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L'art visuel

Le Corbusier. L'Ordre des choses

À l’occasion de son 20e anniversaire, le Zentrum Paul Klee (Berne, Suisse) consacre la première grande exposition temporaire de l’année à Le Corbusier. Du 8 février au 22 juin 2025, le Zentrum Paul Klee présente « Le Corbusier. L’ordre des choses ». L’exposition s’intéresse à l’élaboration du travail de cet artiste architecte, designer et urbaniste franco-suisse ainsi qu’à sa pensée plastique. Elle propose un large aperçu de l’ensemble de son œuvre à partir d’une perspective artistique à travers des pièces iconiques mais aussi des groupes d’œuvres encore peu connues. La disposition scénique des différents thèmes permet une visite individuelle en fonction de ses intérêts particuliers concernant les différents aspects de l’artiste.

L’élaboration du travail de Le Corbusier au cœur de l’exposition

Charles-Édouard Jeanneret, connu dans le monde entier sous le pseudonyme de Le Corbusier, compte parmi les pionniers de l’architecture moderne en Suisse. Figure centrale de la modernité internationale parmi les plus marquantes et influentes du monde, Le Corbusier (né en 1887 à La Chaux-de-Fonds, Suisse – mort en 1965 à Roquebrune-Cap Martin, France) exerçait non seulement comme architecte, mais aussi comme artiste, urbaniste, designer, écrivain et théoricien. Depuis 2016, une partie de son œuvre architecturale est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.

L’exposition met en évidence l’élaboration du travail de Le Corbusier, sa pensée plastique et ses expérimentations artistiques au sein de « L’Atelier de la recherche patiente », ainsi désignait-il sa démarche artistique. Elle révèle son approche par tâtonnement de la forme, mais aussi de la composition et de l’espace, de la lumière et de la couleur. La présentation rassemble de nombreux dessins et études provenant de son atelier. Pour Le Corbusier, le dessin a toujours été un moyen fondamental pour garder en mémoire ce qu’il avait vu et l’assimiler, ainsi que pour concevoir de nouvelles idées. Par ailleurs, l’exposition met en lumière les sources irriguant son processus de conception : d’objets qu’il trouvait sur la plage à l’architecture antique.

Le principe de l’ordre 

L’« ordre » jouait un rôle primordial pour Le Corbusier. Avec cette notion, l’exposition s’empare en outre d’un thème du champ de l’histoire de l’art et de la culture, intelligible et universel, remontant à l’Antiquité et toujours actuel. Dans les années 1920 en particulier, l’« ordre » constituait un concept clé de la pensée corbuséenne. Pour Le Corbusier, concevoir signifiait « ordonner » les choses. Comprendre le monde et l’organiser à travers l’ordre, était, selon lui, le devoir de l’art et de l’architecture.

Art, architecture et recherche 

L’exposition s’articule de manière thématique et chronologique autour de trois axes : l’art, l’architecture et la recherche. L’axe Art montre l’évolution artistique de Le Corbusier, de ses années de formation jusqu’à son œuvre tardive. Pour lui, l’art a toujours joué un rôle capital à la fois comme activité autonome et comme moteur pour l’architecture et le design. Cette partie de l’exposition commence avec des études de la nature, de paysage et d’architecture rarement présentées qui mettent en évidence la manière dont le jeune Charles-Édouard Jeanneret s’initie à l’espace et à l’architecture. Les principes du purisme sont élaborés dans les premières années de la guerre par, le peintre Amédée Ozenfant et Le Corbusier. En 1918 ils fondent la revue « L’Esprit nouveau » en compagnie de Louis Aragon, Paul Eluard, Tristan Tzara et André Breton.

L’axe Architecture est consacré à la pratique de conception de Le Corbusier et à son intérêt pour les principes d’ordre en architecture. Cette section présente des études de projets réalisés et non réalisés. Parmi les pièces exposées figurent de remarquables esquisses et dessins, des études et des projets en urbanisme, des maquettes et des visualisations dont le caractère artistique au premier plan souligne les parallèles étroits avec l’œuvre artistique de Le Corbusier. 

L'élaboration progressive des « cinq points » (les pilotis ; le toit-jardin ; le plan libre ; la fenêtre en longueur ; la façade libre) semble en effet constituer le point culminant des recherches architecturales théoriques menées par Le Corbusier tout au long des années vingt dans sa pleine période puriste.  Le Corbusier pensait que les bâtiments devaient être conçus comme des machines à vivre, chaque élément remplissant une fonction spécifique. Il rejette les styles ornementaux du passé et préconise à la place une architecture simple, efficace et expressive de sa finalité.

Les plans originaux de projets célèbres comme l’Unité d’Habitation à Marseille (1945-1952), la ville de Chandigarh en Inde (1950-1965) ou la chapelle Notre-Dame Du-Haut de Ronchamp (1950-1955) sont exposés. L’axe Recherche constitue le cœur de l’exposition. Cette section dédiée au concept de l’«Atelier de la Recherche Patiente » forme une passerelle entre l’architecture et l’art. Elle donne au public un aperçu du travail quotidien de Le Corbusier, dont l’activité était répartie entre deux ateliers parisiens : son bureau d’architecte rue de Sèvres et son atelier d’artiste situé rue Nungesser-et-Coli. 

L’axe Recherche montre, entre autres, la collection d’objets naturels de Le Corbusier qu’il considérait comme des « objets à réaction poétique » et qui formaient une source importante de son processus de conception. Une sélection de ses photographies est également présentée ici. Pour la première fois en Suisse, le Zentrum Paul Klee montre en outre la collection de cartes postales de Le Corbusier qui permet de s’immerger dans l’univers visuel à nul autre pareil de cet artiste architecte.

Contextualisation historique

De nombreux textes muraux et explicatifs facilitent la compréhension de l’œuvre de Le Corbusier dans son contexte historique. L’exposition met également à disposition des informations sur le parcours de Le Corbusier, tandis qu’elle éclaire de manière scientifique son rapport controversé à la politique, ses positionnements idéologiques et son héritage culturel. À ce sujet, le Zentrum Paul Klee prend appui sur l’étude « Le Corbusier, les Juifs et les fascismes. Une « mise au point » produite par l’historien Jean-Louis Cohen pour le compte de la ville de Zurich en 2012, ainsi que sur les connaissances actuelles de la recherche. 

Zentrum Paul Klee, Berne jusqu'au 22 juin 2025

Séverine et Raymond Benoit (27/2/2025)

 

Suzanne Valadon au Centre Pompidou

Le 23 septembre 1865, Marie-Clémentine Valadon, fille de Madeleine Valadon et de père inconnu naît à Bessines- sur-Gartempe en Haute-Vienne. En arrivant à Paris, sa mère exerce le métier de couturière. Suzanne apprend très jeune ce métier et le pratique dans une maison de haute couture.
Modèle sous le nom de Maria, dès l'âge de 14 ans pour subvenir à ses besoins, elle apprend les différentes techniques du dessin et de la peinture en observant les maîtres. C’est Toulouse-Lautrec avec qui elle a une liaison qui lui donne le prénom de Suzanne, en référence à la Suzanne biblique, car elle pose nue pour des vieillards. Toulouse-Lautrec fera d’elle le portrait intitulé gueule de bois.
Au critique d’art Gustave Coquiot, Suzanne confie en 1920 son plaisir de poser pour Renoir : “Je posais tantôt habillée, en plein soleil, dans l’herbe, tête nue ou coiffée de chapeaux très fleuris. Tantôt nue. Ce fut une période très colorée.” Un jour où elle est en retard pour une séance de pose avec Renoir, ce dernier va la chercher chez elle, et la surprend en train de faire un autoportrait. “Vous aussi, et vous le cachiez ?”, lui dit-il, admiratif. De modèle elle est devenue peintre. Figure de l’art moderne, elle n’a jamais appartenu à aucun de ces courants.

Le 26 décembre 1886, son fils Maurice naît de père inconnu. Maurice Valadon prend en 1891 le nom de Maurice Utrillo, son père putatif, lorsque Miquel Utrillo le reconnaît.
En 1892, elle se lance et réalise des portraits sans concession de sa famille. Dans les autoportraits qu'elle peint tout au long de sa vie, Valadon s’affiche avec une sévérité assumée : "Il faut être dur avec soi, avoir une conscience, se regarder en face."
En 1886, elle épouse Paul Mousis, agent de change. Ce mariage lui donne une stabilité financière. Ils se séparent en 19O9 En 1911, elle rencontre André Utter, artiste peintre qui devient son amant. Ils déménagent au 12 rue Cortot à Paris.
Elle commence à peindre de grandes compositions L’atelier-appartement où elle vécut de 1911 à 1925 peut se visiter au 12, rue Cortot (musée de Montmartre, Paris 18ème). En août 1914, elle épouse Utter, appelé sous les drapeaux. Maurice Utrillo, réformé, demeure chez sa mère rue Cortot. Puis, la notoriété venant dans les années 1920, elle peint sur commande des portraits de ses amis du monde de l’art. Elle peint, à son tour, des nus masculins et féminins, thème longtemps réservé aux hommes.
En 1923, elle achète le château Saint-Bernard près de Lyon où Utter, Utrillo et elle ont chacun un atelier. En 1926, elle emménage avec Utrillo au 12, avenue Junot à Paris tandis qu'Utter reste rue Cortot. En 1931, ses relations avec Utter s’assombrissent. Elle participe à de nombreuses expositions personnelles et collectives, en France et à l’étranger. Lucie Valore, alors mariée à un banquier mécène et collectionneur, rencontre Suzanne et Maurice dans son salon littéraire. A la mort de son mari, en 1933, Lucie se rapproche d’Utrillo qu'elle épouse en 1935. Lucie prend en main la gestion de l'œuvre d’ Utrillo.
Suzanne lui reproche son ingérence dans les affaires de son fils Elle la peint, vêtue de noir, avec des traits très durs et une silhouette imposante. A la fin de sa vie, elle se lie d’amitié avec le peintre Gazi-Igna Ghirei, dit Gazi le Tatar (1900-1975). Il l’encourage à reprendre la peinture. Elle meurt subitement à la suite d’une attaque cérébrale le 7 avril 1938.
Elle est inhumée, le 9 avril, au cimetière parisien de Saint-Ouen.

 Centre pompidou - Suzanne Valadon - Jusqu'au 25 mai.

Jacky Morelle (26/02/2025)


 

BNF - Apocalypse, hier et demain

Pour dire « c'est une véritable catastrophe », on dit souvent « c'est l’apocalypse ». Ce qui sous-entend, un grand bouleversement, voire l'effacement. Mais le sens du mot grec «  apocalypse », n'est pas catastrophe, il signifie  «  révélation ».  
L'exposition magnifique que présentent les conservateurs de la Bibliothèque Nationale,  François Mitterrand sous la direction de Jeanne Brun,  conservatrice en chef du patrimoine et directrice adjointe du Musée d'art moderne, est donc l'histoire du dévoilement des turpitudes humaines qui conduit à l'avènement d'un renouveau.

Les visions de Jean

Le point de départ :  l'apocalypse de Jean. Un solitaire exilé sur l'île de Patmos, au large de la Turquie, dont on ne connaît pas encore les origines.
Fût-il un prophète ? Un des quatre évangélistes ? En tout cas cet « ermite » va avoir une transe visionnaire et écrire ce qu'il a vu sur un parchemin.  A cette époque de nombreuses communautés semi-monastiques se sont constituées au Moyen Orient, les textes  sur  les origines de l'homme sont divers et nombreux. Les prophètes aussi.  A la fin du 1er siècle, Jean, de Patmos  va sonner le glas : c'est lui, qui va dévoiler les grandes calamités de la fin du monde.: tremblements de terre, pluie de grêle, de feu, de sauterelles, la mer qui tourne au sang…il annonce  « la fin du monde est proche ».
Son récit se présente comme « un livre unitaire qui englobe tout, » écrit une des conservatrices Charlotte Denoël, « la terre et le ciel, le temps passé, présent et futur. » L'Apocalypse de Jean est un des rares récits  ayant  circulé avant l'invention de l'imprimerie. Et c'est en 800 que l'on voit les premières transcriptions visuelles. Les dessinateurs et peintres  ont des imaginations débordantes pour mettre en scène le texte, avec les quatre chevaux de l'apocalypse, les sept sceaux,  les sept trompettes et sept coupes , Saint-Michel terrassant le Dragon … L'Apocalypse sème la terreur dans le monde du Moyen Age obéissant à la religion catholique. La fin du monde est sur toutes les lèvres, l'anéantissement est proche. Et deux mille ans après, ce livre hante toujours d'imaginaire.    

Le Beatitus    

Au IXème siècle dans l'abbaye de Saint Sever, un des principaux centres spirituel et politique du duché de Gascogne, est créée une des plus riches apocalypses, le Beatitus. Il s’agit de l'unique copie française d'un commentaire de l'Apocalypse élaboré par un moine espagnol, Béatus de Lébana. Quatre artistes monastiques vont donner des représentations vivantes des 292 feuillets de parchemin, concevoir des enluminures. Le livre paraîtra en latin. Par miracle le Beatitus trouvera refuge au XVIIIème siècle à la bibliothèque nationale de Paris. A noter que Pablo Picasso se nourrira du Beatitus pour créer son tableau Guernica.  En Allemagne, Albrecht Dürer va créer, un de ses plus grands chefs-d'œuvre grâce à l'apocalypse. Ses sources d'inspiration sont nombreuses : Mantegna, la Bible de Cologne, les vieux maîtres allemands et flamands. « Pour Dürer la Révélation de Jean est avant tout un texte de piété, écrit une des commissaires Caroline Vrand. En 1492, il va assumer seul son Apocalypse, (en 1450, Johannes Gutenberg  a créé l'imprimerie) la production d'un livre d'images et de texte. Des gravures au burin sur bois, dessins saisissants qui donnent corps aux visions, conciliant le réel et le surnaturel.
Les planches : la grande Prostituée, les quatre cavaliers de l'Apocalypse, Saint-Michel terrassant le dragon. La page recto est consacrée à l'illustration et au verso, le texte. Les images sont saisissantes d'effroi. L'historien et philosophe George Didi Huberman écrit «  dans l'Apocalypse les figures humaines ou surnaturelles, animales ou monstrueuses, grouillent de partout, ainsi l'histoire de l'Apocalypse se présente comme une immense formation anachronique de temps entrechoqués, d'où prennent figure des futurs déjà vus ». Ces illustrations de l'Apocalypse de Jean marquent les fidèles qui vivent dans la peur de la punition divine. L'Eglise utilise cette puissance de l'écrit de la fin des temps, et son illustration est reprise par de grands peintres, comme Memling « vision de l'apocalypse de saint Jean à Patmos », ou Peter Brueghel « damnés tourmentés par des diables et des animaux fantastiques ».
Dans des époques de guerres et de peurs, les peintres remettent au goût du jour les épisodes apocalyptiques. Jacques Caillot, graveur ( XVIIème) réalise des eaux fortes dévoilant sa vision  des grandes misères de la guerre.  «  La fin du XVIII -ème siècle est marquée par un déferlement d'énergies : les révolutions américaine (1775-1783) et française (1789) sont perçues comme les signes de la fin d'une ère, révélant les fantasmes millénaristes » écrit la conservatrice Camille Adnot. L'anéantissement Au XIème siècle, la fragilité des régimes,  l'existence d'un ordre naturel ou divin alimentent la nostalgie romantique  les peintres anglais et français  comme  William Blake, ( the Whore of Babylon)  William Turner, Gustave Moreau et les écrivains  français: Victor Hugo, Musset, Lamartine, expriment leurs craintes et leurs désarrois. Le motif du cavalier vengeur, dont le plus terrible est le quatrième, le funeste cavalier de la mort, devient un topos de la peinture traversant le XIX -ème siècle. De William Black à William Turner. » (Camille Adnot)

Le temps des catastrophes

Le XXème siècle  qui va être vécu comme le siècle des grandes catastrophes en Occident (deux guerres mondiales, la Shoah) conduit les artistes à retenir les thèmes les plus violents de l'Apocalypse. Le peintre allemand Otto Dix produit une huile sur glacis appelée « souvenir de la galerie des glaces à Bruxelles). Le spectacle d'un couple, elle dénudée, lui en habit d'officier. «  Dans le monde où l'ordre et la religion reculent  les artistes décrivent la traverse des souffrances comme un mal nécessaire  précédant un renouveau - écrit  Jeanne Brun - plus d'extase sainte, plus de ravissement en esprit pour se rapprocher du mystère de Dieu, plus de Jérusalem céleste en point de mire : le dévoilement est celui de la réalité, de l'épaisseur de la cruauté du réel. Le salut résiderait alors dans notre regard, dans l'abandon de l'aveuglement dans lequel nous persistons, en appréhendant le monde, comme l'antichambre d'un autre ».
Au XXème siècle, sous l'influence de Rudolf Steiner et de la philosophie russe, Kandinsky manifeste un grand intérêt pour l'Apocalypse. Sa fascination coïncide avec une évolution de sa peinture vers l'abstrait. En 1910, il peint sur le thème du Jugement dernier.

Le silence de l'avenir

Au XXIème siècle, écrivains, cinéastes, créateurs de jeux vidéo dessinent des mondes souvent synonymes de désolation, de violence. Anne Imoff, l'artiste allemande, qui a eu le Lion d'or 2017 à Venise, a réalisé une puissante déflagration (c'est d'ailleurs l'affiche de l'exposition).  
L'exposition se termine par « après la fin, imaginer les mondes à venir ». Les vingt premiers chapitres du texte de l'Apocalypse n'ont qu'une finalité : l'avènement de la nouvelle Jérusalem. Mais là les artistes ont de la peine à montrer la suite: à quoi ressemblera notre monde après sa chute ? Un monde appauvri ou la construction d'un monde idéal ?   Otobong Nkanga  et Kiki Smith offrent  une vision des jours d'après avec les tapisseries au format monumental qui conçoivent le nouvel ordre du monde, après la catastrophe. Jérusalem révélé à Jean par l'ange. L'apparition de cette cité céleste où le temps et la mort sont abolis. » (texte de Pauline Créteur). Jérusalem révélé à Jean par l'ange. L'apparition de cette cité céleste où le temps et la mort sont abolis. » (texte de Pauline Créteur). L'artiste Otobong Nkanga explore un récit alternatif de la révélation de la Jérusalem nouvelle avec Unearthed – sorti de terre – c'est un monde qui n'est plus fait que de la mer, la civilisation n'existe plus.
« Pour fabriquer un monde nouveau, il faut partir d'un monde qui existe. » écrit  Ursula K. Le Guin, autrice américaine de science-fiction.  La fin des temps et le renouveau sont illustrés par des textes d'écrivains et des œuvres contemporaines, comme : l'arbre de vie d'Ali Cherri, la sculpture sans titre de Laurent Gasso.qui représente un jeune enfant tenant un globe terrestre. L'écrivain et traducteur Frédéric Boyer offre une conclusion à cette grande exposition :  «  je crois qu'il faut sortir de ce texte majeur de ses lectures infantilisantes ou culpabilisantes. Le mot lui-même n'exprime plus que le contraire de ce qu'il signifiait. (…) Il s'agissait dès l'origine d'un enseignement sur la patience et l'espérance.(...) Ce que décrit l'Apocalypse n'est pas le dénouement de l'histoire humaine, mais le dénouement de l'angoisse et de la catastrophe présente.(...) On pourrait dire qu'il s'agit de la première histoire sainte récapitulée et vécue au présent ».

 BNF François Mitterrand - Apocalypse, Hier et demain. Jusqu'au 8 juin.

Hélène Queuille


 

Marisa Merz

Marisa Merz (1926–2019) compte parmi les figures de premier plan de la scène artistique italienne d’après-guerre. En 2013, elle remporte le Lion d’or de la 55e Biennale de Venise pour l’ensemble de son œuvre. Aujourd’hui elle est présentée comme la seule femme parmi les principaux représentants de l’Arte Povera.

Seule femme dans le cercle de l’Arte Povera,  Marisa Merze utilise toutes sortes de matériaux bruts : aluminium, argile, cuivre ou nylon, ou encore  de la cire et du tissu – En résumé, ses œuvres se caractérisent par des matériaux « pauvres ». Pendant plus de cinquante ans, elle élabore une œuvre résolument ouverte.
« L’artiste a un rôle établi, comme celui d’une épouse ou d’un fils. Mais je ne suis pas prête à me conformer à ces rôles, ces rôles qui divisent, ces listes… » Marisa Merz, 1985

Le brut et le précieux se côtoient souvent dans les œuvres de Marisa Merz qui naviguait avec brio entre l’histoire de l’art et le quotidien. Elle place au premier plan la puissance imaginative de matériaux dits « pauvres ». Ces matériaux, souvent issus du quotidien, déploient en tant que matières brutes une étonnante poésie et possèdent aujourd’hui encore une grande puissance associative. Son rapport aux différents matériaux est subtil, radicalement personnel et relie de manière indissociable culture savante et culture populaire.

« Je ne suis intéressée ni par le pouvoir, ni par la carrière. Seuls le monde et moi m’intéressent. » Marisa Merz, 1985

L’exposition au Kunstmuseum Bern réunit quelque 80 œuvres au sein de cinq chapitres se déployant dans l’espace, parmi lesquelles des dessins, des peintures, des sculptures et des installations. Des témoignages de ses premières actions sont également présentés, à l’instar de photographies de Claudio Abate qui accompagna une action de Merz sur la plage de Fregene près de Rome en 1970, lors de laquelle l’artiste déposa sur le sable de petites œuvres en fil de nylon qui furent ensuite emmenées par les vagues,

Musée d’art de Berne - Jusqu'au 1er juin 2025

 Séverine et Raymond Benoit (11/02/2025)


Le trompe-l’œil, l'alliance de l'art et de la technique

« Le trompe-l’œil de 1520 à nos jours » est le thème* choisi  par la conservatrice du musée Marmottan, Sylvie Carlier, et l'attachée de conservation du musée, Aurélie Gavoille, pour fêter les 90 ans du musée,  mais aussi parce que Jules et Paul Marmottan, historiens d'art et mécènes, avaient un goût pour ce genre de peinture. Plus de 80 œuvres sont exposées, du 16 ème siècle au 21 ème siècle.
Parce qu’il donne l’illusion de la réalité tout en questionnant nos certitudes, le trompe-l’œil est un genre particulièrement prisé des artistes, et ce depuis l’Antiquité. Anamorphoses, illusions d’optique, énigmes visuelles… Des fresques pompéiennes au street art.

 L'exposition

Plus de 80 œuvres significatives du XVIe au XXIe siècle provenant de diverses collections particulières et publiques d’Europe et des États-Unis (National Gallery of Art de Washington, le Museo nacional Thyssen-Bornemisza de Madrid, le musée d’art et d’histoire de Genève, le Museo dell’Opificio delle Pietre Dure de Florence, le château de Fontainebleau, le musée du Louvre, le musée de l’Armée, le musée national de la Céramique de Sèvres, la Fondation Custodia, le Palais des Beaux-Arts de Lille, le musée Unterlinden de Colmar…)  permettent d’appréhender l’évolution formelle du trompe-l’œil.  

La plongée dans l'exposition est une aventure. On entre dans le monde de l'illusion avec une huile sur panneau : les grappes de raisin de Largillière (1677), suivent les peintres hollandais, très présents dans ce courant,  on termine par des œuvres de l'arte Povera* comme celle de Guiseppe Penone, les tableaux-pièges de Daniel Firman, les illusionnistes de la réalité avec Daniel Spoerri et ses tables abandonnées,  et le   camouflage.

Si certains thèmes du trompe-l’œil sont connus – tels que les vanités, les trophées de chasse, les porte-lettres ou les grisailles – d’autres aspects sont abordés dans cette exposition, comme les déclinaisons décoratives (mobilier, faïences…)      ou encore la portée politique de ce genre pictural à l’époque révolutionnaire jusqu’aux versions modernes et contemporaines, avec le street art.
Parmi les peintres exposés : deux Français du groupe « Trompe-l'œil et réalités » à mettre en exergue :  Jacques Poirier (le reliquaire )   et Henri Cadiou Mona Lisa derrière une affiche déchirée qu'il  appelle « La déchirure ». C'est d'ailleurs l'affiche de l'exposition.

L'histoire du trompe-l'œil

Les peintures en trompe-l’œil datent de l'antiquité.  Des traces à Pompéi ,  en 79 après J.-C en sont la preuve. Au milieu du XIXe siècle, des archéologues découvrent avec stupeur des fresques exceptionnellement bien conservées – pour ne pas dire quasi-intactes  –, dans la luxueuse villa dite de Publius Fannius Synistor. Sur ce décor aux couleurs vives se déploient des colonnes, des parois en marbre et des frises sculptées, toutes réalisées en trompe-l’œil – créant ainsi la curieuse illusion de l’existence d’un monde antique parallèle, qui aurait résisté à la catastrophe volcanique.

Encore plus lointain. Bien que le terme apparaisse au XIXe siècle, l’origine du trompe-l’œil serait liée à un récit bien plus ancien, celui de Pline l’Ancien (c.23-79 apr. J.C), qui rapporte dans son Histoire naturelle comment le peintre Zeuxis (464-398 av. J.C.), dans une compétition qui l’opposait au peintre Parrhasios, avait représenté des raisins si parfaits que des oiseaux vinrent voleter autour.  En France le terme trompe-l’œil aurait été employé pour la première fois par Louis Léopold Boilly (1761-1845) en légende d’une œuvre exposée au Salon de 1800.

Plus de 80 œuvres significatives du XVIe au XXIe siècle provenant de collections particulières et publiques d’Europe et des États-Unis (National Gallery of Art de Washington, le Museo nacional Thyssen-Bornemisza de Madrid, le musée d’art et d’histoire de Genève, le Museo dell’Opificio delle Pietre Dure de Florence, le château de Fontainebleau, le musée du Louvre, le musée de l’Armée, le musée national de la Céramique de Sèvres, la Fondation Custodia, le Palais des Beaux-Arts de Lille, le musée Unterlinden de Colmar…) sont réunies et permettent d’appréhender l’évolution formelle du trompe-l’œil. 

Pour les amateurs de ce type de peinture il y a Mantoue en Italie.    A la demande du marquis Louis III Gonzague, Andrea Mantegna (1431-1506) réalise la fresque de la chambre des époux. Des fresques exceptionnelles en trompe-l'œil qui se déploient jusqu'au plafond. Sur l’un des murs, où l’artiste fait preuve d’un sens inouï de la perspective, on reconnaît le marquis en simple robe de chambre et pantoufles, aux côtés de son épouse Barbara de Brandebourg et de sa cour. On retrouve le commanditaire sur un mur adjacent, dans un somptueux décor de paysage romain…

Le spectacle continue au plafond orné d’un oculus qui s’ouvre sur un beau ciel bleu, par lequel des servantes et des angelots semblent observer les visiteurs .   Bien sûr l 'exposition ne prétend pas montrer les peintures antiques, elle commence l'histoire occidentale du trompe-l'œil au 16 ème siècle, puisqu'elle s'appelle «  le trompe-l'œil de 1520 à nos jours ».

* : Mouvement artistique italien d'avant garde apparu dans les années 60. Il incarne une certaine défiance vis à vis de la société de consommation, les artistes privilégient l'utilisation de matériaux naturels et de récupération. Principaux artistes : G. Penone , M. Pistoletto, J. Kounellis, M. Merz

Musée Marmottan-Monet - Jusqu'au 2 mars 2025
Jusqu’au 23/3/2025

 Hélène Queuille  (03/02/2025)



Exposition Kahnweiler & Rupf - une amitié entre Paris et Berne

Marchand d’art à Paris, Daniel-Henry Kahnweiler (1884-1979) achète et vend des tableaux de Pablo Picasso, Georges Braque et Juan Gris, tandis qu’Hermann Rupf (1880-1962) vend de la passementerie, des boutons et de somptueuses écharpes dans sa boutique située sur la Waisenhausplatz à Berne.

Daniel-Henry Kahnweiler et Hermann Rupf se rencontrent en 1901 durant leur formation à Francfort. Pendant leur temps libre, ils découvrent leur passion commune pour l’art qui les accompagnera tout au long de leur vie. Tandis que Rupf travaille comme commerçant à Berne à partir de 1905, Kahnweiler ouvre une galerie d’art à Paris en 1907, dont Rupf devient le premier client collectionneur. La galerie Kahnweiler se fait bientôt un nom avec des représentants du cubisme comme Picasso et Braque, dont les œuvres sont également intégrées à la collection Rupf dès le début.

Toutefois, les liens entre les deux hommes dépassent le cadre de l’art : lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914, Hermann Rupf invite son ami à séjourner chez lui à Berne. Kahnweiler, dans l’incapacité de continuer à diriger sa galerie parisienne en raison de sa citoyenneté allemande, accepte son invitation et reste en Suisse durant la guerre.

Jusqu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914, Rupf parvient à acquérir un admirable ensemble de 30 œuvres d’art auprès de Kahnweiler. Outre des travaux des artistes fauves, y figurent également des tableaux de Picasso et de Braque qui comptent aujourd’hui parmi les icônes du cubisme. Dans les années 1920, des œuvres de Fernand Léger ainsi qu’un imposant groupe de peintures de Juan Gris, artiste cubiste décédé prématurément, parviennent à Rupf par l’intermédiaire de Kahnweiler.

Peu avant l’occupation de Paris, Kahnweiler parvient à s’enfuir dans le Limousin avec sa femme Lucie en juin 1940. Dans un premier temps, le Sud de la France reste libre. De là, près de 40 longues lettres, très personnelles pour l’essentiel, parviennent à Rupf. Celles-ci sont rendues publiques pour la première fois dans le cadre de l’exposition. Kahnweiler échappe de peu à une arrestation par la Gestapo qui le contraint à se cacher. Il ne se manifestera à nouveau que le 16 décembre 1944 depuis Paris.

L’exposition présente des peintures, dessins et sculptures de la collection Rupf, parmi lesquelles des œuvres de Pablo Picasso, Juan Gris, Georges Braque, André Derain et Paul Klee.

Musée d’art de Berne (Konszmuseum Bern)
Jusqu’au 23/3/2025

Séverine et Raymond Benoit (22/01/2025)


Théâtre


Cinéma

The Brutalist

Dès son lancement, « tTe Brutalist », un long-métrage americano-anglo-hongrois fait beaucoup de bruit. Il y a d’abord sa longueur : 215 minutes coupées en leur milieu par un entracte. Depuis les grandes productions type Ben Hur, on n’était plus habitués à cette césure bienvenue. Et puis il y a surtout la qualité de cet opus, qui, selon beaucoup, le place au même rang que « Émilia Perez » parmi les chefs-d’œuvre de cette année.

Le film suit le destin d’un architecte hongrois, Lazlo Toth .  Pour l’incarner , le réalisateur américain Bady Corbet (37 ans) a eu la main heureuse en choisissant Adrien Brody, dont on avait déjà perçu le grand talent dans « le Pianiste » de Polanski, dans le pourtant désastreux « Daaali », dans « Grand Hotel Budapest », ou encore dans maintes productions de Woody Allen. Comme le sujet exclusif du film, c’est la trajectoire de Lazlo, on a le temps d’admirer les mille et une facettes de cet acteur surdoué.

L’histoire, c’est donc celle de cet architecte hongrois, de 1947 à 1960, avec même un court épilogue en 1980. Lazlo, membre du Bauhaus, connait un joli succès dans son pays natal, jusqu’à ce qu’il soit rattrapé par la démence nazie. Interné à Buchenwald, il survivra. Le film commence en 1947, quand le bateau de ces survivants arrive en vue de la Statue de la Liberté. Dès ces premières images magnifiques, on sait que l’on va assister à une projection peu commune. Lazlo n’a qu’une adresse en débarquant en Amérique : son cousin Attila, marchand de meubles à Philadelphie. Le cousin et sa femme catholique Audrey l’abritent et le font travailler. Attila va apprendre à Lazlo que sa femme Ersesbet (gracile et énergique Felicity Jones) et sa nièce Zsofia, elles aussi raflées, ont survécu à l’enfer  des camps. Elles sont bloquées en Autriche, et Lazlo va se démener pour les faire venir aux USA. Quand Lazlo pourra enfin récupérer son épouse, on aura droit à un beau portrait de femme : Ersesbet, frappée par une ostéoporose dévastatrice, est en fauteuil roulant. Mais, pleine d'énergie, elle est la gardienne de la dignité du couple.

On ne va pas vous raconter la suite, à vous de la découvrir. Sachez seulement que dans son nouveau métier de décorateur, Lazlo va rencontrer un richissime entrepreneur, Harrisson Van Buren (Guy Pearce). Tout au long du film, on va assister aux relations tantôt amicales tantôt conflictuelles entre l’architecte européen et le milliardaire américain égocentrique, brutal et inconséquent (ça ne vous rappellerait pas quelqu’un ?). 

Le film peut prendre le temps de mettre en scène sans lourdeur, de manière souvent allusive, l’envers du rêve américain : toute-puissance de l’argent, vulnérabilité des petits, racisme ouvert envers les Noirs et plus discret envers les Juifs, grande violence dans les rapports humains.

Les acteurs percent l’écran, surtout Brady qui porte le film. Les images sont magnifiques, avec certains cadrages qu’on n’est pas près d’oublier. La musique, très prenante, était un peu forte, mais on s’y est fait.

A sa sortie, le film a été l'objet d'une vive polémique au sein du petit monde d'Hollywood : la production a été accusée d'avoir eu recours à l'IA pour certains dialogues, pour reprendre les répliques des acteurs supposés hongrois pour amplifier leur accent. Le début d'une bagarre annoncée...

Ne ratez pas ce grand film.

PS : Pour les amoureux du septième art : écouter en podcast sur France Culture, « A Voix Nue », une série de cinq émissions de 30 mn avec Nicolas Seydoux parlant de sa vocation tardive d’entrepreneur de cinéma avec Gaumont : passionnant.

Bruno Caudrillier  (20/3/2025)


Musique

Le Boléro à la Philharmonie

C’est sans doute l’œuvre de musique classique la plus connue au monde comme, par exemple, la Petite musique de nuit ou les Quatre saisons.
Que n’a-t-on pas dit à son propos : que toutes les 15 minutes, un chef lève la baguette pour une nouvelle exécution de l’œuvre, qu’à la création, une femme se serait écrié “au fou !” et Ravel de dire : “ celle-là, elle a tout compris “, qu’elle génère des millions de droits d’auteur annuels (ça a été vrai), qu’elle est fondatrice de la musique répétitive américaine…

La présente exposition - assez rare pour une seule œuvre de musique classique, est très complète :  des vidéos d’époque, une interprétation scénarisée, tous les documents relatifs à la danse, à sa passion pour les jouets mécaniques, à l’Espagne, reconstitution de sa maison de Monfort-l’Amaury…

Philharmonie de Paris - Jusqu’au 15 juin. (La Philharmonie de Paris n’étant pas “journaliste ou blogueur frendly”, les membres du syndicat devront s’acquitter de leur ticket)
 
Thierry Vagne (17/01/2025)


 

 

Photo : DR

En première mondiale, l’hologramme d’un virtuose enregistré de son vivant

Philippe Entremont, 85 ans, est un virtuose français qui a donné 7 000 concerts et réalisé 350 enregistrements. Sa carrière internationale lui a permis de jouer et d’enregistrer avec des chefs aussi illustres que Leonard Bernstein ou Eugene Ormandy, puis de se produire de par le monde aussi bien en tant que pianiste que chef d’orchestre. Il vient de réaliser un enregistrement de son hologramme qui permettra de le voir donner un récital comme s’il était physiquement présent. Des spectacles d’hologramme d’artistes disparus existent déjà, avec des artistes de variétés ou Maria Callas par exemple. Mais jamais l’expérience n’a été réalisée en enregistrant directement un artiste de son vivant via ce procédé.
Au programme : la Fantaisie chromatique et fugue de Bach, la sonate K. 311 de Mozart, la sonate Clair de lune de Beethoven et Pour le piano de Debussy. Ce programme devrait être diffusé dans des salles prestigieuses début 2020. On pourra probablement dans l’avenir visualiser cet hologramme chez soi, avec des lunettes de réalité augmentée.
Lire l’article

Thierry Vagne - 06/12/2019


Cinéma

Killers of the flower moon : un monument à ne rater sous aucun prétexte

Si au cours de vos humanités vous avez lu Tintin en Amérique (1932), Lucky Luke dans « ruée sur l’Oklahoma » (1960) ou « à l’ombre des derricks »(1962), vous ne pouvez ignorer que les méchants cow-boys, dès qu’ils humaient un parfum de pétrole, chassaient les gentils Indiens pour y installer leurs derricks.
La tribu des Osages, dans les années 20, s’en était plutôt mieux tirée,  puisque, le pétrole ayant été trouvé sur leur réserve, ils bénéficiaient d’une partie du revenu de l’exploitation. Et comme ils étaient relativement peu nombreux, cela rendait chacun (et chacune) de ces Peaux-Rouges d’un seul coup très riches. Cela n’échappa à des coureurs de dot, qui épousèrent ces squaws en or massif.
Mais cela fit aussi le malheur de la tribu, car (fait historique) une vague de morts suspectes vint affecter la communauté. Scorsese s’appuie sur ce fait réel pour bâtir un beau et long (3h30) opus. Il a visiblement passé beaucoup de temps à lire des ouvrages ethnologiques, car il sait nous restituer magnifiquement la fin de ce monde amérindien obligé de sauter dans la modernité.
Nous allons donc rencontrer William Hale (=Robert de Niro) un notable local qui se veut bienfaiteur des Indiens , mais qui en sous-main nourrit de noirs desseins. Il embauche son neveu, Ernest Buckart (= Leonardo di Caprio), un peu simplet mais au diapason de la violence de ce monde sans foi ni loi. Là où ça se corse, c’est que le bel Ernest marie une belle Indienne, Molly, qui pour le coup est riche mais aussi pleine de charme. C’est Lily Gladestone, qui perce l’écran. Et Ernest tombe amoureux, on le comprend, de la belle Molly. Ça va faire dérailler le plan du viel oncle, on ne vous dira pas la suite.
Scorsese (80 ans) n’a pas perdu la main. Celui qui nous a fait plonger dans les bas-fonds de New-York, écouter les stars de la pop, s’émerveiller devant le monde de Méliès, signe là un chef d’œuvre. Il a coproduit le film, et y a mis tellement de talent que l’on pourrait penser, vu son âge,  qu’il a voulu nous laisser un testament.
Vous avez compris, précipitez-vous !

PS : le capitaine, dans une vie antérieure, a beaucoup fréquenté les sympathiques cow-boys de Phillips Petroleum, allant les voir à Bartlesville (Oklahoma) . Il peut vous certifier que 50 ans après les faits relatés par le film , il y avait encore d’authentiques Indiens Osages parmi les dirigeants de la Compagnie.

Alix Caudrillier (31/10/2023)

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