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L'art visuel

Renouvellement du label « Ville d'Art et d'Histoire » à Menton

Dans cette démarche, tous les éléments sont pris en compte : patrimoine naturel et paysager, architectural, urbain et mobilier, aussi bien que le patrimoine technique et ethnologique.

La mise en œuvre du label VPAH repose sur une convention de partenariat signée entre l'État et la collectivité labellisée. En 30 ans, les partenariats se sont largement enrichis et diversifiés avec des acteurs associatifs, des universités, des établissements publics et privés et des réseaux de collectivités, etc. Tout organisme compétent peut être sollicité.

Actuellement, la France compte 206 « villes et pays d'art et d'histoire ». Le label doit être renouvelé tous les 10 ans. Ce renouvellement est loin d'être automatique car il s'agit d'un label très exigeant. Il est forcément le fruit de travaux de groupes et de longue haleine qui récompense les actions nombreuses et différentes menées tout au long de l'année pour valoriser au maximum le patrimoine et transmettre l'histoire locale au plus grand nombre.  

Prenons la ville de Menton à titre d'exemple. Elle détient ce label depuis 1991. Afin d'obtenir son renouvellement pour la décennie 2025-2035, elle a présenté un « Dossier de candidature » qui pourrait faire rougir un grand nombre de guides et d'ouvrages historiques de qualité. Ce sont les personnels du Service du Patrimoine qui le réalisent, véritable tour de force car l'ouvrage doit présenter, évidemment de façon très synthétique, tous les aspects caractéristiques et particuliers de CETTE ville.

Menton ne peut s'abstenir de mentionner aussi tous les apports du passé de la famille Grimaldi de Monaco qui continue à aider « la perle de la France » selon l'expression du géographe Elisée Reclus (1830-1905) et du plus en plus connue internationalement comme « la Cité du Citron ».  Il s'agit du « Citron de Menton », bien sûr, depuis l'attribution de son IGP (Indication Géographique Protégée) en octobre 2015 alors que son Citron y est cultivé depuis 1341. Ce fruit d'or est célébré depuis 1928 lors de la première exposition privée dans les jardins du luxueux hôtel Riviera Palace. Sa « Fête » continue à avoir lieu annuellement pendant la période du Carnaval (février/mars).

A l'occasion de cette signature, le maire a énuméré quelques-uns des grands projets prévus ou déjà engagés pour les dix années à venir. Il y a par exemple le Palais de Carnolès, ancienne résidence d'été de la famille Grimaldi, et acquis par la ville de Menton en 1961. Devenu musée des Beaux Arts, sa restructuration complète vient d'obtenir un investissement de 5 millions d'euros. La rénovation de la chapelle de la Madone, va bénéficier, elle, d'une souscription lancée par la Fondation du Patrimoine.

Le renouvellement du label VPAH pour la décennie 2035-2045 est déjà en action !
Menton, Ville d’Art et d’Histoire

Marie-Claude Vettraino-Soulard (15/10/2025)



Kandinsky, Picasso, Miró et al. de retour à Lucerne

Avertis il y a peu de temps de l’existence de cette très importante exposition au plan historique, nous en faisons état pour nos abonnés bien qu’elle se termine début novembre.

En 1935, une exposition de tous les superlatifs fut présentée au Kunstmuseum Luzern, qui avait ouvert ses portes depuis peu : on pouvait y admirer des œuvres d’Alberto Giacometti, de Joan Miró, de Sophie Taeuber-Arp, de Pablo Picasso, de Georges Braque, d’Alexander Calder et d’autres artistes encore.
Tandis qu’à la même époque, dans l’Allemagne nationale-socialiste, l’œuvre de Wassily Kandinsky, de Paul Klee ou de Piet Mondrian était décriée comme « dégénérée », ce furent précisément des figures du modernisme de ce type que le Kunstmuseum Luzern exposa, au cœur d’une Europe toujours plus totalitaire.  Intitulée (dans le titre original), These, Antithese, Synthese, cette exposition historique permit au musée de s’imposer à l’international. Jusqu’à nos jours, elle demeure « légendaire », « inimitable » et « sans pareille » (sans allusions récentes !). Que les muséologues la considèrent impossible à reconstituer par une institution de taille moyenne comme le Kunstmuseum Luzern du fait de la qualité des œuvres exposées a éveillé les ambitions de l’équipe actuelle sous la direction de Fanni Fetzer, conservatrice. 
Sous le titre « Kandinsky, Picasso, Miró et al., de retour à Lucerne », le musée présente soit les œuvres originales exposées à Lucerne en 1935, soit des alternatives valables dans les cas où, pour diverses raisons, les œuvres en question n’ont pu être empruntées. Il a fallu plus de cinq ans pour localiser la centaine d’œuvres de l’exposition originale de 1935. 
La plupart d’entre elles datent des années 1920 et 1930 ; depuis, elles ont intégré, par le biais du marché de l’art, les collections privées et les musées les plus importants au monde. D’autres œuvres, pour leur part, ont disparu, voire ont été détruites. Le manque de sources a rendu la recherche encore plus difficile : peu de documents de 1935 portant sur l’exposition historique sont parvenus aux commissaires qui témoignent des bouleversements intellectuels, politiques et culturels de l’entre-deux-guerres. 
L’exposition représente donc tout autant une autocritique de l’institution et de son histoire. En effet, même si celle de 1935 cherchait à tenir la promesse du modernisme et à proposer une alternative au capitalisme et au fascisme, elle fit explicitement l’impasse sur les femmes ou les personnes d’origine extraeuropéenne. La seule artiste femme exposée en 1935 est Sophie Taeuber-Arp. 
Prenant acte du refus des trois organisateurs de l’époque, Paul Hilber, Konrad Farner et Hans Erni, d’exposer l’œuvre de Barbara Hepworth, l’exposition actuelle permet à cette dernière de prendre sa revanche en présentant également un certain nombre d’œuvres de cette artiste. Avec Sophie Taeuber-Arp et Barbara Hepworth, l’exposition rend ainsi visible à l’aide d’exemples l’histoire des femmes artistes marginalisées de l’époque moderne. Elle accroît la sensibilité aux relations qui existent entre différents contextes. Cela rend la visite d’autant plus intéressante dans cet aspect de reconstitution adaptée à l’évolution actuelle sur les plans artistique et politique.

Kunstkmuseum (Musée d’art) de Lucerne
Jusqu’au 2 novembre 2025

Raymond et Séverine Benoit (11/10/2025)


 

Andrea Branzi, le règne des vivants/strong>

Pour la première fois, le musée des impressionnismes de Giverny s’associe avec le Centre Pompidou et présente “ Andrea Branzi, le règne des vivants ”, une exposition hommage au brillant designer italien disparu en 2023.

Le géant de la pensée radicale, Andrea Branzi est né le 30 novembre 1938 à Florence. En 1973, il s’installe à Milan et en 1977, il rejoint le studio Alchimia (ou Alchymia) fondé  à Milan, collectif radical et expérimental rassemblant des personnalités variées qui ont en commun le rejet du minimalisme et de la production industrielle. En 1981, Branzi rejoint le groupe Memphis, fondé par Ettore Sottsass (1917-2007), grand seigneur du design italien de la fin du 20e siècle. Emblématique des années 1980, ce  mouvement de design influent est connu pour ses designs audacieux et colorés s’opposant avec humour à l’austérité du modernisme.

Alchimia reçoit le prestigieux prix italien du design Compasso d’Oro pour ses recherches en design. Les studios Alchimia (1976) puis Memphis (1981) ont tour à tour  bouleversé l’histoire du design contemporain. En 1982, il ouvre son atelier personnel à Milan. Il cofonde la Doma Academy, première école d’enseignement supérieur consacrée au design en Italie dont il sera le directeur artistique pendant 10 ans. En 1985, la collection “ Animali Domestici ” est éditée par la marque Zabro. Conçues par Andrea Branzi, ces pièces de mobilier associent les branches d’arbre à des éléments en menuiserie industrielle. En 1987, Branzi reçoit le Compasso d’Oro pour l’ensemble de son œuvre de designer et de théoricien. En 1994, la Domus Academy se voit décerner un Compasso d’Oro pour la qualité de son enseignement. En 2008, Branzi reçoit un diplôme Laurea Honoris Causa en design industriel de la Sapienza, université de Rome. En 2009, il est nommé membre du Consiglio Italiano del Design (Conseil italien du Design) du ministère de la Culture. En 2022, il reçoit le Prix Italien d’architecture décerné par MAXXI - musée national des Arts du XXIe siècle (Rome) et la Triennale de Milan, pour l'ensemble de sa carrière. Objets poétiques jouant avec l’eau, les fontaines ont captivé Branzi.

Juste avant sa disparition, il travaillait à une fontaine destinée au musée des impressionnistes Giverny, qu’il ne put malheureusement terminer.  Le musée décide d’acquérir Fontana Alberto, une œuvre de 1998. On peut désormais la découvrir dans le jardin. Cette Fontana Albero (fontaine arbre) est la quintessence de la démarche de Branzi. La fontaine devient arbre et l’arbre devient fontaine.

Andrea Branzi est mort le 9 octobre 2023 à Milan d’une crise cardiaque à 84 ans. En 2009, il rêvait d'un lâcher de vaches et de singes dans Paris pour célébrer une métropole plus humaine, moins anthropocentrique. Designer, architecte, théoricien, professeur, auteur de nombreux ouvrages, Branzi a accompli une œuvre considérable, tournée vers une expérimentation radicale du design, qui interroge la société post-industrielle des XXe et XXIe siècles. Ses designs combinent souvent fonctionnalité et éléments poétiques et affectifs, remettant en question les notions traditionnelles du modernisme. Pour Branzi, le design est avant tout émotionnel.

Certaines de ses œuvres notables incluent “ Bamboo interior Wood ”, une installation à grande échelle. où chaque bambou peint et ponctué de signes archaïques possède une séquence de couleurs ancrées dans les cultures différentes. L’exposition rassemble une collection d’œuvres emblématiques issues des collections publiques françaises (Centre Pompidou, Centre national des Arts plastiques de Paris, musée des Arts décoratifs de Paris, musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux et des prêteurs privés) ; la famille d’Andrea Branzi a également contribué au projet en proposant un ensemble très important de dessins et d’objets qui permettent d'entrer dans l’intimité de sa pensée.

Andrea Branzi a influencé par ses écrits toute une génération de designers et son travail a eu un impact significatif sur le monde du design, en particulier dans le domaine de l’architecture et du design radicaux. En parallèle de l’exposition Andrea Branzi, le musée met en lumière une sélection d'œuvres de sa collection. Branzi admirait la figure de Monet qui élabora son propre paysage artificiel dans les jardins de Giverny. Le jardin de Monet continue d’inspirer les artistes contemporains.

Musée des impressionnismes Giverny

Jusqu'au 2 novembre 2025

Jacky Morelle (30/9/2025)


Art pour tous: Monster Chetwynd

Monster Chetwynd (c’est le nom de l’artiste britannique) a réalisé la première commande destinée au Jardin de l’Art du Kunsthaus Zürich: une tête géante inspirée de Bomarzo, de la science-fiction et de la tradition des folies. L’intérieur abrite une structure à grimper qui invite enfants et adultes à explorer activement la sculpture.

Si quelqu’un a le droit de poser une tête colossale dans le Jardin de l’Art du Kunsthaus Zürich, c’est bien Monster Chetwynd. L’artiste britannique (née en 1973 à Londres, elle vit et travaille à Zurich) est connue pour sa radicalité drolatique, son goût de l’absurde et son humour lourd de sens. Avec ce nouveau travail, elle présente la première commande destinée au Jardin de l’Art du bâtiment Chipperfield: une sculpture dans laquelle il est possible d’entrer, et qui semblera tout droit surgie d’un rêve irréel – ludique, monumentale, ouverte au point d’agacer. Conçue spécifiquement pour ce lieu, cette œuvre accomplira la vocation de ce Jardin de l’Art créé par David Chipperfield.

Le concept de «folie», ces petites constructions ornementales typiques des jardins anglais, sans utilité apparente, est central dans ce travail. Chetwynd s’empare de cette tradition et la transforme en une sculpture contemporaine qui conjugue irritation et jeu. Les folies se voulaient à l’origine expression d’une liberté esthétique et fuite ludique hors du monde.

 Toute l’œuvre de Chetwynd est traversée par cette fascination pour la monstruosité, la fantaisie, l’énormité. Et sans cesse, les têtes reviennent dans sa démarche artistique. « J’ai toujours voulu faire une grande tête et vivre dedans. Je ne sais pas pourquoi », dit-elle. « Je crois que j’ai simplement une prédilection pour les grandes têtes, colossales. » Dès ses études d’anthropologie, l’artiste a commencé à s’intéresser aux sculptures colossales et aux monuments fragmentés de l’Antiquité. Pour réaliser ce projet au Kunsthaus, elle a travaillé avec des architectes et des ingénieurs, notamment avec la start-up Contouro, issue de l’ETH Zurich et liée à la chaire Digital Building Technologies. Ce projet a été accompagné par le commissaire Raphael Gygax.

Autre source d’inspiration marquante avec Bomarzo : le film «Zardoz» (1974) de John Boorman. Dans cette dystopie surréelle, une tête de pierre vole à travers un monde divisé. Mais pour Chetwynd, cette référence picturale contient aussi un potentiel subversif: « J’y vois la possibilité de saper les représentations du pouvoir patriarcal, justement en les faisant tourner au grotesque. » Pour elle, l’impact féministe consiste à changer le code du monumental: la tête menaçante devient un espace d’expérience accessible, ludique. À l’intérieur, une gigantesque structure à grimper invite enfants et adultes à l’explorer physiquement, comme sculpture, terrain de jeu, figure de pensée. Une bonne condition physique et une bonne agilité sont recommandées pour la montée au sommet, où se trouve une terrasse. On contemple le jardin depuis huit mètres de hauteur.

 Kunsthaus Zurich - Accès gratuit au jardin de 6h à 21h30

Raymond et Séverine Benoit (24/9/2025)

 


Théâtre

Les Collectionnistes

Le charmant Théâtre du Petit Montparnasse nous a rarement déçus.
Ce soir, il est question de peinture. Sous le curieux titre "Les Collectionnistes", François Barluet a imaginé une réunion chez les Durand-Ruel. Selon les recettes les plus classiques chères à Lagarde et Michard, il y aura unité de temps, d'objet et de lieu. Le metteur en scène Christophe Lidon va nous enfermer pendant une grosse heure dans un salon bourgeois, celui du marchand de tableaux Paul Durand-Ruel (1831-1922 incarné par Christophe de Mareuil) et de sa charmante épouse Jeanne-Marie (Christèle Reboul). Pour un peu, le décor serait planté pour une pièce de Georges Feydeau.
Nous sommes juste après la funeste guerre de 1870. Durand-Ruel est allé pendant les combats se réfugier à Londres où il a rencontré Monet. De retour à Paris, il accueille ceux qu'on va bientôt appeler "les Impressionnistes". Il croit à leur futur, les soutient, achète leurs toiles. Le marché n'est pas prêt, mais le marchand a une longueur d'avance (on dit que dans sa longue vie Durand-Ruel acheta douze mille tableaux). Il s'endette, mais est soutenu par sa banque, l'Union Générale. Durand-Ruel ne peut abandonner ses amis peintres, comme Auguste Renoir (Victor Boucigault). Il y a aussi le directeur du journal véreux, “Le Constitutionnel” (Frederic Imberty) qui fait du chantage et tourne autour de la belle Jeanne-Marie. La banque va-t-elle se décourager ? l'épouse aimante s'en aller ? on vous laisse découvrir la suite...
C'est joliment écrit, bien joué avec quelquefois des allures de pièce de patronage. On révise son histoire de l'art à un tournant décisif, et on passe un bon moment.
Bruno Caudrillier (23/3/2025)

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Cinéma

Nouvelle Vague

« Nouvelle  Vague », dernier opus du cinéaste texan Richard Linklater (65 ans). Les occasions de sourire (et même de rire) étant rares par les temps qui courent, et si vous êtes intéressés par l’histoire du 7ème art, ne ratez pas ce joli film.

Linklater s’est saisi à bras le corps d’un projet ambitieux : raconter la genèse du premier film de Jean-Luc Godard : « a bout de souffle », et par là même convoquer tous les cinéastes qui se réclamaient de ce mouvement, essentiellement au sein des mythiques Cahiers du Cinéma. On  verra en particulier défiler non seulement Godard (Guillaume Marbeck) mais aussi Truffaut (Adrien Rouvard), Chabrol (Antoine Besson) et encore Bresson, Rohmer, Verneuil, Varda, Rouch etc… On est ému de voir un cow-boy connaître si bien et aimer si fort le cinéma hexagonal. C’est son premier long-métrage tourné en français. Nous sommes en 1960.

Chabrol et Truffaut viennent de se lancer avec succès. L’année précédente les 400 Coups ont fait un triomphe à Cannes. Les copains encouragent Godard à se lancer à son tour. Encore faut-il persuader le chef de file des producteurs, Georges de Beauregard (Bruno Dreyfurst) de prendre le risque. Il le prendra, donnant à l’imprévisible cinéaste helvétique l’occasion de mettre en application ses élucubrations sur la spontanéité.

Nous allons donc suivre  (en noir et blanc) le tournage de ce film mythique. Encore un film sur un film, n’en a-t-on pas assez des mises en abyme cinématographiques, me dira-t-on ? Oui, mais cette fois on a l’occasion de suivre les délires de Godard sur l’improvisation. On plaint rétrospectivement le malheureux Beauregard qui doit vivre au rythme des caprices du réalisateur, mais cela nous donne l’occasion de rire ! Et puis on ne se lasse pas d’apprendre toutes les ficelles du métier, avec la révolution de la caméra sur l’épaule (merci Jean Rouch) et des bricolages de génie (le chef opérateur enfermé dans une poussette de postier ou en travelling dans une 2CV ).

Linklater a soigné son casting en prenant des acteurs peu connus mais d’une ressemblance physique hallucinante. Pour qu’on ne se trompe pas, d’ailleurs, il étiquette les personnages à leur entrée sur l’écran. La rue de Paris en 1960 est méticuleusement reconstituée, avec de bien jolies bagnoles.

On va donc suivre la cavale de Belmondo (Aubry Dublin) et de la si belle Jean Seberg (Zoey Deutch). Le scénario se tient… parce qu’il est signé Truffaut, et tout le monde sortira heureux de cette épreuve. Le spectateur ne se sera pas ennuyé un instant et aura gardé le sourire au long de cette aventure de 106 minutes.

Bruno Caudrillier  (25/10/2025)



Une Bataille après l’autre - Voyage haletant dans les outrances américaines

Le réalisateur californien Paul Thomas Anderson, alias « PTA », 55 ans, nous avait fait comprendre qu’il ne donnait pas dans la demi-mesure : on se rappelle en particulier l’ultra-violent « There will be blood « (2007) ou l’étrange « Licorice Pizza «  (2021).

Cette fois-ci PTA nous invite à découvrir, à un rythme échevelé, toutes les extravagances de la société américaine contemporaine, par le biais d’une course-poursuite en deux épisodes.

Nous voici donc dans un premier temps il y a 17 ans. Celui qui décidera plus tard de se faire appeler Bob Ferguson (Leonardo DI Caprio), en tandem avec la volcanique beauté noire Perfidia Beverly Hills (Texana Taylor) ravagent la Californie à la tête de leur bande ultra-gauchiste, les « French 75 ».On assistera en particulier à l’assaut très spectaculaire donné à un camp de migrants. A cette occasion, nous allons faire connaissance avec l’officier qui les traque, Steven Lockjaw (fabuleux Sean Penn).

Bob et Perfidia sont très épris ; ils n’hésitent pas à improviser une partie de jambes en l’air entre deux poses de bombes. Et ce qui devait arriver arriva : l’intrépide révolutionnaire tombe enceinte (ce qui ne freine pas son activisme anti-capitaliste) et donne naissance à une ravissante petite fille nommée Willa.

Deuxième époque : nous voici 17 ans plus tard. Perfidia a disparu, Bob a élevé seul Willa. Il se terre dans un bled, a changé de nom et est très abimé par l’alcool et la drogue. Et voilà que la méchant Lockjaw, maintenant colonel, veut retrouver Bob et Willa. Il se met en chasse avec sa bande de soldats plus caricaturaux les uns que les autres. Y arrivera-t- il ? Quelle est sa motivation profonde ?

On va suivre une classique mais spectaculaire course-poursuite. Attachez vos ceintures, retenez votre souffle ! Ce film permet à  PTA de nous immerger dans les extravagances de l’Amérique que nous découvrons chaque jour en ouvrant le journal : ultra-violence, théories déjantées, racisme et lutte contre les migrants, sociétés types Ku Klux  Clan (" les Aventuriers de Noël ") etc.

Nous suivons les aventures de Bob et Willa à une cadence effrénée, avec en fond sonore la musique très réussie de John Greenwood. Cerise sur le gâteau ; l’humour très personnel. réalisateur. Malgré la violence ambiante, la salle (pleine) des 7 Parnassiens ne retenait pas ses rires.

Seul bémol : la longueur (162 minutes). Les courses en auto dans le désert auraient pu  être un peu rabotées. Ceci ne devrait pas vous empêcher d’aller voir ce film très réussi.

Alix Caudrillier (25/10/2025)



Les Musiciens

Ce petit film (budget : 3.3 M€) tient ses promesses : il est charmant, et parvient à surmonter les difficultés inhérentes au projet : faire comprendre aux spectateurs, même s’ils ne sont pas familiers de la chose, les difficultés de monter un évènement musical ; Il faudra retenir leur attention, avec un suspense de tous les instants, pendant 102 minutes.

Au départ, il y la volonté d’un riche industriel rémois de réussir une première mondiale : réunir dans un quatuor (2 violons, un alto, un violoncelle) quatre instruments tous signés du magicien de Crémone Stradivari (1644-1737).  Le mécène a pensé à tout : il a contacté les instrumentistes, le luthier, jeté son dévolu sur l’église possédant la meilleure acoustique pour cet enregistrement historique.  Il a aussi choisi la partition : un quatuor pondu par un contemporain, Charlie Beaumont (Frédéric Pierrot). Disons tout de suite que la musique signée Grégoire Hetzel est plus qu’agréable, ce qui facilite l’écoute. Las, le milliardaire champenois défunte prématurément ! Il a laissé des sous de côté, et deux descendants aux manettes : le grand frère pour le business (Nicolas Bridet) et pour la fondation chargée du projet musical la petite soeur Astrid (Valérie Donzelli ). Cette dernière ne va pas quitter l’écran, nous allons l’accompagner dans tous les instants de cette aventure stressante. Elle porte le film.

Grégory Magne a réussi une première gageure : réunir quatre acteurs-musiciens, souvent avec la double casquette, et avec une dominante musicale. Il y a donc George, le premier violon (Mathieu Spinosi), Peter le deuxième violon (Daniel Galitsky), non-voyant dans le film, pas dans la vie, Emma : alto (Apolline de Castro) et Lise : violoncelle (Marie Vielle).

Astrid va devoir jongler avec l’ego de ces musiciens ; il va finir par y avoir un clash. Seule solution pour débloquer la situation : faire entrer dans le projet le compositeur, mais c’est un ours bourru. Astrid va-t-elle réussir à gagner ce pari pas gagné d’avance ? On vous laisse le découvrir… si le film ne quitte pas complètement l’affiche.

PS : précisions sur le lieux de tournage : L’église à l’acoustique remarquable est celle de « Mont-Devant-Sassey » ; le dialogue avec le curé est savoureux.
Le château 1930 "Sept Saulx" a été construit par un industriel rémois, Edouard Miniot, aussi propriétaire du champagne Heidsieck, et est toujours propriété de la famille.

Alix Caudrillier (25/10/2025)



Musique

Kandinsky - La musique des couleurs

Cette exposition présente un parcours de tous les aspects des relations du peintre avec la musique.
Un dispositif sonore est proposé qui permet une illustration musicale au fur et à mesure de l’avancée du visiteur. On a noté qu’une seule pièce atonale d’Arnold Schoenberg est proposée lors du parcours : le grand public est devenu sensible à la peinture abstraite, bien moins à la musique atonale. Si la relation du peintre avec la musique a toujours été forte (lui qui était “atteint” de synesthésie), c’est bien son contact avec le compositeur de la Seconde école de Vienne, à la fois comme auditeur puis épistolaire*, qui l’aura le plus influencé dans le domaine.

Le parallèle est évident entre l’abandon de la tonalité de Schoenberg et celui de la figuration de Kandinsky (s’ils sont les principales figures de ces deux mouvements, ils ne furent pas les seuls). Tous deux cherchaient à exprimer des états intérieurs par des moyens formels indépendants de la tonalité ou de la représentation. Un parallèle de même type pourrait être fait entre deux autres génies du XXe siècle : Stravinsky et Picasso, bien sûr dans un tout autre “registre”.

C’est une exposition très intéressante, bien construite, très fournie et bien présentée malgré l’espace un peu contraint et sombre. On appréciera particulièrement les parties consacrées à sa pratique musicale (violoncelle), ses liens avec Der Blau Reiter ou le Bauhaus, ou ses compositions scéniques, comme le projet étonnant d’illustration scénique des Tableaux d’une Exposition de Moussorgski. Une exposition à ne pas manquer.

Philharmonie de Paris - Jusqu’au 1er février 2026

* On rappellera que c’est en 1923, après une correspondance très suivie, qu’une lettre malheureuse de Kandinsky à Schoenberg faisant état d’une supposée influence croissante des Juifs dans la vie culturelle allemande engendrera une réponse véhémente de Schoenberg et leur rupture.
 
Thierry Vagne (23/10/2025)

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