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À contre-courant - Chaïm Soutine
Chaïm Soutine compte parmi les grands peintres de la
modernité. Ses œuvres montrent des paysages vacillants,
des cadavres d’animaux et des portraits d’individus
issus des couches sociales les plus démunies : ses
modèles étaient tour à tour groom, femme de chambre,
cuisinier et enfant de chœur.
L’exposition a vu le jour en collaboration avec la
Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen de Düsseldorf et le
Louisiana Museum of Modern Art d’Humlebæk au Danemark.
C’est donc la dernière possibilité de voir cette superbe
exposition réunissant des œuvres dispersées dans le
monde entier.
À contre-courant
Chaïm Soutine grandit dans une famille juive orthodoxe
dans une petite ville située non loin de Minsk, dans
l’actuelle Biélorussie. En 1913, alors âgé de 20 ans, il
se rend à Paris pour en faire sa deuxième patrie. Il
vivra quelque temps dans une sorte de phalanstère, La
Ruche, à Montparnasse, en compagnie de Chagall,
Brancusi, Lipchitz, entre autres. L’artiste italien
Amedeo Modigliani comptait parmi ses quelques amis
proches.
Néanmoins, il demeurera tout au long de sa vie un
marginal qui, au début, maîtrisera mal la langue
française et dont les mœurs sociales lui resteront
étrangères. L’expérience de la fuite et de la migration
qui a profondément marqué l’existence de Soutine résonne
dans ses œuvres.
En plus de visites de musées, surtout pour les œuvres de
Goya et de Courbet, il fréquente, dès qu’il le peut, des
concerts avec une prédilection pour les œuvres de Bach.
Déclarations d’amour à l’existence
Les tableaux de Soutine sont à la fois de fougueuses
explosions de couleurs et la représentation d’une
extrême vulnérabilité. Ils sont autant de déclarations
d’amour à la vie qu’aux petites gens : expérience
partagée par Soutine à travers sa propre histoire. Ses
portraits empathiques et sans complaisance de gens
simples, ses paysages puissants et débordant de
couleurs, ainsi que ses natures mortes énigmatiques
représentant des carcasses d’animaux reflètent toute une
époque et une génération marquée par la guerre, les
inégalités sociales et l’inexorable conflit entre des
visions religieuses et politiques du monde radicalement
opposées.
Tandis que nombre de ses contemporains se sont
intéressés à l’abstraction, Soutine pratiquait une
peinture figurative, extrêmement vivante et expressive.
Celle-ci se caractérise par une ligne agitée et vibrante
qui confère à ses tableaux une force expressive sans
égale. L’artiste qu’aiment les artistes
L’artiste qu’aiment les artistes
L’exposition au Kunstmuseum Bern a tout d’une découverte
: bien que Chaïm Soutine soit considéré comme l’un des
artistes majeurs de l’art moderne et représenté dans de
nombreuses collections muséales d’importance, sa
notoriété est moindre que celle de son ami et compagnon
de route Amedeo Modigliani ou de Marc Chagall par
exemple. Son influence sur la peinture d’après 1945 se
manifeste notamment chez les représentant·e·s de
l’expressionnisme abstrait, au sein du groupe d’artistes
CoBrA ainsi que de la School of London qui choisirent
Soutine comme source d’inspiration.
L’exposition à Berne
Ses peintures puissamment colorées mettent en évidence
la dimension vitale et vulnérable de l’existence et
constituent de remarquables témoignages d’une vie
mouvementée en marge de la société. L’exposition
présente des œuvres de Soutine appartenant aux genres de
prédilection de l’artiste – le portrait, le paysage et
la nature morte – et met l’accent sur ses premières
décennies de création.
L’exposition au Kunstmuseum Bern réunit quelque 60
œuvres de toutes ses périodes de création. Parmi
celles-ci, six œuvres proviennent de la collection du
musée (toutes issues du legs Georges F. Keller). Elles
sont accompagnées de prêts internationaux consentis
entre autres par le Musée d’Orsay et de l’Orangerie
ainsi que le Centre Pompidou de Paris, la Tate de
Londres, le Museum of Modern Art de New York et la
National Gallery of Art de Washington.
À travers la grande rétrospective Chaïm Soutine, À
contre-courant, le Kunstmuseum Bern souhaite
présenter ce peintre singulier à un plus large public.
L’importance de la quantité des œuvres présentées
demande de réserver suffisamment de temps pour bien
analyser les différentes périodes de l’artiste et de ses
intérêts changeants concernant les sujets représentés.
Kunstmuseum Bern (Musée des Beaux-Arts, Berne) – du 16 août au 1er décembre 2024
Séverine et Raymond Benoit (20/9/2024)
Brasil ! Brasil ! À l’Aube du Modernisme
Pour la première fois en Suisse, une exposition donne un
vaste aperçu de l’art moderne du Brésil, mais aussi de
l’histoire, de la littérature, de la musique, du design et
de l’architecture de ce pays. Brasil ! Brasil ! Le Brésil
est de loin le plus grand pays d’Amérique du Sud et possède
une immense diversité de paysages. La richesse culturelle du
Brésil est tout aussi impressionnante.
Son art et sa culture résultent d’un mélange d’influences
indigènes, de cultures apportées par les colons portugais et
de celles des personnes d’Afrique de l’Ouest déportées comme
esclaves jusqu’à la fin du 19e siècle. Aujourd’hui, des
immigrants du monde entier constituent un apport culturel
additionnel.
En quête d’identité
En 1889, après 67 ans de règne impérial, la première
République est proclamée avec Rio de Janeiro comme capitale.
Sur le plan économique, le pays profite de sa situation de
quasi-monopole au sein du commerce mondial de café, dont le
centre est situé dans la ville portuaire de Santos, dans
l’État de São Paulo. Cette atmosphère de renouveau se
reflète autant dans l’art, la littérature et la musique, que
dans le design et l’architecture.
Cette énergie et cette diversité marquent l’architecture
moderne, qui trouve sa propre expression iconique avec des
architectes comme Oscar Niemeyer et Lina Bo Bardi, mais
aussi le développement du carnaval de Rio de Janeiro. La
quête d’une identité nationale constitue toutefois un
véritable défi en raison de l’hétérogénéité de la population
et du nombre important de cultures régionales.
À l’aube du modernisme
En 1922, à l’occasion du centenaire de l’indépendance du
Brésil, le magnat du café Paulo Prado - un des oligarques
les plus influents, finance la Semana de Arte Moderna : il
s’agit d’une semaine d’événements culturels pour faire de
São Paulo, déjà centre économique, la capitale du
développement artistique moderne aux côtés de Rio de
Janeiro. Des artistes aspirent, comme l’avant-garde
européenne, à triompher du canon artistique
classique-académique dominant et institutionnalisé du 19e
siècle. En outre, ils souhaitent se libérer de l’orientation
artistique des colons portugais et élaborer leur propre
langage visuel.
Ainsi, il n’est pas étonnant qu’ils cherchent à échanger
avec leurs contemporains européens. Des artistes brésiliens
issus de familles aisées ou bénéficiant de bourses de voyage
effectuent des séjours en Europe, à l’instar d’Anita
Malfatti à Berlin ou de Tarsila do Amaral, Candido
Portinari, Vicente do Rego Monteiro et Geraldo de Barros à
Paris. Leur profond intérêt pour l’art des avant-gardes
européennes, en particulier l’expressionnisme, le futurisme
et le cubisme influencent leurs œuvres.
De retour au Brésil, tous ambitionnent cependant de créer un
art moderne brésilien. Ils se confrontent aux traditions et
aux sujets qu’ils définissent comme « les leurs » : les
coutumes indigènes, les cultures afro-brésiliennes
introduites par les esclaves, la pluralité ethnique. Avec la
révolution de 1930 puis l’instauration du régime dictatorial
« Estado Novo » par Getúlio Vargas, l’art s’oriente vers
d’autres thématiques - l’exploitation des ouvriers
agricoles, l’injustice sociale - et adopte un style plus
réaliste.
Après la destitution de Vargas, une deuxième génération
d’artistes modernes s’intéresse, à partir des années 1950,
aux thèmes sociaux-culturels propres au contexte brésilien :
l’ethnicité, la religion et le monde du travail. Le putsch
militaire de 1964 marque le début d’une nouvelle ère où les
artistes traitent de la répression politique et sociale. Le
Brésil à Berne Après une entrée remarquée en Europe
d’œuvres de la modernité brésilienne à la Biennale de Venise
cette année, l’Exposition Brasil ! Brasil ! À l’aube du
modernisme propose un vaste aperçu de l’art moderne du
Brésil. Elle présente les œuvres de dix artistes brésiliens
de la première moitié du 20e siècle, jusqu’ici rarement
montrées au sein d’expositions et de collections en Europe.
Par ailleurs, l’exposition propose une large vue d’ensemble
de réalisations brésiliennes majeures dans les champs de la
littérature, de la musique, du design et de l’architecture à
travers des photographies, des films et des bornes sonores.
Les artistes représentés dans l’exposition sont répartis en
deux catégories. Anita Malfatti, Vicente do Rego Monteiro,
Tarsila do Amaral, Lasar Segall et Candido Portinari
appartiennent depuis longtemps au canon du modernisme
brésilien.
À leurs côtés, cinq artistes furent longtemps absents du
canon brésilien : Flávio de Carvalho, Alfredo Volpi, Djanira
da Motta e Silva, Rubem Valentim et Geraldo de Barros. Des
coutumes populaires, à l’instar de fêtes villageoises ou de
rituels, servent de motifs à Alfredo Volpi et Djanira da
Motta e Silva, tandis que Rubem Valentim intègre dans ses
compositions des symboles comme la flèche, le triangle, le
cercle et la hache ancrés dans des rituels religieux
afro-brésiliens du Candomblé. Motta e Silva ainsi que
Valentim appartenaient tous deux à ces cultures. N’ayant pas
reçu de formation artistique classique, leur art fut
longtemps considéré comme « primitif » ou populaire. De
Barros et de Carvalho se situant entre art visuel,
architecture et design, ils furent longtemps difficiles à
intégrer au canon artistique. En outre, de Carvalho
déclencha de vives réactions à travers ses actions
performatives et ses portraits de femmes peints dans un
style expressionniste. Quelque 130 œuvres témoignent de la
diversité de l’art moderne brésilien au Zentrum Paul Klee.
L’exposition s’attache à faire découvrir au public un art
jusqu’ici peu connu et avec lui tout un pays.
Artistes exposés: Tarsila do Amaral
(1886-1973) Anita Malfatti (1889-1964) Lasar Segall
(1889-1957) Alfredo Volpi (1896-1988) Vicente do Rego
Monteiro (1899-1970) Flávio de Carvalho (1899-1973) Candido
Portinari (1903-1962) Djanira da Motta e Silva (1914-1979)
Rubem Valentim (1922-1991) Geraldo de Barros (1923-1998).
L’exposition sera ensuite présentée à la Royal Academy of
Arts de Londres. Du 7 septembre 2024 au 5 janvier 2025
Zentrum Paul Klee, Berne
Séverine et Raymond Benoit (12/9/2024)
Chefs-d’œuvre du Musée Langmatt : Boudin, Renoir, Cézanne, Gauguin…
En 2024, la Fondation de l’Hermitage fête ses 40 ans et présente une exposition exceptionnelle en partenariat avec le Museum Langmatt de Baden. Constituée des trésors – majoritairement impressionnistes – rassemblés pour l’essentiel entre 1908 et 1919 par le couple de collectionneurs Jenny et Sidney Brown, cette somptueuse collection, habituellement montrée à la Villa Langmatt, fera escale à l’Hermitage pour sa première présentation hors-les-murs.
Quarante ans après son exposition inaugurale L’impressionnisme dans les collections romandes, la Fondation a ainsi le privilège de dévoiler l’une des plus prestigieuses collections impressionnistes de Suisse alémanique. Cette présentation-événement permet aussi de célébrer les 150 ans de l’impressionnisme, qui s’est cristallisé en 1874 autour de la première exposition collective d’un groupe de jeunes artistes indépendants, comme Monet ou Renoir, adeptes d’une « nouvelle peinture ».
L’origine
A Baden, canton d’Argovie, Jenny Sulzer et Sidney Brown, tous deux issus de familles de grands entrepreneurs basés à Winterthour, se marient en 1896. C’est pendant leur voyage de noces à Paris qu’ils achètent leur première œuvre, un paysage d’Eugène Boudin représentant des lavandières près de Trouville. Ce tableau scelle d’emblée un attrait pour la peinture française, et en particulier pour la couleur et les effets de lumière.
Une collection prestigieuse
Au tournant du 20e siècle, les Brown effectuent maints voyages pour découvrir la création de leur temps et soutenir des artistes. Dominée par les paysages et les natures mortes, la collection réunit des œuvres de Pierre Bonnard, Eugène Boudin, Mary Cassatt, Camille Corot, Paul Cézanne, Edgar Degas, Henri FantinLatour, Paul Gauguin, Henri Matisse, Claude Monet, Camille Pissarro, Odilon Redon, Pierre-Auguste Renoir, ou encore Alfred Sisley, constituant ainsi l’une des premières et plus significatives collections impressionnistes de Suisse.
Première étape hors les murs
Ces chefs-d’œuvre sont désormais conservés à la Villa Langmatt, que le couple a fait construire dans le style Art nouveau par l’architecte Karl Moser entre 1899 et 1901. La demeure, inspirée de l’architecture rurale anglaise, est actuellement fermée pour d’importants travaux de rénovation. L’exposition de la collection Langmatt à la Fondation de l’Hermitage réunira plus de 60 œuvres parmi les plus remarquables de cet ensemble : une occasion unique d’admirer ces trésors hors de leur écrin habituel.
L’exposition
A la villa de L’Hermitage, la collection se découvre dans une disposition qui se rapproche de son lieu d’origine, la Langmatt. La disposition des pièces permet de rassembler les peintures par thèmes - Premières acquisitions : paysages pré-impressionnistes Boudin, Corot, Degas - De la Sécession munichoise au paysage impressionniste Pissarro, Sisley, Monet - Natures mortes Fantin-Latour, Renoir, Vignon, Pissarro - Au cœur de la collection Renoir - Puissance de la couleur et des ombres Cassatt, Degas, Fantin-Latour, Redon.
La collection de tableaux de Renoir est particulièrement impressionnante, peut-être la plus intéressante comme collection particulière. Elle complète ainsi les Renoir que l’on peut découvrir à la Fondation Gianadda (v. Critique la concernant).
L’exposition fera ensuite étape au Wallraf-Richartz-Museum & Fondation Corboud, à Cologne, puis à la Österreichische Galerie Belvedere, à Vienne.
Fondation L’Hermitage, Lausanne – 28 juin au 3 novembre 2004
Cézanne-Renoir : Regards croisés
Cézanne, Renoir: regards croisés : Les voilà réunis à la
Fondation Gianadda de Martigny, après deux positions
individuelles (2014, 2017) dans le même espace du Musée
gallo-romain. La confrontation est le défi que les musées de
l’Orangerie et d’Orsay à Paris désirent démontrer cet été
avec quelque 60 tableaux.
La majorité des œuvres provient de la collection de Paul
Guillaume, qui vient d’ouvrir à Paris, en 1914, sa première
galerie, rue de Miromesnil. Il fut parmi les premiers à
reconnaître le caractère artistique des objets africains,
aux côtés de Vlaminck, Derain, Matisse, Picasso et
Apollinaire. Ce dernier lui recommande d’acquérir « des
tableaux bon marché...de Cézanne» ! La désorganisation de
l’an 1914 ayant conduit plusieurs grands marchands à quitter
Paris, Paul Guillaume se fait une place sur un marché de
l’art. Il fait paraître des encarts publicitaires en 1916 :
«Au 1er septembre je suis acheteur de Renoir, Cézanne, Van
Gogh, Lautrec, Monet, Picasso etc.». Dès lors, Guillaume
mène de front une activité de marchand et la constitution de
sa propre collection qui comprend un choix important des
peintres de son époque, dont bien sûr Cézanne.
D’autre part, le goût de Paul Guillaume pour Renoir se
révèle précoce. On en trouve les traces dès la fin des
années 1910. De Guillaume Apollinaire, qui fut son ami et
son guide dans le monde des arts, Paul se souvient de la
leçon de l’écrivain qui déclarait que Renoir était «le plus
grand peintre de ce temps et l’un des plus grands peintres
de tous les temps». Paul Guillaume accueille dans sa galerie
de Londres, une grande exposition d’œuvres de Renoir en 1928
issues des collections des fils de l’artiste. Renoir est
exposé avec d’autres artistes tels Derain, Picasso, Cézanne,
Matisse, etc. Paul Guillaume place ainsi les productions de
Renoir dans des jeux de correspondances singulières et des
affinités électives situant délibérément le peintre dans une
histoire de la modernité.
En 1934, Paul Guillaume meurt prématurément sans avoir mené
à bien un projet « d’hôtel-musée ». Sa veuve, Juliette
Lacaze dite Domenica, suivant les volontés testamentaires de
son mari, ferme la galerie et hérite de l’incroyable
collection. Le défunt a demandé qu’elle soit léguée au musée
du Louvre. Lorsqu’en 1959 et 1963 les Musées nationaux
achètent à Juliette Lacaze (devenue Domenica Walter après un
second mariage) la collection Paul Guillaume, celle-ci a été
sensiblement remaniée. Les œuvres les plus audacieuses de
Picasso et Matisse –celles de l’expérience cubiste –ont été
vendues, tandis que l’ensemble est enrichi de tableaux
impressionnistes.
Le musée de l’Orangerie compte cinq tableaux de Cézanne
achetés par Paul Guillaume et dix autres par sa veuve, si
bien que l’Orangerie réunit aujourd’hui certaines des œuvres
les plus importantes du maître d’Aix. Avec 24 œuvres au
total, Renoir est actuellement le deuxième artiste le plus
représenté de la collection Walter-Guillaume du musée de
l’Orangerie. Renoir y apparaît confronté aux grands maîtres
de l’avant-garde du début du XXe siècle. La collection
Walter-Guillaume fait ainsi dialoguer les peintures de
Renoir aussi bien avec les grandes baigneuses de Picasso
qu’avec les odalisques de Matisse, faisant de l’œuvre du
maître le substrat d’une certaine modernité.
À la croisée du XIXe et du XXe siècle, Renoir et Cézanne ont
creusé deux sillons de la modernité picturale : le premier
en frayant le chemin de traverse de l’impressionnisme, où la
ligne cède le pas à la touche, à la couleur et à la
lumière ; le second en pavant une voie nouvelle aux tracés
rythmiques et synthétiques. Bien que distinctes, leurs
trajectoires n’ont cessé de se rencontrer, par l’amitié, par
l’admiration réciproque, par une communauté de sujets et de
questionnements aussi, de la nature morte aux paysages, du
portrait au nu, et jusque dans leur quête d’une essence des
choses et des êtres.
La première partie de l’exposition présente une introduction
établie sur des comparaisons de deux tableaux de Cézanne et
de Renoir. Elle relève les thèmes les plus typiques en
mettant en exergue les confrontations dans leur manière de
peindre les natures mortes, les paysages, les portraits et
les baigneuses.
Dans la deuxième partie, une approche chronologique des deux
artistes met en évidence leur évolution stylistique
singulière. Le poirier d’Angleterre, 1873, où Renoir
présente un paysage pleinement impressionniste dominé par
les différentes tonalités de vert marque l’attrait du
peintre pour une végétation foisonnante. Elle est à la fois
le décor et le sujet de la toile, dominant les trois figures
humaines qui mettent en valeur le côté monumental du
poirier.
La dernière partie montre le passage à la postérité de
Cézanne et Renoir. « Il faut traiter la nature par le
cylindre, la sphère et le cône » écrit Cézanne. Son
application dans la géométrisation des formes et la
construction de l’espace annonce le cubisme comme dans Dans
le Parc de Château Noir, 1900. Cézanne traite des arbres,
dans une composition serrée, centrée sur l’arbre, sujet
favori de l’artiste à la fin de sa vie. Alors que Renoir
contribue à façonner le cours de l’art moderne avec son
exploration de la lumière, sa maîtrise du portrait et sa
célébration des nus comme dans Femme nue couchée, 1906.
Pour illustrer l’envergure de Renoir et Cézanne sur la
nouvelle génération de ces peintres modernes, des œuvres de
Picasso complètent avec panache cette rencontre magnifique
de deux géants de l’histoire de l’art dans un espace
agréable qui permet la comparaison et la confrontation
immédiates.
Séverine et Raymond Benoit
Fondation Gianadda, Martigny (Suisse)
12 juillet –19 novembre 2024
When We See Us - Un siècle de peinture figurative panafricaine
Quand on pénètre dans le musée Gegenwart, annexe du Kunstmuseum Basel (Musée d’art de Bâle), on entre dans un monde en plein contraste avec les tours ultramodernes de la maison Rochje au-delà du Rhin traversé par le petit ferry « Wilde Ma » (L’homme sauvage) juste à côté.
Avec l’exposition When We See Us, le Kunstmuseum Basel présente un kaléidoscope qui raconte un siècle de peinture figurative noire. Il s'agit d’une reprise de l’exposition organisée au Zeitz Museum of Contemporary Art of Africa au Cap. Installée dans les espaces du Gegenwart, elle réunit plus de 150 peintures d’environ 120 artistes, jamais exposées en Suisse pour la plupart, et apporte un éclairage sur la puissance et la dimension politique de la « Black Joy ».
Le titre de l’exposition s’inspire de la mini-série de Netflix When They See Us (Dans leur regard, 2019). La réalisatrice afro-américaine Ava DuVernay y aborde la manière dont des Blancs perçoivent indifféremment de jeunes Noirs innocents comme de potentiels criminels constituant une menace. En remplaçant « They » par « We », l’exposition opère un changement de perspective et offre ainsi un espace aux artistes pour montrer la manière dont ils voient leur condition. Elle accorde une place centrale à leur perception propre et révèle comment la vie des Noirs ne cessa d’être représentée par d’autres de manière biaisée et fausse.
When We See Us est le résultat de recherches approfondies menées par Koyo Kouoh, directrice et cheffe curatrice du Zeitz MOCAA au Cap, et son équipe. De novembre 2022 à septembre 2023, ce musée dédié à l’art contemporain africain, le plus grand au monde, a présenté cette vaste exposition. Celle-ci est représentative d’une nouvelle perception de soi et de l’autodétermination d’artistes noir(e)s qui, après des siècles de domination par le canon artistique blanc, écrivent leur propre histoire de l’art.
Au Kunstmuseum Basel, elle succède à une série d’expositions monographiques consacrées à des artistes afro-américain(e)s : Theaster Gates, Sam Gilliam, Kara Walker et dernièrement Carrie Mae Weems. Ces expositions et bien d’autres explorent la « Blackness » dans le monde, notamment au regard des traumatismes
et des aspects du colonialisme. D’après les commissaires Koyo Kouoh et Tandazani Dhlakama,
When We See Us se concentre quant à elle sur le quotidien ainsi que sur la « puissance de la joie », éliminant ainsi les stéréotypes liés au racisme, à la violence ou aux crises.
L’exposition s’attache à proposer aux individus un nouvel angle de vue tour à tour solennel, puissant et digne : « Il faut que nous parlions beaucoup plus de nous-mêmes, d’une manière qui stimule notre esprit » disent-elles. Six sections du quotidien Plus de cent cinquante œuvres d’art sont réparties en six chapitres d’exposition, répartis dans les étages du bâtiment : Triomphe et émancipation, Sensualité, Spiritualité, Le quotidien, Joie et allégresse et Repos.
Les salles ne sont pas aménagées de manière chronologique, ni selon le pays d’origine ou le lieu de travail des artistes. Cette disposition permet de rester éveillé pour faire le lien entre les diEérentes époques, genres et pays d’origine. La déclinaison en des thèmes universels indique également pour la première fois que les artistes ont travaillé aux mêmes thématiques à différents endroits en Afrique et au sein de la diaspora africaine.
Ainsi, des parallèles iconographiques s’esquissent entre les œuvres de Romare Bearden (1911–1988), artiste afro-américain, et de George Pemba (Afrique du Sud, 1912–2001), ou entre le Congolais Chéri Samba (*1956) et l’AfroAméricain Barkley L. Hendricks (1945–2017).
When We See Us occupe l’ensemble des espaces du Kunstmuseum Basel | Gegenwart. Comme au Zeitz MOCAA, Ilze WolE, associée de l’agence WolE Architects au Cap, a été chargée de la scénographie, tandis que le musicien Neo Muyanga a conçu les stations sonores.
Une frise chronologique précise le contexte de création des œuvres exposées et un audioguide adapté pour le Kunstmuseum Basel fournit des informations sur les œuvres.
Le programme qui accompagne l’exposition met en avant diEérentes voix noires à travers la musique, la littérature, des ateliers, des visites guidées, des groupes de discussion et des événements universitaires. Au rez-de-chaussée, une salle spécialement conçue pour accueillir ce programme sert de lounge public ainsi que de lieu
de rassemblement et d’événements pour les ateliers, séminaires, concerts et autres.
25/5 – 27/10/2024 -
Kunstmuseum Basel | Gegenwart
Séverine et Raymond Benoit - 19/6/2024
Killers of the flower moon : un monument à ne rater sous aucun prétexte
Si au cours de vos humanités vous avez lu Tintin en Amérique
(1932), Lucky Luke dans « ruée sur l’Oklahoma » (1960) ou «
à l’ombre des derricks » (1962), vous ne pouvez ignorer que
les méchants cow-boys, dès qu’ils humaient un parfum de
pétrole, chassaient les gentils Indiens pour y installer
leurs derricks.
La tribu des Osages, dans les années 20,
s’en était plutôt mieux tirée, puisque, le pétrole ayant été
trouvé sur leur réserve, ils bénéficiaient d’une partie du
revenu de l’exploitation. Et comme ils étaient relativement
peu nombreux, cela rendait chacun (et chacune) de ces
Peaux-Rouges d’un seul coup très riches. Cela n’échappa à
des coureurs de dot, qui épousèrent ces squaws en or massif.
Mais cela fit aussi le malheur de la tribu, car (fait
historique) une vague de morts suspectes vint affecter la
communauté. Scorsese s’appuie sur ce fait réel pour bâtir un
beau et long (3h30) opus. Il a visiblement passé beaucoup de
temps à lire des ouvrages ethnologiques, car il sait nous
restituer magnifiquement la fin de ce monde amérindien
obligé de sauter dans la modernité.
Nous allons donc
rencontrer William Hale (=Robert de Niro) un notable local
qui se veut bienfaiteur des Indiens, mais qui en sous-main
nourrit de noirs desseins. Il embauche son neveu, Ernest
Buckart (= Leonardo di Caprio), un peu simplet mais au
diapason de la violence de ce monde sans foi ni loi. Là où
ça se corse, c’est que le bel Ernest marie une belle
Indienne, Molly, qui pour le coup est riche mais aussi
pleine de charme. C’est Lily Gladestone, qui perce l’écran.
Et Ernest tombe amoureux, on le comprend, de la belle Molly.
Ça va faire dérailler le plan du vieil oncle, on ne vous
dira pas la suite.
Scorsese (80 ans) n’a pas perdu la main.
Celui qui nous a fait plonger dans les bas-fonds de
New-York, écouter les stars de la pop, s’émerveiller devant
le monde de Méliès, signe là un chef d’œuvre. Il a coproduit
le film, et y a mis tellement de talent que l’on pourrait
penser, vu son âge, qu’il a voulu nous laisser un testament.
Vous avez compris, précipitez-vous !
PS : le capitaine, dans une vie antérieure, a beaucoup fréquenté les sympathiques cow-boys de Phillips Petroleum, allant les voir à Bartlesville (Oklahoma). Il peut vous certifier que 50 ans après les faits relatés par le film , il y avait encore d’authentiques Indiens Osages parmi les dirigeants de la Compagnie.
Alix Caudrillier (31/10/2023)
Pascal Amoyel - "Le pianiste aux 50 doigts"
Pour
l’anniversaire des 30 ans de la disparition du grand
pianiste hongrois György Cziffra, le pianiste (et acteur)
Pascal Amoyel reprend son spectacle musical “Le pianiste aux
50 doigts” au Théâtre Montparnasse.
Retraçant quelques épisodes marquants de la vie du pianiste
et ses relations avec son élève Pascal, ce spectacle
enchante et émeut tant par le jeu d’acteur, la mise en scène
que par la maîtrise technique et musicale exceptionnelle du
pianiste.
Jusqu’au 31 décembre 2023 - à ne pas manquer.
Jeudi & vendredi - 20h
Samedi - 17h & 20H - Dimanche 17h
Thierry Vagne - 29/11/2023
Photo : DR
En première mondiale, l’hologramme d’un virtuose enregistré de son vivant
Philippe
Entremont, 85 ans, est un virtuose français qui a donné
7 000 concerts et réalisé
350
enregistrements. Sa carrière internationale lui a permis
de jouer et d’enregistrer avec des chefs aussi illustres que
Leonard Bernstein ou Eugene Ormandy, puis de se produire de
par le monde aussi bien en tant que pianiste que chef
d’orchestre. Il vient de réaliser un enregistrement de son hologramme qui
permettra de le voir donner un récital comme s’il était
physiquement présent. Des spectacles d’hologramme d’artistes
disparus existent déjà, avec des artistes de variétés ou
Maria Callas par exemple. Mais jamais l’expérience n’a été
réalisée en enregistrant directement un artiste de son
vivant via ce procédé.
Au programme : la Fantaisie
chromatique et fugue de Bach, la sonate K. 311 de Mozart, la
sonate Clair de lune de Beethoven et Pour le piano de
Debussy. Ce programme devrait être diffusé dans des salles
prestigieuses début 2020. On pourra probablement dans
l’avenir visualiser cet hologramme chez soi, avec des
lunettes de réalité augmentée.
Lire l’article
Thierry Vagne - 06/12/2019
Killers of the flower moon : un monument à ne rater sous aucun prétexte
Si au cours de vos humanités vous avez lu Tintin en Amérique
(1932), Lucky Luke dans « ruée sur l’Oklahoma » (1960) ou «
à l’ombre des derricks »(1962), vous ne pouvez ignorer que
les méchants cow-boys, dès qu’ils humaient un parfum de
pétrole, chassaient les gentils Indiens pour y installer
leurs derricks.
La tribu des Osages, dans les années 20,
s’en était plutôt mieux tirée, puisque, le pétrole ayant
été trouvé sur leur réserve, ils bénéficiaient d’une partie
du revenu de l’exploitation. Et comme ils étaient
relativement peu nombreux, cela rendait chacun (et chacune)
de ces Peaux-Rouges d’un seul coup très riches. Cela
n’échappa à des coureurs de dot, qui épousèrent ces squaws
en or massif.
Mais cela fit aussi le malheur de la tribu,
car (fait historique) une vague de morts suspectes vint
affecter la communauté. Scorsese s’appuie sur ce fait réel
pour bâtir un beau et long (3h30) opus. Il a visiblement
passé beaucoup de temps à lire des ouvrages ethnologiques,
car il sait nous restituer magnifiquement la fin de ce monde
amérindien obligé de sauter dans la modernité.
Nous allons
donc rencontrer William Hale (=Robert de Niro) un notable
local qui se veut bienfaiteur des Indiens , mais qui en
sous-main nourrit de noirs desseins. Il embauche son neveu,
Ernest Buckart (= Leonardo di Caprio), un peu simplet mais
au diapason de la violence de ce monde sans foi ni loi. Là
où ça se corse, c’est que le bel Ernest marie une belle
Indienne, Molly, qui pour le coup est riche mais aussi
pleine de charme. C’est Lily Gladestone, qui perce l’écran.
Et Ernest tombe amoureux, on le comprend, de la belle Molly. Ça va faire dérailler le plan du viel oncle, on ne vous
dira pas la suite.
Scorsese (80 ans) n’a pas perdu la main. Celui qui nous a fait plonger dans les bas-fonds de
New-York, écouter les stars de la pop, s’émerveiller devant
le monde de Méliès, signe là un chef d’œuvre. Il a
coproduit le film, et y a mis tellement de talent que l’on
pourrait penser, vu son âge, qu’il a voulu nous laisser un
testament.
Vous avez compris, précipitez-vous !
PS : le capitaine, dans une vie antérieure, a beaucoup fréquenté les sympathiques cow-boys de Phillips Petroleum, allant les voir à Bartlesville (Oklahoma) . Il peut vous certifier que 50 ans après les faits relatés par le film , il y avait encore d’authentiques Indiens Osages parmi les dirigeants de la Compagnie.
Alix Caudrillier (31/10/2023)