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Marina Abramović en Suisse
Le Kunsthaus Zürich présente la première grande
rétrospective de l’artiste en Suisse. Cette exposition
comprend des œuvres de toutes les périodes de la
carrière de l’artiste et remet en scène live certaines
performances historiques.
Marina Abramović (*1946, Belgrade) est l’une des
artistes contemporaines les plus importantes. En plus de
55 ans de carrière, elle a réalisé des performances
légendaires qui sont entrées dans l’histoire (de l’art).
Marina Abramović a fait sa marque de fabrique de ses
«long durational performances»: des prestations
inscrites dans la durée, exténuantes, dans lesquelles
l’artiste met à l’épreuve les limites du corps et de
l’esprit et invite le public à partager ces expériences
avec elle. Un nouveau travail a en outre été créé
spécialement pour le Kunsthaus qui implique directement
le public.
Limites physiques
Dans les œuvres de ses débuts, Marina Abramović
testait surtout les limites physiques. Dans ce domaine,
on se souvient encore de la série des «Rhythm
Performances», dans lesquelles elle exposait son corps à
des situations extrêmes, et expérimentait avec diverses
formes de perte de contrôle. Dans ses travaux plus
récents, elle s’est plutôt intéressée à la
transformation mentale, au thème de la «guérison», et
s’est attachée à proposer une nouvelle expérience de soi
aux visiteurs.
Avec ses «Transitory Objects», qu’elle réalise depuis le
début des années 1990, Marina Abramović appelle le
public à interagir. Elle conçoit ces objets comme des
outils permettant de mieux se connaître soi-même. Pleine
conscience, décélération, et partant, une autre
expérience du temps et de soi, ont toujours joué dans
ces œuvres un rôle central – bien avant que ces thèmes
ne soient en vogue dans la société. Par ailleurs,
l’artiste a développé la «méthode Abramović», un système
destiné à approfondir ces pistes avec le public, et à
créer des possibilités pour vivre l’instant présent plus
consciemment et se connecter à ici et maintenant.
Des œuvres de toutes les périodes de la carrière de l’artiste
La vaste rétrospective organisée au Kunsthaus Zürich
donne un aperçu du travail aux multiples facettes de
cette artiste unique en son genre. On pourra y voir des
œuvres de toutes les phases de sa carrière, relevant de
différents genres: vidéo, photographie, sculpture et
dessin. Des performances iconiques seront également
reproduites en live, comme «Imponderabilia» (1977) et
«Luminosity» (1997).
Marina Abramović avait exécuté «Imponderabilia» pour la
première fois à Bologne avec Ulay (1943–2020), son
compagnon d'alors. Tous deux se tenaient nus à l’entrée
du musée, face à face, et les visiteurs devaient se
faufiler entre leurs corps. C’était une métaphore du
fait que les artistes sont les piliers du musée, et que
passer cette porte représente une expérience qui vous
fait entrer dans un nouvel univers, celui de l’art.
Les signataires de ce rapport l’ont directement vécu
lors de l’exposition présentée au MoMa à New York en
2010. Cette expérience reste, à bien des égards,
«impondérable», mais, dans tous les cas et le nôtre en
particulier, constitue une rencontre puissante avec une
artiste encore inconnue à bien des égards.
Participation du public
À Zurich aussi, cette performance est présentée dès
le début de l’exposition afin de conduire le public,
physiquement et mentalement, dans un autre espace, voire
de le mettre dans un autre état. En effet, la
rétrospective organisée au Kunsthaus Zürich est bien
plus qu’une exposition classique. C’est une expérience
qui met en jeu les cinq sens, et invite le public à
interagir et à participer directement.
Cet accent mis sur les travaux participatifs fait de
l’exposition une expérience unique et distingue la
rétrospective zurichoise des présentations qui l’ont
précédée. Enfin, avec le travail «Decompression
Chamber», spécialement conçu pour le Kunsthaus Zürich,
Marina Abramović incite le public à faire halte un
instant et à «décompresser», c’est-à-dire à se détendre
et à adopter un autre état d’esprit, un autre état
émotionnel, afin de se découvrir soi-même sous une forme
nouvelle – mais aussi de percevoir autrement le monde.
L’exposition au Kunsthaus Zürich a été conçue en étroite
collaboration avec l’artiste. Mirjam Varadinis,
curator-at-large du Kunsthaus Zürich, en a assuré le
commissariat. La rétrospective est réalisée en
coopération avec la Royal Academy of Arts, de Londres,
le Stedelijk Museum d’Amsterdam et le Bank Austria
Kunstforum de Vienne.
Séverine et Raymond Benoit (21/11/2024)
Kunsthaus, Zurich - du 25 octobre 2024 au 16 février 2025
Matthew Wong – Vincent Van Gogh - La peinture en dernier recours
Le Kunsthaus de Zurich consacre une exposition aux
parallèles artistiques et biographiques entre le peintre
sino-canadien Matthew Wong et Vincent van Gogh. Pour la
première fois en Suisse, l'exposition présente 40
intérieurs et paysages imaginaires de Matthew Wong,
complétés par une douzaine de chefs-d’œuvre de Vincent
van Gogh. Matthew Wong est un peintre autodidacte
contemporain canadien, né le 8 mars 1984 à Toronto au
Canada. Il s’est suicidé en 2019, à l’âge de trente-cinq
ans. Après avoir étudié l’anthropologie culturelle à
l’Université du Michigan, Ann Arbor, Wong est retourné à
Hong Kong, où il a obtenu une maîtrise en photographie
et médias créatifs à la City University en 2010. Ce
n’est cependant qu’en 2012 qu’il a commencé à dessiner.
« Au début, j’ai juste acheté un carnet de croquis bon
marché avec une bouteille d’encre et j’ai fait du
désordre tous les jours dans ma salle de bain en versant
de l’encre au hasard sur des pages - en les écrasant -
en espérant que quelque chose d’intéressant en
sortirait », a-t-il poursuivi. « Très vite, c’était la
seule activité qui me soutenait dans ma routine
quotidienne. »
Une œuvre aux couleurs somptueuses
La peinture de Matthew Wong se distingue par son
dynamisme et ses couleurs vives, centrée principalement
sur des paysages lyriques d'une grande puissance
évocatrice. Comme Van Gogh, Wong était un autodidacte,
ayant commencé à dessiner à l'âge de 27 ans. En
seulement huit ans, il a créé une œuvre variée et
étendue, intégrant des influences tant de l’art
occidental que chinois. Ses œuvres, bien que influencées
par des artistes comme Van Gogh, Henri Matisse, Shitao,
Gustav Klimt, Yayoi Kusama et Alex Katz, restent
remarquablement personnelles et originales.
Parenté spirituelle
L'influence de Van Gogh est particulièrement visible
dans l'utilisation très expressive de la couleur par
Wong. Tous deux expriment directement leurs états d'âme
à travers leur art. Biographiquement, ils partagent
aussi des parallèles frappants : Wong, ayant souffert de
dépression, du syndrome de Gilles de la Tourette et
d'autisme, s'est suicidé en 2019 à 35 ans. Van Gogh,
avec ses crises psychotiques, anxiété et hallucinations,
s’est également suicidé en 1890 à 37 ans, juste deux ans
plus âgé que Wong. Leur vision dynamique et émotionnelle
de la peinture, notamment dans les paysages, est un
thème central de l'exposition.
Un cosmos d’images omniprésent
Les références à l'histoire de l'art qui caractérisent
l'œuvre de Wong reflètent l'accès illimité à l'art que
les réseaux sociaux offrent à tout artiste du 21e
siècle. Quel que soit le lieu où l'on se trouve, le
moment où l'on travaille, il suffit d'un téléphone
portable pour avoir en permanence des siècles d'art à
portée de main. À cet égard, l'œuvre de Wong est
clairement contemporaine. Mais, dans le même temps, il a
aussi eu recours à des techniques très traditionnelles
telles que l'encre sur papier de riz, qui donnent à son
œuvre un caractère incomparable. Une autre manière, pour
Wong, de relier le monde d'aujourd'hui, numérique et
connecté, à l'histoire de l'art traditionnelle.
Invitation à la comparaison
L’exposition du Kunsthaus présente Wong et Van Gogh en
leur offrant des espaces distincts tout en créant des
connexions visuelles entre leurs œuvres. Des ouvertures
dans les parois permettent de comparer les œuvres plus
petites de Van Gogh avec les grands formats de Wong.
Cette disposition permet de rapprocher les univers
visuels des deux artistes tout en préservant leur
autonomie. L'exposition met en évidence leur vision
commune de la peinture émotionnelle, avec Wong suivant
l'exemple de Van Gogh à sa manière unique. L’exposition
se déroule sur 750 m² dans deux salles du bâtiment
Chipperfield, réunissant environ 35 œuvres de Wong et
une douzaine de Van Gogh dont plusieurs d’entre elles
sont rarement montrées car appartenant à des collections
privées.
Kunsthaus Zurich, jusqu'au 26 janvier 2025
Séverine et Raymond Benoit (28/10/2024)
Tom Wesselmann, figure clef du Pop art
Si Andy Wharol fut la figure de proue,
autoproclamée, du Pop art, Tom Wesselmann est un des
artistes, discret, qui va relier les divers courants du
Pop art, de Lichtenstein à Marjorie Strider.
Mais d'abord qu'est-ce que le Pop art ? Le Pop
art (popular art) est un mouvement artistique éclos
après la Seconde Guerre mondiale en Angleterre. Il
s’étend rapidement aux États-Unis, dont la société est
fortement influencée par l’essor du consumérisme. Ses
sujets et ses matériaux sont empruntés au quotidien, à
la culture populaire et urbaine (publicité, cinéma,
bande dessinée). Bien qu’il soit réputé « facile », le
Pop art se montre volontiers provocateur, voire
politique, et tend à désacraliser l’œuvre d’art en la
rendant accessible à tous.
L'exposition de la Fondation Vuitton Pop
forever, Tom Wesselmann, dirigée par la
directrice artistique Suzanne Pagé, permet de comprendre
ce courant artistique qui perdure encore aujourd'hui.
L'exposition est double. Elle a regroupé 150 œuvres du
peintre Wesselmann, et aussi thématique, elle rassemble
70 œuvres de 35 artistes, dont la célèbre « Marilyn »
d'Andy Warhol, la Fontaine de Duchamp, le
Drapeau de Jasper Jones.
On découvre la fusion de l'art et de la réalité opérée
par Wesselmann, : de ses premiers collages, les immenses
Still life (natures mortes) aux emblématiques
nus, des séries Mouths (bouches) aux œuvres
abstraites en métal, monumentales.
Tom Wesselmann (1931-2004), qui a grandi dans la
banlieue de Cincinnati aux Etats Unis,se destinait aux
dessins humoristiques, après avoir étudié la psychologie
à l'université, puis le dessin à Cincinnati et à New
York. C'est lors d'un stage en 1958 qu'il prend
conscience de ses aptitudes de peintre. Ses premiers
collages vont être influencés par Jim Dine (peintre
américain du mouvement néo-dada). Il commençait toujours
l'élaboration d'un tableau ou d'un assemblage par de
nombreux croquis, qui sont exposés dans la Fondation et
il avait très peu de modèles : sa femme Claire et la
scénariste Danielle Thompson. Et affinait constamment
ses idées pour obtenir la composition idéale.
Il évolue progressivement vers des compositions
abstraites. Il peint des images de bandes dessinées en
imitant une trame d'impression mécanique. Warhol
utilisera la sérigraphie pour transformer en icône sa
Marilyn Monroe.
Les sources de son art sont les archétypes de la société
américaine de consommation des années 1960 : publicités,
bouteilles de Coca-Cola, de bière, radios,
téléviseurs...et des couleurs vives, voire criardes.
En 1961, il connaît le succès avec ses Nudes,
fragments de corps nus de femmes, des nus empreints de
joie, (Great American nude) , reflets de la
libération sexuelle des années 60. Des œuvres
provocantes et dépersonnalisées.
C'est en 1965 qu'il commence à composer ses peintures de
bouches et cigarettes (mouths) Il travaille à
l'huile pour un rendu plus complexe de détails
immensément grandis. Dans les années 80 il s'éloigne des
standing still life et commence à dessiner dans
le métal, d'abord figuratives les œuvres deviennent
abstraites, expressionnistes. Certaines œuvres
d'artistes contemporains ont été conçues pour
l'exposition, comme celles de Derrick Adams, de Tomokazu
Matsuyama...Conçues avec des programmes informatiques,
elles revisitent les idées de Wesselmann en ajoutant une
critique sociale. Exemple : l'urne chinoise antique sur
laquelle l'artiste Ai Weiwei a peint le logo Coca Cola.
L'exposition se termine sur une nature morte monumentale
de Wesselmann qui s'approche de la sculpture. Une
composition perturbante, posée par terre comme un décor
de théâtre : un énorme tube de rouge à lèvres, une bague
gigantesque et des lunettes de soleil XXL.
Face à l'œuvre, nous sommes Alice au pays des
merveilles.
La Fondation Vuitton a réussi à montrer l'effet de
super-réalité de l'artiste et la continuité du
mouvement Pop art.
Conseil : lisez le déroulé de l'exposition avant de la
visiter.
Pop Forever, Tom Wesselmann. Fondation
Vuitton, du 17 octobre 2024 au 24 février 2025
Nocturnes jusqu'à 23 heures, le premier vendredi de
chaque mois.
Hélène Queuille (19/10/2024)
Paula Rego - Jeux de pouvoir
Militante, féministe et auteure de tableaux tour à tour exubérants et inquiétants, son influence se fait sentir dans le milieu artistique de son pays natal, le Portugal, et dans son pays d’adoption, la Grande-Bretagne. Lorsqu’elle décède en 2022, elle laisse derrière elle une œuvre foisonnante qui témoigne de son intérêt pour l’étude des « jeux de pouvoir et hiérarchies » qu’elle a confié être son thème de prédilection. Ce profond intérêt de l’artiste pour les dynamiques de pouvoir constitue le leitmotiv de l’exposition monographique d’envergure Paula Rego. Jeux de pouvoir au Kunstmuseum Basel.
Il s’agit de la première présentation muséale de l’œuvre de Rego dans l’espace germanophone et de la première grande exposition monographique depuis sa mort organisée par Eva Reifert, curatrice. Elle s’appuie sur quelque 120 peintures et pastels, ainsi que plusieurs poupées et documents. La fascination exercée par les œuvres de Paula Rego résulte de sa puissance imaginative empreinte de noirceur et d’inquiétante étrangeté.
L’exposition invite le public à découvrir l’univers inoubliable de Paula Rego et vise à approfondir la compréhension de cette artiste majeure. Organisée de manière thématique, l’exposition rassemble des œuvres emblématiques de plusieurs décennies, y compris des travaux de Rego traitant de la dictature de Salazar.
D’autres motifs centraux de son œuvre concernent son engagement contre les lois restreignant l’avortement dans son pays natal et contre la participation britannique à la guerre en Irak.
Dans l’ensemble de son œuvre, Rego remet en question les hiérarchies habituelles et montre des femmes endossant différents rôles. L’exposition présente ses spectaculaires pastels grand format inspirés à la fois de récits littéraires et de films Disney, ainsi que des exemples de ses travaux graphiques d’une brillante virtuosité technique.
Le thème de la lumière et de l’ombre, émanant du vif intérêt de Paula Rego pour les enseignements des archétypes de Jung, s’exprime dans la scénographie claire de l’exposition conçue par Juliette Israel sous forme de contrastes et de transitions fluides entre clarté et obscurité.
Le projet bénéficie du soutien de la Galerie Victoria Miro et du fils de l’artiste, Nick Willing, qui a consenti à prêter plusieurs œuvres parmi les plus importantes. Par ailleurs, des œuvres de Paula Rego provenant de collections privées et de musées internationaux à l’instar de la Tate de Londres, la Fondation Calouste Gulbenkian de Lisbonne et du Musée Serralves de Porto sont également visibles au sein de cette exposition.
Kunstmuseum Basel - Jusqu’au 2 février 2025
Séverine et Raymond Benoit (16/10/2024)
Brasil ! Brasil ! À l’Aube du Modernisme
Pour la première fois en Suisse, une exposition donne un
vaste aperçu de l’art moderne du Brésil, mais aussi de
l’histoire, de la littérature, de la musique, du design et
de l’architecture de ce pays. Brasil ! Brasil ! Le Brésil
est de loin le plus grand pays d’Amérique du Sud et possède
une immense diversité de paysages. La richesse culturelle du
Brésil est tout aussi impressionnante.
Son art et sa culture résultent d’un mélange d’influences
indigènes, de cultures apportées par les colons portugais et
de celles des personnes d’Afrique de l’Ouest déportées comme
esclaves jusqu’à la fin du 19e siècle. Aujourd’hui, des
immigrants du monde entier constituent un apport culturel
additionnel.
En quête d’identité
En 1889, après 67 ans de règne impérial, la première
République est proclamée avec Rio de Janeiro comme capitale.
Sur le plan économique, le pays profite de sa situation de
quasi-monopole au sein du commerce mondial de café, dont le
centre est situé dans la ville portuaire de Santos, dans
l’État de São Paulo. Cette atmosphère de renouveau se
reflète autant dans l’art, la littérature et la musique, que
dans le design et l’architecture.
Cette énergie et cette diversité marquent l’architecture
moderne, qui trouve sa propre expression iconique avec des
architectes comme Oscar Niemeyer et Lina Bo Bardi, mais
aussi le développement du carnaval de Rio de Janeiro. La
quête d’une identité nationale constitue toutefois un
véritable défi en raison de l’hétérogénéité de la population
et du nombre important de cultures régionales.
À l’aube du modernisme
En 1922, à l’occasion du centenaire de l’indépendance du
Brésil, le magnat du café Paulo Prado - un des oligarques
les plus influents, finance la Semana de Arte Moderna : il
s’agit d’une semaine d’événements culturels pour faire de
São Paulo, déjà centre économique, la capitale du
développement artistique moderne aux côtés de Rio de
Janeiro. Des artistes aspirent, comme l’avant-garde
européenne, à triompher du canon artistique
classique-académique dominant et institutionnalisé du 19e
siècle. En outre, ils souhaitent se libérer de l’orientation
artistique des colons portugais et élaborer leur propre
langage visuel.
Ainsi, il n’est pas étonnant qu’ils cherchent à échanger
avec leurs contemporains européens. Des artistes brésiliens
issus de familles aisées ou bénéficiant de bourses de voyage
effectuent des séjours en Europe, à l’instar d’Anita
Malfatti à Berlin ou de Tarsila do Amaral, Candido
Portinari, Vicente do Rego Monteiro et Geraldo de Barros à
Paris. Leur profond intérêt pour l’art des avant-gardes
européennes, en particulier l’expressionnisme, le futurisme
et le cubisme influencent leurs œuvres.
De retour au Brésil, tous ambitionnent cependant de créer un
art moderne brésilien. Ils se confrontent aux traditions et
aux sujets qu’ils définissent comme « les leurs » : les
coutumes indigènes, les cultures afro-brésiliennes
introduites par les esclaves, la pluralité ethnique. Avec la
révolution de 1930 puis l’instauration du régime dictatorial
« Estado Novo » par Getúlio Vargas, l’art s’oriente vers
d’autres thématiques - l’exploitation des ouvriers
agricoles, l’injustice sociale - et adopte un style plus
réaliste.
Après la destitution de Vargas, une deuxième génération
d’artistes modernes s’intéresse, à partir des années 1950,
aux thèmes sociaux-culturels propres au contexte brésilien :
l’ethnicité, la religion et le monde du travail. Le putsch
militaire de 1964 marque le début d’une nouvelle ère où les
artistes traitent de la répression politique et sociale. Le
Brésil à Berne Après une entrée remarquée en Europe
d’œuvres de la modernité brésilienne à la Biennale de Venise
cette année, l’Exposition Brasil ! Brasil ! À l’aube du
modernisme propose un vaste aperçu de l’art moderne du
Brésil. Elle présente les œuvres de dix artistes brésiliens
de la première moitié du 20e siècle, jusqu’ici rarement
montrées au sein d’expositions et de collections en Europe.
Par ailleurs, l’exposition propose une large vue d’ensemble
de réalisations brésiliennes majeures dans les champs de la
littérature, de la musique, du design et de l’architecture à
travers des photographies, des films et des bornes sonores.
Les artistes représentés dans l’exposition sont répartis en
deux catégories. Anita Malfatti, Vicente do Rego Monteiro,
Tarsila do Amaral, Lasar Segall et Candido Portinari
appartiennent depuis longtemps au canon du modernisme
brésilien.
À leurs côtés, cinq artistes furent longtemps absents du
canon brésilien : Flávio de Carvalho, Alfredo Volpi, Djanira
da Motta e Silva, Rubem Valentim et Geraldo de Barros. Des
coutumes populaires, à l’instar de fêtes villageoises ou de
rituels, servent de motifs à Alfredo Volpi et Djanira da
Motta e Silva, tandis que Rubem Valentim intègre dans ses
compositions des symboles comme la flèche, le triangle, le
cercle et la hache ancrés dans des rituels religieux
afro-brésiliens du Candomblé. Motta e Silva ainsi que
Valentim appartenaient tous deux à ces cultures. N’ayant pas
reçu de formation artistique classique, leur art fut
longtemps considéré comme « primitif » ou populaire. De
Barros et de Carvalho se situant entre art visuel,
architecture et design, ils furent longtemps difficiles à
intégrer au canon artistique. En outre, de Carvalho
déclencha de vives réactions à travers ses actions
performatives et ses portraits de femmes peints dans un
style expressionniste. Quelque 130 œuvres témoignent de la
diversité de l’art moderne brésilien au Zentrum Paul Klee.
L’exposition s’attache à faire découvrir au public un art
jusqu’ici peu connu et avec lui tout un pays.
Artistes exposés: Tarsila do Amaral
(1886-1973) Anita Malfatti (1889-1964) Lasar Segall
(1889-1957) Alfredo Volpi (1896-1988) Vicente do Rego
Monteiro (1899-1970) Flávio de Carvalho (1899-1973) Candido
Portinari (1903-1962) Djanira da Motta e Silva (1914-1979)
Rubem Valentim (1922-1991) Geraldo de Barros (1923-1998).
L’exposition sera ensuite présentée à la Royal Academy of
Arts de Londres. Du 7 septembre 2024 au 5 janvier 2025
Zentrum Paul Klee, Berne
Séverine et Raymond Benoit (12/9/2024)
Chefs-d’œuvre du Musée Langmatt : Boudin, Renoir, Cézanne, Gauguin…
En 2024, la Fondation de l’Hermitage fête ses 40 ans et présente une exposition exceptionnelle en partenariat avec le Museum Langmatt de Baden. Constituée des trésors – majoritairement impressionnistes – rassemblés pour l’essentiel entre 1908 et 1919 par le couple de collectionneurs Jenny et Sidney Brown, cette somptueuse collection, habituellement montrée à la Villa Langmatt, fera escale à l’Hermitage pour sa première présentation hors-les-murs.
Quarante ans après son exposition inaugurale L’impressionnisme dans les collections romandes, la Fondation a ainsi le privilège de dévoiler l’une des plus prestigieuses collections impressionnistes de Suisse alémanique. Cette présentation-événement permet aussi de célébrer les 150 ans de l’impressionnisme, qui s’est cristallisé en 1874 autour de la première exposition collective d’un groupe de jeunes artistes indépendants, comme Monet ou Renoir, adeptes d’une « nouvelle peinture ».
L’origine
A Baden, canton d’Argovie, Jenny Sulzer et Sidney Brown, tous deux issus de familles de grands entrepreneurs basés à Winterthour, se marient en 1896. C’est pendant leur voyage de noces à Paris qu’ils achètent leur première œuvre, un paysage d’Eugène Boudin représentant des lavandières près de Trouville. Ce tableau scelle d’emblée un attrait pour la peinture française, et en particulier pour la couleur et les effets de lumière.
Une collection prestigieuse
Au tournant du 20e siècle, les Brown effectuent maints voyages pour découvrir la création de leur temps et soutenir des artistes. Dominée par les paysages et les natures mortes, la collection réunit des œuvres de Pierre Bonnard, Eugène Boudin, Mary Cassatt, Camille Corot, Paul Cézanne, Edgar Degas, Henri FantinLatour, Paul Gauguin, Henri Matisse, Claude Monet, Camille Pissarro, Odilon Redon, Pierre-Auguste Renoir, ou encore Alfred Sisley, constituant ainsi l’une des premières et plus significatives collections impressionnistes de Suisse.
Première étape hors les murs
Ces chefs-d’œuvre sont désormais conservés à la Villa Langmatt, que le couple a fait construire dans le style Art nouveau par l’architecte Karl Moser entre 1899 et 1901. La demeure, inspirée de l’architecture rurale anglaise, est actuellement fermée pour d’importants travaux de rénovation. L’exposition de la collection Langmatt à la Fondation de l’Hermitage réunira plus de 60 œuvres parmi les plus remarquables de cet ensemble : une occasion unique d’admirer ces trésors hors de leur écrin habituel.
L’exposition
A la villa de L’Hermitage, la collection se découvre dans une disposition qui se rapproche de son lieu d’origine, la Langmatt. La disposition des pièces permet de rassembler les peintures par thèmes - Premières acquisitions : paysages pré-impressionnistes Boudin, Corot, Degas - De la Sécession munichoise au paysage impressionniste Pissarro, Sisley, Monet - Natures mortes Fantin-Latour, Renoir, Vignon, Pissarro - Au cœur de la collection Renoir - Puissance de la couleur et des ombres Cassatt, Degas, Fantin-Latour, Redon.
La collection de tableaux de Renoir est particulièrement impressionnante, peut-être la plus intéressante comme collection particulière. Elle complète ainsi les Renoir que l’on peut découvrir à la Fondation Gianadda (v. Critique la concernant).
L’exposition fera ensuite étape au Wallraf-Richartz-Museum & Fondation Corboud, à Cologne, puis à la Österreichische Galerie Belvedere, à Vienne.
Fondation L’Hermitage, Lausanne – 28 juin au 3 novembre 2004
Cézanne-Renoir : Regards croisés
Cézanne, Renoir: regards croisés : Les voilà réunis à la
Fondation Gianadda de Martigny, après deux positions
individuelles (2014, 2017) dans le même espace du Musée
gallo-romain. La confrontation est le défi que les musées de
l’Orangerie et d’Orsay à Paris désirent démontrer cet été
avec quelque 60 tableaux.
La majorité des œuvres provient de la collection de Paul
Guillaume, qui vient d’ouvrir à Paris, en 1914, sa première
galerie, rue de Miromesnil. Il fut parmi les premiers à
reconnaître le caractère artistique des objets africains,
aux côtés de Vlaminck, Derain, Matisse, Picasso et
Apollinaire. Ce dernier lui recommande d’acquérir « des
tableaux bon marché...de Cézanne» ! La désorganisation de
l’an 1914 ayant conduit plusieurs grands marchands à quitter
Paris, Paul Guillaume se fait une place sur un marché de
l’art. Il fait paraître des encarts publicitaires en 1916 :
«Au 1er septembre je suis acheteur de Renoir, Cézanne, Van
Gogh, Lautrec, Monet, Picasso etc.». Dès lors, Guillaume
mène de front une activité de marchand et la constitution de
sa propre collection qui comprend un choix important des
peintres de son époque, dont bien sûr Cézanne.
D’autre part, le goût de Paul Guillaume pour Renoir se
révèle précoce. On en trouve les traces dès la fin des
années 1910. De Guillaume Apollinaire, qui fut son ami et
son guide dans le monde des arts, Paul se souvient de la
leçon de l’écrivain qui déclarait que Renoir était «le plus
grand peintre de ce temps et l’un des plus grands peintres
de tous les temps». Paul Guillaume accueille dans sa galerie
de Londres, une grande exposition d’œuvres de Renoir en 1928
issues des collections des fils de l’artiste. Renoir est
exposé avec d’autres artistes tels Derain, Picasso, Cézanne,
Matisse, etc. Paul Guillaume place ainsi les productions de
Renoir dans des jeux de correspondances singulières et des
affinités électives situant délibérément le peintre dans une
histoire de la modernité.
En 1934, Paul Guillaume meurt prématurément sans avoir mené
à bien un projet « d’hôtel-musée ». Sa veuve, Juliette
Lacaze dite Domenica, suivant les volontés testamentaires de
son mari, ferme la galerie et hérite de l’incroyable
collection. Le défunt a demandé qu’elle soit léguée au musée
du Louvre. Lorsqu’en 1959 et 1963 les Musées nationaux
achètent à Juliette Lacaze (devenue Domenica Walter après un
second mariage) la collection Paul Guillaume, celle-ci a été
sensiblement remaniée. Les œuvres les plus audacieuses de
Picasso et Matisse –celles de l’expérience cubiste –ont été
vendues, tandis que l’ensemble est enrichi de tableaux
impressionnistes.
Le musée de l’Orangerie compte cinq tableaux de Cézanne
achetés par Paul Guillaume et dix autres par sa veuve, si
bien que l’Orangerie réunit aujourd’hui certaines des œuvres
les plus importantes du maître d’Aix. Avec 24 œuvres au
total, Renoir est actuellement le deuxième artiste le plus
représenté de la collection Walter-Guillaume du musée de
l’Orangerie. Renoir y apparaît confronté aux grands maîtres
de l’avant-garde du début du XXe siècle. La collection
Walter-Guillaume fait ainsi dialoguer les peintures de
Renoir aussi bien avec les grandes baigneuses de Picasso
qu’avec les odalisques de Matisse, faisant de l’œuvre du
maître le substrat d’une certaine modernité.
À la croisée du XIXe et du XXe siècle, Renoir et Cézanne ont
creusé deux sillons de la modernité picturale : le premier
en frayant le chemin de traverse de l’impressionnisme, où la
ligne cède le pas à la touche, à la couleur et à la
lumière ; le second en pavant une voie nouvelle aux tracés
rythmiques et synthétiques. Bien que distinctes, leurs
trajectoires n’ont cessé de se rencontrer, par l’amitié, par
l’admiration réciproque, par une communauté de sujets et de
questionnements aussi, de la nature morte aux paysages, du
portrait au nu, et jusque dans leur quête d’une essence des
choses et des êtres.
La première partie de l’exposition présente une introduction
établie sur des comparaisons de deux tableaux de Cézanne et
de Renoir. Elle relève les thèmes les plus typiques en
mettant en exergue les confrontations dans leur manière de
peindre les natures mortes, les paysages, les portraits et
les baigneuses.
Dans la deuxième partie, une approche chronologique des deux
artistes met en évidence leur évolution stylistique
singulière. Le poirier d’Angleterre, 1873, où Renoir
présente un paysage pleinement impressionniste dominé par
les différentes tonalités de vert marque l’attrait du
peintre pour une végétation foisonnante. Elle est à la fois
le décor et le sujet de la toile, dominant les trois figures
humaines qui mettent en valeur le côté monumental du
poirier.
La dernière partie montre le passage à la postérité de
Cézanne et Renoir. « Il faut traiter la nature par le
cylindre, la sphère et le cône » écrit Cézanne. Son
application dans la géométrisation des formes et la
construction de l’espace annonce le cubisme comme dans Dans
le Parc de Château Noir, 1900. Cézanne traite des arbres,
dans une composition serrée, centrée sur l’arbre, sujet
favori de l’artiste à la fin de sa vie. Alors que Renoir
contribue à façonner le cours de l’art moderne avec son
exploration de la lumière, sa maîtrise du portrait et sa
célébration des nus comme dans Femme nue couchée, 1906.
Pour illustrer l’envergure de Renoir et Cézanne sur la
nouvelle génération de ces peintres modernes, des œuvres de
Picasso complètent avec panache cette rencontre magnifique
de deux géants de l’histoire de l’art dans un espace
agréable qui permet la comparaison et la confrontation
immédiates.
Séverine et Raymond Benoit
Fondation Gianadda, Martigny (Suisse)
12 juillet –19 novembre 2024
Killers of the flower moon : un monument à ne rater sous aucun prétexte
Si au cours de vos humanités vous avez lu Tintin en Amérique
(1932), Lucky Luke dans « ruée sur l’Oklahoma » (1960) ou «
à l’ombre des derricks » (1962), vous ne pouvez ignorer que
les méchants cow-boys, dès qu’ils humaient un parfum de
pétrole, chassaient les gentils Indiens pour y installer
leurs derricks.
La tribu des Osages, dans les années 20,
s’en était plutôt mieux tirée, puisque, le pétrole ayant été
trouvé sur leur réserve, ils bénéficiaient d’une partie du
revenu de l’exploitation. Et comme ils étaient relativement
peu nombreux, cela rendait chacun (et chacune) de ces
Peaux-Rouges d’un seul coup très riches. Cela n’échappa à
des coureurs de dot, qui épousèrent ces squaws en or massif.
Mais cela fit aussi le malheur de la tribu, car (fait
historique) une vague de morts suspectes vint affecter la
communauté. Scorsese s’appuie sur ce fait réel pour bâtir un
beau et long (3h30) opus. Il a visiblement passé beaucoup de
temps à lire des ouvrages ethnologiques, car il sait nous
restituer magnifiquement la fin de ce monde amérindien
obligé de sauter dans la modernité.
Nous allons donc
rencontrer William Hale (=Robert de Niro) un notable local
qui se veut bienfaiteur des Indiens, mais qui en sous-main
nourrit de noirs desseins. Il embauche son neveu, Ernest
Buckart (= Leonardo di Caprio), un peu simplet mais au
diapason de la violence de ce monde sans foi ni loi. Là où
ça se corse, c’est que le bel Ernest marie une belle
Indienne, Molly, qui pour le coup est riche mais aussi
pleine de charme. C’est Lily Gladestone, qui perce l’écran.
Et Ernest tombe amoureux, on le comprend, de la belle Molly.
Ça va faire dérailler le plan du vieil oncle, on ne vous
dira pas la suite.
Scorsese (80 ans) n’a pas perdu la main.
Celui qui nous a fait plonger dans les bas-fonds de
New-York, écouter les stars de la pop, s’émerveiller devant
le monde de Méliès, signe là un chef d’œuvre. Il a coproduit
le film, et y a mis tellement de talent que l’on pourrait
penser, vu son âge, qu’il a voulu nous laisser un testament.
Vous avez compris, précipitez-vous !
PS : le capitaine, dans une vie antérieure, a beaucoup fréquenté les sympathiques cow-boys de Phillips Petroleum, allant les voir à Bartlesville (Oklahoma). Il peut vous certifier que 50 ans après les faits relatés par le film , il y avait encore d’authentiques Indiens Osages parmi les dirigeants de la Compagnie.
Alix Caudrillier (31/10/2023)
Pascal Amoyel - "Le pianiste aux 50 doigts"
Pour
l’anniversaire des 30 ans de la disparition du grand
pianiste hongrois György Cziffra, le pianiste (et acteur)
Pascal Amoyel reprend son spectacle musical “Le pianiste aux
50 doigts” au Théâtre Montparnasse.
Retraçant quelques épisodes marquants de la vie du pianiste
et ses relations avec son élève Pascal, ce spectacle
enchante et émeut tant par le jeu d’acteur, la mise en scène
que par la maîtrise technique et musicale exceptionnelle du
pianiste.
Jusqu’au 31 décembre 2023 - à ne pas manquer.
Jeudi & vendredi - 20h
Samedi - 17h & 20H - Dimanche 17h
Thierry Vagne - 29/11/2023
Photo : DR
En première mondiale, l’hologramme d’un virtuose enregistré de son vivant
Philippe
Entremont, 85 ans, est un virtuose français qui a donné
7 000 concerts et réalisé
350
enregistrements. Sa carrière internationale lui a permis
de jouer et d’enregistrer avec des chefs aussi illustres que
Leonard Bernstein ou Eugene Ormandy, puis de se produire de
par le monde aussi bien en tant que pianiste que chef
d’orchestre. Il vient de réaliser un enregistrement de son hologramme qui
permettra de le voir donner un récital comme s’il était
physiquement présent. Des spectacles d’hologramme d’artistes
disparus existent déjà, avec des artistes de variétés ou
Maria Callas par exemple. Mais jamais l’expérience n’a été
réalisée en enregistrant directement un artiste de son
vivant via ce procédé.
Au programme : la Fantaisie
chromatique et fugue de Bach, la sonate K. 311 de Mozart, la
sonate Clair de lune de Beethoven et Pour le piano de
Debussy. Ce programme devrait être diffusé dans des salles
prestigieuses début 2020. On pourra probablement dans
l’avenir visualiser cet hologramme chez soi, avec des
lunettes de réalité augmentée.
Lire l’article
Thierry Vagne - 06/12/2019
Killers of the flower moon : un monument à ne rater sous aucun prétexte
Si au cours de vos humanités vous avez lu Tintin en Amérique
(1932), Lucky Luke dans « ruée sur l’Oklahoma » (1960) ou «
à l’ombre des derricks »(1962), vous ne pouvez ignorer que
les méchants cow-boys, dès qu’ils humaient un parfum de
pétrole, chassaient les gentils Indiens pour y installer
leurs derricks.
La tribu des Osages, dans les années 20,
s’en était plutôt mieux tirée, puisque, le pétrole ayant
été trouvé sur leur réserve, ils bénéficiaient d’une partie
du revenu de l’exploitation. Et comme ils étaient
relativement peu nombreux, cela rendait chacun (et chacune)
de ces Peaux-Rouges d’un seul coup très riches. Cela
n’échappa à des coureurs de dot, qui épousèrent ces squaws
en or massif.
Mais cela fit aussi le malheur de la tribu,
car (fait historique) une vague de morts suspectes vint
affecter la communauté. Scorsese s’appuie sur ce fait réel
pour bâtir un beau et long (3h30) opus. Il a visiblement
passé beaucoup de temps à lire des ouvrages ethnologiques,
car il sait nous restituer magnifiquement la fin de ce monde
amérindien obligé de sauter dans la modernité.
Nous allons
donc rencontrer William Hale (=Robert de Niro) un notable
local qui se veut bienfaiteur des Indiens , mais qui en
sous-main nourrit de noirs desseins. Il embauche son neveu,
Ernest Buckart (= Leonardo di Caprio), un peu simplet mais
au diapason de la violence de ce monde sans foi ni loi. Là
où ça se corse, c’est que le bel Ernest marie une belle
Indienne, Molly, qui pour le coup est riche mais aussi
pleine de charme. C’est Lily Gladestone, qui perce l’écran.
Et Ernest tombe amoureux, on le comprend, de la belle Molly. Ça va faire dérailler le plan du viel oncle, on ne vous
dira pas la suite.
Scorsese (80 ans) n’a pas perdu la main. Celui qui nous a fait plonger dans les bas-fonds de
New-York, écouter les stars de la pop, s’émerveiller devant
le monde de Méliès, signe là un chef d’œuvre. Il a
coproduit le film, et y a mis tellement de talent que l’on
pourrait penser, vu son âge, qu’il a voulu nous laisser un
testament.
Vous avez compris, précipitez-vous !
PS : le capitaine, dans une vie antérieure, a beaucoup fréquenté les sympathiques cow-boys de Phillips Petroleum, allant les voir à Bartlesville (Oklahoma) . Il peut vous certifier que 50 ans après les faits relatés par le film , il y avait encore d’authentiques Indiens Osages parmi les dirigeants de la Compagnie.
Alix Caudrillier (31/10/2023)