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L'art visuel

À contre-courant - Chaïm Soutine

Chaïm Soutine compte parmi les grands peintres de la modernité. Ses œuvres montrent des paysages vacillants, des cadavres d’animaux et des portraits d’individus issus des couches sociales les plus démunies : ses modèles étaient tour à tour groom, femme de chambre, cuisinier et enfant de chœur. 
L’exposition a vu le jour en collaboration avec la Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen de Düsseldorf et le Louisiana Museum of Modern Art d’Humlebæk au Danemark. C’est donc la dernière possibilité de voir cette superbe exposition réunissant des œuvres dispersées dans le monde entier.
À contre-courant 
Chaïm Soutine grandit dans une famille juive orthodoxe dans une petite ville située non loin de Minsk, dans l’actuelle Biélorussie. En 1913, alors âgé de 20 ans, il se rend à Paris pour en faire sa deuxième patrie. Il vivra quelque temps dans une sorte de phalanstère, La Ruche, à Montparnasse, en compagnie de Chagall, Brancusi, Lipchitz, entre autres. L’artiste italien Amedeo Modigliani comptait parmi ses quelques amis proches. 
Néanmoins, il demeurera tout au long de sa vie un marginal qui, au début, maîtrisera mal la langue française et dont les mœurs sociales lui resteront étrangères. L’expérience de la fuite et de la migration qui a profondément marqué l’existence de Soutine résonne dans ses œuvres. 
En plus de visites de musées, surtout pour les œuvres de Goya et de Courbet, il fréquente, dès qu’il le peut, des concerts avec une prédilection pour les œuvres de Bach.
Déclarations d’amour à l’existence
Les tableaux de Soutine sont à la fois de fougueuses explosions de couleurs et la représentation d’une extrême vulnérabilité. Ils sont autant de déclarations d’amour à la vie qu’aux petites gens : expérience partagée par Soutine à travers sa propre histoire. Ses portraits empathiques et sans complaisance de gens simples, ses paysages puissants et débordant de couleurs, ainsi que ses natures mortes énigmatiques représentant des carcasses d’animaux reflètent toute une époque et une génération marquée par la guerre, les inégalités sociales et l’inexorable conflit entre des visions religieuses et politiques du monde radicalement opposées.
Tandis que nombre de ses contemporains se sont intéressés à l’abstraction, Soutine pratiquait une peinture figurative, extrêmement vivante et expressive. Celle-ci se caractérise par une ligne agitée et vibrante qui confère à ses tableaux une force expressive sans égale. L’artiste qu’aiment les artistes
L’artiste qu’aiment les artistes
L’exposition au Kunstmuseum Bern a tout d’une découverte : bien que Chaïm Soutine soit considéré comme l’un des artistes majeurs de l’art moderne et représenté dans de nombreuses collections muséales d’importance, sa notoriété est moindre que celle de son ami et compagnon de route Amedeo Modigliani ou de Marc Chagall par exemple. Son influence sur la peinture d’après 1945 se manifeste notamment chez les représentant·e·s de l’expressionnisme abstrait, au sein du groupe d’artistes CoBrA ainsi que de la School of London qui choisirent Soutine comme source d’inspiration.
L’exposition à Berne
Ses peintures puissamment colorées mettent en évidence la dimension vitale et vulnérable de l’existence et constituent de remarquables témoignages d’une vie mouvementée en marge de la société. L’exposition présente des œuvres de Soutine appartenant aux genres de prédilection de l’artiste – le portrait, le paysage et la nature morte – et met l’accent sur ses premières décennies de création.
L’exposition au Kunstmuseum Bern réunit quelque 60 œuvres de toutes ses périodes de création. Parmi celles-ci, six œuvres proviennent de la collection du musée (toutes issues du legs Georges F. Keller). Elles sont accompagnées de prêts internationaux consentis entre autres par le Musée d’Orsay et de l’Orangerie ainsi que le Centre Pompidou de Paris, la Tate de Londres, le Museum of Modern Art de New York et la National Gallery of Art de Washington. 
À travers la grande rétrospective Chaïm Soutine, À contre-courant, le Kunstmuseum Bern souhaite présenter ce peintre singulier à un plus large public. L’importance de la quantité des œuvres présentées demande  de réserver suffisamment de temps pour bien analyser les différentes périodes de l’artiste et de ses intérêts changeants concernant les sujets représentés.

 Kunstmuseum Bern (Musée des Beaux-Arts, Berne) – du 16 août au 1er décembre 2024

Séverine et Raymond Benoit (20/9/2024)



Brasil ! Brasil ! À l’Aube du Modernisme

Pour la première fois en Suisse, une exposition donne un vaste aperçu de l’art moderne du Brésil, mais aussi de l’histoire, de la littérature, de la musique, du design et de l’architecture de ce pays. Brasil ! Brasil !  Le Brésil est de loin le plus grand pays d’Amérique du Sud et possède une immense diversité de paysages. La richesse culturelle du Brésil est tout aussi impressionnante. 
Son art et sa culture résultent d’un mélange d’influences indigènes, de cultures apportées par les colons portugais et de celles des personnes d’Afrique de l’Ouest déportées comme esclaves jusqu’à la fin du 19e siècle. Aujourd’hui, des immigrants du monde entier constituent un apport culturel additionnel. 
En quête d’identité
En 1889, après 67 ans de règne impérial, la première République est proclamée avec Rio de Janeiro comme capitale. Sur le plan économique, le pays profite de sa situation de quasi-monopole au sein du commerce mondial de café, dont le centre est situé dans la ville portuaire de Santos, dans l’État de São Paulo. Cette atmosphère de renouveau se reflète autant dans l’art, la littérature et la musique, que dans le design et l’architecture.
Cette énergie et cette diversité marquent l’architecture moderne, qui trouve sa propre expression iconique avec des architectes comme Oscar Niemeyer et Lina Bo Bardi, mais aussi le développement du carnaval de Rio de Janeiro. La quête d’une identité nationale constitue toutefois un véritable défi en raison de l’hétérogénéité de la population et du nombre important de cultures régionales. 
À l’aube du modernisme 
En 1922, à l’occasion du centenaire de l’indépendance du Brésil, le magnat du café Paulo Prado - un des oligarques les plus influents, finance la Semana de Arte Moderna : il s’agit d’une semaine d’événements culturels pour faire de São Paulo, déjà centre économique, la capitale du développement artistique moderne aux côtés de Rio de Janeiro. Des artistes aspirent, comme l’avant-garde européenne, à triompher du canon artistique classique-académique dominant et institutionnalisé du 19e siècle. En outre, ils souhaitent se libérer de l’orientation artistique des colons portugais et élaborer leur propre langage visuel.
Ainsi, il n’est pas étonnant qu’ils cherchent à échanger avec leurs contemporains européens. Des artistes brésiliens issus de familles aisées ou bénéficiant de bourses de voyage effectuent des séjours en Europe, à l’instar d’Anita Malfatti à Berlin ou de Tarsila do Amaral, Candido Portinari, Vicente do Rego Monteiro et Geraldo de Barros à Paris. Leur profond intérêt pour l’art des avant-gardes européennes, en particulier l’expressionnisme, le futurisme et le cubisme influencent leurs œuvres. 
De retour au Brésil, tous ambitionnent cependant de créer un art moderne brésilien. Ils se confrontent aux traditions et aux sujets qu’ils définissent comme « les leurs » : les coutumes indigènes, les cultures afro-brésiliennes introduites par les esclaves, la pluralité ethnique. Avec la révolution de 1930 puis l’instauration du régime dictatorial « Estado Novo » par Getúlio Vargas, l’art s’oriente vers d’autres thématiques - l’exploitation des ouvriers agricoles, l’injustice sociale - et adopte un style plus réaliste. 
Après la destitution de Vargas, une deuxième génération d’artistes modernes s’intéresse, à partir des années 1950, aux thèmes sociaux-culturels propres au contexte brésilien : l’ethnicité, la religion et le monde du travail. Le putsch militaire de 1964 marque le début d’une nouvelle ère où les artistes traitent de la répression politique et sociale.  Le Brésil à Berne  Après une entrée remarquée en Europe d’œuvres de la modernité brésilienne à la Biennale de Venise cette année, l’Exposition Brasil ! Brasil ! À l’aube du modernisme propose un vaste aperçu de l’art moderne du Brésil. Elle présente les œuvres de dix artistes brésiliens de la première moitié du 20e siècle, jusqu’ici rarement montrées au sein d’expositions et de collections en Europe. Par ailleurs, l’exposition propose une large vue d’ensemble de réalisations brésiliennes majeures dans les champs de la littérature, de la musique, du design et de l’architecture à travers des photographies, des films et des bornes sonores. Les artistes représentés dans l’exposition sont répartis en deux catégories. Anita Malfatti, Vicente do Rego Monteiro, Tarsila do Amaral, Lasar Segall et Candido Portinari appartiennent depuis longtemps au canon du modernisme brésilien. 
À leurs côtés, cinq artistes furent longtemps absents du canon brésilien : Flávio de Carvalho, Alfredo Volpi, Djanira da Motta e Silva, Rubem Valentim et Geraldo de Barros. Des coutumes populaires, à l’instar de fêtes villageoises ou de rituels, servent de motifs à Alfredo Volpi et Djanira da Motta e Silva, tandis que Rubem Valentim intègre dans ses compositions des symboles comme la flèche, le triangle, le cercle et la hache ancrés dans des rituels religieux afro-brésiliens du Candomblé. Motta e Silva ainsi que Valentim appartenaient tous deux à ces cultures. N’ayant pas reçu de formation artistique classique, leur art fut longtemps considéré comme « primitif » ou populaire.  De Barros et de Carvalho se situant entre art visuel, architecture et design, ils furent longtemps difficiles à intégrer au canon artistique. En outre, de Carvalho déclencha de vives réactions à travers ses actions performatives et ses portraits de femmes peints dans un style expressionniste. Quelque 130 œuvres témoignent de la diversité de l’art moderne brésilien au Zentrum Paul Klee. L’exposition s’attache à faire découvrir au public un art jusqu’ici peu connu et avec lui tout un pays. 
Artistes exposés: Tarsila do Amaral (1886-1973) Anita Malfatti (1889-1964) Lasar Segall (1889-1957) Alfredo Volpi (1896-1988) Vicente do Rego Monteiro (1899-1970) Flávio de Carvalho (1899-1973) Candido Portinari (1903-1962) Djanira da Motta e Silva (1914-1979) Rubem Valentim (1922-1991) Geraldo de Barros (1923-1998).

L’exposition sera ensuite présentée à la Royal Academy of Arts de Londres.  Du 7 septembre 2024 au 5 janvier 2025
Zentrum Paul Klee, Berne

Séverine et Raymond Benoit (12/9/2024)



Chefs-d’œuvre du Musée Langmatt : Boudin, Renoir, Cézanne, Gauguin…

En 2024, la Fondation de l’Hermitage fête ses 40 ans et présente une exposition exceptionnelle en partenariat avec le Museum Langmatt de Baden. Constituée des trésors – majoritairement impressionnistes – rassemblés pour l’essentiel entre 1908 et 1919 par le couple de collectionneurs Jenny et Sidney Brown, cette somptueuse collection, habituellement montrée à la Villa Langmatt, fera escale à l’Hermitage pour sa première présentation hors-les-murs.
Quarante ans après son exposition inaugurale L’impressionnisme dans les collections romandes, la Fondation a ainsi le privilège de dévoiler l’une des plus prestigieuses collections impressionnistes de Suisse alémanique. Cette présentation-événement permet aussi de célébrer les 150 ans de l’impressionnisme, qui s’est cristallisé en 1874 autour de la première exposition collective d’un groupe de jeunes artistes indépendants, comme Monet ou Renoir, adeptes d’une « nouvelle peinture ».
L’origine
A Baden, canton d’Argovie, Jenny Sulzer et Sidney Brown, tous deux issus de familles de grands entrepreneurs basés à Winterthour, se marient en 1896. C’est pendant leur voyage de noces à Paris qu’ils achètent leur première œuvre, un paysage d’Eugène Boudin représentant des lavandières près de Trouville. Ce tableau scelle d’emblée un attrait pour la peinture française, et en particulier pour la couleur et les effets de lumière.
Une collection prestigieuse
Au tournant du 20e siècle, les Brown effectuent maints voyages pour découvrir la création de leur temps et soutenir des artistes. Dominée par les paysages et les natures mortes, la collection réunit des œuvres de Pierre Bonnard, Eugène Boudin, Mary Cassatt, Camille Corot, Paul Cézanne, Edgar Degas, Henri FantinLatour, Paul Gauguin, Henri Matisse, Claude Monet, Camille Pissarro, Odilon Redon, Pierre-Auguste Renoir, ou encore Alfred Sisley, constituant ainsi l’une des premières et plus significatives collections impressionnistes de Suisse.
Première étape hors les murs
Ces chefs-d’œuvre sont désormais conservés à la Villa Langmatt, que le couple a fait construire dans le style Art nouveau par l’architecte Karl Moser entre 1899 et 1901. La demeure, inspirée de l’architecture rurale anglaise, est actuellement fermée pour d’importants travaux de rénovation. L’exposition de la collection Langmatt à la Fondation de l’Hermitage réunira plus de 60 œuvres parmi les plus remarquables de cet ensemble : une occasion unique d’admirer ces trésors hors de leur écrin habituel.
L’exposition
A la villa de L’Hermitage, la collection se découvre dans une disposition qui se rapproche de son lieu d’origine, la Langmatt. La disposition des pièces permet de rassembler les peintures par thèmes - Premières acquisitions : paysages pré-impressionnistes Boudin, Corot, Degas - De la Sécession munichoise au paysage impressionniste Pissarro, Sisley, Monet - Natures mortes Fantin-Latour, Renoir, Vignon, Pissarro - Au cœur de la collection Renoir - Puissance de la couleur et des ombres Cassatt, Degas, Fantin-Latour, Redon.
La collection de tableaux de Renoir est particulièrement impressionnante, peut-être la plus intéressante comme collection particulière. Elle complète ainsi les Renoir que l’on peut découvrir à la Fondation Gianadda (v. Critique la concernant).
L’exposition fera ensuite étape au Wallraf-Richartz-Museum & Fondation Corboud, à Cologne, puis à la Österreichische Galerie Belvedere, à Vienne.
Fondation L’Hermitage, Lausanne – 28 juin au 3 novembre 2004



Cézanne-Renoir : Regards croisés

Cézanne, Renoir: regards croisés :  Les voilà réunis à la Fondation Gianadda de Martigny, après deux positions individuelles (2014, 2017) dans le même espace du Musée gallo-romain. La confrontation est le défi que les musées de l’Orangerie et d’Orsay à Paris désirent démontrer cet été avec quelque 60 tableaux.
La majorité des œuvres provient de la collection de Paul Guillaume, qui vient d’ouvrir à Paris, en 1914, sa première galerie, rue de Miromesnil. Il fut parmi les premiers à reconnaître le caractère artistique des objets africains, aux côtés de Vlaminck, Derain, Matisse, Picasso et Apollinaire. Ce dernier lui recommande d’acquérir « des tableaux bon marché...de Cézanne» ! La désorganisation de l’an 1914 ayant conduit plusieurs grands marchands à quitter Paris, Paul Guillaume se fait une place sur un marché de l’art. Il fait paraître des encarts publicitaires en 1916 : «Au 1er septembre je suis acheteur de Renoir, Cézanne, Van Gogh, Lautrec, Monet, Picasso etc.». Dès lors, Guillaume mène de front une activité de marchand et la constitution de sa propre collection qui comprend un choix important des peintres de son époque, dont bien sûr Cézanne.
D’autre part, le goût de Paul Guillaume pour Renoir se révèle précoce. On en trouve les traces dès la fin des années 1910. De Guillaume Apollinaire, qui fut son ami et son guide dans le monde des arts, Paul se souvient de la leçon de l’écrivain qui déclarait que Renoir était «le plus grand peintre de ce temps et l’un des plus grands peintres de tous les temps». Paul Guillaume accueille dans sa galerie de Londres, une grande exposition d’œuvres de Renoir en 1928 issues des collections des fils de l’artiste. Renoir est exposé avec d’autres artistes tels Derain, Picasso, Cézanne, Matisse, etc. Paul Guillaume place ainsi les productions de Renoir dans des jeux de correspondances singulières et des affinités électives situant délibérément le peintre dans une histoire de la modernité.
En 1934, Paul Guillaume meurt prématurément sans avoir mené à bien un projet « d’hôtel-musée ». Sa veuve, Juliette Lacaze dite Domenica, suivant les volontés testamentaires de son mari, ferme la galerie et hérite de l’incroyable collection. Le défunt a demandé qu’elle soit léguée au musée du Louvre. Lorsqu’en 1959 et 1963 les Musées nationaux achètent à Juliette Lacaze (devenue Domenica Walter après un second mariage) la collection Paul Guillaume, celle-ci a été sensiblement remaniée. Les œuvres les plus audacieuses de Picasso et Matisse –celles de l’expérience cubiste –ont été vendues, tandis que l’ensemble est enrichi de tableaux impressionnistes.
Le musée de l’Orangerie compte cinq tableaux de Cézanne achetés par Paul Guillaume et dix autres par sa veuve, si bien que l’Orangerie réunit aujourd’hui certaines des œuvres les plus importantes du maître d’Aix. Avec 24 œuvres au total, Renoir est actuellement le deuxième artiste le plus représenté de la collection Walter-Guillaume du musée de l’Orangerie. Renoir y apparaît confronté aux grands maîtres de l’avant-garde du début du XXe siècle. La collection Walter-Guillaume fait ainsi dialoguer les peintures de Renoir aussi bien avec les grandes baigneuses de Picasso qu’avec les odalisques de Matisse, faisant de l’œuvre du maître le substrat d’une certaine modernité.
À la croisée du XIXe et du XXe siècle, Renoir et Cézanne ont creusé deux sillons de la modernité picturale : le premier en frayant le chemin de traverse de l’impressionnisme, où la ligne cède le pas à la touche, à la couleur et à la lumière ; le second en pavant une voie nouvelle aux tracés rythmiques et synthétiques. Bien que distinctes, leurs trajectoires n’ont cessé de se rencontrer, par l’amitié, par l’admiration réciproque, par une communauté de sujets et de questionnements aussi, de la nature morte aux paysages, du portrait au nu, et jusque dans leur quête d’une essence des choses et des êtres. 
La première partie de l’exposition présente une introduction établie sur des comparaisons de deux tableaux de Cézanne et de Renoir. Elle relève les thèmes les plus typiques en mettant en exergue les confrontations dans leur manière de peindre les natures mortes, les paysages, les portraits et les baigneuses.
Dans la deuxième partie, une approche chronologique des deux artistes met en évidence leur évolution stylistique singulière. Le poirier d’Angleterre, 1873, où Renoir présente un paysage pleinement impressionniste dominé par les différentes tonalités de vert marque l’attrait du peintre pour une végétation foisonnante. Elle est à la fois le décor et le sujet de la toile, dominant les trois figures humaines qui mettent en valeur le côté monumental du poirier. 
La dernière partie montre le passage à la postérité de Cézanne et Renoir. « Il faut traiter la nature par le cylindre, la sphère et le cône » écrit Cézanne. Son application dans la géométrisation des formes et la construction de l’espace annonce le cubisme comme dans Dans le Parc de Château Noir, 1900. Cézanne traite des arbres, dans une composition serrée, centrée sur l’arbre, sujet favori de l’artiste à la fin de sa vie. Alors que Renoir contribue à façonner le cours de l’art moderne avec son exploration de la lumière, sa maîtrise du portrait et sa célébration des nus comme dans Femme nue couchée, 1906.
Pour illustrer l’envergure de Renoir et Cézanne sur la nouvelle génération de ces peintres modernes, des œuvres de Picasso complètent avec panache cette rencontre magnifique de deux géants de l’histoire de l’art dans un espace agréable qui permet la comparaison et la confrontation immédiates.

Séverine et Raymond Benoit
Fondation Gianadda, Martigny (Suisse)
12 juillet –19 novembre 2024



When We See Us - Un siècle de peinture figurative panafricaine

Quand on pénètre dans le musée Gegenwart, annexe du Kunstmuseum Basel (Musée d’art de Bâle), on entre dans un monde en plein contraste avec les tours ultramodernes de la maison Rochje au-delà du Rhin traversé par le petit ferry « Wilde Ma » (L’homme sauvage) juste à côté.
Avec l’exposition When We See Us, le Kunstmuseum Basel présente un kaléidoscope qui raconte un siècle de peinture figurative noire. Il s'agit d’une reprise de l’exposition organisée au Zeitz Museum of Contemporary Art of Africa au Cap. Installée dans les espaces du Gegenwart, elle réunit plus de 150 peintures d’environ 120 artistes, jamais exposées en Suisse pour la plupart, et apporte un éclairage sur la puissance et la dimension politique de la « Black Joy ».
Le titre de l’exposition s’inspire de la mini-série de Netflix When They See Us (Dans leur regard, 2019). La réalisatrice afro-américaine Ava DuVernay y aborde la manière dont des Blancs perçoivent indifféremment de jeunes Noirs innocents comme de potentiels criminels constituant une menace. En remplaçant « They » par « We », l’exposition opère un changement de perspective et offre ainsi un espace aux artistes pour montrer la manière dont ils voient leur condition. Elle accorde une place centrale à leur perception propre et révèle comment la vie des Noirs ne cessa d’être représentée par d’autres de manière biaisée et fausse.

When We See Us est le résultat de recherches approfondies menées par Koyo Kouoh, directrice et cheffe curatrice du Zeitz MOCAA au Cap, et son équipe. De novembre 2022 à septembre 2023, ce musée dédié à l’art contemporain africain, le plus grand au monde, a présenté cette vaste exposition. Celle-ci est représentative d’une nouvelle perception de soi et de l’autodétermination d’artistes noir(e)s qui, après des siècles de domination par le canon artistique blanc, écrivent leur propre histoire de l’art.
Au Kunstmuseum Basel, elle succède à une série d’expositions monographiques consacrées à des artistes afro-américain(e)s : Theaster Gates, Sam Gilliam, Kara Walker et dernièrement Carrie Mae Weems. Ces expositions et bien d’autres explorent la « Blackness » dans le monde, notamment au regard des traumatismes et des aspects du colonialisme. D’après les commissaires Koyo Kouoh et Tandazani Dhlakama, When We See Us se concentre quant à elle sur le quotidien ainsi que sur la « puissance de la joie », éliminant ainsi les stéréotypes liés au racisme, à la violence ou aux crises.
L’exposition s’attache à proposer aux individus un nouvel angle de vue tour à tour solennel, puissant et digne : « Il faut que nous parlions beaucoup plus de nous-mêmes, d’une manière qui stimule notre esprit » disent-elles. Six sections du quotidien Plus de cent cinquante œuvres d’art sont réparties en six chapitres d’exposition, répartis dans les étages du bâtiment : Triomphe et émancipation, Sensualité, Spiritualité, Le quotidien, Joie et allégresse et Repos.
Les salles ne sont pas aménagées de manière chronologique, ni selon le pays d’origine ou le lieu de travail des artistes. Cette disposition permet de rester éveillé pour faire le lien entre les diEérentes époques, genres et pays d’origine. La déclinaison en des thèmes universels indique également pour la première fois que les artistes ont travaillé aux mêmes thématiques à différents endroits en Afrique et au sein de la diaspora africaine.
Ainsi, des parallèles iconographiques s’esquissent entre les œuvres de Romare Bearden (1911–1988), artiste afro-américain, et de George Pemba (Afrique du Sud, 1912–2001), ou entre le Congolais Chéri Samba (*1956) et l’AfroAméricain Barkley L. Hendricks (1945–2017). When We See Us occupe l’ensemble des espaces du Kunstmuseum Basel | Gegenwart. Comme au Zeitz MOCAA, Ilze WolE, associée de l’agence WolE Architects au Cap, a été chargée de la scénographie, tandis que le musicien Neo Muyanga a conçu les stations sonores.
Une frise chronologique précise le contexte de création des œuvres exposées et un audioguide adapté pour le Kunstmuseum Basel fournit des informations sur les œuvres.
Le programme qui accompagne l’exposition met en avant diEérentes voix noires à travers la musique, la littérature, des ateliers, des visites guidées, des groupes de discussion et des événements universitaires. Au rez-de-chaussée, une salle spécialement conçue pour accueillir ce programme sert de lounge public ainsi que de lieu de rassemblement et d’événements pour les ateliers, séminaires, concerts et autres.
25/5 – 27/10/2024 - Kunstmuseum Basel | Gegenwart

Séverine et Raymond Benoit - 19/6/2024

 


Théâtre


Cinéma

Killers of the flower moon : un monument à ne rater sous aucun prétexte

Si au cours de vos humanités vous avez lu Tintin en Amérique (1932), Lucky Luke dans « ruée sur l’Oklahoma » (1960) ou « à l’ombre des derricks » (1962), vous ne pouvez ignorer que les méchants cow-boys, dès qu’ils humaient un parfum de pétrole, chassaient les gentils Indiens pour y installer leurs derricks.
La tribu des Osages, dans les années 20, s’en était plutôt mieux tirée, puisque, le pétrole ayant été trouvé sur leur réserve, ils bénéficiaient d’une partie du revenu de l’exploitation. Et comme ils étaient relativement peu nombreux, cela rendait chacun (et chacune) de ces Peaux-Rouges d’un seul coup très riches. Cela n’échappa à des coureurs de dot, qui épousèrent ces squaws en or massif.
Mais cela fit aussi le malheur de la tribu, car (fait historique) une vague de morts suspectes vint affecter la communauté. Scorsese s’appuie sur ce fait réel pour bâtir un beau et long (3h30) opus. Il a visiblement passé beaucoup de temps à lire des ouvrages ethnologiques, car il sait nous restituer magnifiquement la fin de ce monde amérindien obligé de sauter dans la modernité.
Nous allons donc rencontrer William Hale (=Robert de Niro) un notable local qui se veut bienfaiteur des Indiens, mais qui en sous-main nourrit de noirs desseins. Il embauche son neveu, Ernest Buckart (= Leonardo di Caprio), un peu simplet mais au diapason de la violence de ce monde sans foi ni loi. Là où ça se corse, c’est que le bel Ernest marie une belle Indienne, Molly, qui pour le coup est riche mais aussi pleine de charme. C’est Lily Gladestone, qui perce l’écran. Et Ernest tombe amoureux, on le comprend, de la belle Molly. Ça va faire dérailler le plan du vieil oncle, on ne vous dira pas la suite.
Scorsese (80 ans) n’a pas perdu la main. Celui qui nous a fait plonger dans les bas-fonds de New-York, écouter les stars de la pop, s’émerveiller devant le monde de Méliès, signe là un chef d’œuvre. Il a coproduit le film, et y a mis tellement de talent que l’on pourrait penser, vu son âge, qu’il a voulu nous laisser un testament.
Vous avez compris, précipitez-vous !

PS : le capitaine, dans une vie antérieure, a beaucoup fréquenté les sympathiques cow-boys de Phillips Petroleum, allant les voir à Bartlesville (Oklahoma). Il peut vous certifier que 50 ans après les faits relatés par le film , il y avait encore d’authentiques Indiens Osages parmi les dirigeants de la Compagnie.

Alix Caudrillier  (31/10/2023)


Musique

Pascal Amoyel - "Le pianiste aux 50 doigts"

Pour l’anniversaire des 30 ans de la disparition du grand pianiste hongrois György Cziffra, le pianiste (et acteur) Pascal Amoyel reprend son spectacle musical “Le pianiste aux 50 doigts” au Théâtre Montparnasse.
Retraçant quelques épisodes marquants de la vie du pianiste et ses relations avec son élève Pascal, ce spectacle enchante et émeut tant par le jeu d’acteur, la mise en scène que par la maîtrise technique et musicale exceptionnelle du pianiste.

 Jusqu’au 31 décembre 2023 - à ne pas manquer.

Jeudi & vendredi - 20h
Samedi - 17h & 20H - Dimanche 17h

Lien

Thierry Vagne - 29/11/2023


 

 

Photo : DR

En première mondiale, l’hologramme d’un virtuose enregistré de son vivant

Philippe Entremont, 85 ans, est un virtuose français qui a donné 7 000 concerts et réalisé 350 enregistrements. Sa carrière internationale lui a permis de jouer et d’enregistrer avec des chefs aussi illustres que Leonard Bernstein ou Eugene Ormandy, puis de se produire de par le monde aussi bien en tant que pianiste que chef d’orchestre. Il vient de réaliser un enregistrement de son hologramme qui permettra de le voir donner un récital comme s’il était physiquement présent. Des spectacles d’hologramme d’artistes disparus existent déjà, avec des artistes de variétés ou Maria Callas par exemple. Mais jamais l’expérience n’a été réalisée en enregistrant directement un artiste de son vivant via ce procédé.
Au programme : la Fantaisie chromatique et fugue de Bach, la sonate K. 311 de Mozart, la sonate Clair de lune de Beethoven et Pour le piano de Debussy. Ce programme devrait être diffusé dans des salles prestigieuses début 2020. On pourra probablement dans l’avenir visualiser cet hologramme chez soi, avec des lunettes de réalité augmentée.
Lire l’article

Thierry Vagne - 06/12/2019


Cinéma

Killers of the flower moon : un monument à ne rater sous aucun prétexte

Si au cours de vos humanités vous avez lu Tintin en Amérique (1932), Lucky Luke dans « ruée sur l’Oklahoma » (1960) ou « à l’ombre des derricks »(1962), vous ne pouvez ignorer que les méchants cow-boys, dès qu’ils humaient un parfum de pétrole, chassaient les gentils Indiens pour y installer leurs derricks.
La tribu des Osages, dans les années 20, s’en était plutôt mieux tirée,  puisque, le pétrole ayant été trouvé sur leur réserve, ils bénéficiaient d’une partie du revenu de l’exploitation. Et comme ils étaient relativement peu nombreux, cela rendait chacun (et chacune) de ces Peaux-Rouges d’un seul coup très riches. Cela n’échappa à des coureurs de dot, qui épousèrent ces squaws en or massif.
Mais cela fit aussi le malheur de la tribu, car (fait historique) une vague de morts suspectes vint affecter la communauté. Scorsese s’appuie sur ce fait réel pour bâtir un beau et long (3h30) opus. Il a visiblement passé beaucoup de temps à lire des ouvrages ethnologiques, car il sait nous restituer magnifiquement la fin de ce monde amérindien obligé de sauter dans la modernité.
Nous allons donc rencontrer William Hale (=Robert de Niro) un notable local qui se veut bienfaiteur des Indiens , mais qui en sous-main nourrit de noirs desseins. Il embauche son neveu, Ernest Buckart (= Leonardo di Caprio), un peu simplet mais au diapason de la violence de ce monde sans foi ni loi. Là où ça se corse, c’est que le bel Ernest marie une belle Indienne, Molly, qui pour le coup est riche mais aussi pleine de charme. C’est Lily Gladestone, qui perce l’écran. Et Ernest tombe amoureux, on le comprend, de la belle Molly. Ça va faire dérailler le plan du viel oncle, on ne vous dira pas la suite.
Scorsese (80 ans) n’a pas perdu la main. Celui qui nous a fait plonger dans les bas-fonds de New-York, écouter les stars de la pop, s’émerveiller devant le monde de Méliès, signe là un chef d’œuvre. Il a coproduit le film, et y a mis tellement de talent que l’on pourrait penser, vu son âge,  qu’il a voulu nous laisser un testament.
Vous avez compris, précipitez-vous !

PS : le capitaine, dans une vie antérieure, a beaucoup fréquenté les sympathiques cow-boys de Phillips Petroleum, allant les voir à Bartlesville (Oklahoma) . Il peut vous certifier que 50 ans après les faits relatés par le film , il y avait encore d’authentiques Indiens Osages parmi les dirigeants de la Compagnie.

Alix Caudrillier (31/10/2023)

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