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Kandinsky, Picasso, Miró et al. de retour à Lucerne
Avertis il y a peu de temps de l’existence de cette très importante exposition au plan historique, nous en faisons état pour nos abonnés bien qu’elle se termine début novembre.
En 1935, une exposition de tous les superlatifs fut
présentée au Kunstmuseum Luzern, qui avait ouvert ses
portes depuis peu : on pouvait y admirer des œuvres
d’Alberto Giacometti, de Joan Miró, de Sophie
Taeuber-Arp, de Pablo Picasso, de Georges Braque,
d’Alexander Calder et d’autres artistes encore.
Tandis qu’à la même époque, dans l’Allemagne
nationale-socialiste, l’œuvre de Wassily Kandinsky, de
Paul Klee ou de Piet Mondrian était décriée comme «
dégénérée », ce furent précisément des figures du
modernisme de ce type que le Kunstmuseum Luzern exposa,
au cœur d’une Europe toujours plus totalitaire.
Intitulée (dans le titre original), These,
Antithese, Synthese, cette exposition historique
permit au musée de s’imposer à l’international. Jusqu’à
nos jours, elle demeure « légendaire », « inimitable »
et « sans pareille » (sans allusions récentes !). Que
les muséologues la considèrent impossible à reconstituer
par une institution de taille moyenne comme le
Kunstmuseum Luzern du fait de la qualité des œuvres
exposées a éveillé les ambitions de l’équipe actuelle
sous la direction de Fanni Fetzer, conservatrice.
Sous le titre « Kandinsky, Picasso, Miró et al., de
retour à Lucerne », le musée présente soit les œuvres
originales exposées à Lucerne en 1935, soit des
alternatives valables dans les cas où, pour diverses
raisons, les œuvres en question n’ont pu être
empruntées. Il a fallu plus de cinq ans pour localiser
la centaine d’œuvres de l’exposition originale de 1935.
La plupart d’entre elles datent des années 1920 et 1930
; depuis, elles ont intégré, par le biais du marché de
l’art, les collections privées et les musées les plus
importants au monde. D’autres œuvres, pour leur part,
ont disparu, voire ont été détruites. Le manque de
sources a rendu la recherche encore plus difficile : peu
de documents de 1935 portant sur l’exposition historique
sont parvenus aux commissaires qui témoignent des
bouleversements intellectuels, politiques et culturels
de l’entre-deux-guerres.
L’exposition représente donc tout autant une
autocritique de l’institution et de son histoire. En
effet, même si celle de 1935 cherchait à tenir la
promesse du modernisme et à proposer une alternative au
capitalisme et au fascisme, elle fit explicitement
l’impasse sur les femmes ou les personnes d’origine
extraeuropéenne. La seule artiste femme exposée en 1935
est Sophie Taeuber-Arp.
Prenant acte du refus des trois organisateurs de
l’époque, Paul Hilber, Konrad Farner et Hans Erni,
d’exposer l’œuvre de Barbara Hepworth, l’exposition
actuelle permet à cette dernière de prendre sa revanche
en présentant également un certain nombre d’œuvres de
cette artiste. Avec Sophie Taeuber-Arp et Barbara
Hepworth, l’exposition rend ainsi visible à l’aide
d’exemples l’histoire des femmes artistes marginalisées
de l’époque moderne. Elle accroît la sensibilité aux
relations qui existent entre différents contextes. Cela
rend la visite d’autant plus intéressante dans cet
aspect de reconstitution adaptée à l’évolution actuelle
sur les plans artistique et politique.
Kunstkmuseum (Musée d’art) de Lucerne
Jusqu’au 2 novembre 2025
Raymond et Séverine Benoit (11/10/2025)
Andrea Branzi, le règne des vivants/strong>
Pour la première fois, le musée des impressionnismes de Giverny s’associe avec le Centre Pompidou et présente “ Andrea Branzi, le règne des vivants ”, une exposition hommage au brillant designer italien disparu en 2023.
Le géant de la pensée radicale, Andrea Branzi est né le 30 novembre 1938 à Florence. En 1973, il s’installe à Milan et en 1977, il rejoint le studio Alchimia (ou Alchymia) fondé à Milan, collectif radical et expérimental rassemblant des personnalités variées qui ont en commun le rejet du minimalisme et de la production industrielle. En 1981, Branzi rejoint le groupe Memphis, fondé par Ettore Sottsass (1917-2007), grand seigneur du design italien de la fin du 20e siècle. Emblématique des années 1980, ce mouvement de design influent est connu pour ses designs audacieux et colorés s’opposant avec humour à l’austérité du modernisme.
Alchimia reçoit le prestigieux prix italien du design Compasso d’Oro pour ses recherches en design. Les studios Alchimia (1976) puis Memphis (1981) ont tour à tour bouleversé l’histoire du design contemporain. En 1982, il ouvre son atelier personnel à Milan. Il cofonde la Doma Academy, première école d’enseignement supérieur consacrée au design en Italie dont il sera le directeur artistique pendant 10 ans. En 1985, la collection “ Animali Domestici ” est éditée par la marque Zabro. Conçues par Andrea Branzi, ces pièces de mobilier associent les branches d’arbre à des éléments en menuiserie industrielle. En 1987, Branzi reçoit le Compasso d’Oro pour l’ensemble de son œuvre de designer et de théoricien. En 1994, la Domus Academy se voit décerner un Compasso d’Oro pour la qualité de son enseignement. En 2008, Branzi reçoit un diplôme Laurea Honoris Causa en design industriel de la Sapienza, université de Rome. En 2009, il est nommé membre du Consiglio Italiano del Design (Conseil italien du Design) du ministère de la Culture. En 2022, il reçoit le Prix Italien d’architecture décerné par MAXXI - musée national des Arts du XXIe siècle (Rome) et la Triennale de Milan, pour l'ensemble de sa carrière. Objets poétiques jouant avec l’eau, les fontaines ont captivé Branzi.
Juste
avant sa disparition, il travaillait à une fontaine
destinée au musée des impressionnistes Giverny, qu’il ne
put malheureusement terminer. Le musée décide
d’acquérir Fontana Alberto, une œuvre de 1998. On peut
désormais la découvrir dans le jardin. Cette Fontana
Albero (fontaine arbre) est la quintessence de la
démarche de Branzi. La fontaine devient arbre et l’arbre
devient fontaine.
Andrea Branzi est mort le 9 octobre 2023 à Milan d’une crise cardiaque à 84 ans. En 2009, il rêvait d'un lâcher de vaches et de singes dans Paris pour célébrer une métropole plus humaine, moins anthropocentrique. Designer, architecte, théoricien, professeur, auteur de nombreux ouvrages, Branzi a accompli une œuvre considérable, tournée vers une expérimentation radicale du design, qui interroge la société post-industrielle des XXe et XXIe siècles. Ses designs combinent souvent fonctionnalité et éléments poétiques et affectifs, remettant en question les notions traditionnelles du modernisme. Pour Branzi , le design est avant tout émotionnel.
Certaines
de ses œuvres notables incluent “ Bamboo interior Wood
”, une installation à grande échelle. où chaque bambou
peint et ponctué de signes archaïques possède une
séquence de couleurs ancrées dans les cultures
différentes. L’exposition rassemble une collection
d’œuvres emblématiques issues des collections publiques
françaises (Centre Pompidou, Centre national des Arts
plastiques de Paris, musée des Arts décoratifs de Paris,
musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux et
des prêteurs privés) ; la famille d’Andrea Branzi a
également contribué au projet en proposant un ensemble
très important de dessins et d’objets qui permettent
d'entrer dans l’intimité de sa pensée.
Andrea Branzi a influencé par ses écrits toute une génération de designers et son travail a eu un impact significatif sur le monde du design, en particulier dans le domaine de l’architecture et du design radicaux. En parallèle de l’exposition Andrea Branzi , le musée met en lumière une sélection d'œuvres de sa collection. Branzi admirait la figure de Monet qui élabora son propre paysage artificiel dans les jardins de Giverny. Le jardin de Monet continue d’inspirer les artistes contemporains.
Musée des impressionnismes Giverny
Jusqu'au 2 novembre 2025
Jacky Morelle (30/9/2025)
Art pour tous: Monster Chetwynd
Monster Chetwynd (c’est le nom de l’artiste britannique) a réalisé la première commande destinée au Jardin de l’Art du Kunsthaus Zürich: une tête géante inspirée de Bomarzo, de la science-fiction et de la tradition des folies. L’intérieur abrite une structure à grimper qui invite enfants et adultes à explorer activement la sculpture.
Si quelqu’un a le droit de poser une tête colossale dans le Jardin de l’Art du Kunsthaus Zürich, c’est bien Monster Chetwynd. L’artiste britannique (née en 1973 à Londres, elle vit et travaille à Zurich) est connue pour sa radicalité drolatique, son goût de l’absurde et son humour lourd de sens. Avec ce nouveau travail, elle présente la première commande destinée au Jardin de l’Art du bâtiment Chipperfield: une sculpture dans laquelle il est possible d’entrer, et qui semblera tout droit surgie d’un rêve irréel – ludique, monumentale, ouverte au point d’agacer. Conçue spécifiquement pour ce lieu, cette œuvre accomplira la vocation de ce Jardin de l’Art créé par David Chipperfield.
Le concept de «folie», ces petites constructions ornementales typiques des jardins anglais, sans utilité apparente, est central dans ce travail. Chetwynd s’empare de cette tradition et la transforme en une sculpture contemporaine qui conjugue irritation et jeu. Les folies se voulaient à l’origine expression d’une liberté esthétique et fuite ludique hors du monde.
Toute l’œuvre de Chetwynd est traversée par cette fascination pour la monstruosité, la fantaisie, l’énormité. Et sans cesse, les têtes reviennent dans sa démarche artistique. « J’ai toujours voulu faire une grande tête et vivre dedans. Je ne sais pas pourquoi », dit-elle. « Je crois que j’ai simplement une prédilection pour les grandes têtes, colossales. » Dès ses études d’anthropologie, l’artiste a commencé à s’intéresser aux sculptures colossales et aux monuments fragmentés de l’Antiquité. Pour réaliser ce projet au Kunsthaus, elle a travaillé avec des architectes et des ingénieurs, notamment avec la start-up Contouro, issue de l’ETH Zurich et liée à la chaire Digital Building Technologies. Ce projet a été accompagné par le commissaire Raphael Gygax.
Autre source d’inspiration marquante avec Bomarzo : le film «Zardoz» (1974) de John Boorman. Dans cette dystopie surréelle, une tête de pierre vole à travers un monde divisé. Mais pour Chetwynd, cette référence picturale contient aussi un potentiel subversif: « J’y vois la possibilité de saper les représentations du pouvoir patriarcal, justement en les faisant tourner au grotesque. » Pour elle, l’impact féministe consiste à changer le code du monumental: la tête menaçante devient un espace d’expérience accessible, ludique. À l’intérieur, une gigantesque structure à grimper invite enfants et adultes à l’explorer physiquement, comme sculpture, terrain de jeu, figure de pensée. Une bonne condition physique et une bonne agilité sont recommandées pour la montée au sommet, où se trouve une terrasse. On contemple le jardin depuis huit mètres de hauteur.
Kunsthaus Zurich - Accès gratuit au jardin de 6h à 21h30
Raymond et Séverine Benoit (24/9/2025)
Les Collectionnistes
Le charmant Théâtre du
Petit Montparnasse nous a rarement déçus.
Ce soir, il est question de peinture. Sous le curieux titre "Les Collectionnistes", François Barluet a imaginé une réunion chez les Durand-Ruel.
Selon les recettes les plus classiques chères à Lagarde et Michard, il y aura unité de temps, d'objet et de lieu.
Le metteur en scène Christophe Lidon va nous enfermer pendant une grosse heure dans un salon bourgeois, celui du marchand de tableaux
Paul Durand-Ruel (1831-1922 incarné par Christophe de Mareuil) et de sa charmante épouse Jeanne-Marie (Christèle Reboul). Pour un peu,
le décor serait planté pour une pièce de Georges Feydeau.
Nous sommes juste après la funeste guerre de 1870. Durand-Ruel est allé pendant les combats se réfugier à Londres où il a rencontré Monet. De retour à Paris, il accueille ceux qu'on va bientôt appeler "les Impressionnistes". Il croit à leur futur, les soutient, achète leurs
toiles. Le marché n'est pas prêt, mais le marchand a une longueur d'avance (on dit que dans sa longue vie Durand-Ruel acheta douze mille tableaux).
Il s'endette, mais est soutenu par sa banque, l'Union Générale. Durand-Ruel ne peut abandonner ses amis peintres, comme Auguste Renoir
(Victor Boucigault). Il y a aussi le directeur du journal véreux, “Le Constitutionnel” (Frederic Imberty) qui fait du
chantage et tourne autour de la belle Jeanne-Marie. La banque va-t-elle se décourager ? l'épouse aimante s'en aller ? on vous laisse
découvrir la suite...
C'est joliment écrit, bien joué avec quelquefois des allures de pièce de patronage. On révise son histoire de l'art à un tournant décisif,
et on passe un bon moment.
Bruno Caudrillier (23/3/2025)
Le Quatrième mur

C'est le titre qu'a choisi le journaliste-romancier Sorj Chalendon (72 ans) pour son roman publié en 2013, qui se passe au début de la guerre civile du Liban. Une zone que connaît bien le reporter de guerre, pour avoir couvert les conflits de la région. Le réalisateur français David Oelhoffen a gardé le même titre quand il décida de mettre en images ce roman.
Nous sommes donc en 1982 ; la guerre fait rage dans une Beyrouth dévastée. A Paris, un vieillard juif-grec, Sam (= Bernard Bloch) a eu l'idée folle de monter dans la capitale libanaise l'Antigone de Jean Anouilh. Cette belle et sombre pièce a été écrite dans le Paris occupé de 1944, et parle de guerre civile et de déchirements familiaux. Pour cette nouvelle production, les acteurs doivent provenir des différentes communautés du pays, et la pièce doit être jouée dans un théâtre en ruines, juste sur la frontière séparant Chrétiens et Musulmans. Sam est dans la dernière ligne droite. Il sait qu'il ne pourra pas relever ce défi. Alors il convoque son élève et ami Georges (Laurent Lafitte). Celui-ci hésite : il ne connaît rien de la situation au Liban. Pressé par Sam, il finit par accepter. Le voilà donc débarqué à Beyrouth. Il est accueilli par un copain de Sam, Marwan (formidable Simon Abkarian). Nous sommes tout de suite dans le bain : il y a des check-points à chaque coin de rue, les balles sifflent et les bombes tombent. Georges ne se dégonfle pas : il lance la mise en scène, rassemblant Druzes, Chrétiens, Palestiniens, Chiites, Sunnites. Tous sont touchants, pleins de bonne volonté. Georges est particulièrement réceptif au charme dégagé par la jeune actrice palestinienne incarnant Antigone, Imane ( magnifique Manal Issa). Il doit mener sa mise en scène en tenant compte des tensions intercommunautaires ; il apprend vite. Hélas la guerre rôde aux alentours, et viendra bientôt s'inviter dans ce si beau projet. Préparez-vous à des scènes violentes.
La mise en scène est sèche et rapide, dans un style sobre genre « documentaire sur Arte », et on reste suspendu à l'intrigue pendant les deux heures du film. Les acteurs sont exceptionnels. Depuis qu'il a quitté la Maison de Molière, Laurent Lafitte enchaîne avec bonheur des rôles très divers. Quant à Simon Abkarian, il n'a eu aucun mal à se fondre dans le personnage de Marwan, y compris l'accent, car il a passé sa jeunesse à Beyrouth. Et on a déjà dit tout le bien que l'on pense de la jolie, spirituelle, fondante Manal Issa.
C'est un beau film, qui entre hélas en résonance avec l'actualité des derniers mois.
Bruno Caudrillier (23/3/2025)
The Brutalist
Dès
son lancement, « tTe Brutalist », un long-métrage
americano-anglo-hongrois fait beaucoup de bruit. Il y a
d’abord sa longueur : 215 minutes coupées en leur milieu par
un entracte. Depuis les grandes productions type Ben Hur, on
n’était plus habitués à cette césure bienvenue. Et puis il y
a surtout la qualité de cet opus, qui, selon beaucoup, le
place au même rang que « Émilia Perez » parmi les
chefs-d’œuvre de cette année.
Le film suit le destin d’un architecte hongrois, Lazlo Toth . Pour l’incarner , le réalisateur américain Bady Corbet (37 ans) a eu la main heureuse en choisissant Adrien Brody, dont on avait déjà perçu le grand talent dans « le Pianiste » de Polanski, dans le pourtant désastreux « Daaali », dans « Grand Hotel Budapest », ou encore dans maintes productions de Woody Allen. Comme le sujet exclusif du film, c’est la trajectoire de Lazlo, on a le temps d’admirer les mille et une facettes de cet acteur surdoué.
L’histoire, c’est donc celle de cet architecte hongrois, de 1947 à 1960, avec même un court épilogue en 1980. Lazlo, membre du Bauhaus, connait un joli succès dans son pays natal, jusqu’à ce qu’il soit rattrapé par la démence nazie. Interné à Buchenwald, il survivra. Le film commence en 1947, quand le bateau de ces survivants arrive en vue de la Statue de la Liberté. Dès ces premières images magnifiques, on sait que l’on va assister à une projection peu commune. Lazlo n’a qu’une adresse en débarquant en Amérique : son cousin Attila, marchand de meubles à Philadelphie. Le cousin et sa femme catholique Audrey l’abritent et le font travailler. Attila va apprendre à Lazlo que sa femme Ersesbet (gracile et énergique Felicity Jones) et sa nièce Zsofia, elles aussi raflées, ont survécu à l’enfer des camps. Elles sont bloquées en Autriche, et Lazlo va se démener pour les faire venir aux USA. Quand Lazlo pourra enfin récupérer son épouse, on aura droit à un beau portrait de femme : Ersesbet, frappée par une ostéoporose dévastatrice, est en fauteuil roulant. Mais, pleine d'énergie, elle est la gardienne de la dignité du couple.
On ne va pas vous raconter la suite, à vous de la découvrir. Sachez seulement que dans son nouveau métier de décorateur, Lazlo va rencontrer un richissime entrepreneur, Harrisson Van Buren (Guy Pearce). Tout au long du film, on va assister aux relations tantôt amicales tantôt conflictuelles entre l’architecte européen et le milliardaire américain égocentrique, brutal et inconséquent (ça ne vous rappellerait pas quelqu’un ?).
Le film peut prendre le temps de mettre en scène sans lourdeur, de manière souvent allusive, l’envers du rêve américain : toute-puissance de l’argent, vulnérabilité des petits, racisme ouvert envers les Noirs et plus discret envers les Juifs, grande violence dans les rapports humains.
Les acteurs percent l’écran, surtout Brady qui porte le film. Les images sont magnifiques, avec certains cadrages qu’on n’est pas près d’oublier. La musique, très prenante, était un peu forte, mais on s’y est fait.
A sa sortie, le film a été l'objet d'une vive polémique au sein du petit monde d'Hollywood : la production a été accusée d'avoir eu recours à l'IA pour certains dialogues, pour reprendre les répliques des acteurs supposés hongrois pour amplifier leur accent. Le début d'une bagarre annoncée...
Ne ratez pas ce grand film.
PS : Pour les amoureux du septième art : écouter en podcast sur France Culture, « A Voix Nue », une série de cinq émissions de 30 mn avec Nicolas Seydoux parlant de sa vocation tardive d’entrepreneur de cinéma avec Gaumont : passionnant.
Bruno Caudrillier (20/3/2025)
Le Boléro à la Philharmonie
C’est sans doute l’œuvre de musique classique la plus connue
au monde comme, par exemple, la Petite musique de nuit ou
les Quatre saisons.
Que n’a-t-on pas dit à son propos : que
toutes les 15 minutes, un chef lève la baguette pour une
nouvelle exécution de l’œuvre, qu’à la création, une femme
se serait écrié “au fou !” et Ravel de dire : “ celle-là,
elle a tout compris “, qu’elle génère des millions de droits
d’auteur annuels (ça a été vrai), qu’elle est fondatrice de
la musique répétitive américaine…
La présente exposition - assez rare pour une seule œuvre de
musique classique, est très complète : des vidéos
d’époque, une interprétation scénarisée, tous les documents
relatifs à la danse, à sa passion pour les jouets
mécaniques, à l’Espagne, reconstitution de sa maison de
Monfort-l’Amaury…
Philharmonie de Paris - Jusqu’au 15 juin. (La
Philharmonie de Paris n’étant pas “journaliste ou blogueur
frendly”, les membres du syndicat devront s’acquitter de
leur ticket)
Thierry Vagne (17/01/2025)
Photo : DR
En première mondiale, l’hologramme d’un virtuose enregistré de son vivant
Philippe
Entremont, 85 ans, est un virtuose français qui a donné
7 000 concerts et réalisé
350
enregistrements. Sa carrière internationale lui a permis
de jouer et d’enregistrer avec des chefs aussi illustres que
Leonard Bernstein ou Eugene Ormandy, puis de se produire de
par le monde aussi bien en tant que pianiste que chef
d’orchestre. Il vient de réaliser un enregistrement de son hologramme qui
permettra de le voir donner un récital comme s’il était
physiquement présent. Des spectacles d’hologramme d’artistes
disparus existent déjà, avec des artistes de variétés ou
Maria Callas par exemple. Mais jamais l’expérience n’a été
réalisée en enregistrant directement un artiste de son
vivant via ce procédé.
Au programme : la Fantaisie
chromatique et fugue de Bach, la sonate K. 311 de Mozart, la
sonate Clair de lune de Beethoven et Pour le piano de
Debussy. Ce programme devrait être diffusé dans des salles
prestigieuses début 2020. On pourra probablement dans
l’avenir visualiser cet hologramme chez soi, avec des
lunettes de réalité augmentée.
Lire l’article
Thierry Vagne - 06/12/2019
Killers of the flower moon : un monument à ne rater sous aucun prétexte
Si au cours de vos humanités vous avez lu Tintin en Amérique
(1932), Lucky Luke dans « ruée sur l’Oklahoma » (1960) ou «
à l’ombre des derricks »(1962), vous ne pouvez ignorer que
les méchants cow-boys, dès qu’ils humaient un parfum de
pétrole, chassaient les gentils Indiens pour y installer
leurs derricks.
La tribu des Osages, dans les années 20,
s’en était plutôt mieux tirée, puisque, le pétrole ayant
été trouvé sur leur réserve, ils bénéficiaient d’une partie
du revenu de l’exploitation. Et comme ils étaient
relativement peu nombreux, cela rendait chacun (et chacune)
de ces Peaux-Rouges d’un seul coup très riches. Cela
n’échappa à des coureurs de dot, qui épousèrent ces squaws
en or massif.
Mais cela fit aussi le malheur de la tribu,
car (fait historique) une vague de morts suspectes vint
affecter la communauté. Scorsese s’appuie sur ce fait réel
pour bâtir un beau et long (3h30) opus. Il a visiblement
passé beaucoup de temps à lire des ouvrages ethnologiques,
car il sait nous restituer magnifiquement la fin de ce monde
amérindien obligé de sauter dans la modernité.
Nous allons
donc rencontrer William Hale (=Robert de Niro) un notable
local qui se veut bienfaiteur des Indiens , mais qui en
sous-main nourrit de noirs desseins. Il embauche son neveu,
Ernest Buckart (= Leonardo di Caprio), un peu simplet mais
au diapason de la violence de ce monde sans foi ni loi. Là
où ça se corse, c’est que le bel Ernest marie une belle
Indienne, Molly, qui pour le coup est riche mais aussi
pleine de charme. C’est Lily Gladestone, qui perce l’écran.
Et Ernest tombe amoureux, on le comprend, de la belle Molly. Ça va faire dérailler le plan du viel oncle, on ne vous
dira pas la suite.
Scorsese (80 ans) n’a pas perdu la main. Celui qui nous a fait plonger dans les bas-fonds de
New-York, écouter les stars de la pop, s’émerveiller devant
le monde de Méliès, signe là un chef d’œuvre. Il a
coproduit le film, et y a mis tellement de talent que l’on
pourrait penser, vu son âge, qu’il a voulu nous laisser un
testament.
Vous avez compris, précipitez-vous !
PS : le capitaine, dans une vie antérieure, a beaucoup fréquenté les sympathiques cow-boys de Phillips Petroleum, allant les voir à Bartlesville (Oklahoma) . Il peut vous certifier que 50 ans après les faits relatés par le film , il y avait encore d’authentiques Indiens Osages parmi les dirigeants de la Compagnie.
Alix Caudrillier (31/10/2023)