », la famille de Camondo  a décidé d’installer le siège européen de sa banque à Paris en 1866.
Le ‘63 rue de Monceau’, dans l’ancienne Plaine Monceau, a été choisi, devenant le haut lieu des fêtes et diners du tout Paris aristocrate et du monde des banquiers. De grandes rénovations ont été entreprises afin de donner l’aspect que nous connaissons aujourd’hui.  Depuis le vestibule, le visiteur aperçoit l’escalier monumental amenant vers le 1er étage et les pièces de réception. Les espaces sont généreux, avec tout le confort possible à cette époque (cuisinières modernes au rez-de-chaussée avec les salles destinées au personnel, le chauffage dans toutes les pièces, l’éclairage, des salles de bain et un ascenseur intérieur). Le 1er étage est constitué de salons, d’une salle à manger/de réception et du grand bureau.
Le 2eme étage nous montre la chambre de Moise, les salles de bain, le bureau de Nissim ainsi que la magnifique bibliothèque, impressionnante et mettant superbement en valeur les boiseries du 19eme siècle. A la mort de son fils, héros de la 1ere Guerre Mondiale, Moise ferma sa banque et concentra tous ses efforts à perfectionner chaque objet, afin de le fixer pour l’éternité.
La finesse du mobilier, l’harmonie et la symétrie, l’ornement de chaque pièce est juste un ravissement pour les yeux et il convient de dire que la volonté de Moise a été respectée…Rien n’a changé, le temps est comme suspendu, figé et ce, en plein cœur de Paris. La fille de Moise, Beatrice, ainsi que ses deux enfants ont été déportés à Drancy puis exterminés à Auschwitz. La famille s’est éteinte. Un hommage à la grande épopée de cette famille, qui a tant fait pour l’Empire Ottoman puis qui a poursuivi à Paris, pour finir dans l’horreur de la Seconde Guerre Mondiale.     
Musée Nissim de Camondo
63, rue de Monceau, 75008 Paris
Ouvert du mercredi au dimanche (10h-17h30) Tarif : 9€
Chrystelle Tassios - 15/1/15

Vaux-le-Vicomte
Le château de Nicolas Fouquet, surintendant des finances de Louis XIV, près de Melun,  vaut le déplacement : pas à cause de l’intérieur du château : rien de bien extraordinaire à part quelques belles pièces de mobilier ancien, le tout étant mal présenté et fort décati ; non, ce qui vaut le déplacement c’est de parcourir le parc aménagé par Le Nôtre : l’archétype du parc à la française, malheureusement un peu défiguré parla maladie qui s’est emparée récemment des buis (cf). Préparé par une animation - cette-fois, exemplaire, on pourra admirer l’ampleur des travaux et le génie des proportions et de la perspective de celui qui restera plus un architecte extérieur qu’un jardinier (à part quelques pâquerettes aucune fleur dans le parc…)

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Thierry Vagne - 11/6/2014


Art Paris 2018

Art Paris (du 5 au 8 avril) fête son 20ème anniversaire au Grand Palais avec 142 galeries de 23 pays ; le pays invité est la Suisse.
Cette « jeune » foire est une foire de découverte et de redécouverte, qui, comme le dit son directeur Guillaume Piens, " défriche de nouveaux territoires complémentaires de la FIAC. Nous défendons un régionalisme cosmopolite, nous explorons aussi bien l’Afrique, l’Europe orientale, le Moyen-Orient… que les régions françaises et européennes." Avec une section dédiée à douze jeunes galeries.
C’est l’historienne de l’art Karine Tissot qui a été chargée de dévoiler le dynamisme de la scène artistique suisse. Six artistes suisses historiques (Arthur Aeschbacher, Grégoire Müller, Véra Röhm, Wanda Davanzo, Rolf Iseli, Hans Jörg Glattfelder) qui ont participé aux combats esthétiques de l’après-guerre sont représentés dans différentes galeries. S’ajoutent les œuvres vidéo d’artistes femmes, montrées sur la façade du Grand Palais de 20h30 à minuit et les grands noms d’artistes contemporains, comme Sylvie Fleury, Pipilotti Rist, Le Corbusier. Le parcours se termine avec la sélection d’une quarantaine de pièces de la collection de l’assureur Helvetia.
Le journal Les Echos du 4 avril signale le livre du jour, un Poche, qui pourra intéresser nos adhérents. « Grands et Petits secrets du monde de l’art », édition actualisée, par Danièle Granet et Catherine Lamour. Collection Pluriel

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Hélène Queuille  (04/3/2018)

Les gens du Monde - un film pour mieux comprendre un media influent

La possibilité de se plonger dans le travail quotidien des journalistes du Monde et dans l'ambiance de cette rédaction est offerte dans un documentaire, "les gens du Monde", proposé dans quelques salles à partir du 10 septembre 2014. Au bout d'une heure et vingt minutes de projection, le public se montrait intéressé et reconnaissant lors d'un débat avec le réalisateur, Yves Jeuland, organisé au cinéma L'Escurial, le 7 septembre. La jeune productrice du film a souligné ses difficultés de financement et une absence d'aide publique, au cours d'une des rencontres dominicales de ce cinéma d'art et d'essai parisien, qui appartient à la productrice Sophie Dulac, qui soutient beaucoup les courts-métrages.
Le cinéaste a réussi à se faire "petite souris" - à l'image des dessins de Plantu, pendant 5 mois, en 2012. L'image et le son, bien maitrisés, illustrent des échanges nombreux entre collègues, des interrogations déontologiques entre reporters de base et directeur de rédaction, des hésitations de rédacteurs sur des sujets délicats, des scoops, des retards... On assiste à plusieurs conférences de rédaction, animées, franches et pleines d'humour.
On découvre comment a été choisie la photo du candidat socialiste élu à l'Elysée, en compagnie d'une femme alors radieuse (journaliste de magazine devenue deux ans plus tard l'auteure d'un best-seller vengeur en pleine rentrée littéraire). On entend des commentaires, parfois sceptiques et perspicaces, sur cet homme politique. On écoute des débats, très animés, entre les journalistes et leur hiérarchie sur la nécessité ou non de faire un édito pour conseiller les lecteurs-électeurs avant le vote. Des reporters "news" expriment doutes et lassitudes en pleine campagne électorale. Une journaliste politique senior écrit un article délicat sur DSK et en discute dans la rédaction.
Le rythme du film est assez rapide (mas pas trop), à l'image d'un métier difficile, très matinal et souvent réalisé dans l'urgence (pas toujours grâce aux pages "froides" et aux nécrologies anticipées). Le développement des tweets change le journal et divise un peu seniors et jeunes adeptes des réseaux sociaux. La rédaction ne semble pas univoque. Elle paraît assez transparente devant l'habile cameraman. Le métier se révèle artisanal, harassant, éloigné de certaines théories de complots concernant des couvertures de grands évènements médiatiques. Cependant, l'ensemble de ce grand quotidien et de son organisation, notamment financière, n'est pas vraiment présenté, ni ses perspectives économiques difficiles, dans une presse écrite sinistrée. Le DVD prévu pourrait en révéler davantage.

Marie-France Blumereau-Maniglier 08/09/2014

 

Karl Lagerfeld : A visual Journey

Nous connaissons toutes et tous le « Kaiser » de la mode et son travail pour la maison Chanel lors de chaque collection haute-Couture. Mais est-ce bien tout ?
Créateur, photographe, éditeur, designer, réalisateur, Karl Lagerfeld est un touche à tout, un « caméléon des arts ». Son style est affuté, moderne et structuré. Karl interpelle, intrigue mais ne laisse jamais indifférent avec un style bien marqué.
En 1983, il commence sa collaboration avec Chanel où il bouscule les codes, rajeunit la clientèle, ce qui permet à la marque de réaffirmer sa place dans le monde de la mode et du luxe.
Dès 1987, il passe derrière l’objectif et réalise toutes les campagnes publicitaires. Comme il le dit : « Ce qui m’amuse, c’est ce que je n’ai jamais fait ».
Il étend son champ d’action en créant des costumes d’opéra, opère le lifting de la bouteille de Coca-Cola light, etc… Il est un des premiers à s’associer à une marque dite de « mass market », H&M, afin d’y créer une collection abordable pour tous.
Cette exposition nous montre l’étendu du talent de photographe de cette figure emblématique. Il s’agit de portraits de stars : Carla Bruni, Carole Bouquet, Lou Doillon, en noir & blanc, simple mais fort… Mais pas seulement, cela serait trop facile !
L’architecture tient aussi sa place. Au fil de l’exposition, nous retrouvons la série « Factory Constructivism », 2004, avec des lignes épurées ; « New York facades », 2010, de grands tirages de façades new-yorkaises, des vues de la tour Eiffel ; « Aktstrakt », 2000, qui est une série abstraite de 12 photos avec des jeux de lumière et de contrastes représentant le corps nu d’un homme... Karl Lagerfeld change de supports, teste des impressions à la gélatine argentique ou la sérigraphie sur papier arches.
Deux séries monumentales se trouvent au milieu de l’exposition : « Daphnis et Chloé » et « Le Voyage d’Ulysse ». De grands panneaux en noir et blanc mettant en scène des paysages pastoraux et des personnages habillés à l’antique, avec de grands drapés blancs. Le rendu est à la fois splendide, intriguant et subtile.
L’exposition se termine par des photos ayant fait la couverture des plus grands magazines de mode, tel Harper’s Bazaar, Vogue, Numéro, où le style de Karl est reconnaissable dans sa façon de saisir le tombé du vêtement.
Une bonne occasion de faire ou refaire connaissance avec ce personnage haut en couleur et à la palette de talents multiples, quoiqu’une exposition un peu courte.
Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine 75008 Paris
Chrystelle Tassios - 22/10/2015

Irma la douce
Marguerite Monnot a composé la musique de plusieurs grands succès d’Edith Piaf et c’est avec plaisir que nous retrouvons les airs dont elle avait accompagné les textes d’Alexandre Breffort.
Entraîné par un orchestre dynamique, le charmant couple que forment Marie-Julie Baup et Lorànt Deutsch  (mariés à la ville) joue et chante dans un joli décor qui va de leur chambrette sous les toits de Paris jusqu’au bagne dont Nestor s’évadera. N’oublions pas la présence toujours marquante de Nicole Croisille, la narratrice, ainsi que la dizaine de comédiens énergiques qui entourent les héros.
Enfin si des touristes anglo-saxons sont tentés par cette comédie musicale si parisienne, des surtitres en anglais les aideront à suivre l’intrigue.
Voici un agréable spectacle pour une rentrée optimiste. .

Théâtre de la Porte Saint-Martin
Du mardi au vendredi à 20h. Samedi à 17h et 20h45.
Marie-José Sélaudoux
(23/9/15)

 

Hector Berlioz - La damnation de Faust
… pas que de Faust. Si Philippe Jordan et l’orchestre de l’Opéra sont dignes d’éloges, ainsi que les chanteurs Jonas Kaufmann, Sophie Koch et Bryn Terfel, on ne peut que regretter qu’il n’y ait pas eu hier soir une grève des machinistes qui aurait obligé les interprètes à une version uniquement chantée et nous aurait épargné une telle pollution visuelle. Le grand savant tétraplégique Stephen Hawking qui explore les mystères de l’Univers et pense qu’une solution à la surdensité sur terre serait de partir sur Mars, aurait la même démarche que Faust quand il signe son pacte avec Méphistophélès. Pour illustrer cette théorie fumeuse, le metteur en scène letton Alvis Hermanis nous inflige sur écran géant de constantes vidéos du cosmos, d’insectes qui se battent, de rats… sur scène le corps de ballet presque nu gesticule évoquant peut-être un grouillement de vers et le malheureux savant circule dans son fauteuil roulant pendant tout l’opéra.
Les spectateurs n’en peuvent plus, certains partent à l’entracte. Tout de même, il serait dommage de ne pas entendre la romance de Marguerite (« D’amour l’ardente flamme… »), donc nous restons. A la fin, le public applaudira l’orchestre et son chef, les chanteurs, les chœurs et le chef des chœurs, ainsi que le danseur Dominique Mercy (recroquevillé dans le fauteuil roulant pendant toute la représentation et se déployant à la fin car il retrouve la santé). Alvis Hermanis n’était pas sur scène, heureusement pour lui..

Opéra de Paris
Jusqu'au 25 décembre 2015.
Marie-José Sélaudoux
(13/12/15)


Pascal Amoyel - Le jour où j'ai rencontré Franz Liszt
Après son superbe spectacle consacré à son maître, György Cziffra, Pascal Amoyel se produit de nouveau au Théâtre du Ranelagh pour "Le jour où j'ai rencontré Franz Liszt". Une autre réussite que ce "one-pianist-show" (j'ai eu le bonheur de le voir dl'an dernier, mais Pascal Amoyel l'a profondément remanié depuis m'a-t-il dit).

 "Sur des musiques de Bach, Mozart, Beethoven, Chopin, Schumann, Liszt..., c’est avec son regard émerveillé d'enfant que Pascal Amoyel nous convie à rencontrer "son" Franz Liszt alors âgé de 7 ans, vivant dans une petite ville de Hongrie... Le public voyage à leurs côtés dans un spectacle à la forme unique mêlant musique, théâtre, et...magie".

Théâtre du Ranelagh
Jusqu'au 28 février 2016
Thierry Vagne
(13/12/15)

 

Baccarat, la légende du cristal - Petit Palais

A quel point pensez-vous bien connaitre Baccarat ?
Je me suis rendue au Petit Palais pensant voir une exposition simple, avec un enchainement d’accessoires dédiés à l’art de la table « à la française »…J’étais pourtant bien loin du compte.
Par cette exposition, la maison Baccarat célèbre ses 250 ans de prestige et d’excellence, en France et dans le monde, maintes fois primée et médaillée lors des différentes expositions universelles. En 1832, la maison originaire de Lorraine s’installe pour la première fois à Paris pour prendre une autre dimension et devenir le lieu privilégié des rois, des tsars, présidents et autres célébrités.
Cette exposition de taille humaine, et presque intimiste, emmène le visiteur de manière chronologique à travers l’évolution des services de table, vases, lustres et autres candélabres. Un critique lors de l’exposition universelle de 1867 a écrit : « C’est la Cristallerie de Baccarat qui, par ses lustres gigantesques, change la pierre en diamant ».
Les jeux de lumière et de miroir sont très finement orchestrés tout au long du parcours et mettent en avant l’immense souci du détail et la perfection de chaque pièce, tel l’imposant candélabre « du Shah de Perse » trônant magistralement du haut de ses 3,55m. Plus loin, une autre œuvre se présente à nos yeux ébahis : un temple en cristal haut de 4,70 m avec une reproduction du Mercure volant de Jean de Bologne (1878). Ce temple est composé de 1960 pièces de cristal assemblées sur une structure métallique. Puis, le passage au 20eme siècle est abordé avec le règne du fer et du verre (Bateau en cristal, Médaille d’argent à l’Exposition universelle de 1900). Baccarat ou « Le cristal des rois », ceci prend tout son sens grâce à la reconstitution d’une table d’apparat, dressée avec les couverts commandés et crées à l’époque pour certaines têtes couronnées et présidents.
1925: Baccarat s’adapte et adhère à l’esthétique géométrique de l’Art déco. Georges Chevalier, artiste-décorateur, collabore avec la maison et apporte un souffle de modernité. Il enrichit par la même occasion les collections (flacons de parfum, bijoux, luminaires et sculptures animales). Le visiteur se dirige vers la dernière salle, la plus magique et surprenante à mon sens, totalement inattendue : une enfilade de lustres avec un sol noir contrasté par des murs rouges, un jeu de lumière et de miroir différent des salles précédentes, mettant en valeur le lustre principal au fond de la pièce, en cristal clair et rouge taillé (lustre à 84 lumières, 1850).
Baccarat, en 250 années a su s’adapter aux désirs des plus grands mais aussi à amorcer le passage au modernisme et à l’électricité (candélabre dit « du Tsar », 1897, fut le premier luminaire électrifié par Baccarat). Ainsi, et encore aujourd’hui, palais et ambassades s’illuminent et reçoivent les plus hauts de ce monde « en Baccarat »…

Horaires
Du mardi au dimanche de 10h à 18h, nocturne le jeudi jusqu'à 20h.
Fermé le lundi et les jours fériés - Tarif : 11 €

Site
Chrystelle Tassios - 12/11/14

 

 

Musée Pierre Cardin - Passé Présent Futur : Une nouveauté dans le marais

Inauguré le 13 novembre 2014, Monsieur Cardin (né en 1922) nous accueille dans un endroit inattendu, niché au cœur du 4eme arrondissement de Paris. Situé dans une cour intérieure, le visiteur découvre un espace de 600m² retraçant les principales créations haute-Couture mais aussi de Prêt-à-porter, Hommes-Femmes des années 50 à nos jours, une partie de la collection de meubles imaginés par Monsieur Cardin ainsi qu’une salle réservée aux accessoires (bijoux, chaussures, chapeaux, sacs, lunettes, en métal, plastique ou vinyle).
Futuriste, avant-gardiste, provocateur, précurseur, penseur mais aussi classique, Monsieur Cardin nous montre toute l’ampleur de son talent en s’inspirant d’objets du quotidien (moules à gâteaux, pare-chocs de voiture, etc.) pour les incorporer dans ses tenues.
« Les vêtements que je préfère sont ceux que j’invente pour une vie qui n’existe pas encore, le monde de demain » (P. Cardin).
N’est-ce pas lui qui, en 1959, a organisé le premier défilé du Prêt-à-porter au Printemps permettant aux femmes de s’habiller comme les mannequins d’alors ?
De même, à la fin des années 50, une ligné dédiée aux hommes sera lancée, qui révolutionnera le monde de la mode masculine, avec notamment les vestes sans col à boutonnage.
Comme il le dit lui-même : « J’aime dessiner dans l’absolu, sans les contraintes d’angles, de couloirs, de pièces ou de murs. Faire des manches de robes ou des pieds à une table, c’est la même chose » (P. Cardin).
Le sous-sol et le rez-de-chaussée alternent entre les années 50 avec le triomphe de la robe-bulle, des robes asymétriques et des robes cerceaux, les années 60 avec la robe cosmos et les combinaisons unisexe Cosmocorps, inspirées des premiers pas de l’homme sur la lune, le tout saupoudrée d’une influence japonisante suite aux différents voyages réalisés au Japon et au passage par l’école de stylisme de Bunka Fukuso.
L’utilisation des matières, des tissus, des formes montrent un panel d’innovation impressionnant et qui a permis à Pierre Cardin de représenter si brillamment la France dans le monde entier.
Au fil des années, le visiteur appréciera et découvrira l’évolution du style propre à ce créateur et au travers, la transformation de la Femme Française.
Pierre Cardin va très vite abandonner les coupes droites et classiques pour des tenues plus extravagantes, plus courtes et plus près du corps mettant ainsi en valeur le corps féminin.
Il s’est également distingué dans la création de costumes de scène, tous devenus mythique aujourd’hui : « Chapeau Melon et bottes de cuir », certaines tenues des Beatles, etc.
Les années 90-2000 vont profondément affecter la vision de Pierre Cardin avec le phénomène de globalisation et, en parallèle, la volonté de préserver les cultures traditionnelles.
« Si la création est au départ un luxe, donc un privilège, sa vocation est de changer le style de vie de millions de gens » (P. Cardin).
La visite se termine par l’espace dédié aux robes de cocktails et de soirées…Un ravissement pour les yeux : courtes ou longues, minimalistes ou chargées, dorées ou colorées, dénudées ou couvertes, chaque femme peut facilement s’identifier à chacune de ces tenues si finement travaillées. Passé-Présent-Futur se mélangent donc…

Un grand merci à Madame Renée Taponier, conservatrice du musée et assistante de Monsieur Cardin, qui a si savamment organisé toute la présentation de ce musée et qui a donné à cette première visite un caractère si intimiste et privilégié !
Musée Pierre Cardin
5 rue Saint-Merri 75004 Paris
Horaires du mercredi au vendredi de 11h à 18h le samedi et dimanche de 13h à 18h. Tarif : 25€

Chrystelle Tassios - 16/2/2015

Jérôme Zonder - Fatum - La Maison rouge

Virtuose français du dessin, Jérôme Zonder expose une centaine d’œuvres, toutes en noir et en blanc, à la maison rouge à Paris, du 19 février au 10 mai 2015. L’artiste a conçu un parcours labyrinthique, intitulé FATUM.  
Collectionneurs et amateurs de dessin et d'art contemporain y déambulent comme au milieu d’un grand dessin, qui s’étale du sol au plafond, dans un camaïeu de blanc, de gris et de noir.   
Fusain, encre de chine, bic, mine de plomb... l’artiste maîtrise les techniques du dessin jusqu’au bout des doigts, sans gomme ni repentir, au service d’un univers mental et d’un système narratif, où se mêlent  l’histoire de l’art et du cinéma, la pop culture et le fantastique, des violences de l'Histoire, le passage de l’enfance à l’adolescence, des portraits et des autoportraits pleins d’autodérision. Son travail s’appuie souvent sur des photos d’archives.  
Marqué par Albrecht Dürer et par Otto Dix (« leur œuvre manifeste un rapport d’intensité au réel », dit-il), il aime aussi James Ensor.  La liberté de la bande dessinée l'impressionne également, à son arrivée aux Beaux-Arts à Paris, à l'âge de 19 ans.   
Certaines scènes sont dérangeantes, inspirées notamment d’exactions décrites dans « Cartea Negra » livre de preuves rassemblées par un avocat juif roumain, Matatias Carp, pour témoigner de la destruction des jujfs de Roumanie en 1940 – 44.   Jérôme Zonder vit et travaille à Paris, où il est né en 1974. Il est représenté par la galerie Eva Hober.
Site
La maison rouge - Jusqu'au 10 mai. Tarif : 9€
Marie-France Maniglier - 20/02/2015

Jubilatoire "Nuit des rois" de William Shakespeare au théâtre d'Ivry-sur-Seine
Les deux heures et demi de spectacle passent vite à rire des bouffonneries et des qui pro quo tragi-comiques du génial Shakespeare, mis en scène par Clément Poirée. Comme une ancre jetée dans notre époque affolée, la traduction habile de Jude Lucas modernise la pièce au maximum. Le désir, l'amour idéalisé et l'identité sexuelle restent ainsi des thèmes d'autant plus éternels. Les musiciens - comédiens incarnent, avec talent et avec une belle énergie, cette ambition de Poirée, habitué de Shakespeare et de Brecht : "pourvu que cela nous permette d'échapper à la nuit pleine de rêves, de fantasmes et d'idéaux pour se coltiner le réel, à la fois amer et jubilatoire". Dans un pays fictif, l'Illirie, au cours de la douzième nuit après Noël, le comte Orsino est passionnément amoureux de la comtesse Olivia, inaccessible depuis la mort de son frère. Une intrigue se noue autour d'un frère et d'une sœur, Viola et Sébastien, des jumeaux disparus séparément dans un naufrage. La gracile actrice Suzanne Aubert incarne ces deux êtres ambigus, fauteurs de trouble. Les acteurs chantent, marchent, courent et dansent, dans un jeu d'ombres et de lumières, parmi de hautes tentures de toile blanche, installées comme dans un grand dortoir.
A quelques pas du métro mairie d'Ivry (ligne 7), cette pièce vaut le détour, jusqu'au 1er février 2015. Le dimanche 18 janvier, une rencontre avec l'équipe artistique est organisée à l'issue de la représentation (à 16H le dimanche; à 20H  mardi, mercredi, vendredi, samedi ; à 19H le jeudi).

Théâtre d'Ivry
Marie-France Maniglier
(15/1/15)

Tangos oniriques
Récital bilingue de musique et de poésie avec Ingrid Tempel et Bernadette Nicolas Présentation du dernier livre de poésie d'Ingrid Tempel: En la luz del eclipse, Montevideo, Uruguay, éditions Yaugurú, 2014. Préface d'Horacio Xaubet.
Les chansons sont composées et chantées par la guitariste Bernadette Nicolas sur des poèmes d'Ingrid Tempel, en espagnol et en français. La guitariste se souvient de la bossa-nova et des rythmes d'Atahualpa Yupanqui pour chanter les sujets universels célebrés par Ingrid Tempel, poète et romancière uruguayenne, qui habite Paris depuis plus de 30 ans: l'amour, l'exil, l'amitié, les voyages... Libre participation

Site
Le 16 janvier 2015, à la maison de l'Amérique latine
Marie-France Maniglier
(15/1/15)

 

Art brut - Collection abcd - Bruno De charme - Maison rouge

La folie de l’« art brut » se propage à Paris, New York, Lausanne, Villeneuve d’Ascq, Porto, voire à Tokyo... Le collectionneur Antoine de Galbert ravive la curiosité (ou un agacement sceptique) pour ces productions artistiques en ouvrant les portes de sa parisienne « maison rouge » au collectionneur d’art brut Bruno Decharme, durant le dernier trimestre 2014. Plusieurs œuvres d’art brut étaient négociées à l’occasion de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) de Paris, achevée le 27 octobre 2014. A des prix parfois considérables pour un béotien découvrant cet étrange territoire, proche de l’art populaire et peuplé de singulières personnalités, plus ou moins autodidactes, parfois spiritistes, mystiques, souvent confrontées à la schizophrénie, parfois à l’autisme, voire à un enfermement involontaire.
Le clou de l’exposition de la « maison rouge » est probablement une grande installation d’avions en carton fabriquée par Hans-Jorg Georgi, 65 ans, Allemand, handicapé par la polio et par l’autisme et qui travaille sans relâche au sein de l’atelier Goldstein à Francfort-sur-le-Main. Cet atelier d’arts plastiques indépendant « n’est pas un projet social : il représente l’élite des artistes autistes travaillant en Allemagne aujourd’hui ».
Surfant avec passion sur cette mode de l’art brut, depuis plusieurs années, le galeriste parisien Christian Berst distribuait des cartons d’invitation, à la FIAC off. 2014, pour sa nouvelle antenne newyorkaise. Une « œuvre muséale » de l’Allemand Harald Stoffers constitue le « clou de l’exposition inaugurale » au 95 Rivington street (30 octobre 2014 – 21 décembre 2014). Sans cesse, l’artiste autiste écrit des lettres aux caractères serrés à sa mère défunte. Réalisée au marqueur et acrylique sur papier, l’œuvre partie aux Etats-Unis mesure 3,50 mètres sur 60 cm. Son prix : 50 000 €, preuve d’un décloisonnement entre les marchés de l’art contemporain et de l’art brut.

Du 18 octobre 2014  au 18 janvier 2015 - ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 19h nocturne le jeudi jusqu’à 21 h - Tarif : 9 €
Site
Marie-France Blumereau-Maniglier
 - 20/11/14
Texte "La folie de l'Art brut" :

 

« S’il y a lieu je pars avec vous »

 Le Bal - Merveilleux endroit que cette ancienne salle de bal des années folles, située au cœur du 18ème arrondissement, et transformée depuis 2010 en un espace d’exposition, de rencontres et débats autour de l’image-document.

Pour son 4ème anniversaire, sa directrice Diane Dufour a donné carte blanche à 5 artistes pour explorer le territoire de l’autoroute à l’aide du médium photographique. Comment représenter cette traversée hors du temps, ce voyage à travers différentes contrées mais peut être aussi voyage intérieur ?
Le visiteur pénètre dans la première salle où un paysage est représenté sur les murs. L’autoroute, peinte sur les photographies par l’artiste Alain Bublex dans une sorte de trompe l’œil, simplifie le réel et permet de mieux voir dans une mise à distance du paysage. Ici aucune narration, aucun être vivant, simplement des paysages refabriqués comme des fonds d’écran vidéo.
Au sous-sol, Stéphane Couturier propose un travail de fragmentation du paysage dans un polyptique constitué d’une trentaine de fines bandes espacées les unes des autres, dans une sorte de recomposition de paysage mental. L’artiste se place à l’extérieur de l’autoroute et donne à voir une vision séquentielle où les interstices laissent place à l’invisible.
Trois artistes vont associer image et narration : fictionnelle pour Julien Magre, autobiographique pour Antoine d’Agata et axée sur la réalité des autres pour Sophie Calle.
Julien Magre préfère s’arrêter sur une aire de repos, non-lieu par excellence, qui lui inspire un road movie autour des terreurs de la nuit. Pour Antoine d’Agata, l’autoroute devient une prolongation de journal intime où le paysage défile en parallèle à la vie de l’artiste. Sophie Calle, installée dans une cabine de péage, invite les automobilistes à répondre à ses questions : « où pourriez-vous m’emmener ? S’il y a lieu, je pars avec vous… », et attend d’être délivrée de sa solitude dans une incitation au rêve.
Ne manquez pas cette belle invitation au voyage… plus jamais vous n’emprunterez ces infrastructures, pourtant si familières, de la même façon… !
Jusqu'au 26 octobre 2014
Le Bal
6 impasse de la Défense
Paris, 18e  - Métro Place de Clichy Site

Sylvie Fontaine - 16/9/14

 

« Propos d’Europe 13 : Le musée d’une nuit (script for leaving traces) »

Installée dans l’ancienne agence de l’architecte Robert Mallet-Stevens qu’il construit en 1927, la Fondation Hippocrène soutient depuis 1992 des projets humanitaires, culturels et éducatifs axés autour de l’Europe.

Depuis 2002, elle présente une fois par an et au moment de la FIAC, des expositions d’art contemporain intitulées « Propos d’Europe », en mettant en lumière la scène artistique d’un pays afin de créer des réseaux d’artistes. Après la Fondation Giuliani de Rome invitée en 2013, c’est au tour de la DRAF (David Roberts Art Foundation) de Londres d’investir ce lieu emblématique de l’architecture moderniste. Vincent Honoré, son directeur et commissaire de l’exposition « le musée d’une nuit (script for leaving traces)» -titre inspiré en partie d’un tableau de Magritte- a imaginé un récit autour de la collection. Après lecture du livre « La blonde et le bunker » de J. Alikavazovic, il lui apparait évident que « la collection est une expérience de la perte davantage que de l’accumulation » tout comme le devenir des bâtiments de Mallet-Stevens pour la plupart abandonnés, dénaturés ou détruits après sa mort. Trois thématiques apparaissent dans la trentaine d’œuvres sélectionnées. L’hommage à Mallet Stevens et au modernisme surgit avec une photographie de son ami Man Ray, les dessins sérigraphiés sur tapis de Renaud Jerez, ou encore un corps allongé de Tamara de Lempicka (qui restera quelques temps dans un atelier-logement conçu par l’architecte). La thématique du surréalisme transparait dans les corps morcelés des sculptures de Michael Dean et Enrico David et l’œuvre anthropomorphique de Sarah Lucas. Enfin le motif de la trace, comme expérience de la perte, apparait dans les constructions faites de tissus récupérés et assemblés de Sergej Jensen et les flaques sombres évoquant des activités urbaines et passées de la jeune Marlie Mul.

Bien d’autres œuvres jalonnent ce parcours résolument contemporain et européen dans l’antre de Mallet Stevens et permettent de faire revivre les fantômes du passé puisque « les musées sont des maisons pleines de pensées » comme le dit si bien Marcel Proust.
Jusqu'au 20 décembre 2014
Fondation Hippocrène
12, rue Mallet-Stevens
Paris, 16eme Site

Sylvie Fontaine - 10/10/14

 

La visite de la vieille dame
Friedrich Dürrenmatt n’a rien d’un auteur optimiste, mais ici la nature humaine en prend vraiment pour son grade. Qu’y a-t-il derrière les grands principes que se plaisent à énoncer tant de personnes éminentes ? L’avidité, le mépris de l’humanité, la haine.
Tous les comédiens, avec en tête Samuel Labarthe et Danièle Lebrun, sont parfaits et on retrouve avec plaisir, dans le rôle du pasteur, Didier Sandre qui a rejoint, il y a peu de temps, la Comédie Française.
Certes Alfred Hill s’est conduit autrefois de façon ignoble avec Claire, et on comprend très bien qu’elle souhaite se venger. L’ignominie se trouve principalement dans l’attitude des notables qui prétendent vertueusement en chœur qu’il n’est pas question de sacrifier la vie de Ill, en échange de l’énorme somme d’argent promise par Claire. En fait, ils n’espèrent que cette issue et proposent même à Ill de se suicider, ce qui leur permettrait d’avoir la conscience tranquille. Celui-ci refuse et est donc condamné. Il faut ajouter que le nom de la ville, Gûllen, signifie lisier.
Tout est dit. Il faut voir cette pièce qui donne vraiment à réfléchir.   Marie-José Sélaudoux   La visite de la vieille dame T. Paris (VIe) Jusqu’au 30 mars

Théâtre du Vieux-Colombier - Jusqu'au 30 mars
Marie-José Sélaudoux
(11/3/14)

 

Gustave Caillebotte à Yerres
Une belle escapade à une bonne demi-heure au sud de Paris : La propriété Caillebotte où le peintre peignit nombre de ses œuvres.

2 intérêts à faire le déplacement :

  • 43 œuvres dont certaines jamais présentées au grand public, la plupart peintes sur place dans un petit musée bien illustré et qui pour une fois propose un éclairage adapté  - exposition jusqu’au 23 juillet ;
  • et un parc superbe, où à tout instant semble flotter l’esprit de Seurat… Seul inconvénient mineur : la proximité sonore d'Orly…

Site

Thierry Vagne - 11/6/2014

 

 

 

2 intérêts à faire le déplacement :

  • 43 œuvres dont certaines jamais présentées au grand public, la plupart peintes sur place dans un petit musée bien illustré et qui pour une fois propose un éclairage adapté  - exposition jusqu’au 23 juillet ;
  • et un parc superbe, où à tout instant semble flotter l’esprit de Seurat… Seul inconvénient mineur : la proximité sonore d'Orly…

Site

Thierry Vagne - 11/6/2014

 

La  ruée vers l’art - Un  film de Marianne Lamour
Ecrit par Danièle Granet et Catherine Lamour
Synopsis : L’irruption et la puissance de nouveaux collectionneurs hyper milliardaires ont bousculé un marché de l’art contemporain jusque-là orchestré par un petit réseau de professionnels. De nouveaux gisements artistiques, de nouveaux artistes à vocation mondiale, des montants financiers démesurés sont les fruits d’une spéculation intense :
Quels en sont les véritables enjeux ? Qui en sont les acteurs ? Quelle place pour la créativité des artistes ?
De New York à Hong Kong, de Singapour à Miami, de Shanghai à Doha en passant par Bâle et Venise, la réalisatrice Marianne Lamour et les auteures, Danièle Granet et Catherine Lamour, sont parties à la découverte de ce monde en pleine mutation vers une nouvelle société de l’Art globalisé sans en cacher ni les outrances, ni les errements.
Ce qu’en pensent les critiques : - Studio Ciné Live : 3 étoiles : Une enquête passionnante aux quatre coins du monde. - Le Point : Surprenant et exaltant ! - Le Figaro : 3 étoiles : le film a le mérite d’apporter une distance critique et de permettre une certaine liberté de regard. 
Cinéma l'Arlequin Majestic Bastille

Hélène Queuille - 19/10/13

 

Odilon Redon - Fondation Beyeler
Odilon Redon (1840-1916) est l'un des artiste les plus intéressants du modernisme émergeant. Il est un pont entre le 19e et le 20e siècle. Protagoniste important du symbolisme français, ses œuvres se situent entre tradition et innovation.
L'exposition de la Fondation Beyeler présente des pièces majeures qui se concentrent sur un Redon comme précurseur de l'art moderne et de sa dimension avant-gardiste. Elles sont caractérisées par des contrastes, reflétant une palette ambivalente, énigmatique, évoluant du noir de ses premiers dessins au charbon et des lithographies jusqu'au coloris explosifs des derniers pastels et tableaux.
Toute son œuvre alterne entre étrangeté surnaturelle et sérénité, engendrant de bizarres monstres aussi bien que des créatures célestes, se plaçant entre rêves et cauchemars, nature et imagination.

Fondation Beyeler Jusqu'au 18 mai
Dr Raymond C. Benoit (21/3/14)

 

 Les « Festivals Cantabile » du Théâtre Adyar

 Parmi les rares lieux de musique classique parisiens de la rive gauche, le Théâtre Adyar offre un écrin idéal à la musique de chambre. Chargé de mémoire, intimiste, (390 places), il s’avère on ne peut plus propice à la complicité musicale, entre instrumentistes certes mais entre la scène et l’auditoire également. Intégrale Brahms et ciné-concert (8 et 9 février 2014).

Le Festival des 8 et 9 février permettra à ceux qui ne la connaîtraient pas encore de découvrir dans les meilleures conditions l’atmosphère chaleureuse et amicale de la série Cantabile. Précédée d’une présentation et ouverte par une création de Rodolphe Bruneau-Boulmier, la soirée du samedi rassemble les trois Trios avec piano de Brahms, interprétés par Amaury Coeytaux, Raphaël Perraud et Geoffroy Couteau. La Saison Cantabile se veut aussi lieu de dialogue entre les arts. Tandis que la plasticienne Sandra Lévy présente une exposition « Dessin et Musique » durant tout le week-end, le concert de dimanche comble mélomanes et cinéphiles puisque Thierry Escaich improvise au piano sur le légendaire film L’Aurore de Murnau.
Thierry Vagne
 Lien

Elena Bashkirova - Salle Pleyel - Lundi 10 mars 2014 à 20h

 Formée au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, dans la classe de son père Dimitri Bashkirov, Elena Bashkirova s’inscrit dans la plus belle tradition du piano russe et la critique s’accorde pour saluer sa riche palette sonore et son inépuisable imagination poétique.

Après deux Liszt célèbres (Vallée d’Obermann, 1ère Légende), Elena Bashkirova jouera l’Humoresque op. 20, autoportrait musical contrasté où Schumann se livre avec lyrisme et feu. Toute dédiée à la musique russe, la seconde partie de soirée permettra de découvrir l’étonnante et inclassable Sonate n° 5 de Galina Ustvolskaya (1919-2006), avant que l’interprète ne retrouve un recueil parmi les plus chers à son cœur : Les Saisons de Tchaïkovski. Choix symbolique, cet opus referme de la plus poétique manière le premier récital parisien d’une grande pianiste.
Thierry Vagne
Lien

Radio Trenet

Ce spectacle musical retrace la vie et les années bonheur chantées par Charles Trénet. Les chansons sont interprétées ici par Jacques Haurogné - tout a fait dans le ton, et dans un décor d'époque d'avant les radios  nationales, au début de la réclame chantée.
Spectacle à ne pas rater si l'on est un admirateur du "fou chantant".

Vingtième Théâtre - jusqu'au 16 février
Du mercredi au samedi à 21h30 et le dimanche à 17h30 mardi 31 décembre à 21h30 (relâches 8, 11, 12 et 13 décembre - 1er et 9 janvier) - Site

Marie Clairotte (10/12/13)

 

 

 



Zelda et Scott

Tous ceux qui ont vu le film « The artist » se souviennent du charleston endiablé dansé à la fin du film par ses deux protagonistes, je pense qu’on ne peut pas oublier non plus celui dansé par Sara Giraudeau au début de « Zelda et Scott ». Cette comédienne est, pour moi, l’une des meilleures de notre époque et ce spectacle ne fait que le confirmer.
Le premier acte met en scène une Zelda légère comme une bulle, fantasque, étourdie, farfelue. Au deuxième acte, elle est amère, aigrie, méchante même. La fin nous la montre enfoncée dans la folie, rejoignant le monde des chimères qu’elle n’avait jamais vraiment quitté.
Si Sara Giraudeau, à elle seule, vaut le déplacement, j’ajouterai que la pièce est bien construite, les décors soignés et que les autres interprètes ne déméritent pas. Il ne faut d’ailleurs pas oublier les trois bons musiciens de jazz qui ont été aussi très applaudis.

Théâtre La Bruyère - du mardi au samedi à 21h - matinée samedi à 15h - Site

Marie-José Sélaudoux


Hiramatsu, le bassin aux nymphéas - Hommage à Monet

L’exposition réunira une trentaine d’œuvres du peintre japonais Hiramatsu Reiji, présentées pour la première fois en France, complétée par une sélection d’estampes japonaises de la collection de Claude Monet et d’œuvres de ce dernier.
Monet fut influencé par les peintres asiatiques, Hiramatsu Reiji (1941*) s’inspire de Monet tout en réinterprétant les classiques japonais.
Certains tableaux et paravents sont des chefs d’œuvre qui marquent durablement le visiteur par leur rigueur, leur harmonie de couleurs et l’impression de mouvement engendrée par de subtils arrangements de plans. Comme pour accompagner l’exposition, les superbes dahlias du jardin sont encore en fleur…

 

Musée des impressionnismes - Giverny - Jusqu’au 31 octobre - Tous les jours de 10h à 18h. Site

Thierry Vagne


 

Cinéma

It must be heaven

Dans ce long métrage plein d’humour et de poésie, le réalisateur et scénariste Elia Suleiman enchaîne des rencontres drolatiques dans des rues presque désertes, dans un coin tranquille de Palestine, puis à Paris, à New York et de retour en Palestine.  Muet, notre faux naïf observe notre monde, sans ciller derrière ses lunettes et sous son chapeau. Ses spectateurs peuvent sourire ou rire de tout ou presque, à contre temps parfois : religieux orthodoxes, voisins abusifs, clochard chouchouté par deux secouristes, policiers, militaires, beaux mannequins et touristes parisiens, Américains surarmés puis déguisés pour Halloween, professeur et producteur de cinéma (Suleiman fut chargé de créer un département cinéma et media à l’université de Birzeit à Jerusalem)…

Cette comédie de l’absurde peut faire penser à Buster Keaton ou à Jacques Tati, voire un peu à Woody Allen, mais dans un style plus épuré, moins verbeux, moins commercial. Elle a reçu une mention spéciale du jury à Cannes.

Ce film de 1H42 s’achève par une dédicace à la Palestine. Il est financé par la France (où réside Suleiman aujourd’hui), par le Qatar, l’Allemagne, le Canada, la Turquie et par la Palestine.  

« Si dans mes précédents films, la Palestine pouvait s’apparenter à un microcosme du monde, mon nouveau film tente de présenter le monde comme un microcosme de la Palestine », explique l’auteur, né à Nazareth en 1960. Sur le grand écran, le personnage Elia Suleiman interroge un tireur de tarot américain : « la Palestine finira-t-elle par exister ? » (NDLR : en tant qu’Etat reconnu). Réponse du cartomancien : « Elle existera, elle existera. Mais ni de mon vivant ni du vôtre ». 

Marie-France Maniglier  (10/12/2019)


Les nouveaux chiens de garde - Film de Gilles Balbastre et de Yannick Kergoat - 2012

Pour mieux comprendre notre espace médiatique en France - son discours dominant, son manque de pluralisme et d’indépendance- « Les Nouveaux chiens de garde », film de Gilles Balbastre et de Yannick Kergoat, mérite le détour, que l’on soit de droite, du centre ou de gauche. Surtout dans notre vénérable démocratie, plongée dans une nouvelle campagne électorale, avec une moitié des Français qui s’informe encore uniquement par la télévision.
Ce pamphlet, très documenté et rythmé, est le fruit d’un travail collectif de militants de gauche, influencés par Pierre Bourdieu et par Serge Halimi. Il résulte d’une initiative d’un petit producteur, Jacques Kirchner (JEM Productions), qui n’a pu bénéficier d’aucune des aides publiques au cinéma et qui a donc financé cette œuvre, durant trois ans, sur ses fonds propres (environ 1 million d’euros dont la moitié consacrée à l’achat d’archives télévisées). Yannick Kergoat, coanimateur du site d’observation des médias Acrimed, s’est félicité que son documentaire ait réussi à dépasser cent mille entrées en France, fin janvier 2012.
Dérangeant pour les journalistes (presque habitués à être critiqués, toujours et de plus en plus), ce film illustre, de manière polémique, les rapports de grands médias, surtout télévisuels, avec certains groupes industriels. Il ridiculise, preuves à l’appui, le ronron intellectuel alimenté par des experts manifestement faillibles (et ce sont toujours les mêmes). Il relève une certaine « consanguinité entre l’élite du journalisme et les pouvoirs politiques et économiques », a expliqué Kergoat au cinéma parisien L’Escurial, devant une salle comble, fin janvier 2012. Et cet infatigable militant de l’esprit critique a asséné, devant un public conquis : « Il faut travailler au pluralisme … Il faut se battre pour conserver la neutralité du Net… Il faut payer une Info de qualité… Il faut être capable d’aller trouver l’Info dont on a besoin… ».
Ce film s’inspire du livre de Paul Nizan, « Les chiens de garde », dénonçant, en 1932, des philosophes et des écrivains qui s’imposaient en gardiens de l’ordre établi, sous couvert de neutralité intellectuelle.
Néanmoins, des journalistes d’investigation s’efforcent de chercher et de fournir des Informations substantielles, dans un souci de déontologie et de pluralisme, malgré des conditions de travail précaires, stressantes et conflictuelles. Le citoyen français ne devrait-il pas davantage les lire et les soutenir ? D’un œil toujours critique, certes. Site
Haut de page - TopMarie-France Blumereau-Maniglier (13/2/2012)

 


Chagall, entre guerre et paix

L’exposition Chagall au Musée du Luxembourg montre, avec une centaine de pièces très judicieusement choisies, le caractère autobiographique de son œuvre. Au travers de ses tableaux transparaissent son expérience de l’Histoire, ses émotions, ses souvenirs, ses rencontres, ses croyances…
Même s’il emprunte certaines formes aux mouvements cubistes, surréalistes ou suprématistes, il garde son propre style influencé par sa culture russe et juive.
La superbe scénographie, construite selon un plan circulaire, est en parfaite adéquation avec la récurrence de certaines thématiques telles celles de sa ville natale Vitebsk, des traditions juives, des épisodes bibliques, ou encore de la figure du couple.
Le parcours démarre avec un autoportrait en 1914, date de déclaration de la première guerre mondiale, et illustre quatre moments clefs de la vie de Chagall. « La Russie en temps de guerre » où l’artiste rend compte de la réalité violente dans ses tableaux. De superbes encres sur papier, très expressives, et le chef-d’œuvre de l’exposition « le rabbin de Vitebsk » représentent l’environnement de son enfance. « L’entre-deux-guerres» est consacré à l’illustration de différents livres dont la Bible où les superbes gouaches se réduisent aux protagonistes du récit qui sont traités de façon monumentale. « L’exil aux Etats-Unis » correspond à sa période la plus sombre avec les guerres, villages en flammes, persécutions qui hantent ses tableaux. Le thème de la crucifixion, symbole de souffrance humaine, s’impose à lui. Enfin « L’après-guerre et le retour en France » permettent à l’artiste de prendre de la distance avec le passé. Il se consacre à de grands cycles, la découverte de nouvelles techniques (vitrail, mosaïque, céramique…) dans des tonalités expressives et une grande luminosité. Dans les dernières œuvres, tout son univers est à nouveau présent dans un hymne à la liberté et à la vie.
C’est avec un réel plaisir que l’on découvre ou retrouve ces œuvres prêtées par les musées de Paris, Nice, New York, Stockholm, Moscou mais également de nombreuses pièces issues de collections particulières.
Site

Musée du Luxembourg - Jusqu’ au 21 juillet 2013
19 rue de Vaugirard
75006 Paris

Sylvie Fontaine
(28/02/2013)



Bêtes de sexe, la séduction dans le monde animal />

Vous entrez dans la salle, et vous vous trouvez nez à nez avec un couple de gorilles copulant à qui mieux mieux ; et à de multiples images murales représentant des couples dans la même occupation. Vous vous sentez égrillard ! Vous pensez que vous allez en voir des vertes et des pas mûres !! Erreur : vous allez recevoir la plus belle et la plus complète leçon de "sciences naturelles".
Conçue par des conservateurs du Musée de Londres, des biologistes, des experts du comportement animal… En partant, vous connaîtrez les espèces qui s'accouplent pour le plaisir, pour la reproduction, sans intérêt pour ce qui adviendra ou qui tuent l'un des sexes parce qu'il n'est pas indispensable… Vous croiserez la mante religieuse ; le lapin blanc, etc. Une leçon conçue pour publics de 7 ans (et moins) à 77 ans (et bien plus !).
Site

Palais de la découverte : Jusqu'au 25 août 2013.
Tél : 08.99.10.39.09. Mardi/Samedi : 9h30/18h. Dimanches et fêtes : 10h/19h.
Jeanine Rivais (14/12/2012


La folle de Chaillot

Pour le centenaire de la création des théâtres des Champs-Elysées, voici dix-neuf comédiens mis en scène pour nous divertir avec « La folle de Chaillot ».
Dans le rôle de la comtesse Aurélie, Anny Dupeyrey mène la danse avec son autorité, sa malice et son charisme habituels. Les trois autres folles, surtout Catherine Salviat (la folle de St Sulpice) et Catherine Hosmalin (la folle de Passy), Fabienne Chaudat (la folle de la Concorde) n’arrivant que plus tard, évoluent dans le monde imaginaire que chacune s’est créé. N’en faisons-nous pas tous autant ? L’essentiel est d’y croire. Dominique Pinon se glisse avec son talent habituel dans la peau du chiffonnier. Les costumes sont très réalistes et ceux des quatre folles atteignent un sommet de cocasserie et d’invention.
Chacun trouvera ce qui lui convient dans cette fable poétique : critique du profit à tout prix, éloge de l’écologie… Personnellement je dirais que les fous ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

La folle de Chaillot
Comédie des Champs-Elysées
Juqu'au 30 juin 2013 - Tous les jours (sauf lundi) : 20h30 - Dimanche : 16h
Site
Marie-José Sélaudoux (20/3/2013)


Cabaret Boris Vian

Voici une soirée "Cabaret Boris Vian", pleine de gouaille et amusante, à la Comédie-Française! A l'affiche en janvier 2013 au théâtre éphémère, puis en mai et en juin 2013 au studio-théâtre, quatre talentueuses comédiennes, accompagnées par un excellent pianiste, Osvaldo Calo, se déchaînent sous la direction de Sylvia Bergé, également sur scène.
Le rythme est enlevé, les jeux de scène comiques et/ou sexy. L'élocution impeccable et l'expressivité habile compensent la musicalité inégale des voix, pour les mélomanes très avertis.
Ces quatre collègues, mutines à souhait, jeunes et moins jeunes, réinterprètent des chansons françaises du XXe siècle, signées Queneau ("si tu t'imagines"), Mistinguett ("en douce"), Ferrat ("les demoiselles de magasin"), Boris Vian (fais moi mal Johnny), Mac Orlan (les progrès d'une garce), Gainsbourg (strip tease), Mireille, Michel Emer, Brigitte Fontaine, Brassens, Les Parisiennes, etc. A leur menu, figurent ainsi 24 chansons, pleines d'humour et d'expressions populaires, parfois démodées, comme "la fraîche" au lieu du fric. De quoi faire sourire et rire plusieurs générations, face à cet esprit libertin et insolent, un brin romantique, qui serait encore assez français.
Ce théâtre éphémère en bois de 750 places fait l'objet d'un appel d'offres pour une "deuxième vie" en province, a indiqué Muriel Mayette, administratrice de la Comédie-Française, sur France Inter, le 25 janvier 2013. Elle s'exprimait la veille de la réouverture de la salle Richelieu, rénovée pendant un an (avec du mécénat). Il aura coûté plus de 2 millions d'euros, pour 500 représentations. Le studio-théâtre (160 représentations par an, 150 places) devient éphémère lui aussi avec un autre projet de salle à la Bastille. Ca bouge à la maison de Molière !

Cabaret Boris Vian - Comédie-Française
Du 23 mai au 30 juin 2013
Site
Marie-France Blumereau-Maniglier (24/1/2013)


 

L’arbre qui ne meurt jamais

Neuilly-sur-Seine s’est doté d’un nouveau centre culturel et artistique, le Théâtre des Sablons, depuis janvier 2013. Ce superbe espace présente sa première exposition d’art contemporain sous le titre de « L’arbre qui ne meurt jamais ».
L’arbre, symbole de vie, de verticalité, d’immortalité, unissant monde souterrain et monde céleste, constitue pour l’art contemporain un large répertoire de formes et de récits. C’est au travers d’une quarantaine d’artistes qu’il est ici proposé de suivre cet itinéraire onirique et mystérieux décliné en trois temps, à l’image du cycle de la vie.
« L’arborescence » illustre la création de paysage réel ou imaginaire avec parmi tant d’autres, les œuvres de D. Nash où la croissance de l’arbre est prolongée, M. Raysse et sa pièce distanciée et humoristique, K. Boch questionnant la notion de territoire et de paysage, C. Beau bousculant nos repères spatio-sensoriels.
« Métamorphoses » regroupe des œuvres qui font apparaître des analogies entre figure de l’arbre et figure humaine avec B. Bien-U et ses sous-bois comme lieux de méditation et source d’énergie vitale, B. Toguo questionnant les domaines du religieux et du mystique, J. Perez et ses aquarelles aux formes hybrides.
Enfin, « La résilience » célèbre le renouvellement permanent de la nature et l’interaction entre l’homme et cette dernière avec notamment la vidéo de V. Yassef et J. Crépieux dénonçant la surexploitation du bois dans une action absurde, T. Kawamata et sa réflexion sur l’espace architectural, P. Convert avec des souches brûlées réminiscence de la souffrance humaine, et enfin la très poétique allégorie du végétal de S. Rousseau.
Une cinquantaine d’œuvres ponctuent ce parcours riche et varié montrant comment l’arbre a suscité l’intérêt des artistes tout au long du XXème siècle et encore actuellement avec une réinvention permanente de nouvelles formes et au travers de différents mediums.

Théâtre des Sablons
62-70 avenue du Roule
92200 Neuilly-sur-Seine
Jusqu'au 30 juin 2013
Site
Sylvie Fontaine (02/5/2013)


Julio Le Parc au Palais de Tokyo
Julio Le Parc, figure de référence de l’art cinétique et de l’art optique, bénéficie pour la première fois en France d’une exposition monographique au Palais de Tokyo.
Resté insensible aux pressions des différents courants artistiques durant toute sa vie, il a influencé de nombreux artistes contemporains tels James Turrell, Olafur Eliasson, Antony McCall, Ann Veronica Janssens ou même Anish Kapoor. Arrivé en France en 1958, il se détourne de la peinture en 1960, participe à la fondation du G.R.A.V. (Groupe de recherche d'art visuel) pour se concentrer principalement sur le matériau « lumière ». En 1966, c’est la révélation de l’art luminocinétique avec le grand prix international de la peinture qui lui est attribué à la Biennale de Venise. Ses sculptures sont faites de lumière et de mouvement et les projections de rayons lumineux enveloppent le spectateur qui perd la notion de l’espace. A partir des années 80, on assiste à une résurgence de la peinture dans ses « modulations » et «alchimies » avec des œuvres très colorées faites de spirales et courbes.
Il est le maître incontesté de l’illusion optique et déclare : « par mes expériences, j’ai cherché à provoquer un comportement différent du spectateur… » La magnifique rétrospective qui se déploie sur 2000m2, permet au visiteur d’appréhender toutes les facettes de ses recherches : les alchimies aux véritables explosions de couleurs, les contorsions où des cercles métalliques se déforment et créent un trouble visuel hypnotique, les labyrinthes à lames réfléchissantes où le spectateur se trouve face à son image fractionnée et démultipliée, les pièges à lumières et enfin deux gigantesques mobiles sous forme de sphères constituées de plaques de plexiglas réfléchissant la lumière à l’infini… Enfin, la dernière salle transforme le regardeur en maître d’œuvre. A vous de découvrir ou redécouvrir le travail de cet artiste de 84 ans visionnaire et toujours très actuel.
Site

Palais de Tokyo - Jusqu’au 13 mai 2013
13 avenue du Président Wilson 75016 Paris .
Sylvie Fontaine (28/02/2013)


Jeu de Paume : Adrian Paci, « Vies en transit » & L. Albin Guillot, « L’enjeu classique »

Le Jeu de Paume, consacré principalement à la découverte des grandes figures du XXème et XXIème siècle dans le domaine de la photographie et de la vidéo, nous propose la première rétrospective en France de l’artiste albanais Adrian Paci. C’est l’occasion de découvrir des œuvres très diverses, produites entre 1997 et 2013, avec des photographies et des vidéos mais également des peintures, des installations…
Après une formation classique aux Beaux-arts en Albanie, il fuit la guerre civile en 1997 pour se réfugier en Italie avec sa famille. Ses premières vidéos sont inspirées de son expérience de l’exil, de son vécu. L’artiste s’en détache peu à peu pour parler de l’histoire collective et aborder les problèmes existentiels et sociétaux de notre époque. Ces questions de déplacement, d’identité culturelle, de mondialisation apparaissent en filigrane dans des vidéos traitées de façon très poétique, où la réalité se confond avec la fiction. Sa formation de peintre transparait dans les jeux d’ombre et de lumière, dans les plans fixes et son attrait pour le portrait.
Réalisée à l’occasion de l’exposition, la vidéo « The column » est une réflexion sur notre monde globalisé et la notion de rendement qui devient prétexte à un voyage poétique entre Orient et Occident… Immersion vivement conseillée dans ces moments de transition si subtilement mis en images…
Vous pourrez également découvrir au rez-de-chaussée le travail de L. Albin Guillot, photographe dès le début des années 20. Regard pertinent sur une artiste dont le style classique est à contre courant des avant-gardes de l’époque et qui questionne la place de la photographie dans le marché de l’art.
Site

Jeu de Paume- Concorde - Jusqu’au 12 mai 2013
1, place de la Concorde
75008 Paris .
Sylvie Fontaine (28/02/2013)


Collaboration de Ronald Harwood

Ce mot sonne désagréablement à nos oreilles, mais il s’agit ici d’une collaboration intellectuelle.
Richard Strauss (Michel Aumont) est un compositeur fêté ne vivant que pour transcrire la musique qui bourdonne dans sa tête. Ce qui se passe autour de lui ne l’intéresse pas vraiment et il s’accommode du régime politique en vigueur. Nous apprendrons peu à peu qu’il a adopté un profil bas pour ne pas mettre en péril sa belle-fille juive et ses petits-enfants. Il demande à Stefan Zweig (Didier Sandre) d’écrire le livret de son opéra « La femme silencieuse ». Zweig, ce grand Européen qui souffre de voir son pays sombrer dans la folie nazie, acceptera finalement de travailler pour Strauss.
« La femme silencieuse » sera un triomphe, mais très vite déprogrammée, car Strauss avait refusé qu’on enlève le nom de Zweig de l’affiche. La pièce se termine par le suicide de Zweig avec sa femme en 1942 au Brésil, où il avait fui les persécutions antijuives, et par la commission de dénazification devant laquelle comparaît Strauss en 1948.
Voici un spectacle intéressant, évidemment très bien incarné par les deux têtes d’affiche masculines, mais aussi par Christiane Cohendy (l’épouse de Strauss) dont l’humour et la finesse éclairent l’intrigue et par la jeune Stéphanie Pasquet (la secrétaire, puis 2e femme de Zweig) qui joue avec beaucoup de naturel et de sobriété.

Collaboration de Ronald Harwood
Théâtre de la Madeleine
Site
Marie-José Sélaudoux (17/2/2013)

 

Collection de Howard Greenberg

La Fondation Henri Cartier Bresson présente la superbe collection privée du galeriste new yorkais Howard Greenberg avec une centaine de photographies en noir et blanc. Il s’agit ici d’un magnifique poème visuel avec des images qui se répondent et où chaque tirage est un émerveillement. Ce collectionneur choisit systématiquement « le bon tirage de la bonne image trouvée au bon moment » et nous montre son musée idéal construit patiemment tout au long de sa vie.
H. Greenberg passionné de photographie dès son plus jeune âge, avait souhaité devenir photographe lui-même mais, éconduit par un galeriste, il devint marchand et collectionneur et de ce fait l’un des piliers de la scène new yorkaise.
Des modernistes de l’école tchèque, en passant par les humanistes ou encore les maîtres américains, il montre son intérêt pour les gens, la forme mais aussi l’architecture et l’abstraction. Dans une ode à l’Amérique, se succèdent des photographies iconiques mais aussi des images de photographes inconnus du public. C’est avec un immense plaisir que l’on parcourt cette exposition au caractère intimiste, dans un accrochage soigné, et qui retrace une petite histoire de la photographie américaine.

La Fondation HCB propose un cycle de Conversations, conférences bimestrielles autour de la photographie, menées par Natacha Wolinski, critique d'art. Mercredi 20 mars 2013 de 18h30 à 20h: Tirages post-mortem, quels enjeux, quelles pratiques?

Fondation Henri Cartier-Bresson
2, Impasse Lebouis, 75014 Paris
Jusqu’au 28 avril 2013

Site
Sylvie Fontaine (13/3/2013)

 

Les faux British

Les gags démarrent avant le début de la pièce. Un comédien affolé court dans le foyer et fait une annonce : "On cherche un chien qui joue dans le spectacle, si quelqu'un le voit, qu'il le ramène, il s'appelle Rocky ou Tobby".

Nous arrivons à nos places, le rideau est levé et une accessoiriste maladroite s'affaire à coller avec des bouts de sparadrap un dessus de cheminée. Un quidam très sérieux s'apprête en bord de scène à filmer le spectacle, après un dialogue assez abscons avec le directeur, il découvre qu'il n'a plus de batterie et ne peut donc pas filmer.

L'action commence. En fait sept amateurs de romans noirs anglais ont décidé de créer un spectacle théâtral policier à la manière de Sherlock Holmes. Tout le monde cherche donc l'assassin. Tous sont complètement inexpérimentés et accumulent les gaffes. Perkins, le majordome lit ses antisèches à l'intérieur de son veston, ou sur ses gants, ou sous son plateau et bute sur les mots un peu compliqués. L'accessoiriste a mal placé les objets que les comédiens tripotent d'ailleurs n'importe comment et lorsque l'inspecteur demande son carnet, on lui tend un vase. Les répliques tombent mal à propos : un comédien dit à la jeune première "Où vous enfuyez-vous ?" alors qu'elle ne bouge pas d'un pouce. Cette jeune première n'étant pas là au bon moment est d'ailleurs remplacée au pied levé par l'accessoiriste, méridionale boulotte qui mélange tous les textes du spectacle et est ravie de lancer des répliques avec l'accent du Midi. Quand la jeune première revient, c'est d'ailleurs un superbe pugilat entre les deux.

Enfin, on croit avoir trouvé l'assassin qui serait le majordome, celui-ci promenait le chien, il tient une laisse sans chien au bout évidemment. Finalement, ce n'est pas lui, je ne vous dévoilerai pas le coupable et le spectacle s'achève avec l'effondrement du décor qui a été mal fixé et s'écroule de tous les côtés.

Il faut beaucoup de talent pour jouer les amateurs et les comédiens n'en manquent pas. Ce spectacle, qui est une reprise, a reçu le Molière de la meilleure comédie en 2016. En ces temps moroses, si vous voulez rire, je vous conseille vivement d'aller le voir.  

Marie-José Sélaudoux (26/12/2017)

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Maria by Callas

Pour son exposition inaugurale, la Seine musicale de l'île Seguin a choisi de célébrer les 40 ans de la disparition de Maria Callas (16 septembre 1977). Les fans de la diva assoluta seront comblés. Maria Callas ressuscite.
Le parcours est chronologique et nous conduit de la jeunesse de la chanteuse à la dernière tranche de sa vie. Beaucoup de photos de tous formats, dont certaines étaient sa propriété personnelle. Des films d'amateurs ou tournés pour les actualités et accompagnés d'interviews, des objets lui ayant appartenu, telle cette petite peinture à l'huile représentant une Madone à l'enfant qui lui avait été offerte par son mari Giovanni Battista Meneghini et qui l'accompagnait toujours dans ses loges. C'est ce qu'elle disait à l'époque, car on peut lire divers extraits de sa correspondance. Cette petite Madone est posée sur une coiffeuse où repose également, parmi d'autres objets, une paire de lunettes de la Callas. La reconstitution de ce petit ensemble personnel est émouvante ainsi que le coin de son salon, 36 avenue Georges Mandel, où trônait son Steinway.
Et puis, bien sûr, nous retrouvons sa voix. Une petite salle permet de voir sur plusieurs écrans géants des performances de la diva dans Carmen, Manon, Don Carlos etc. Il faut ajouter qu'il est possible d'utiliser des audioguides qui, pointés en face de points signalés, permettent d'écouter certains grands airs chantés par Maria Callas.
Voici une exposition très bien organisée qu'il faut voir absolument, sans se presser et en la savourant. Elle va se terminer le 14 décembre prochain.  

Marie-José Sélaudoux (16/11/2017)


The Museum of Everything

Plus que quelques jours pour découvrir l’incroyable exposition du « Museum of everything » organisée par la Chalet society – centre d’art itinérant créé par l’ancien directeur du Palais de Tokyo, M.O Wahler.
Dans une ancienne école du 7ème arrondissement, sur 3 étages, se succèdent salles de classes et longs couloirs où sont accrochées 500 œuvres d’artistes « outsiders » du 19ème siècle à nos jours. Ces artistes, le plus souvent autodidactes et non reconnus de leur vivant, parfois internés, et toujours en marge de tout système et du marché sont « des gens créatifs qui ont quelque chose à dire dans différents domaines » selon M.O.W.
Poétique, émouvant, parfois surprenant, de nombreuses œuvres ont influencé des figures majeures de l’art contemporain. Vous aussi, laissez vous surprendre par cette grande diversité de témoignages sous forme de peintures, dessins, sculptures, installations qui envahissent salles de classe, escaliers, douches dans une scénographie qui n’a rien laissé au hasard… A ne pas manquer ! Sylvie Fontaine

Chalet Society
14 boulevard Raspail 75007 Paris
Jusqu’au 31 mars 2013
mercredi, jeudi - 11h00 à 19h00
vendredi, samedi, dimanche - 11h00 à 20h00
Site
Sylvie Fontaine (04/3/2013)

 

« Le collectionneur », Marc Bauer

Le Centre culturel suisse présente la première exposition monographique à Paris de l’artiste suisse Marc Bauer. Ancien élève de l’artiste Luc Tuymans, il s’intéresse comme lui à la question du souvenir et travaille de mémoire d’après des photographies d’archives. Le dessin reste son medium de prédilection car il en apprécie la lenteur de l’exécution et l’effacement possible de la même façon que dans le souvenir ; effacement par soustraction du trait à la gomme, dans une sorte de « floutage mémoriel ».
Différentes temporalités transparaissent, avec certains éléments de la Grande histoire superposés à d’autres de la sphère privée et intime de l’artiste, tout en laissant une lacune ou un espace vide pour que le spectateur puisse s’infiltrer. Certaines images sont accompagnées de bribes de textes qui leur donnent une autre dimension. Le sujet des dessins, banal au premier abord, ne laisse supposer une certaine violence qu’au travers de son contexte.
Dans le bel espace du Centre culturel suisse, c’est un point de vue sur la collection qui nous est proposé avec une confrontation de dessins intimes, où le regardeur est obligé de s’approcher pour en saisir les détails, et de dessins muraux monumentaux qui mettent au contraire le spectateur à distance. Pour cette exposition, l’artiste s’intéresse à la période historique de la « France sous l’occupation » et plus encore à la spoliation des biens dans les années 40. L’Histoire est ici considérée comme « matrice à narration » selon M.Bauer.
Passionné de cinéma, il a également réalisé un film d’animation, « l’architecte », à partir d’une centaine de peintures en noir et blanc sur plexiglas, retraçant la vision prémonitoire d’un garçon lors de la projection du film « Nosferatu » de Murnau. Ce film est mis en musique par le groupe rock Kafka. Ne manquez pas sa prochaine projection accompagnée par le groupe Kafka à 20h le 13 avril.

Centre culturel suisse - Jusqu’au 14 avril 2013
32-38, rue des Francs-Bourgeois - 75003 Paris

Site
Sylvie Fontaine (13/3/2013)

 

Attention, maîtres chanteurs !

Si vous avez aimé « Les aventures de la diva et du toréador », vous vous êtes certainement précipités pour voir « Attention, maîtres chanteurs ! », mais si vous ne connaissez pas encore le talentueux couple Raphaëlle Farman (soprano) / Jacques Gay (baryton) dans leurs aventures musicales et comiques, il est encore temps de les découvrir. Si vous êtes d’humeur sombre et mélancolique, il est alors urgent d’aller faire une cure d’optimisme au théâtre La Bruyère.
J’ai vu deux fois ce spectacle et en suis revenue enthousiaste chaque fois.

 

 

 

Attention, maîtres chanteurs ! - Théâtre La Bruyère
5 Rue la Bruyère, 75009 Paris - Jusqu'au 17 mars
Site
Marie-José Sélaudoux (24/1/2013)


L'art en guerre (1938-1947), de Picasso à Dubuffet

La première guerre mondiale avait durement écorné la liberté créatrice, s'en prenant au Cubisme, aux ballets russes… prônant le "Retour à l'ordre".
La Seconde Guerre fut d'une cruauté, d'une violence inouïe à l'égard des artistes qui se refusèrent à adopter les idées vichystes puis nazies. Les uns furent internés en France dans de terribles camps ; les autres furent envoyés en camps de concentration où beaucoup moururent. Certains s'échappèrent en zone libre ; émigrèrent aux Etats-Unis, s'exilèrent dans leur atelier pour y créer leurs chefs-d'œuvre… Tous furent considérés comme des "résistants". Cette exposition trace toutes ces possibilités, fournit des documents d'époque, des affiches, des poésies, etc. A voir absolument.

Jeanine Smolec-Rivais (14/12/2012)


Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus

Qui n'a pas encore vu "Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus"? Le 26 janvier 2013, c'est la dernière à Paris, prévient Paul Dewandre. L'entrepreneur belge reconverti en spécialiste des relations humaines affiche à son compteur plus de 1 200 représentations théâtrales de son one man show sur les comportements différents des hommes et des femmes et sur les stratégies à adopter. Voici de quoi, à mon avis, compléter une psychothérapie de couple avec le sourire, ou réviser ses classiques par ces temps de ruptures et de rencontres plus ou moins internet, ou prendre quelques bonnes résolutions (en amour, voire au travail) en 2013.
Avec une bonne dose de pragmatisme et d'autodérision -comme tout Belge qui se respecte- ce quinqua agile, débonnaire et dégarni virevolte en blouse blanche pour comparer des généralités sur le comportement masculin et féminin, avec force exemples concrets et interactivité avec son public. Il livre ses considérations sur le sexe à la fin, en toute simplicité, comme promis, en omettant toute question religieuse et politique. Ancien créateur d'une compagnie aérienne à Liège, Paul Dewandre, 50 ans, s'enthousiasme en 1996 pour le best seller de John Gray "Les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus". Il se forme sur les différences hommes - femmes, fonde les ateliers "Mars-Vénus" en 1998, organise formations et conférences. A Marseille - près d'Aix-en-Provence où il a posé les bagages de sa famille- il se lance au théâtre pendant quatre soirs. Le succès dure...
En 2013, sa tournée en France, en Suisse et en Belgique s'achève à Biarritz le 8 juin. Il projette une suite à cette longue aventure théâtrale. Question à l'intention des absents : attribuer à l'homme et à la femme ces deux séries de mots clés: compétence, séquentiel, résoudre les problèmes seul, rationnel / relation, multitâches, parler problèmes, émotionnel.
Marie-France Blumereau-Maniglier (05/1/2013)


Intelligentsia

Si vous êtes intéressés par les contacts qu’ont eus certains intellectuels français avec l’URSS entre les deux guerres, je vous conseille l’exposition « Intelligentsia » qui est installée à l’Ecole nationale des beaux-arts, 13 quai Malaquais, Paris 6e jusqu’au 11 janvier (du mardi au dimanche, de 13h à 19h). Vous y retrouverez A. Gide, bien entendu les couples Sartre- de Beauvoir et Aragon-Triolet, Romain Rolland, qui, comme Aragon, avait épousé une Russe, et bien d’autres noms connus. Leurs réactions, très différentes, au retour de cette Russie « à la Potemkine » sont fort intéressantes. Certains ont soutenu leurs confrères persécutés en U.R.S.S. Parmi ces derniers, plusieurs ont trouvé un refuge en France, par exemple Siniavski. L’exposition a bénéficié de l’ouverture des archives de la fédération de Russie.

Marie-José Sélaudoux (14/12/2012)


Du côté de Jacques-Émile Blanche

La Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent consacre sa 18ème exposition au peintre Jacques-Émile Blanche (1861-1942).
Portraitiste célèbre de la fin du XIXème siècle, il a fréquenté dès son plus jeune âge les figures artistiques les plus emblématiques de son temps.
L’exposition se concentre sur sa période d’avant 1918 en réunissant plus de soixante-dix oeuvres du peintre dans un décor Belle Époque où l’on croisera Proust, Gide, Rodin, Cocteau, Debussy, Stravinsky, Degas, Mallarmé, Louÿs, Claudel…


Thierry Vagne (01/12/2012)


La fondation Hartung-Bergman

Située dans le domaine construit par les artistes, la Fondation Hartung-Bergman a pour objet premier d'assurer la conservation et la connaissance des œuvres de Hans Hartung (1904-1989) et d'Anna-Eva Bergman (1909-1987).

La fondation accueille un maximum de 30 visiteurs le vendredi à 14h.
Outre la visite des blancs locaux cachés en bordure d'Antibes, deux conférenciers présentent les deux artistes, les illustrant avec les œuvres disponibles à ce moment.

L'occasion de découvrir le talent trop méconnu de la compagne d'Hartung, la norvégienne Anna-Eva Bergman, qui a réalisé de nombreuses œuvres d'une grande sensibilité dans leur minimalisme.

Site

Fondation Hartung Bergman
173, chemin du Valbosquet
06600 Antibes
Tél. : 04 93 33 45 92
Thierry Vagne (20/8/2012)


La Solitude du Coureur de Fond

Mise en scène par Patrick Mons de la nouvelle d'Alan Sillitoe - traduction François Gallix avec Esaïe Cid (saxophone) et Patrick Mons - mise en images : David Cid - mise en lumières : Yann Lebras - mise en son : Guillaume Billaux - musique de Art Pepper.

Colin Smith, enfermé en maison de correction, est choisi pour représenter l'institution lors d'une compétition de course de fond. Mais le jeune athlète n'est pas dupe de l'intérêt qu'aurait le directeur à en faire un exemple de réhabilitation. Le comédien court sur scène et le saxophoniste enroule le rythme de sa foulée.
Une surprenante création vidéo nous plonge au coeur de la pensée naissante de Colin Smith. Une réflexion vivante et révoltée autour du rejet de la bienséance et du culte de la performance, sur la musique de Art Pepper. Toute la pièce se déroule le temps d'une course... théâtre / jazz / course à pied...
Premier rendez-vous et rencontre avec le public pour un projet de création 2013.
François Gallix (14/12/2012)


« José María Sert, le Titan à l’œuvre (1874-1945) » - Petit Palais

Il est rare de lire des récits sur la vie parisienne du début du 20e siècle jusqu’à la 2e guerre mondiale sans rencontrer le nom des Sert, spécialement celui de Misia Godebska, d’abord mariée à Thadée Natanson, fondateur de La Revue blanche, puis au richissime homme d’affaires Alfred Edwards et ensuite au peintre catalan José-Maria Sert, dont elle gardera le nom même après en avoir divorcé. L’exposition que le Petit Palais consacre au peintre-décorateur José-Maria Sert se terminera le 5 août, mais explique fort bien les différentes méthodes employées par le peintre pour mener à bien ses grandes peintures décoratives. Elle évoque aussi la vie personnelle de l’artiste.
En complément, si vous grimpez jusqu’à l’étage des impressionnistes du Musée d’Orsay, vous trouverez jusqu’au 9 septembre une exposition dédiée à Misia. On trouve là ses portraits faits par Renoir, Bonnard, Vuillard, Vallotton, Toulouse-Lautrec…, des photos, des lettres. On comprend l’appellation de l’exposition « Misia, reine de Paris ». Elle avait un instinct infaillible pour s’entourer des talents les plus brillants. Elle jouait fort bien du piano et avait été l’élève de Gabriel Fauré, Ravel lui avait dédié « Le cygne » et « La valse ». Misia fut amie de Diaghilev et « marraine » des ballets russes.
Je n’en dirai pas plus pour vous laisser le plaisir de la découverte.
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Marie-José Sélaudoux (19/6/2012)


« Les Maîtres du désordre » - Musée du quai Branly

L’exposition « les Maîtres du désordre », dont le commissariat est assuré par Jean de Loisy, a pour propos d’évoquer le chamanisme, d’un continent à l’autre, depuis l’antiquité égyptienne jusqu’à nos jours. La tension entre ordre et désordre a existé de tout temps et paraît indispensable à l’équilibre de l’univers. Monde traditionnel de la magie des intercesseurs, maîtres du désordre, et monde des arts plastiques se rencontrent au travers de trois cents objets ethnologiques fascinants qui côtoient les installations d’une vingtaine d’artistes contemporains. « Les artistes d’aujourd’hui sont de véritables anthropologues qui examinent la structure de la société et en font éclater la grammaire coercitive des formes et des beautés convenues » selon Jean de Loisy. Le spectateur est invité à déambuler à l’intérieur d’un « serpent cosmique », architecture réalisée par Jakob+MacFarlane, comme dans un voyage initiatique dans les entrailles du monde. Le parcours se déroule en trois parties : le désordre du monde, la maîtrise du désordre et la catharsis.
Dès le début de l’exposition, l’artiste suisse T. Hirschorn saisit le chaos du monde dans lequel nous vivons et l’illustre superbement avec son installation « Outgrowth » constituée de globes terrestres tuméfiés, en souffrance. Face à ces tumultes, l’homme fait appel aux divinités et s’entoure d’effigies protectrices.
A vous de découvrir comment maîtriser ce désordre grâce aux intercesseurs, médiateurs à la frontières du monde des vivants et des morts, du végétal et de l’animal, du visible et de l’invisible…
Et même si le désordre est le mot d’ordre de cette exposition, il nous emporte dans un voyage extraordinaire à travers les temps et les civilisations.

Sylvie Fontaine (20/5/2012)


Maurice Denis - "L'éternel printemps" - Musée des impressionnistes - Giverny

S'il vous prend l'envie d'aller (re)voir la maison, les estampes et le jardin de Monet à Giverny (dépêchez-vous, c'est encore la pleine saison des centaines d'iris et des dizaines de pivoines...), n'hésitez pas à faire un tour au Musée des impressionnistes.
Ce très agréable musée consacre une exposition aux œuvres du "Nabi" Maurice Denis sur le thème du printemps : chrétienté, vie, amour...
Ce n'est certes pas une grande rétrospective de cet ami du compositeur Ernest Chausson et familier de Debussy (cf. l'exposition consacrée au compositeur actuellement au Musée de l'Orangerie - article dans la Revue), mais après les iris et les pivoines, il est bien tentant d'aller cueillir les pâquerettes du renouveau avec Maurice Denis...

Thierry Vagne (19/5/2012)


"Peggy Guggenheim, femme face à son miroir " avec Stéphanie Bataille Au Théâtre du Petit Montparnasse - jusqu’au 17 juin 2012

Extrait Figaro magazine :
« La comédienne et la mécène ne font qu'une dans cette pièce de l'Américain Lanie Robertson, créée au Théâtre de la Huchette en 2011. Peggy Guggenheim (1898-1979) était un «personnage» au caractère bien trempé, doublé d'un tempérament de feu. Dirigée par Christophe Lidon, Stéphanie Bataille, actrice au talent indéniable, ne détonne pas. Elle relate sa jeunesse, son père, disparu lors du naufrage du Titanic, sa passion pour l'art, ses époux - Laurence Vail et Max Ernst -, ses amants - multiples - et l'amour pour sa fille, Pegeen, qu'elle considère comme une «grande artiste». L'esthète milliardaire était en avance sur son temps. Elle a financé les talentueux travaux de centaines d'artistes auxquels elle seule croyait: Magritte, Giacometti, Mondrian, Pollock, Klee… et réuni une collection unique, inestimable…»

Pour passer un bon moment où se mêlent cocasse et tragique…

Haut de page - TopSylvie Fontaine (24/5/2012)


Rêves de laque, le Japon de Shibata Zeshin - Musée Cernuschi

On est décidément en plein tournant du XIXe siècle en ce moment : outre Debussy à l'Orangerie, le symboliste Maurice Denis à Giverny (cf. ci-dessus), le musée Cernuschi nous invite à redécouvrir les laques et peintures de Shibata Zeshin, artiste du XIXe siècle dont les œuvres furent notamment exposées lors de l'Exposition de 1889 à Paris.
Les œuvres présentées - en provenance du Musée de San Antonio - sont très diverses : de panneaux peints à de magnifiques objets très variés, réalisés par ce maître de la laque japonaise.
Outre le charmant accueil du personnel et la faible fréquentation, on appréciera un court-métrage expliquant efficacement les nombreuses facettes de l'art de la fabrication traditionnelle de la laque japonaise.

Thierry Vagne  (19/5/2012)


"J'ai deux amours" à la Cité nationale de l'Histoire de l'immigration - jusqu'au 24 juin 2012

Les commissaires de l'exposition "J'ai deux amours", ont sélectionné 106 œuvres de 22 artistes parmi le fonds d’art contemporain du Musée national de l’histoire de l’immigration -ouvert au public depuis 2007. Ils ont alors imaginé un parcours en cinq thèmes : Départ - voyages - circulations / Entre rêve et nécessité / Frontières : passages et contrôles / Vivre ensemble / Réinventer son univers.
Citoyens du monde, les artistes, aujourd'hui, sont en transit entre leurs cultures d’'origine et les capitales culturelles que sont Paris, New York, Berlin, Londres... Mais la mobilité, telle qu'elle est envisagée ici, n'est pas uniquement géographique ; c'est également une façon de vivre, de créer, de se régénérer.
Les œuvres proposées enrichissent ainsi le regard historique et anthropologique du discours des artistes sur l'exil, la notion de frontière ou le questionnement identitaire.
Exposition à découvrir pour ces témoignages différents, parfois décalés ou plein d'humour, d'artistes contemporains sur l'immigration. 

Haut de page - TopSylvie Fontaine (06/1/2012)


"Masques de jade mayas" - Pinacothèque de Paris - Jusqu'au 10 juin 2012

La Pinacothèque de Paris présente « les masques de jade mayas » jusqu’au 10 juin 2012. Cette exposition montre des pièces exceptionnelles trouvées dans les sépultures des élites sachant que le « seigneur » détient le pouvoir politique, économique et religieux. Pour les mayas, toutes les créatures animées et inanimées de l’univers ont une âme, possèdent une spiritualité propre et entretiennent des liens les unes avec les autres de manière constante. Ainsi, la communication et l’interaction entre les divinités, les hommes et les animaux, mais aussi les entités telles que les montagnes, cavernes, fleuves, nuages, ciel, arbres, terre et vent se font au moyen de symboles et attributs. L’art maya s’attache à recréer l’harmonie existant entre l’ordre cosmique et mythologique ainsi que les énergies qui les habitent (la couleur rouge étant associée étroitement au concept de sang et de fertilité).
Sept tombes sont reconstituées : masques, colliers, boucles d’oreilles, pectoraux, bracelets, bandeaux frontaux, ceintures cérémonielles, boucliers, gobelets, assiettes, haches votives, figurines de joueurs (le jeu de pelote est une façon de recréer rituellement les étapes de la création afin d’assurer la continuité du cycle de la vie et de la mort dans le cosmos)… Les objets sont le plus souvent en jade, considéré comme le matériau le plus précieux tout comme l’obsidienne, la turquoise, les coquillages marins…
Les masques permettent d’endosser le visage de la divinité et d’accomplir ainsi son rôle d’intermédiaire entre les sphères terrestre et céleste ; ils ont pour mission d’assurer la vie éternelle aux hauts dignitaires (incarnations des dieux) après leur mort.
Les représentations symboliques s’inspirent de la nature (le jaguar, le crocodile, le serpent à plumes, la chauve-souris, le perroquet, le maïs, la pluie, le vent…) mais plongent dans la cosmogonie mystérieuse de cette culture millénaire riche dans de nombreux domaines (astronomie, mathématiques, écriture…). La statuaire et les masques dévoilent les canons de la beauté maya : la déformation crânienne (2 planchettes comprimaient l’occipital pour rappeler l’épi de maïs) ; l’arête du nez allongé ; le strabisme convergeant créé par l’application d’un petit coquillage dans l’angle interne de la cavité oculaire ; les dents incrustées de nacre ; la lèvre intérieure, le bas du nez et les lobes d’oreilles percés pour y intégrer des ornements décoratifs…
Cette exposition, difficile à appréhender pour les néophytes, met en valeur le mystère de la religion et des rites mayas et fascine réellement par la manifestation du sacré qui s’en dégage.
Haut de page - TopFrancoise Rambier (16/2/2012)


"L’affaire Dussaert" de Jacques Mougenot au Théâtre Le Ranelagh - jusqu’au 2 juin 2012

Jusqu’où l’art peut-il aller trop loin ?
Prix Philippe Avron 2011 décerné par la Fédération des Festivals d’Humour et la SACD.

L’affaire suscitée par la vente publique de la dernière œuvre de Philippe Dussaert (1947-1989) donne l’occasion à Jacques Mougenot d’évoquer avec humour les dérives de l’art contemporain. Un spectacle inattendu, drôle et réjouissant.
Haut de page - TopSylvie Fontaine (24/5/2012)


Spartacus - Théâtre de la marionnette à Paris -  Du jeudi 10 au samedi 12 mai 2012 à 21h30

La connotation "marionnette" est trop souvent liée à l'enfance, à Guignol. Mais si quelque chose a vraiment évolué dans le spectacle, c'est justement le théâtre de marionnettes. Cette année, le "Théâtre de la Marionnette à Paris" présente Spartacus, spectacle lyrique avec une manipulation extraordinaire de personnages, d'objets et d'animaux de métal, qui prennent vie dans un cirque à gradins de bois. Les trois manipulateurs, muets et maquillés dans les couleurs de leurs personnages "métal rouillé" sont au centre de la piste sur laquelle se déroulent les jeux du cirque. La révolte des gladiateurs gronde. Spartacus tient tête aux deux chefs Romains installés sur deux tours de chaque côté de la piste. Les sept tableaux sont rythmés par ces deux chefs, chanteurs lyriques.
Ce cirque grandiose, digne d'un péplum est produit par "le Théâtre de la Licorne" et a rencontré un vif succès au dernier festival de marionnettes de Charleville-Mézières. Le rêve est encore possible, il ne faut surtout pas rater ce spectacle donné trois jours seulement du 10 au 12 mai 2012.

Marie-Raymonde Clairotte (27/3/2012)


"La saisie du modèle" - Musée Rodin - Jusqu'au 1er avril 2012

Si vous n’avez déjà visité l’exposition « La saisie du modèle » au Musée Rodin, courez découvrir les 300 dessins et aquarelles de la période 1890-1917 superbement mis en lumière de façon thématique : mythes et métamorphoses, Psyché, danseuses cambodgiennes, portraits, figures de l’indécence…« …mes dessins sont la clef de mon œuvre…et permettent d’exprimer la simplicité en fixant l’essentiel… » confie l’artiste en 1910.
En effet, à partir de 1896, il s’adonne quotidiennement au dessin d’après modèle vivant et en fait sa forme prépondérante d’expression. Après une saisie immédiate, les formes sont épurées ou découpées puis balayées par des aplats de couleur vive. Les dessins instantanés fournissent à l’artiste un répertoire de gestes, d’attitudes, d’expressions, d’études de la décomposition du mouvement - le plus souvent de la figure féminine. L’artiste cherche à faire transparaître vérité et caractère dans ses portraits, comme le fera Lucian Freud dans ses toiles quelques années plus tard.
La dernière section présente des corps noyés dans des taches d’aquarelle aux couleurs vives - des rouges somptueux- et nous montre ainsi le caractère de la variation chez Rodin qui invente des procédures novatrices pour l’époque. Il se dégage de ces œuvres une modernité et une expressivité incroyable et on ne peut s’empêcher de faire un rapprochement avec les dessins de Cocteau, les découpages de Matisse, les acrobates et contorsionnistes de Picasso, les études de mains de Louise Bourgeois...
Haut de page - TopSylvie Fontaine (08/2/2012)


"Décor et installations" à la Galerie des Gobelins - jusqu'au 15 avril 2012
 

La superbe exposition "Décor & Installations " réunit 31 artistes de la scène française contemporaine dans la Galerie des Gobelins à Paris et à la Galerie nationale de la tapisserie à Beauvais.
Dans une scénographie subtile, imaginée par le designer Frédéric Ruyant, sont présentées les œuvres des artistes et les cartons qui sont à l’origine de tapisseries, tapis et dentelles réalisés dans une facture savante et raffinée par les lissiers des manufactures des Gobelins. Les installations, faisant appel à des médiums différents, de L. Bourgeois, F.Morellet, C.Rutault, B.Lavier et tant d'autres permettent de découvrir les relations étroites entre métiers d’art et création.
Entre modernité et tradition, épure et baroque des pièces anciennes se trouvent confrontées à des pièces contemporaines et nous incitent à les contempler différemment telle l'installation de A et P Poirier qui vous fait pénétrer dans les merveilleuses tapisseries de batailles du XVIIe siècle d'après C Le Brun, Raphael ou Rubens...
Un parcours vous est proposé certains jours, qui comprend l'accès à l'exposition et la visite guidée des manufactures par un conférencier.

Haut de page - TopSylvie Fontaine (06/1/2012)


"Sable et lumière" : Raphaëlle Pia à l'AUP Fine Arts Gallery - jusqu'au 12 mars 2012  

The American University of Paris
6, rue du Colonel Combes
75007 PARIS
du lundi au vendredi  9h - 19h
Le samedi de 10h 17h

Raphaëlle Pia

 

 

 

 

 

 

 

 


Inauguration du Palais de Tokyo avec la Triennale 2012

Le Palais de Tokyo, dans le 16ème arrondissement de Paris, a ouvert ses portes à la création contemporaine il y a 10ans. Aujourd’hui, ce palais s’agrandit et devient, avec ses 22.000m2, l’un des plus grands sites d’exposition des arts visuels en Europe.
Pour son inauguration, il accueille la 3ème Triennale sous le commissariat du curateur de renommée internationale, Okwui Enwezor. Directeur artistique de nombreux évènements tels la documenta 11, les biennales de Gwangiu et Johannesburg, il dirige aujourd’hui la Haus der Kunst de Munich.
Cette Triennale, ancienne « Force de l’art », a été présentée au Grand Palais en 2006 et 2009 et avait pour objet de présenter et de soutenir les créations contemporaines françaises. Dans le contexte actuel de mondialisation accrue, l’heure n’est plus à présenter une esthétique nationale mais plutôt de confronter les différentes productions artistiques de par le monde. C’est pourquoi cette manifestation, intitulée Intense Proximité, montre en 2012 les correspondances et les complicités tissées entre la création en France et celle des autres foyers internationaux en mettant l’accent sur les frottements et les tensions hétérogènes qui animent toute activité humaine. Il s’agit d’une vaste interrogation sur la place de l’individu dans la société, au travers de ses origines, sa formation intellectuelle et sa trajectoire. Cette exposition foisonnante rassemble les œuvres de 113 artistes de toutes origines - 40 pays représentés - et de toutes disciplines, depuis les années 30 (superbes dessins de W. Lam, photographies de W.Evans) jusqu’à aujourd’hui avec la pertinente vidéo de la jeune B. Bak. Il s’agit pour nombre d’entre eux « d’une réflexion sur le rôle des poétiques de l’ethnographie » selon le commissaire O. Enwesor et où images documentaires sont déconstruites et reconstruites entre réalité et fiction.
Cette nouvelle Triennale au Palais de Tokyo et dans sept lieux associés est l’un des grands rendez vous de l’année 2012 à ne pas manquer…
 
Sylvie Fontaine (20/5/2012)

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Bruegel - Le moulin et la croix - Film de Lech Majewski - 2012

Les films consacrés à une œuvre picturale importante ne sont pas si fréquents pour ne pas attirer l'attention sur celui-ci.
Le tableau  a été exécuté par Pieter Bruegel l'ancien en 1564, au cours de l'occupation des Flandres par les Espagnols.
La question de savoir si "la démarche de Bruegel consiste à utiliser la situation politique immédiate pour faire comprendre l'histoire du messie et non pas de prendre l'histoire du Christ pour condamner les exactions espagnoles" reste à notre avis pendante...
Le parti pris - obligé - du réalisateur de ne se concentrer que sur quelques-uns des quelques 500 personnages du tableau (1,70m x 1,24m...) peut certes prêter à discussion.
Il n'empêche que l'on est souvent pris par l'habileté technique mêlant actions et tableau, les décors numérisés magnifiant en quelque sorte les différentes parties du tableau.
À voir donc, notamment pour les heureux possesseurs de 'tablette', qui, un peu comme le mélomane qui suit la partition pendant un concert, pourront ainsi localiser en temps réel sur le tableau les scènes proposées par le film...
Haut de page - TopThierry Vagne (28/1/2012)


"Bêtes off" à la Conciergerie - jusqu'au 11 mars 2012
 

La Conciergerie présente actuellement "Bêtes off", sous le commissariat de C. d'Anthenaise, Directeur du Musée de la Chasse et de la Nature.
Après avoir été exposées l'été dernier dans 35 monuments nationaux à travers la France, les œuvres de 45 artistes contemporains utilisant la figure animale dialoguent entre elles dans ce cadre historique. Et chacune offre un territoire différent à explorer.
Même si la scénographie reste un peu trop sombre et présente, vous découvrirez de très belles œuvres d'artistes confirmés ou émergents au travers d'installations, sculptures, photographies, vidéos...
La figure animale a de tout temps joué un rôle important dans l'imaginaire des artistes et je vous invite vivement à découvrir ce monde étonnant, d'une beauté rare aux allures de conte dans le cadre grandiose qu'est celui de la Conciergerie. 

Sylvie Fontaine (06/1/2012)


L'hôtel des roches noires - Spectacle musical de Françoise Cadol et Stefan Corbin - Jusqu'au 4 mars 2012

Trouville 2012.
La plage, le bord de mer, un ancien hôtel hanté. Des âmes prisonnières trompent leur ennui en inventant des jeux sans règle pour meubler leurs jours sans fin, leurs rêves d'histoires d'amour. Ce serait mieux que le vieil hôtel abandonné rouvre ses portes, que des vivants reviennent, que des cœurs palpitent. Un jour, un homme entre dans le hall. Il est promoteur et sa tête est hantée par le souvenir d'une femme disparue cinq ans auparavant. Ce promoteur devient le catalyseur qui permettra d'affiner tous les souvenirs.

C'est rare de voir des fantômes chanter, mais quand c'est avec humour, tendresse et poésie, il faut voir ça !



Haut de page - TopMarie-Raymonde Clairotte (30/1/2012)


Cinéma

« L’expodcast » du Château de Versailles

Compte-tenu de la situation sanitaire, le Château de Versailles via le Centre de musique baroque de Versailles, propose une nouvelle expérience visuelle et sonore en six épisodes :
- Une page web par épisode avec un lecteur pour écouter et parcourir en même temps
- Des archives, des citations, des anecdotes, des interviews, des chiffres clés, de l’iconographie
- Des pastilles audios
- Une playlist de près de 50 pistes musicales pour accompagner l’exposition
 - Des « En savoir plus » aux formes multiples pour approfondir un sujet
- Un quiz pour tester ses connaissances
- Des entretiens écrits et vidéo avec des spécialistes
- Etc.

Le premier épisode : Musique et musiciens à la chapelle royale.

Lien

Thierry Vagne - 21/11/2020

 

Le pianiste aux 50 doigts de et par Pascal Amoyel au théâtre du Ranelagh jusqu'au 15 janvier 2012

Un des tous meilleurs pianistes français rend hommage à son maître György Cziffra au cours d'un spectacle aussi bien captivant musicalement qu'émouvant.
La première partie de la vie du "pianiste aux 50 doigts" est ainsi scénarisée de façon très habile et permet à Pascal Amoyel, pianiste, chambriste, compositeur, professeur de conservatoire et... comédien, de montrer qu'il est le digne successeur de son maître.
Emmenez-y vos enfants et/ou petits-enfants  !
Site du théâtre
Site du pianiste

Spectacle proposé par Thierry Vagne


Surpeintures de Arnulf Rainer à La Maison Victor Hugo jusqu'au 15 janvier 2012

Ne manquez pas de voir la merveilleuse exposition de l'artiste autrichien A. Rainer, malheureusement peu montré en France depuis sa rétrospective en 1984 au Centre Pompidou.
Le Musée Victor Hugo a sélectionné une soixantaine d'œuvres où l'artiste recouvre plus ou moins à l'aide d'encre, pastel, peinture... des reproductions de V. Hugo. Le dialogue ente les deux artistes s'effectue tout au long de l'exposition et les clochers, temples, 3 mâts de V. Hugo transparaissent dans une explosion de couleurs ou au contraire disparaissent sous les grattages, griffures et calligraphies. Arnulf Rainer met ainsi magnifiquement en exergue la modernité, les jeux d'ombre et de lumière, les lignes de force et l'abstraction des dessins de Victor Hugo.
En regard de la série "Hugo", sont présentées d'autres œuvres d' Arnulf Rainer inspirées par des artistes de paysages tels Corot et Friedrich ou encore d'artistes ayant une proximité avec l'univers onirique du poète comme Redon. Courez vite avant le 15 janvier !

Exposition proposée par Sylvie Fontaine