Actualités

L'art visuel - Livres - Musique - Théâtre - Cinéma

 

L'art visuel

Exposition Kahnweiler & Rupf - une amitié entre Paris et Berne

Marchand d’art à Paris, Daniel-Henry Kahnweiler (1884-1979) achète et vend des tableaux de Pablo Picasso, Georges Braque et Juan Gris, tandis qu’Hermann Rupf (1880-1962) vend de la passementerie, des boutons et de somptueuses écharpes dans sa boutique située sur la Waisenhausplatz à Berne.

 Daniel-Henry Kahnweiler et Hermann Rupf se rencontrent en 1901 durant leur formation à Francfort. Pendant leur temps libre, ils découvrent leur passion commune pour l’art qui les accompagnera tout au long de leur vie. Tandis que Rupf travaille comme commerçant à Berne à partir de 1905, Kahnweiler ouvre une galerie d’art à Paris en 1907, dont Rupf devient le premier client collectionneur. La galerie Kahnweiler se fait bientôt un nom avec des représentants du cubisme comme Picasso et Braque, dont les œuvres sont également intégrées à la collection Rupf dès le début.

 Toutefois, les liens entre les deux hommes dépassent le cadre de l’art : lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914, Hermann Rupf invite son ami à séjourner chez lui à Berne. Kahnweiler, dans l’incapacité de continuer à diriger sa galerie parisienne en raison de sa citoyenneté allemande, accepte son invitation et reste en Suisse durant la guerre.

 Jusqu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914, Rupf parvient à acquérir un admirable ensemble de 30 œuvres d’art auprès de Kahnweiler. Outre des travaux des artistes fauves, y figurent également des tableaux de Picasso et de Braque qui comptent aujourd’hui parmi les icônes du cubisme. Dans les années 1920, des œuvres de Fernand Léger ainsi qu’un imposant groupe de peintures de Juan Gris, artiste cubiste décédé prématurément, parviennent à Rupf par l’intermédiaire de Kahnweiler.

Peu avant l’occupation de Paris, Kahnweiler parvient à s’enfuir dans le Limousin avec sa femme Lucie en juin 1940. Dans un premier temps, le Sud de la France reste libre. De là, près de 40 longues lettres, très personnelles pour l’essentiel, parviennent à Rupf. Celles-ci sont rendues publiques pour la première fois dans le cadre de l’exposition. Kahnweiler échappe de peu à une arrestation par la Gestapo qui le contraint à se cacher. Il ne se manifestera à nouveau que le 16 décembre 1944 depuis Paris.

L’exposition présente des peintures, dessins et sculptures de la collection Rupf, parmi lesquelles des œuvres de Pablo Picasso, Juan Gris, Georges Braque, André Derain et Paul Klee.

Musée d’art de Berne (Konszmuseum Bern)
Jusqu’au 23/3/2025

Séverine et Raymond Benoit (22/01/2025)


 

Le Dibbouk, fantôme du monde disparu au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme

Avec plus de 200 documents et oeuvres, des peintures de Chagall aux performances de Sigalit Landau ou des frères Coen, l'exposition explore une des figures les plus marquantes de la culture juive : l'âme d'un mort condamnée à errer et à posséder les vivants : le Dibbouk. 

Alors que dans le christianisme les esprits prenant possession des vivants sont généralement malfaisants, dans la tradition juive le dibbouk est souvent une âme familière des êtres chez lesquels elle se manifeste. Dans le judaïsme, les premiers récits populaires de possession d'un humain par un esprit remontent au XIIIe siècle. Mais c'est la publication en 1918 du Dibbouk, pièce de Sh. An-ski (1863-1920), qui confère à cette légende sa notoriété. L'œuvre met en scène les amours tragiques de Hanan et de Léa. Foudroyé de chagrin car sa promise lui est refusée, Hanan meurt, mais revient sous forme d'un dibbouk habiter le corps de sa fiancée. Il s'exprime à travers elle pour refuser l'union de Léa avec un autre prétendant. Une cérémonie d'exorcisme fait son possible pour expulser l'esprit ; mais la jeune fille rejoint son bien aimé “entre deux mondes”. C'est ainsi que la promesse, non tenue sur la Terre, se réalise dans l'au-delà conférant aux amoureux juifs un statut comparable à celui qu'occupent, par ailleurs, Tristan et Iseult ou Roméo et Juliette.

S. An-ski est un écrivain, ethnologue russe ayant notamment étudié la culture yiddish et son folklore. Entre 1911 et 1914, il organise plusieurs expéditions dans les shtetls pour étudier les traditions populaires juives, qui aboutirent à la pièce le dibbouk. A Varsovie, ultime halte d'une vie errante, An-ski investit ses dernières forces dans l'édition des œuvres et la fondation d'une nouvelle société d'ethnographie juive. Il meurt d'une crise cardiaque le 8 novembre 1920 et est enterré au cimetière juif de la capitale polonaise. 80 000 personnes assistent à ses funérailles. La première mondiale du dibbouk en yiddish a lieu le 9 décembre 1920 à Varsovie, par la troupe de Vilna (Vilner Trupe en yiddish ) un mois après la mort d'An-ski. Tout comme la biographie de celui-ci, l'histoire de la pièce est tourmentée et riche en rebondissements. Le dibbouk est un triomphe : la pièce est jouée des centaines de fois dans des salles combles et marque une facette dans l'histoire de la culture yiddish. C'est le chef d'œuvre tant attendu du théâtre juif. A Paris, en 1926, la troupe Habima joue le dibbouk au théâtre de la Madeleine en mai puis en septembre au théâtre Saint- Antoine. En 1927, le dibbouk est publié en anglais, à Londres. En 1937, à l'occasion de l'exposition internationale, Habima revient jouer à guichets fermés, Salle Pleyel. Le théâtre Habima situé à Tel-Aviv est le théâtre national d'Israël.  La même année, le dibbouk est adapté à l'écran. Michal Waszynski en assure la réalisation. C'est le metteur en scène le plus populaire d'avant-guerre. Le film réalisé en Pologne, interprété par les plus grands artistes du théâtre yiddish, est un gage donné à l'éternité des traditions séculaires. Il est considéré comme un des plus beaux films en langue yiddish, monument de la riche vie culturelle de la communauté juive d'Europe centrale avant la Shoah. Il connaît un succès considérable en Pologne et voyage dans le monde. Il devient rapidement un classique du cinéma yiddish. Curieux personnage ce metteur en scène Waszynski (1902-1965). Homme aux mille facettes… Il a eu plusieurs vies… Il a été élevé dans une famille juive orthodoxe à Kovel, ville de l'actuelle Ukraine. Il se convertit au catholicisme. Après la guerre, en Italie, il monte le long métrage “la grande route “. Il narre le long trajet parcouru par les soldats polonais de l'armée du général Anders… Des séquences documentaires authentiques se trouvent dans ce film. Il reste en Italie et épouse en 1946 la vieillissante comtesse Maria Dolorès Tarantini qui l'introduit au sein de l'aristocratie italienne et meurt rapidement en lui léguant toutes ses richesses. Désormais Waszynski se présentera comme un prince polonais à qui le régime communiste aurait pris toute sa fortune… biographie réinventée sans complexe !!!

En 1957, Habima revient jouer le dibbouk à Paris au théâtre Sarah-Bernhardt, Hanna Rovina, actrice iconique du théâtre hébreu et israélien, y tient toujours le rôle de Léa.  Le 11 mai 1960 à Buenos- Aires, les services secrets israéliens capturent Adolf Eichmann. Au cours de l'opération, Eichmann est surnommé “ Dibbuk”. Durant plus d'un an, son procès à Jérusalem fait la une des médias et déclenche une prise de conscience mondiale du sort réservé aux Juifs par les nazis. La parole des témoins fait revivre les six millions de Juifs assassinés dans la Shoah. Eichmann est condamné à mort et exécuté le 31 mai 1962. Après le procès et un voyage en Pologne, Romain Gary publie en 1967 la danse de Gengis Cohn, histoire d'un ancien SS habité par le dibbouk d'une de ses victimes. En 1988 a lieu la première mise en scène du dibbouk d'Andrzej Wajda au théâtre de Stary de Cracovie. Pour la première fois depuis la Shoah, la pièce est jouée en polonais. En 2009, les frères Coen ouvrent leur film “A serious Man” par un prologue en yiddish avec une histoire de dibbouk. Le 17 avril 2015, Dibbouk de Maja Kleczewska est donné pour la première fois au théâtre juif de Varsovie, construit à la fin des années 1960 sur le site de l'ancien ghetto. Kleczewska insère dans le texte des récits des survivants qui donnent une résonance particulière à cette production. L'artiste israélienne Sigalit Landau transforme d'une manière incroyable la réplique de la robe noire de Léa en statue de sel. Elle l'a plongée, pendant deux mois, dans les eaux de la mer Morte. Elle est progressivement “possédée” par le sel, ce qui lui confère sa blancheur. Les étapes successives de cristallisation des sels minéraux sur le vêtement sont la métaphore d'une prise de possession de l'individu par un dibbouk. Sigalit Landau est une artiste israélienne, née en 1969 à Jérusalem. Elle est sculptrice, artiste d'installation, photographe, performeuse, artiste vidéo plasticienne. Elle vit et travaille à Tel Aviv. Le dibbouk a inspiré nombre d'artistes d'hier et aujourd'hui.   

Musée d'art et d'histoire du Judaïsme -Jusqu'au 26 janvier 2025
(Pour les jeunes visiteurs à partir de 8 ans, un livret- jeu “Le dibbouk, même pas peur !”, conçu et illustré par le service éducation et méditation du Mahj est disponible gratuitement à la billetterie. 

Jacky Morelle (08/01/2025)


 

Marina Abramović en Suisse

Le Kunsthaus Zürich présente la première grande rétrospective de l’artiste en Suisse. Cette exposition comprend des œuvres de toutes les périodes de la carrière de l’artiste et remet en scène live certaines performances historiques. 
Marina Abramović (*1946, Belgrade) est l’une des artistes contemporaines les plus importantes. En plus de 55 ans de carrière, elle a réalisé des performances légendaires qui sont entrées dans l’histoire (de l’art). Marina Abramović a fait sa marque de fabrique de ses «long durational performances»: des prestations inscrites dans la durée, exténuantes, dans lesquelles l’artiste met à l’épreuve les limites du corps et de l’esprit et invite le public à partager ces expériences avec elle. Un nouveau travail a en outre été créé spécialement pour le Kunsthaus qui implique directement le public.

Limites physiques

Dans les œuvres de ses débuts, Marina Abramović testait surtout les limites physiques. Dans ce domaine, on se souvient encore de la série des «Rhythm Performances», dans lesquelles elle exposait son corps à des situations extrêmes, et expérimentait avec diverses formes de perte de contrôle. Dans ses travaux plus récents, elle s’est plutôt intéressée à la transformation mentale, au thème de la «guérison», et s’est attachée à proposer une nouvelle expérience de soi aux visiteurs. 
Avec ses «Transitory Objects», qu’elle réalise depuis le début des années 1990, Marina Abramović appelle le public à interagir. Elle conçoit ces objets comme des outils permettant de mieux se connaître soi-même. Pleine conscience, décélération, et partant, une autre expérience du temps et de soi, ont toujours joué dans ces œuvres un rôle central – bien avant que ces thèmes ne soient en vogue dans la société. Par ailleurs, l’artiste a développé la «méthode Abramović», un système destiné à approfondir ces pistes avec le public, et à créer des possibilités pour vivre l’instant présent plus consciemment et se connecter à ici et maintenant. 

Des œuvres de toutes les périodes de la carrière de l’artiste

La vaste rétrospective organisée au Kunsthaus Zürich donne un aperçu du travail aux multiples facettes de cette artiste unique en son genre. On pourra y voir des œuvres de toutes les phases de sa carrière, relevant de différents genres: vidéo, photographie, sculpture et dessin. Des performances iconiques seront également reproduites en live, comme «Imponderabilia» (1977) et «Luminosity» (1997). 
Marina Abramović avait exécuté «Imponderabilia» pour la première fois à Bologne avec Ulay (1943–2020), son compagnon d'alors. Tous deux se tenaient nus à l’entrée du musée, face à face, et les visiteurs devaient se faufiler entre leurs corps. C’était une métaphore du fait que les artistes sont les piliers du musée, et que passer cette porte représente une expérience qui vous fait entrer dans un nouvel univers, celui de l’art. 
Les signataires de ce rapport l’ont directement vécu lors de l’exposition présentée au MoMa à New York en 2010.  Cette expérience reste, à bien des égards, «impondérable», mais, dans tous les cas et le nôtre en particulier, constitue une rencontre puissante avec une artiste encore inconnue à bien des égards.

Participation du public

À Zurich aussi, cette performance est présentée dès le début de l’exposition afin de conduire le public, physiquement et mentalement, dans un autre espace, voire de le mettre dans un autre état. En effet, la rétrospective organisée au Kunsthaus Zürich est bien plus qu’une exposition classique. C’est une expérience qui met en jeu les cinq sens, et invite le public à interagir et à participer directement. 
Cet accent mis sur les travaux participatifs fait de l’exposition une expérience unique et distingue la rétrospective zurichoise des présentations qui l’ont précédée. Enfin, avec le travail «Decompression Chamber», spécialement conçu pour le Kunsthaus Zürich, Marina Abramović incite le public à faire halte un instant et à «décompresser», c’est-à-dire à se détendre et à adopter un autre état d’esprit, un autre état émotionnel, afin de se découvrir soi-même sous une forme nouvelle – mais aussi de percevoir autrement le monde.
L’exposition au Kunsthaus Zürich a été conçue en étroite collaboration avec l’artiste. Mirjam Varadinis, curator-at-large du Kunsthaus Zürich, en a assuré le commissariat. La rétrospective est réalisée en coopération avec la Royal Academy of Arts, de Londres, le Stedelijk Museum d’Amsterdam et le Bank Austria Kunstforum de Vienne.

Séverine et Raymond Benoit (21/11/2024)

Kunsthaus, Zurich - du 25 octobre 2024 au 16 février 2025



Matthew Wong – Vincent Van Gogh - La peinture en dernier recours

Le Kunsthaus de Zurich consacre une exposition aux parallèles artistiques et biographiques entre le peintre sino-canadien Matthew Wong et Vincent van Gogh. Pour la première fois en Suisse, l'exposition présente 40 intérieurs et paysages imaginaires de Matthew Wong, complétés par une douzaine de chefs-d’œuvre de Vincent van Gogh.  Matthew Wong est un peintre autodidacte contemporain canadien, né le 8 mars 1984 à Toronto au Canada. Il s’est suicidé en 2019, à l’âge de trente-cinq ans. Après avoir étudié l’anthropologie culturelle à l’Université du Michigan, Ann Arbor, Wong est retourné à Hong Kong, où il a obtenu une maîtrise en photographie et médias créatifs à la City University en 2010. Ce n’est cependant qu’en 2012 qu’il a commencé à dessiner. « Au début, j’ai juste acheté un carnet de croquis bon marché avec une bouteille d’encre et j’ai fait du désordre tous les jours dans ma salle de bain en versant de l’encre au hasard sur des pages - en les écrasant - en espérant que quelque chose d’intéressant en sortirait », a-t-il poursuivi. « Très vite, c’était la seule activité qui me soutenait dans ma routine quotidienne. »

Une œuvre aux couleurs somptueuses

La peinture de Matthew Wong se distingue par son dynamisme et ses couleurs vives, centrée principalement sur des paysages lyriques d'une grande puissance évocatrice. Comme Van Gogh, Wong était un autodidacte, ayant commencé à dessiner à l'âge de 27 ans. En seulement huit ans, il a créé une œuvre variée et étendue, intégrant des influences tant de l’art occidental que chinois. Ses œuvres, bien que influencées par des artistes comme Van Gogh, Henri Matisse, Shitao, Gustav Klimt, Yayoi Kusama et Alex Katz, restent remarquablement personnelles et originales.

Parenté spirituelle


L'influence de Van Gogh est particulièrement visible dans l'utilisation très expressive de la couleur par Wong. Tous deux expriment directement leurs états d'âme à travers leur art. Biographiquement, ils partagent aussi des parallèles frappants : Wong, ayant souffert de dépression, du syndrome de Gilles de la Tourette et d'autisme, s'est suicidé en 2019 à 35 ans. Van Gogh, avec ses crises psychotiques, anxiété et hallucinations, s’est également suicidé en 1890 à 37 ans, juste deux ans plus âgé que Wong. Leur vision dynamique et émotionnelle de la peinture, notamment dans les paysages, est un thème central de l'exposition.

Un cosmos d’images omniprésent

Les références à l'histoire de l'art qui caractérisent l'œuvre de Wong reflètent l'accès illimité à l'art que les réseaux sociaux offrent à tout artiste du 21e siècle. Quel que soit le lieu où l'on se trouve, le moment où l'on travaille, il suffit d'un téléphone portable pour avoir en permanence des siècles d'art à portée de main. À cet égard, l'œuvre de Wong est clairement contemporaine. Mais, dans le même temps, il a aussi eu recours à des techniques très traditionnelles telles que l'encre sur papier de riz, qui donnent à son œuvre un caractère incomparable. Une autre manière, pour Wong, de relier le monde d'aujourd'hui, numérique et connecté, à l'histoire de l'art traditionnelle.

Invitation à la comparaison

L’exposition du Kunsthaus présente Wong et Van Gogh en leur offrant des espaces distincts tout en créant des connexions visuelles entre leurs œuvres. Des ouvertures dans les parois permettent de comparer les œuvres plus petites de Van Gogh avec les grands formats de Wong. Cette disposition permet de rapprocher les univers visuels des deux artistes tout en préservant leur autonomie. L'exposition met en évidence leur vision commune de la peinture émotionnelle, avec Wong suivant l'exemple de Van Gogh à sa manière unique. L’exposition se déroule sur 750 m² dans deux salles du bâtiment Chipperfield, réunissant environ 35 œuvres de Wong et une douzaine de Van Gogh dont plusieurs d’entre elles sont rarement montrées car appartenant à des collections privées.
Kunsthaus Zurich, jusqu'au 26 janvier 2025

Séverine et Raymond Benoit (28/10/2024)



Tom Wesselmann, figure clef du Pop art

Si Andy Wharol fut la figure de proue,  autoproclamée, du Pop art, Tom Wesselmann est un des artistes, discret, qui va relier les divers courants du Pop art, de Lichtenstein à Marjorie Strider.
Mais d'abord qu'est-ce que le Pop art ? Le Pop art (popular art) est un mouvement artistique éclos après la Seconde Guerre mondiale en Angleterre. Il s’étend rapidement aux États-Unis, dont la société est fortement influencée par l’essor du consumérisme. Ses sujets et ses matériaux sont empruntés au quotidien, à la culture populaire et urbaine (publicité, cinéma, bande dessinée). Bien qu’il soit réputé « facile », le Pop art se montre volontiers provocateur, voire politique, et tend à désacraliser l’œuvre d’art en la rendant accessible à tous.
L'exposition de la Fondation Vuitton Pop forever, Tom Wesselmann, dirigée par la directrice artistique Suzanne Pagé, permet de comprendre ce courant artistique qui perdure encore aujourd'hui.
L'exposition est double. Elle a regroupé 150 œuvres du peintre Wesselmann, et aussi thématique, elle rassemble 70 œuvres de 35 artistes, dont la célèbre «  Marilyn » d'Andy Warhol, la Fontaine de Duchamp, le Drapeau de Jasper Jones.
On découvre la fusion de l'art et de la réalité opérée par Wesselmann, : de ses premiers collages, les immenses Still life (natures mortes) aux emblématiques nus, des séries Mouths (bouches) aux œuvres abstraites en métal, monumentales.
Tom Wesselmann (1931-2004), qui a grandi dans la banlieue de Cincinnati aux Etats Unis,se destinait aux dessins humoristiques, après avoir étudié la psychologie à l'université, puis le dessin à Cincinnati et à New York. C'est lors d'un stage  en 1958 qu'il prend conscience de ses aptitudes de peintre. Ses premiers collages vont être influencés par Jim Dine (peintre américain du mouvement néo-dada). Il commençait toujours l'élaboration d'un tableau ou d'un assemblage par de nombreux croquis, qui sont exposés dans la Fondation et il avait très peu de modèles : sa femme Claire et la scénariste Danielle Thompson. Et affinait constamment ses idées pour obtenir la composition idéale.
Il évolue progressivement vers des compositions abstraites. Il peint des images de bandes dessinées en imitant une trame d'impression mécanique. Warhol utilisera la sérigraphie pour transformer en icône sa Marilyn Monroe.
Les sources de son art sont les archétypes de la société américaine de consommation des années 1960 : publicités, bouteilles de Coca-Cola, de bière, radios, téléviseurs...et des couleurs vives, voire criardes.
En 1961, il connaît le succès avec ses Nudes, fragments de corps nus de femmes, des nus empreints de joie, (Great American nude) , reflets de la libération sexuelle des années 60. Des œuvres provocantes et dépersonnalisées.
C'est en 1965 qu'il commence à composer ses peintures de bouches et cigarettes (mouths) Il travaille à l'huile pour un rendu plus complexe de détails immensément grandis. Dans les années 80 il s'éloigne des standing still life et commence à dessiner dans le métal, d'abord figuratives les œuvres deviennent abstraites, expressionnistes. Certaines œuvres d'artistes contemporains ont été conçues pour l'exposition, comme celles de Derrick Adams, de Tomokazu Matsuyama...Conçues avec des programmes informatiques, elles revisitent les idées de Wesselmann en ajoutant une critique sociale. Exemple : l'urne chinoise antique sur laquelle l'artiste Ai Weiwei a peint le logo Coca Cola.
L'exposition se termine sur une nature morte monumentale de Wesselmann qui s'approche de la sculpture.  Une composition perturbante, posée par terre comme un décor de théâtre : un énorme tube de rouge à lèvres, une bague gigantesque et des lunettes de soleil XXL.
Face à l'œuvre, nous sommes Alice au pays des merveilles.
La Fondation Vuitton a réussi à montrer l'effet de super-réalité de l'artiste et  la continuité du mouvement Pop art.
Conseil : lisez le déroulé de l'exposition avant de la visiter. 
Pop Forever, Tom Wesselmann. Fondation Vuitton, du 17 octobre 2024 au 24 février 2025
Nocturnes jusqu'à 23 heures, le premier vendredi de chaque mois.

Hélène Queuille (19/10/2024)


Théâtre


Cinéma

Killers of the flower moon : un monument à ne rater sous aucun prétexte

Si au cours de vos humanités vous avez lu Tintin en Amérique (1932), Lucky Luke dans « ruée sur l’Oklahoma » (1960) ou « à l’ombre des derricks » (1962), vous ne pouvez ignorer que les méchants cow-boys, dès qu’ils humaient un parfum de pétrole, chassaient les gentils Indiens pour y installer leurs derricks.
La tribu des Osages, dans les années 20, s’en était plutôt mieux tirée, puisque, le pétrole ayant été trouvé sur leur réserve, ils bénéficiaient d’une partie du revenu de l’exploitation. Et comme ils étaient relativement peu nombreux, cela rendait chacun (et chacune) de ces Peaux-Rouges d’un seul coup très riches. Cela n’échappa à des coureurs de dot, qui épousèrent ces squaws en or massif.
Mais cela fit aussi le malheur de la tribu, car (fait historique) une vague de morts suspectes vint affecter la communauté. Scorsese s’appuie sur ce fait réel pour bâtir un beau et long (3h30) opus. Il a visiblement passé beaucoup de temps à lire des ouvrages ethnologiques, car il sait nous restituer magnifiquement la fin de ce monde amérindien obligé de sauter dans la modernité.
Nous allons donc rencontrer William Hale (=Robert de Niro) un notable local qui se veut bienfaiteur des Indiens, mais qui en sous-main nourrit de noirs desseins. Il embauche son neveu, Ernest Buckart (= Leonardo di Caprio), un peu simplet mais au diapason de la violence de ce monde sans foi ni loi. Là où ça se corse, c’est que le bel Ernest marie une belle Indienne, Molly, qui pour le coup est riche mais aussi pleine de charme. C’est Lily Gladestone, qui perce l’écran. Et Ernest tombe amoureux, on le comprend, de la belle Molly. Ça va faire dérailler le plan du vieil oncle, on ne vous dira pas la suite.
Scorsese (80 ans) n’a pas perdu la main. Celui qui nous a fait plonger dans les bas-fonds de New-York, écouter les stars de la pop, s’émerveiller devant le monde de Méliès, signe là un chef d’œuvre. Il a coproduit le film, et y a mis tellement de talent que l’on pourrait penser, vu son âge, qu’il a voulu nous laisser un testament.
Vous avez compris, précipitez-vous !

PS : le capitaine, dans une vie antérieure, a beaucoup fréquenté les sympathiques cow-boys de Phillips Petroleum, allant les voir à Bartlesville (Oklahoma). Il peut vous certifier que 50 ans après les faits relatés par le film , il y avait encore d’authentiques Indiens Osages parmi les dirigeants de la Compagnie.

Alix Caudrillier  (31/10/2023)


Musique

Le Boléro à la Philharmonie

C’est sans doute l’œuvre de musique classique la plus connue au monde comme, par exemple, la Petite musique de nuit ou les Quatre saisons.
Que n’a-t-on pas dit à son propos : que toutes les 15 minutes, un chef lève la baguette pour une nouvelle exécution de l’œuvre, qu’à la création, une femme se serait écrié “au fou !” et Ravel de dire : “ celle-là, elle a tout compris “, qu’elle génère des millions de droits d’auteur annuels (ça a été vrai), qu’elle est fondatrice de la musique répétitive américaine…

La présente exposition - assez rare pour une seule œuvre de musique classique, est très complète :  des vidéos d’époque, une interprétation scénarisée, tous les documents relatifs à la danse, à sa passion pour les jouets mécaniques, à l’Espagne, reconstitution de sa maison de Monfort-l’Amaury…

Philharmonie de Paris - Jusqu’au 15 juin. (La Philharmonie de Paris n’étant pas “journaliste ou blogueur frendly”, les membres du syndicat devront s’acquitter de leur ticket)
 
Thierry Vagne (17/01/2025)


 

 

Photo : DR

En première mondiale, l’hologramme d’un virtuose enregistré de son vivant

Philippe Entremont, 85 ans, est un virtuose français qui a donné 7 000 concerts et réalisé 350 enregistrements. Sa carrière internationale lui a permis de jouer et d’enregistrer avec des chefs aussi illustres que Leonard Bernstein ou Eugene Ormandy, puis de se produire de par le monde aussi bien en tant que pianiste que chef d’orchestre. Il vient de réaliser un enregistrement de son hologramme qui permettra de le voir donner un récital comme s’il était physiquement présent. Des spectacles d’hologramme d’artistes disparus existent déjà, avec des artistes de variétés ou Maria Callas par exemple. Mais jamais l’expérience n’a été réalisée en enregistrant directement un artiste de son vivant via ce procédé.
Au programme : la Fantaisie chromatique et fugue de Bach, la sonate K. 311 de Mozart, la sonate Clair de lune de Beethoven et Pour le piano de Debussy. Ce programme devrait être diffusé dans des salles prestigieuses début 2020. On pourra probablement dans l’avenir visualiser cet hologramme chez soi, avec des lunettes de réalité augmentée.
Lire l’article

Thierry Vagne - 06/12/2019


Cinéma

Killers of the flower moon : un monument à ne rater sous aucun prétexte

Si au cours de vos humanités vous avez lu Tintin en Amérique (1932), Lucky Luke dans « ruée sur l’Oklahoma » (1960) ou « à l’ombre des derricks »(1962), vous ne pouvez ignorer que les méchants cow-boys, dès qu’ils humaient un parfum de pétrole, chassaient les gentils Indiens pour y installer leurs derricks.
La tribu des Osages, dans les années 20, s’en était plutôt mieux tirée,  puisque, le pétrole ayant été trouvé sur leur réserve, ils bénéficiaient d’une partie du revenu de l’exploitation. Et comme ils étaient relativement peu nombreux, cela rendait chacun (et chacune) de ces Peaux-Rouges d’un seul coup très riches. Cela n’échappa à des coureurs de dot, qui épousèrent ces squaws en or massif.
Mais cela fit aussi le malheur de la tribu, car (fait historique) une vague de morts suspectes vint affecter la communauté. Scorsese s’appuie sur ce fait réel pour bâtir un beau et long (3h30) opus. Il a visiblement passé beaucoup de temps à lire des ouvrages ethnologiques, car il sait nous restituer magnifiquement la fin de ce monde amérindien obligé de sauter dans la modernité.
Nous allons donc rencontrer William Hale (=Robert de Niro) un notable local qui se veut bienfaiteur des Indiens , mais qui en sous-main nourrit de noirs desseins. Il embauche son neveu, Ernest Buckart (= Leonardo di Caprio), un peu simplet mais au diapason de la violence de ce monde sans foi ni loi. Là où ça se corse, c’est que le bel Ernest marie une belle Indienne, Molly, qui pour le coup est riche mais aussi pleine de charme. C’est Lily Gladestone, qui perce l’écran. Et Ernest tombe amoureux, on le comprend, de la belle Molly. Ça va faire dérailler le plan du viel oncle, on ne vous dira pas la suite.
Scorsese (80 ans) n’a pas perdu la main. Celui qui nous a fait plonger dans les bas-fonds de New-York, écouter les stars de la pop, s’émerveiller devant le monde de Méliès, signe là un chef d’œuvre. Il a coproduit le film, et y a mis tellement de talent que l’on pourrait penser, vu son âge,  qu’il a voulu nous laisser un testament.
Vous avez compris, précipitez-vous !

PS : le capitaine, dans une vie antérieure, a beaucoup fréquenté les sympathiques cow-boys de Phillips Petroleum, allant les voir à Bartlesville (Oklahoma) . Il peut vous certifier que 50 ans après les faits relatés par le film , il y avait encore d’authentiques Indiens Osages parmi les dirigeants de la Compagnie.

Alix Caudrillier (31/10/2023)

Archives